Canadiens d’origine suisse | l'Encyclopédie Canadienne

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Canadiens d’origine suisse

L’immigration suisse au territoire que nous connaissons maintenant sous le nom de Canada commence à la fin du 16e siècle. Le recensement de 2016 relève 155 120 personnes d’origine suisse au Canada (25 235 réponses simples et 129 885 réponses multiples).

Contexte

La Suisse est un petit pays enclavé par la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche. La Confédération suisse est fondée en 1291. Elle connaît une histoire agitée jusqu’au milieu des années 1800. Des quatre langues officielles de la Suisse, trois – le français, l’allemand et l’italien – sont partagées par les États voisins. La quatrième langue, le romanche, est en usage principalement dans quelques vallées isolées des Grisons.

Premiers arrivants : des mercenaires suisses au Canada

En 1604, une unité réduite formée de soldats et d’officiers suisses au service de la Couronne de France, campe dans l’île de Sainte-Croix qui devient le berceau de l’Acadie. Un dessin publié par l’explorateur français Samuel de Champlain en 1613 montre un petit établissement, fondé par Pierre duGua de Monts. Il comprend des baraquements destinés aux soldats suisses. Au 17e siècle, l’immigrant suisse le plus éminent de la Nouvelle-France est Jacques Bizard (1642-1692), un mercenaire arrivé en 1672 comme aide de camp de Louis de Buade, le comte de Frontenac. En 1678, dans le cadre du régime seigneurial de la France, il devient le seigneur de l’île Bonaventure, connue aujourd’hui sous le nom d’« île Bizard ».


Du 16e siècle jusqu’au milieu du 19e siècle, les Suisses sont recherchés pour les habiletés militaires et la discipline qu’ils affinent au cours de plusieurs siècles de combats sanglants pour leur indépendance. Les unités de mercenaires suisses diffèrent des autres armées. Commandées par des membres de familles patriciennes suisses, elles forment leurs propres régiments. Deux régiments suisses, les de Meuron (qui tirent leur nom du Colonel Charles-Daniel de Meuron) et les de Watteville (qui tirent leur nom de Louis de Watteville) sont alliés à l’armée britannique en Amérique du Nord, sans y être pour autant intégrés.

Le régiment de Watteville joue un rôle majeur dans la guerre de 1812 en prenant Fort Oswego aux Américains. Le régiment de Meuron combat pour la première fois près de Fort Champlain, et plus tard à Plattsburg, dans l’État de New York. Quand il est dissous, en 1816, 353 officiers et soldats restent au Canada. Les nouveaux colons sont dirigés vers Perth et vers Drummondsville. Comme ils ne sont pas rompus aux difficultés de la vie de pionnier, bon nombre de ces anciens soldats partent aux États-Unis ou retournent en Europe.

Sir Frederik Haldimand est bien connu parmi les militaires suisses qui sont en service au Canada. Après avoir servi en Russie et en Hollande, il passe dans l’armée britannique en 1756. Il sert en Amérique du Nord pendant la guerre de Sept ans. Après la conquête de la Nouvelle-France, il devient gouverneur militaire de Trois-Rivières à deux occasions. Originaire d’une famille francophone, Sir Frederik Haldimand montre une grande empathie à l’égard des colons de langue française qui craignent d’être submergés par le groupe britannique dominant. À titre de gouverneur du Québec, Sir Frederik Haldimand se concentre sur la défense militaire de la province et sur le statu quo politique.

Sir George Prevost
Portrait de sir George Prevost, attribué à Robert Field, vers 1808-1811. Il dirige le régiment d'infanterie suisse de Meurons pendant la guerre de 1812.
(avec la permission du Musée McCord/U. McGill)

Une autre figure militaire bien connue est Sir George Prevost, qui est né au New Jersey et dont le père est un officier suisse. Il assume en 1811 la double responsabilité de gouverneur général des Canadas et de commandant en chef des troupes britanniques en Amérique du Nord. Il joue un rôle clé en persuadant l’administration londonienne de la colonie britannique de reconnaître les anciennes institutions françaises.

