Université
Les universités sont des établissements d'enseignement supérieur habilitées à décerner des diplômes. Les premières universités canadiennes ont de fortes attaches religieuses et adoptent généralement le modèle des institutions européennes. Les trois King's Colleges (Windsor, Nouvelle-Écosse, 1789; York, aujourd'hui Toronto, 1827; et Fredericton, Nouveau-Brunswick, 1828) constituent une tentative d'implanter au Canada les idéaux des anciennes universités britanniques. Ils offrent la résidence, pratiquent le tutorat et sont anglicans. Les idéaux plus démocratiques des universités écossaises se retrouvent à des degrés divers à l'UNIVERSITÉ DALHOUSIE (Halifax, 1818), à l'UNIVERSITÉ QUEEN'S (Kingston, 1841) et à l'UNIVERSITÉ MCGILL (Montréal, 1821).
De leur côté, les institutions méthodistes (Victoria College, Cobourg en Ontario, 1841; UNIVERSITÉ MOUNT ALLISON, Sackville au Nouveau-Brunswick, 1839) et baptistes (UNIVERSITÉ ACADIA, Wolfville en Nouvelle-Écosse, 1838) sont conçues pour la formation des hommes se destinant au ministère et pour l'éducation des laïcs. Le Bishop's College, qui deviendra plus tard l'UNIVERSITÉ BISHOP, est fondé par les anglicans en 1843.
Enfin, les catholiques dispensent leur propre philosophie dans leurs établissements, comme l'UNIVERSITÉ ST FRANCIS XAVIER, université de langue anglaise fondée à Antigonish, Nouvelle-Écosse, en 1855. L'UNIVERSITÉ LAVAL est fondée en 1852 par le SÉMINAIRE DE QUÉBEC, un collège mis sur pied par monseigneur LAVAL en 1663. Elle constitue ensuite une succursale à Montréal en 1876, qui deviendra UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL en 1920.
Au moment de la Confédération en 1867, on compte 17 établissements décernant des diplômes dans les provinces fondatrices. Quatre sont laïques (Dalhousie, McGill, Nouveau-Brunswick et l'UNIVERSITÉ DE TORONTO), les 13 autres sont liées à une Église et contrôlées par elle. La plupart, 13 sur 17, ne comptent qu'environ 100 élèves. C'est le regroupement qui va renforcer ces institutions petites et financièrement fragiles.
En retirant son soutien financier en 1868, le gouvernement ontarien force les universités confessionnelles à envisager la coopération avec le secteur public. Les trois qui se joignent à l'U. de Toronto (Victoria College et St Michael's College en 1890; Trinity College en 1904) conservent leur statut d'université et leur autonomie en matière d'enseignement et de personnel, mais acceptent de restreindre leurs programmes aux arts et aux sciences, plus sensibles et moins coûteux (études classiques, philosophie, littérature anglaise, histoire, langues modernes, mathématiques, sciences et théologie). La responsabilité de l'enseignement dans tous les autres domaines et de l'attribution des diplômes (sauf en théologie) est confiée à l'université publique. Le modèle fédératif, adopté par d'autres universités canadiennes au cours de leur développement, représente une solution canadienne au problème de la réconciliation des caractères religieux et laïc, de la diversité et du pragmatisme économique.
Dès le début, dans l'Ouest, les provinces adoptent une politique de développement contrôlé des universités. Au Manitoba, cela prend la forme du regroupement de trois collèges confessionnels existants - Saint-Boniface (catholique), St John's (anglican) et le Manitoba College (presbytérien) - dans une même entité. Onze ans après la création de l'UNIVERSITÉ DU MANITOBA (1877), un quatrième collège, le Wesley College (méthodiste), vient s'y affilier.
Dans chacune des trois autres provinces, on crée une seule université provinciale publique (l'UNIVERSITÉ DE L'ALBERTA en 1906, l'UNIVERSITÉ DE LA SASKATCHEWAN en 1907 et l'UNIVERSITÉ DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE en 1908). Ces trois provinces prennent pour modèle l'université d'État des États-Unis, qui met l'accent sur l'éducation permanente et la recherche appliquée.
