Victor Christian William Cavendish, 9educ de Devonshire, gouverneur général du Canada (de 1916 à 1921) et politicien (né le 31mai1868 à Londres, au Royaume-Uni; décédé le 6mai1938 au Derbyshire, au Royaume-Uni). Le duc de Devonshire porte un grand intérêt envers le développement de l’agriculture canadienne et est à l’origine du Trophée du duc de Devonshire pour la Ottawa Horticultural Society.
Victor Christian William Cavendish, 9educ de Devonshire, gouverneur général du Canada (1916-1921)
Jeunesse et éducation
Victor Cavendish est le fils aîné d’Emma Elizabeth Lascelles et de lord Edward Cavendish, député syndicaliste libéral pour West Derbyshire. Bien qu’Edward Cavendish soit le benjamin de William Cavendish, 7educ de Devonshire, son frère aîné, Spencer Cavendish, 8educ de Devonshire, ne se marie qu’à l’âge de 59ans et n’a aucun enfant. Le fils aîné d’Edward, Victor, devient donc le successeur au titre de duc de Devonshire. Celui-ci fait ses études secondaires à Eton College, puis obtient un baccalauréat au Trinity College de Cambridge en 1891. Après l’obtention de son diplôme, il poursuit ses études en comptabilité et en droit pour se préparer à son rôle de politicien et de propriétaire foncier.
Carrière politique au Royaume-Uni
À la mort de son père en 1891, Victor Cavendish, alors âgé de 23ans, devient sans opposition le représentant de West Derbyshire, le plus jeune député du parlement britannique de l’époque. De 1900 à 1903, il joue le rôle de trésorier pour le service intérieur de la maison royale et, de 1903 à 1905, celui de secrétaire financier du Trésor. Il siège à la Chambre des communes jusqu’en 1908, où il succède à son oncle en tant que duc de Devonshire et obtient un siège à la Chambre des lords. Au cours de la Première Guerre mondiale, il agit à titre de lord civil de l’Amirauté de 1915 à 1916.
En tant que duc de Devonshire, Victor Cavendish joue un rôle actif dans la politique locale et la gestion de ses domaines. Il devient notamment lord lieutenant du Derbyshire et président de la Royal Agricultural Society. La vente et la démolition de sa résidence de Londres en 1920 inspirent Siegfried Sassoon dans la composition de son poème intitulé «Monody on the Demolition of Devonshire House».
Mariage, famille et maisonnée
Le 30juillet1892, Victor Cavendish épouse lady Evelyn Petty-Fitzmaurice, la fille aînée de lady Maud Hamilton et d’Henry Petty-Fitzmaurice, 5 emarquis de Lansdowne et gouverneur général du Canada de 1883 à 1889.
Le couple a sept enfants: Edward, lord Hartington (qui devient plus tard le 10educ de Devonshire) (1895-1950), Maud (1896-1975), Blanche (1898-1987), Dorothy (1900-1966), Rachel (1902-1977), Charles (1905-1944) et Anne (1909-1981). Les six plus jeunes enfants accompagnent leurs parents au Canada. Pendant leur séjour de l’autre côté de l’Atlantique, Charles fréquente Ashbury College, à Ottawa, tandis que ses sœurs reçoivent une éducation à la maison par des gouvernantes. Rachel devient une patineuse accomplie et participe à des compétitions de patinage artistique au Minto Skating Club d’Ottawa.
Le duc de Devonshire est le dernier gouverneur général du Canada à conserver une maisonnée entièrement britannique. Ses filles Maud et Dorothy épousent deux de ses aides de camp, Angus Mackintosh et Harold Macmillan. Maud devient la première fille d’un gouverneur général à se marier à Ottawa lorsqu’elle épouse Angus Mackintosh à la cathédrale Christ Church le 3novembre1917. Le couple tient ensuite sa réception à Rideau Hall. Dorothy, quant à elle, se fiance en secret à Harold Macmillan en 1919 et l’épouse à Londres en 1920. Le jeune homme écrit dans ses mémoires, Winds of Change, que «ce fut dans le paysage magnifique du parc de Jasper, au Canada, que j’ai découvert que mes sentiments étaient partagés».
