York Factory, aussi connu sous les noms de York Fort, Fort Bourbon (pour les Français) et Kischewaskaheegan par certains peuples autochtones, était un poste de traite situé sur la rivière Hayes, près de son embouchure sur la baie d’Hudson, dans l’actuelle province du Manitoba. Durant son existence, il a servi de poste et d’important centre administratif dans le réseau de traite de fourrure de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il a aussi été le siège de la plus importante bataille navale de l’histoire de l’Arctique canadien, la bataille de la baie d’Hudson, en 1697.
Premiers explorateurs et début de la traite des fourrures
En 1612, l’officier de marine britannique Thomas Button est choisi pour commander une expédition destinée à déterminer le sort d’Henry Hudson, dont la mission était de trouver le passage du Nord-Ouest. La rivière Nelson, tout près de là, est baptisée en l’honneur d’un de ses officiers, mort pendant que le bateau était ancré à son embouchure.
En 1682, l’explorateur Pierre-Esprit Radisson dirige une expédition française dans le secteur. La Compagnie du Nord, formée depuis peu, veut fonder un établissement permanent de traite des fourrures dans le Nord. Après avoir établi un fort sur la rive sud de la rivière Hayes, Pierre Radisson passe l’hiver à mener une guerre d’escarmouche avec les expéditions américaines et britanniques pour le contrôle des fourrures, une campagne qu’il finit par gagner. Toutefois, quand il revient à Québec, ses fourrures sont saisies et on lui impose une taxe de 25 %, équivalente à sa part des profits.
Mécontent du traitement que lui ont réservé les autorités de Nouvelle-France, Pierre Radisson est tenté de se joindre à la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), avec laquelle il a auparavant fait alliance. Ayant reçu des actions, des cadeaux et le titre de directeur en chef de la traite à Port Nelson, il retourne dans l’estuaire de la rivière Hayes à l’emploi de la CBH.
Fondation de York Factory
Le premier poste de York Factory est construit en 1684 sur l’étroite péninsule qui sépare les rivières Hayes et Nelson. C’est un lieu clé, car ces deux rivières coulent du cœur du territoire de traite des fourrures jusqu’aux rives de la baie d’Hudson.
York Factory reçoit son nom en l’honneur du gouverneur de la CBH, le duc de York. Le mot Factory indique qu’il s’agit de l’endroit où réside le « factor », c’est-à-dire le négociant en chef de la région.
L’embouchure des deux rivières étant entourée de hauts-fonds vaseux, les vaisseaux ne peuvent s’approcher du fort et doivent s’ancrer à 11 km de là, à Five Fathom Hole. Le transport des marchandises jusqu’aux bateaux océaniques s’effectue à l’aide de chaloupes.
Bataille de la baie d’Hudson
La première guerre intercoloniale – le théâtre nord-américain de la guerre de neuf ans entre l’Angleterre et la France – est déclarée le 17 mai 1689, mais les hostilités commencent trois ans plus tôt dans la baie d’Hudson. Tout au long du conflit, les forces françaises tentent de capturer des forts ennemis dans la baie d’Hudson et aux alentours. L’un de ces forts est York Factory. Les Français capturent York Factory en 1694, mais les Anglais le reprennent un an plus tard. Puis, en 1697, une bataille navale a lieu dans la baie d’Hudson entre les forces anglaises et françaises. Le capitaine Pierre Le Moyne d’Iberville réussit à s’emparer de York Factory pour les Français. Le fort est toutefois rétrocédé aux Britanniques après le traité d’Utrecht de 1713. (Voir aussi Bataille de la baie d’Hudson.)
Inondations et déménagement
L’emplacement physique de York Factory est modifié à plusieurs reprises au cours de son histoire. En 1715, une crue éclair de la rivière Hayes recouvre le poste de plus d’un mètre d’eau. Le gouverneur du poste, James Knight, juge les édifices irréparables et déplace le site quelque 2,5 km en aval, sur des terrains plus élevés. Un raid français, en 1782, puis une autre inondation, en 1788, détruisent la plus grande partie du fort. On trouve ensuite un promontoire plus élevé et sec sur lequel construire un site plus permanent.
Au milieu des années 1800, York Factory est reconstruit pour former un village contenant entre 30 et 50 édifices, en forme de H. Le plus gros édifice est l’entrepôt principal, au centre. Parmi les autres constructions, on retrouve des maisons pour les invités, la maison du médecin, une église anglicane, un hôpital, une bibliothèque, une tonnellerie, une forge, un fournil et des résidences.
Malgré tout, le poste ne plaît pas à toutes les personnes concernées. Robert Ballantyne, clerc de la CBH, décrit en 1846 York Factory comme « une tache monstrueuse au milieu d’un marécage, avec une vue partielle de la mer gelée. » Le négociant en chef James Hargrave évoque « neuf mois d’hiver, et trois de pluie et de moustiques. »
Siège social du Nord
York Factory gagne en importance après 1774, quand la CBH commence à construire des postes de traite à l’intérieur des terres pour contrer la concurrence de la Compagnie du Nord-Ouest, basée à Montréal. Bien que la plus grande partie du commerce s’exerce maintenant dans les terres, York Factory prospère en tant que centre administratif, plaque tournante de transport et plus important port de mer de la CBH. Les approvisionnements d’une douzaine de postes y sont débarqués et les fourrures en partent. En 1810, la CBH fait de York Factory le siège social de son nouveau département du nord.
La rivière Hayes est assez profonde pour permettre la circulation des grands canots venus de l’intérieur, ce qui en fait la meilleure voie de pénétration de ce qu’on appelle alors la Terre de Rupert. Peu à peu, les canots sont remplacés par de plus grandes embarcations, appelées barges d’York en l’honneur de leur point de destination sur la côte. Les barges d’York peuvent contenir jusqu’à six tonnes de marchandise.
Déclin
Finalement, York Factory succombe à la fois au chemin de fer et à sa propre croissance. En 1871, le chemin de fer atteint la colonie de la rivière Rouge, dans ce qui deviendra le Manitoba. La CBH déménage bientôt son siège social du Nord à Winnipeg, réduisant York Factory au statut de simple poste côtier. Le dernier bateau quitte York Factory en 1931.
L’environnement local ne permet pas de faire vivre le poste et sa population d’Européens, de Métis et d’Autochtones. Le déboisement et la chasse excessive du gibier local accroissent le coût d’exploitation du poste, au moment où les profits locaux de la traite de fourrures deviennent marginaux. Le poste continue à décliner jusqu’à sa fermeture complète en 1957. Le titre de propriété est transféré en 1968 au gouvernement fédéral, qui en fait un lieu historique national.
Aujourd’hui
Tout ce qui reste aujourd’hui sur le site est une petite clairière, le grand entrepôt et une petite dépendance. L’entrepôt a survécu sur le pergélisol grâce à plusieurs innovations d’ingénierie. Les grandes colonnes et les poutres ont été assemblées de manière à permettre à la structure de se soulever et de se remettre en place, et une série de fossés de drainage a été creusée sous l’édifice pour permettre aux eaux de surface de s’écouler.
Les vestiges de constructions plus anciennes et de campements de visiteurs autochtones ont été retrouvés par les archéologues. Cependant, le climat extrême et les débordements fréquents de la rivière détruisent sans relâche le site.