Le développement de l'enseignement supérieur (voir ÉDUCATION) public soulève le problème de la protection de l'université contre les ingérences gouvernementales (voir LIBERTÉ UNIVERSITAIRE). Le modèle de rapports université-gouvernement adopté dans la plus grande partie du Canada subit l'influence de la loi provinciale créant l'U. de Toronto en 1906, qui établit un système bicaméral de direction comprenant un sénat (le corps enseignant), responsable de la politique universitaire, et un conseil des gouverneurs (les citoyens), qui exerce un contrôle exclusif sur la politique financière, mais qui ne détient qu'une autorité formelle dans tous les autres domaines.
Le rôle du président, nommé par le conseil, est de maintenir un lien entre les deux entités et de fournir un leadership dynamique à l'institution. D'autres développements importants surviennent au début du XXe siècle, dont le développement de la formation professionnelle au-delà des domaines traditionnels de la théologie, du droit et de la médecine et, dans une moindre mesure, l'introduction de la formation au 2e cycle et au 3e cycle sur le modèle américain d'inspiration allemande, soit des travaux de cours spécialisés et la rédaction d'une thèse de recherche.
En 1939, le nombre d'universités canadiennes qui décernent des diplômes s'élève à 28. Leur taille est très variable : la plus grande est l'U. de Toronto avec 7000 inscrits, mais d'autres en comptent moins de 1000. On dénombre 40 000 étudiants, soit 5 p. 100 de la population âgée de 18 ans à 24 ans. La plupart des universités sont des institutions régionales. Seules l'U. McGill et l'U. de Toronto jouissent d'une réputation internationale pour la recherche. Il n'existe pas de politique systématique de l'enseignement supérieur et le financement est établi une année à la fois. Sauf pour les sciences naturelles, il n'y a pas d'organisme de financement fédéral ou provincial fournissant un soutien régulier pour le second cycle et la recherche. Il existe quelques SOCIÉTÉS SAVANTES et des revues universitaires.
Avec la Deuxième Guerre mondiale, on assiste au début d'une nouvelle ère pour l'enseignement supérieur au Canada. L'effort de guerre crée une forte demande pour la recherche scientifique et le personnel hautement spécialisé que l'on fait venir en grand nombre de l'étranger, ce qui favorise la reconnaissance de l'importance vitale des universités pour un pays. Immédiatement après la guerre, le gouvernement fédéral commence à fournir un certain soutien financier aux universités pour les aider à faire face à l'arrivée des vétérans.
Grâce au programme de réhabilitation mis sur pied, 53 000 vétérans s'inscrivent à l'université entre 1944 et 1951. Puis, la baisse prévue du nombre d'inscriptions ne se produisant pas, le gouvernement fédéral, suivant l'avis de la Commission Massey, commence à participer au financement régulier de l'enseignement supérieur en 1951 (voir COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR L'AVANCEMENT DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES AU CANADA).
Au début des années 50, la population estudiantine à l'université est deux fois celle de 1940 et, en 1963, elle a doublé encore une fois. En raison des très importantes augmentations prévues suite au BABY-BOOM, les gouvernements provinciaux abandonnent leur stratégie initiale de chercher à satisfaire à cette demande en développant les institutions existantes. La politique de l'université unique adoptée dans l'Ouest change quand les collèges dépendant des universités provinciales obtiennent leur autonomie comme universités : l'UNIVERSITÉ DE VICTORIA (1963), l'UNIVERSITÉ DE CALGARY (1966), l'UNIVERSITÉ DE WINNIPEG (1967) et l'UNIVERSITÉ DE REGINA (1974).
