Traité du flétan | l'Encyclopédie Canadienne

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Traité du flétan

Le Traité sur le flétan de 1923 (anciennement connu comme la Convention pour la conservation des pêcheries de flétan du Pacifique Nord) était un accord entre le Canada et les États-Unis sur les droits de pêche dans l’océan Pacifique. Il s’agissait du premier traité environnemental visant à conserver les stocks de poissons océaniques. Il s’agissait également du premier traité indépendant négocié et signé par le gouvernement canadien. Il représente l’un des nombreux événements qui ont fait du Canada un État souverain autonome. Il a également marqué un changement d’orientation économique du Canada de la Grande-Bretagne vers les États-Unis dans les années 1920, lorsque les États-Unis ont dépassé la Grande-Bretagne en tant que principal partenaire commercial du Canada. Le traité a créé la Commission internationale du flétan du Pacifique, qui continue de jouer son rôle aujourd’hui. 

Aire de répartition du flétan du Pacifique

(avec la permission de Wikimedia Commons)


Autonomie gouvernementale, mais pas nationale

Le Dominion of Canada est créé par une loi du Parlement britannique. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 (maintenant la Loi constitutionnelle de 1867) instaure l’autonomie gouvernementale, un Parlement  canadien et le poste de premier ministre. Cependant, il n’accorde pas une autonomie complète au Canada en tant que nation. Certains pouvoirs sont maintenus par le Parlement britannique ; le droit d’approuver et d’abroger des lois, ainsi que de déroger aux lois adoptées par le Parlement canadien. D’autre part, les lois du Parlement britannique sont applicables au Canada.

Dans la négociation des traités internationaux impliquant le Canada, la convention stipule que la Grande-Bretagne doit siéger à la table ou, à tout le moins, qu’elle doit être signataire de tout traité. L’article 132 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique concernant les traités stipule que « Le Parlement et le gouvernement du Canada auront tous les pouvoirs nécessaires ou appropriés pour exécuter les obligations du Canada, ou de toute province de ce pays, envers les pays étrangers, en tant que partie de l’Empire britannique, en vertu des traités conclus entre l’Empire et ces pays étrangers. »

Au 20e siècle, le Canada s’apprête à devenir plus autonome de la Grande-Bretagne. Pendant la Première Guerre mondiale, le premier ministre Robert Borden exige que le Corps expéditionnaire canadien combatte comme une seule unité autonome, plutôt que d’être divisé en plusieurs unités britanniques. À la fin de la guerre, Robert Borden insiste avec succès pour que le Canada se représente lui-même à la Conférence de paix de Paris, qu’il soit signataire du Traité de Versailles, et qu’il ait son propre siège à la Société des Nations. En 1922, le premier ministre William Lyon Mackenzie King refuse de fournir automatiquement du soutien militaire à la Grande-Bretagne de la part du Canada durant l’affaire Tchanak. Ses successeurs poursuivent cette quête d’autonomie.

William Lyon Mackenzie King

Chef du Parti Libéral de 1919 à 1948, période au cours de laquelle il est premier ministre durant prês de 22 ans, King est le personnage politique dominant d'une époque de grands changements.
(avec la permission des BibliothЏques et Archives Canada/C-27645)


La pêche du flétan

Le Traité du flétan est le résultat de la diminution des stocks de flétan dans le nord de l’océan Pacifique, dans des zones de pêche partagées par le Canada et les États-Unis. (Voir aussi Conflit concernant la frontière avec l’Alaska.) La pêche commerciale du flétan à grande échelle commence lorsque le Northern Pacific Railway atteint la côte ouest, et qu’il permet alors le transport terrestre du poisson vers l’est. La demande venant de l’Europe et des États-Unis a déjà décimé les pêcheries de flétan dans l’océan Atlantique. En 1915, la pêche dans le Pacifique rapporte plus de 69 millions de livres de flétan, mais les stocks commencent à décliner peu après.