Spectateurs, y compris le duc et la duchesse de Devonshire, à un match de baseball opposant les Canadiens d’Epsom et les Américains de Londres, à Londres, en Angleterre (septembre 1916). Des milliers de spectateurs assistent à la victoire de l’équipe
de la maison de convalescence canadienne à Epsom sur l’équipe américaine, composée d’Américains vivant et travaillant à Londres. Les équipes font partie de la ligue de baseball militaire, mise sur pied pendant la Première Guerre mondiale.
Gouverneur général du Canada
Le duc de Devonshire est nommé gouverneur général après la recommandation du premier ministre britannique Herbert Asquith. D’abord hésitant à accepter sa nomination en raison de l’opposition de sa femme et de ses responsabilités en Grande-Bretagne, il est convaincu par son beau-père, lord Lansdowne. La duchesse écrit alors à la tante de son mari: «Je n’ai jamais pensé que Victor pourrait accepter la nomination. J’ai été franchement horrifiée lorsqu’il est revenu à la maison avec une réponse positive après être parti avec l’intention de refuser l’offre.»
La nomination du duc est sujette à controverse au Canada, Herbert Asquith l’ayant choisi en fonction de son rang dans la pairie, et ce, sans consulter le premier ministre canadien, Robert Borden. (Le gouverneur général précédent, le duc de Connaught, faisait partie de la famille royale.) Dans ses mémoires, Robert Borden écrit: «J’ai envoyé un câble [au Haut-Commissaire du Canada en Grande-Bretagne sir George] Perley pour le féliciter de ce choix excellent, mais je lui ai clairement souligné que notre approbation aurait dû être demandée avant d’en informer le duc».
Avec le temps, Robert Borden en vient à admirer personnellement le gouverneur général, déclarant qu’«aucun gouverneur général n’a su être aussi raffiné en matière de service public et démontrer une telle compréhension des enjeux publics, ceux-ci ne touchant pas seulement ce pays et le Royaume-Uni, mais bien l’Empire tout entier». Harold Macmillan se rappelle quant à lui les conseils utiles que le duc offre aux politiciens canadiens en raison de sa grande expérience à la Chambre des communes et à la Chambre des lords: «Certains de ses ministres canadiens m’ont affirmé avoir, au tout début, sous-estimé ses connaissances, sa force de caractère et sa perspicacité. [...] Ils ont toutefois trouvé chez lui non seulement un ami mais un conseiller politique bien utile.»
En tant que gouverneur général, le duc de Devonshire préside de nombreuses fêtes publiques au Canada, notamment une cérémonie modeste tenue à Ottawa pour souligner le 50eanniversaire de la Confédération en 1917, qu’il considère comme «plutôt distinguée et appropriée en ces temps de guerre». Il organise également les célébrations festives de la colline du Parlement à la fin de la Première Guerre mondiale en 1918 et, l’année suivante, supervise la tournée au Canada du futur roi ÉdouardVIII, qui qualifie lui-même le duc de «sacré bon homme». L’admiration que porte le prince au duc est réciproque. Le duc de Devonshire écrit ainsi à sa mère, lady Edward Cavendish, qu’«il a sans aucun doute la faculté de faire la bonne chose de la bonne manière. Ses discours sont admirables et il sait créer une bonne impression partout où il se rend.»
En 1916, pendant sa première tournée au Québec, le duc de Devonshire reçoit un diplôme honorifique de l’Université McGill. Lors de son discours d’acceptation, il souligne la participation canadienne à la Première Guerre mondiale et déclare que «peu importe le prix que paye cette génération, elle doit continuer jusqu’à ce que la paix soit garantie et que les générations futures soient fières et reconnaissantes du rôle que nous y jouons».