De nouvelles chartes universitaires sont accordées à quatre établissements : l'UNIVERSITÉ CARLETON (Ottawa, 1957), l'UNIVERSITÉ YORK (Toronto, 1959), l'UNIVERSITÉ DE WATERLOO (1959) et l'UNIVERSITÉ TRENT (Peterborough, 1963). Les inscriptions à plein temps au premier cycle triplent et les inscriptions à temps partiel au premier cycle et à plein temps aux deuxième et troisième cycles se multiplient pratiquement par six. On recrute quelque 23 261 professeurs additionnels. Comme les programmes canadiens de deuxième et troisième cycles commencent tout juste à s'accroître, bon nombre de professeurs d'université recrutés durant les années 60 et les années 70 ont obtenu leur formation à l'étranger, particulièrement aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Les coûts de fonctionnement de ce système en expansion augmentent de façon encore plus dramatique.
Cette politique ambitieuse d'enseignement universitaire mise en place dans les années 60 n'est pas seulement une réponse à la pression du nombre. Elle est aussi motivée par la conviction, empruntée aux États-Unis et endossée par les économistes, selon laquelle l'enseignement supérieur est déterminant pour la productivité économique et va permettre des taux de rendement économique plus élevés tant pour les individus que pour la société. Il y a aussi un second motif, la justice sociale.
Améliorer l'ACCÈS À L'ÉDUCATION est considéré comme une solution aux nouvelles aspirations sociales et une façon d'améliorer les perspectives sociales des groupes sociaux, culturels et régionaux désavantagés. Des programmes d'aide financière, destinés à éliminer les obstacles à la formation universitaire, sont introduits aux niveaux fédéral et provincial. La réforme la plus radicale, tant au niveau de la structure que de l'accès géographique à l'enseignement supérieur, est entreprise au Québec avec l'introduction des CÉGEPS (collèges d'enseignement général et professionnel) en 1967. Ceux-ci offrent deux années d'études comme condition préalable à l'admission à l'université, ainsi que des programmes techniques d'une durée de trois ans. Un autre élément de cette réforme est l'établissement de l'Université du Québec(1967), qui possède plusieurs campus situés dans différentes régions. D'autres provinces assistent à l'émergence rapide du secteur des COLLÈGES COMMUNAUTAIRES d'enseignement postsecondaire.
Bien que certains s'attendent à ce que les inscriptions universitaires de premier cycle diminuent après le départ des derniers baby-boomers, celles-ci continuent au contraire d'augmenter dans les trois décennies qui suivent 1980. En fait, elles font plus que doubler. En 2010, près de 1,2 millions d'étudiants sont inscrits à temps plein dans les programmes d'études. Parmi ceux-ci, on compte 755 000 étudiants de premier cycle et 143 400 étudiants des cycles supérieurs. De plus, 275 800 étudiants sont inscrits à temps partiel. Comme par le passé, parmi les étudiants les moins susceptibles de fréquenter l'université se retrouvent les enfants de familles à faible revenu, plus particulièrement les immigrants et les groupes ethniques et, comme de récentes recherches l'ont démontré, ceux dont les parents n'ont pas fait d'études universitaires. Bien qu'il se situe toujours bien en dessous de la moyenne nationale, le taux de participation des Premières nations s'améliore. Le pourcentage d'autochtones détenant un diplôme universitaire augmente de 5,9 à 7,7 entre 2001 et 2006. Pour les non-autochtones, ces chiffres s'élèvent respectivement à 20,1 et 23,4 p. cent.
Dans la première décennie du nouveau millénaire, l'intérêt soutenu pour l'éducation postsecondaire s'explique par des changements dans les conditions sociales et économiques du Canada. Les femmes, qui se marient et ont maintenant des enfants plus tard dans la vie que la génération de leurs parents, s'inscrivent dans les universités comme jamais auparavant. En 2010, 56 p. cent des étudiants à temps plein sont des femmes qui participent à une économie dans laquelle les familles à « deux-revenus » sont devenues la norme. Bien que l'incertitude économique soit plus importante que dans les trois décennies suivant la Seconde Guerre mondiale, l'enseignement supérieur semble offrir un bon rendement durant les périodes de croissance et de récession. La nouvelle « économie du savoir », motivée par l'innovation, les industries de services et la haute technologie, offre aux diplômés collégiaux et universitaires des possibilités d'emploi raisonnablement gratifiantes. La demande pour les places universitaires persiste même pendant les récessions des années 1990 et la période suivant la crise financière internationale de 2008. Face à la concurrence qu'ils rencontrent sur le marché du travail, les étudiants considèrent que l'obtention d'un diplôme est une qualification nécessaire, bien qu'insuffisante, pour obtenir un poste important.