Les négociations entre le Canada et les États-Unis sur la préservation des stocks de poisson commencent en 1918. Les pourparlers représentent un précédent historique puisqu’ils visent un accord international de conservation. Le résultat en est la Convention pour la conservation des pêcheries de flétan du Pacifique Nord.

Le traité instaure une saison close à la pêche commerciale, du 16 novembre au 15 février, sous peine de saisie. Le traité doit durer au moins cinq ans. L’accord met en place la Commission internationale des pêcheries (CIP). Son but est de « mener une enquête approfondie sur le cycle biologique du flétan du Pacifique » et de faire des recommandations pour réglementer l’industrie.

Le traité est signé par Ernest Lapointe, ministre de la Marine et des Pêcheries du Canada, et par Charles Evan Hughes, secrétaire d’État des États-Unis. Du point de vue américain, c’est une réalisation modeste, mais pour le Canada, elle a une énorme importance symbolique.

Le Canada préfère négocier le traité sans inviter un délégué britannique à la table, et ne pas demander au gouvernement britannique de le ratifier.

Bateaux de pêche

Bateaux de pêche prenant la mer (Corel Professional Photos).


Réaction britannique

Les Britanniques souhaitent signer le traité avec le Canada, comme ils l’ont toujours fait. Mais le premier ministre William Lyon Mackenzie King soutient que le traité ne concerne que le Canada et les États-Unis, et qu’il n’affecte aucun intérêt britannique ou impérial. Pour cette raison, la Grande-Bretagne ne devrait pas apparaître comme une des parties contractantes, ni dans le préambule du traité, ni en tant que signataire. (En fait, le traité mentionne le « Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande » dans son préambule.)

Par la suite, William Lyon Mackenzie King menace d’envoyer un représentant diplomatique canadien distinct à Washington DC. pour y représenter les intérêts du Canada, indépendamment de l’ambassadeur britannique. Les Britanniques cèdent. Le précédent du Traité du flétan est confirmé par la Conférence impériale de 1923. Il s’agit d’une étape importante dans l’établissement du droit du Canada de séparer les actions diplomatiques.

Le traité marque un changement dans la politique canadienne, passant d’une politique axée sur l’appartenance à l’Empire britannique à une politique plus pancanadienne. (Sous la gouverne de Mackenzie King, il a parfois été qualifié de séparatiste et isolationniste.) Il indique également le changement d’orientation économique du Canada, qui passe de la Grande-Bretagne aux États-Unis durant les années 1920. Pendant cette période, les États-Unis dépassent la Grande-Bretagne comme principal partenaire économique du Canada.

La Conférence impériale de 1926 mène à la déclaration Balfour. Elle reconnaît le Canada et les autres dominions de l’Empire britannique comme des membres égaux du nouveau Commonwealth  des nations. La déclaration met en place des résolutions pour un gouvernement autonome et indépendant, elles sont incluses dans le Statut de Westminster de 1931. Cet Acte coupe tous les liens légaux entre le Canada et le Parlement britannique, à l’exception du pouvoir d’amender la Constitution canadienne. Ce n’est qu’en 1982 que la Constitution est rapatriée, et que le pouvoir d’amendement est transféré au Canada.

Statut de Westminster

Première page.
(avec la permission de BibliothЏque et Archives Canada, Division des manuscrits)


Succès du traité

Pendant que la CIP étudie les pêcheries, les stocks continuent à baisser. Ils atteignent un minium de 21 millions de livres en 1930. La CIP avait mis au point des réglementations, mais le traité original ne confère pas à la Commission le pouvoir de mise en œuvre. Un traité révisé, à plus grande portée, est signé le 9 mai 1930. Il remplace l’accord d’origine.

D’autres révisions sont signées en 1937 et 1953, de même qu’un protocole signé en 1979. La CIP est renommée Commission internationale du flétan du Pacifique. Elle passe à six membres et continue son rôle aujourd’hui. La pêche au flétan a commencé à se stabiliser et à croître. En 1959, une prise s’élevant à 71,5 millions de livres a finalement surpassé celle de 1915.

Voir aussi Relations canado-américaines; Continentalisme.

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