Le duc et la duchesse de Devonshire entretiennent une bonne amitié avec l’ambassadeur britannique des États-Unis, Cecil Spring-Rice, dont la femme, Florence Lascelles, est la cousine du duc. En 1918, le couple se rend aux États-Unis et rencontre le président Woodrow Wilson à la Maison-Blanche. Pendant le mandat de gouverneur général du duc, Robert Borden demande la nomination d’un représentant canadien à Washington pour faire valoir les intérêts du pays. Le duc, appuyant avec réserve la proposition, suggère que le représentant canadien soit lié à l’ambassade britannique. Il est cependant soulagé lorsque Cecil Spring-Rice trouve une manière diplomatique de mettre fin à la discussion et souligne qu’il serait difficile de trouver une résidence décente pour l’éventuel représentant.
En 1920, Robert Borden démissionne de son poste de premier ministre pour des raisons de santé et est remplacé par Arthur Meighen. Bien qu’Harold Macmillan, le beau-fils du duc, admire «la fermeté et l’efficacité» avec lesquelles Arthur Meighen gère la grève générale de Winnipeg de 1919, alors que Robert Borden représente le Canada à la Conférence de paix de Paris, le duc de Devonshire considère que le nouveau premier ministre semble «un peu dépassé» par ses responsabilités.
Le duc de Devonshire, gouverneur général du Canada, s’adressant à des membres du détachement d’aide volontaire (DAV) de l’Ambulance Saint-Jean après l’explosion d’Halifax (le 21décembre1917, à Halifax, en Nouvelle-Écosse).
Tournées au Canada et champs d’intérêt
Pendant son mandat de gouverneur général, Victor Cavendish voyage beaucoup au Canada. Il fait ainsi deux tournées officielles dans l’Ouest, trois dans l’Est, y compris une visite à Halifax pour évaluer les dommages après l’explosion, et plusieurs autres en Ontario et au Québec. Lorsqu’il est à Ottawa, le duc aime assister à des parties de hockey et à des représentations de l’Orchestre symphonique d’Ottawa et de la Société chorale d’Ottawa. Il affectionne aussi particulièrement les moments passés à Québec, ville qu’il trouve «vraiment très charmante», et passe de longs séjours à la Citadelle, sa résidence officielle là-bas. Le duc de Devonshire acquiert également une résidence secondaire au lac Blue Sea, dans les collines de la Gatineau, où sa famille passe des journées d’été à nager et à faire du canot. Orateur nerveux, Victor Cavendish redoute particulièrement de faire des discours en français. Sa fille Maud relate notamment à sa grand-mère le soin qu’il met à pratiquer ses discours en français pour améliorer sa prononciation.
Victor Cavendish porte un grand intérêt à l’agriculture canadienne et aime s’entretenir avec des agriculteurs partout au pays. Ses propres réalisations en matière d’agriculture, en tant que l’un des plus importants propriétaires fonciers du Royaume-Uni, sont notamment soulignées dans la presse canadienne. Le Globe de Toronto réalise notamment un reportage sur la visite du duc, en 1916, au Collège d’agriculture de l’Ontario (aujourd’hui l’Université de Guelph). «Les fermiers du Canada auraient beaucoup appris s’ils avaient vu sa manière d’évaluer une bête. Il n’omettait jamais rien. Les shorthorns du collège attiraient particulièrement son attention. Étant lui-même un éleveur bien connu de cet animal d’exposition favori des Anglais [...], il a remporté bien des rubans bleus grâce à son bétail.» Le duc de Devonshire encourage la mise sur pied de fermes expérimentales, comme celle du gouvernement du Canada en bordure d’Ottawa, et incite le pays à devenir un leader en recherche agricole mondiale.