Afin de répondre à cette demande, de nouvelles universités sont mises sur pied, parfois à partir de rien mais plus souvent à partir d'institutions existantes. En Colombie-Britannique, par exemple, l'Université du Nord de la Colombie-Britannique est créée en 1990, suivie de l'Université Royal Roads et de l'Université polytechnique de Kwantlen en 1995, de l'Université Thompson Rivers (2005), de l'Université de la Colombie-Britannique à Okanagan (2005), de l'Université de la vallée du Fraser (2008), de l'Université Capilano (2008) et de l'Université de l'île de Vancouver (2008). Ces institutions, qui étaient à l'origine des collèges universitaires, changent de statut et deviennent principalement des universités axées sur l'enseignement. L'UNIVERSITÉ EMILY CARR D'ART ET DE DESIGN obtient également le statut d'université en 2008. De plus, trois universités privées voient le jour dans la province: l'Université Quest (2002), l'Université Canada West (2004) et l'Université Farleigh Dickinson (2007). L'Université technique de la Colombie-Britannique ouvre en 1999 et ferme en 2002, tandis que l'Institut de technologie de la Colombie-Britannique, depuis longtemps établi déjà, devient une institution polytechnique offrant pour la première fois un diplôme (baccalauréat en technologie) en 1995.
En Alberta, le King's University College, une institution religieuse, est établi en 1979. En 1987, le Concordia University College (1987) est converti en une institution religieuse privée conférant des diplômes. En 2004, l'ancien COLLÈGE UNIVERSITAIRE AUGUSTANA fusionne avec l'Université de l'Alberta. L'Université Mount Royal, un ancien collège, ouvre ses portes à Calgary en 2009. L'UNIVERSITÉ DES PREMIÈRES NATIONS est établie en Saskatchewan en 2003, alors que l'Université canadienne mennonite du Manitoba ouvre en 2000.
Au nord de l'Ontario, deux anciennes filiales de l'UNIVERSITÉ LAURENTIENNE, l'UNIVERSITÉ NIPISSING (North Bay, 1992) et l'UNIVERSITÉ ALGOMA (Sault Ste. Marie, 2008), ainsi que deux établissements privés chrétiens, le Redeemer University College (Ancaster, 1998) et le Tyndale University College and Seminary (Toronto, 2003), obtiennent leur charte d'universités indépendantes. En 2002, une nouvelle loi permet aux établissements privés et non basés en Ontario de faire une demande de statut universitaire, ce qui mène à la création de l'Université Charles Sturt (Burlington, 2005). À l'exception de plusieurs universités de New York, qui établissent des sites où elles offrent des programmes de formation des enseignants, l'Ontario n'est pas inondé d'établissements privés, comme certains l'avaient prédit. L'Institut universitaire de technologie de l'Ontario ouvre ses portes à Oshawa en 2002. Elle est la première nouvelle université publique de la province à être établie depuis 40 ans. Enfin, l'École d'art et de design de l'Ontario à Toronto obtient le statut d'université en 2010. Aucune nouvelle université n'a été créée au Québec et au Canada atlantique depuis les années 1970.
Sur le plan constitutionnel, l'enseignement supérieur relève de la compétence provinciale plutôt que fédérale, bien que dans les années 1990, Ottawa décide d'attribuer une partie de l'excédent des recettes fédérales à de nouvelles initiatives de recherche. Le gouvernement fédéral crée la Fondation canadienne pour l'innovation afin de stimuler l'innovation, la croissance économique, et les partenariats public-privé, et met sur pied le Programme des chaires de recherche du Canada qui finance 2000 nouveaux postes de recherche universitaire à travers le pays. S'intéressant surtout à l'amélioration de la capacité en recherche biotechnologique et de la santé du Canada, Ottawa remplace le Conseil de recherches médicales par les INSTITUTS DE RECHERCHE EN SANTÉ . En plus de soutenir la recherche et de venir en aide aux étudiants (le gouvernement fédéral avait créé la Fondation des bourses du millénaire, depuis dissoute), Ottawa joue un rôle minime dans le domaine de la politique de l'enseignement supérieur. Les requêtes que font périodiquement des organismes comme le Conseil canadien sur l'apprentissage, pour des stratégies nationales de planification, sont généralement ignorées.
La structure de direction de la plupart des universités canadiennes repose encore sur un système à deux paliers, sauf dans le cas de l'U. Laval, de l'U. de Toronto et de l'UNIVERSITÉ D'ATHABASCA, où des systèmes réunissant les pouvoirs du conseil et du sénat sont en place. Dans la plupart des universités, cependant, la composition des deux corps dirigeants a changé.
Bien que le corps enseignant détienne encore la majorité des sièges dans les conseils universitaires et les sénats, des étudiants, des anciens et des représentants de corps professionnels peuvent maintenant en faire partie. De la même façon, les professeurs et les étudiants sont normalement représentés dans les conseils des gouverneurs. Le conseil a perdu un important pouvoir. Jusque dans les années 50, la PERMANENCE était accordée suivant son bon plaisir dans la plupart des universités. Ce droit des professeurs est maintenant régi de façon plus rigoureuse et consolidé par des conventions collectives officielles avec les syndicats de professeurs, qui couvrent près de 80 p. cent des professeurs canadiens en 2004. Une étude internationale effectuée en 2012 sur les universités « publiques » de 28 pays a montré que c'est le corps professoral canadien qui gagne les salaires les plus élevés.
Depuis les années 1980, les universités doivent composer avec l'augmentation du nombre d'étudiants tout en faisant face à une baisse régulière du soutien financier gouvernemental accordé pour chaque étudiant. Les contraintes financières sont particulièrement lourdes suite au budget fédéral de 1995, qui réduit les paiements de transfert aux provinces. Après 2008, les universités ressentent aussi l'impact des compressions budgétaires provinciales, même si elles bénéficient du financement fédéral pour les infrastructures et peuvent construire de nouvelles installations, en particulier dans les domaines que le gouvernement estime important pour la croissance économique.
Ces pressions économiques font toutefois évoluer les modes de financement au Canada. De 1979 à 2009, la proportion des revenus de fonctionnement des universités couverts par des fonds publics passe de 84 à 58 p. cent, tandis que les revenus découlant des frais de scolarité augmentent de 12 à 35 p. cent. La moyenne des frais de scolarité pour les études de premier cycle à temps plein atteint 5737 dollars en 2008-09, bien que les étudiants québécois payent moins de la moitié de ce montant. La dette étudiante représente un enjeu majeur pour les organisations étudiantes qui citent les enquêtes de Statistique Canada montrant qu'en 1995, seulement 17 p. cent des emprunteurs devaient au moins 25 000 dollars, comparé à 27 p. cent en 2005. En 2011, les emprunteurs de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse doivent en moyenne plus de 35 000 dollars, ce qui correspond au plus haut niveau d'endettement étudiant au Canada. L'instabilité économique, l'incertitude face à l'emploi, la hausse des frais de scolarité, les dettes croissantes, les grandes classes et l'utilisation généralisée de professeurs occasionnels à temps partiel (vs temps-plein et permanence) mènent à des périodes troubles sur les campus canadiens, caractérisées par des manifestations étudiantes et des grèves des professeurs, certaines d'une durée considérable. La situation la plus explosive depuis les années 1960 prend place au Québec au printemps 2012, lorsque les débrayages et les manifestations des étudiants contre la hausse des frais de scolarité autorisée par le gouvernement provincial entraînent la suspension de la session universitaire dans la majorité des universités et collèges de la province.