Débat sur les titres et les distinctions
En tant que gouverneur général, le duc de Devonshire devient médiateur entre les gouvernements britannique et canadien dans le débat sur les distinctions et les titres britanniques décernés aux Canadiens. En 1918, Robert Borden met sur pied un comité du Conseil privé pour rédiger un décret interdisant la transmission de titres héréditaires et l’octroi de distinctions sans l’approbation du premier ministre canadien (à l’exception des distinctions pour le service militaire). Le duc, chargé d’approuver le décret, reçoit la proposition et concède à Robert Borden que les nouveaux titres héréditaires n’ont pas leur place au Canada, croyant «qu’il existe une forte opposition à ce que cela soit adopté au pays». Il n’exprime cependant aucune opinion sur l’élimination de titres héréditaires préexistants.
Le débat place Victor Cavendish, qui comprend les deux positions, dans une situation délicate: soit il appuie l’augmentation de l’autonomie du Canada en matière de distinctions et de titres, soit il défend l’exercice de la prérogative royale partout à travers l’Empire britannique. Il écrit au secrétaire d’État aux colonies que «le [décret] est en partie destiné à préparer à l’adoption d’un projet de loi d’initiative parlementaire [la résolution Nickle de 1919] qui abolira tous les titres honorifiques. La situation actuelle a été aggravée par le fait que des distinctions ont récemment été attribuées à des gens recommandés par des sources étrangères. Je suis d’avis que les propositions actuelles du conseil doivent être acceptées et qu’ainsi soient évités des changements plus radicaux.» Le duc écrit également au roi GeorgeV pour l’assurer que «loin de nous est l’idée de manquer de respect à Votre Majesté.» Le décret et la résolution Nickle amènent finalement l’élimination de l’octroi de distinctions par le roi à des civils canadiens pendant une décennie et créent un précédent pour le futur développement d’un système de titres honorifiques canadiens.
Fin de vie
Victor Cavendish écrit qu’à son dernier départ d’Ottawa en 1921, «c’était vraiment affreux et j’ai peiné à ne pas m’effondrer [...] J’étais très malheureux de voir arriver la fin d’Ottawa.»
En 1922, il décline l’offre du premier ministre britannique David Lloyd George, qui lui propose de devenir secrétaire d’État pour l’Inde. Il devient plutôt secrétaire d’État aux colonies dans le cabinet d’Andrew Bonar Law (le seul premier ministre britannique à être né au Canada) de 1922 à 1923. Il joue ensuite le rôle de président de l’Exposition impériale britannique de 1924 à 1925. Le pavillon du Canada à ces expositions présente les industries canadiennes, comme l’ exploitation de minéraux et l’agriculture, ainsi que des destinations touristiques telles que les chutes Niagara. David Lindsay, comte de Crawford, remarque en 1923 que «le duc est grandement imperturbable, ce qui nous inspire confiance. Il ne laissera personne tomber et n’agira jamais pour ses intérêts personnels.»
En 1925, Victor Cavendish est frappé d’un AVC qui le laisse paralysé. Selon son petit-fils, Andrew Cavendish, 11educ de Devonshire, l’AVC change sa personnalité, ce qui le fait passer d’un homme «facile à vivre, ironique et laconique» à «une personne ayant un mauvais caractère et avec qui il est difficile de bien s’entendre». Il en vient même à refuser de parler directement à sa femme et à faire passer ses messages par l’entremise de sa secrétaire. Il décède à Chatsworth House en 1938.
Héritage
Le duc de Devonshire est le dernier gouverneur général du Canada à être nommé sans consultation avec le gouvernement canadien. La controverse entourant sa nomination mène son successeur, le vicomte Byng, à être choisi de concert avec Arthur Meighen.
En 1918, Victor Cavendish fait don de la coupe Devonshire à la Canadian Seniors’ Golf Association, nouvellement formée et, en 1921, il offre le Trophée du duc de Devonshire à la Ottawa Horticultural Society, décerné à l’exposant ayant le meilleur pointage dans les catégories décoratives. Une école à Ottawa est également nommée en son honneur.