Au niveau de la gestion, les relations entre l'enseignement supérieur et le gouvernement sont aussi en pleine transformation. À titre de centres de recherche libres et créatifs, les universités réclament le droit de régir elles-mêmes toutes les questions universitaires sans ingérence du gouvernement. Reconnaissant cette liberté universitaire jalousement défendue, les provinces ont créé des organismes consultatifs intermédiaires pour fournir des avis sur le financement et le système de planification des universités. Toutefois, ces dernières années, l'efficacité de ces rapports indirects entre les gouvernements et les universités a été remise en question, et le gouvernement s'implique maintenant davantage dans les affaires universitaires. Un exemple de cette implication grandissante est l'approche d'allocations financières « ciblées » dont l'Ontario fait de plus en plus usage dans le secteur universitaire, afin d'atteindre des objectifs précis.
Dans le cadre de ce changement, les universités sont désormais tenues d'être plus responsables de l'affectation et des dépenses de fonds publics. Ces mécanismes de reddition de comptes n'obligent pas seulement les universités à agir avec prudence lorsqu'elles utilisent les ressources publiques; ils reflètent également la volonté du gouvernement qu'elles poursuivent des objectifs bien spécifiques. Ceux-ci incluent notamment la rationalisation des programmes (y compris la fermeture de programmes) et la coopération interuniversitaire; la preuve de la qualité de l'enseignement; la flexibilité de l'exécution des programmes, l'utilisation accrue et efficace de la technologie, l'ouverture aux besoins des étudiants non-conventionnels; de répondre aux besoins de la société en termes de développement de programmes et d'activités de recherche, et la mise en place d'une coordination et de liens plus efficaces entre les collèges communautaires et les universités.
L'université canadienne contemporaine est une organisation à fins multiples poursuivant simultanément plusieurs objectifs : l'enseignement, la prestation d'une « formation libérale » ou générale; la formation, la transmission de connaissances spécialisées requises dans les emplois de haut niveau; la recherche, l'accroissement des connaissances par la recherche fondamentale et une scolarité spécialisée; le service public, la diffusion de connaissances et de pratiques utiles à la société; et l'égalisation des chances, l'extension de la formation universitaire à toutes les personnes susceptibles d'en bénéficier et l'élimination des obstacles à la participation des groupes sous-représentés.
La poursuite de cette mission aux multiples facettes n'a pas amené le système d'enseignement supérieur canadien, comme celui des États-Unis, à développer d'importantes différences institutionnelles. En règle générale, les universités canadiennes cherchent à offrir un mélange d'enseignement de premier cycle, des cycles supérieurs et professionnel, ainsi qu'une culture de recherche dynamique, car c'est ce qui détermine leur statut institutionnel et l'accès qu'elles auront aux ressources externes. Bien qu'il n'existe pas de système formel de stratification, les universités subissent des pressions croissantes les encourageant à se démarquer. La Colombie-Britannique possède maintenant un secteur institutionnel d' « enseignement intensif ». Le U-15, formé d'un groupe d'universités « fortement axées sur la recherche» de partout au pays, fait des pressions afin accroître le profil de recherche et les ressources de ses membres. Malgré ces distinctions émergentes, toutes les universités publiques ainsi qu'un nombre croissant d'universités privées, c'est-à-dire 95 universités au total, coexistent au sein de l'Association des universités et collèges du Canada, qui se décrit comme le « porte-parole national » des universités canadiennes.
Ainsi, les universités canadiennes ont perduré, se sont développées, ont lutté puis changé dans un monde déchiré par l'instabilité économique, l'imprévisibilité politique et les explosions continues du savoir. Elles conservent les idéaux traditionnels, tout en cherchant à démontrer leur pertinence sociale. Elles embrassent la culture de la collégialité, tout en étant ancrées dans la concurrence, tant à l'interne qu'entre institutions. Les universités continueront sans aucun doute d'exister dans les décennies à venir, même si la forme que leur rôle et leur caractère prendront reste à déterminer.