Premiers colons suisses

Parmi les premiers colons, marchands et pionniers suisses, on retrouve Pierre, François et Jacques Miville, qui se voient octroyer des terres en 1665, à la Grande Anse, aujourd’hui La Pocatière, au Québec. Cette région est aussi connue sous le nom familier de « canton des Suisses ». Un autre colon et marchand, Laurenz Ermatinger arrive à Montréal vers 1761. Il devient plus tard l’un des neuf partenaires de la nouvelle Compagnie du Nord-Ouest. Charles Oakes Ermatinger, fils de Laurenz, contribue de façon décisive à l’expansion de la traite des fourrures près de Sault Ste Marie, en Ontario. Sebastian Fryvogel (1791-1873), un pionnier d’origine suisse, a le mérite d’avoir collaboré à l’ouverture de la contrée huronne (Huron Tract), une vaste zone à l’est du lac Huron. En 1856, la fondation de Zurich, en Ontario, est attribuée à Frederick Knell, qui achète une terre au sud-est du lac Huron et qui lui donne le nom de la capitale de son canton natal.

Expédition Selkirk à la rivière Rouge

Satisfait de l’expérience qu’il a vécue avec le régiment de Meuron, lord Selkirk envoie un agent en Suisse pour y recruter des civils destinés à émigrer à la colonie de la rivière Rouge. Au lendemain de la Guerre de 1812, une centaine d’hommes des régiments suisses dissous sont engagés par lord Selkirk afin de l’y accompagner. Après avoir occupé Fort Williams, un petit détachement comprenant 30 soldats et 2 officiers pousse plus à l’ouest et pénètre à Fort Douglas par la rivière Rouge, y rétablissant l’ordre. Quelques-uns de ces soldats s’y installent en tant que colons. Aujourd’hui, l’avenue des Meurons, à Winnipeg, au Manitoba, ainsi que la pointe de Meuron située tout près rappellent les colons qui avaient appartenu au régiment suisse.

En novembre 1821, après un voyage particulièrement difficile, 180 nouveaux colons arrivent, pour découvrir qu’aucune cabane n’a été construite pour eux. Il n’y a pas non plus de provisions en quantité suffisante. Environ la moitié des nouveaux arrivants doivent se mettre en route pour Pembina, près de la frontière américaine, là où l’on croit que les conditions sont plus favorables. Après trois ans d’inondations et d’invasions de sauterelles, la plupart des habitants de la colonie de la rivière Rouge choisissent d’aller s’établir sous des cieux plus cléments.

« Travelling by Canoe »
Aquarelle de Peter Rindisbacher représentant deux officiers de la Compagnie de la baie d'Hudson se déplaçant dans un canot d'écorce manoeuvrépar des voyageurs, réalisée vers 1823.
(avec la permission du Musée des beaux-arts du Canada)

Peter Rindisbacher, venu à la rivière Rouge avec sa famille à l’âge de 15 ans, peint de nombreuses aquarelles représentant le périple des immigrants suisses. Ses illustrations fidèles de la vie autochtone et de la vie des négociants dans les Prairies constituent un précieux témoignage historique et artistique de cette époque.

Parmi les pionniers suisses de l’Ouest, figure aussi le capitaine Louis Agassiz, qui devient le chef de police du district de Hope du fleuve Fraser. Christian Fahrni est le premier à établir une liaison ferroviaire entre Fort Garry et Fort Edmonton (voir aussiUpper Fort Garry; Lower Fort Garry). Depuis 1935, Smithers, en Colombie-Britannique, abrite une communauté suisse prospère de plus d’une centaine d’habitants, dont plusieurs sont engagés comme géologues, ingénieurs miniers, enseignants et arpenteurs-géomètres.

Des guides de montagne suisses arrivent au Canada au début du 20e siècle pour entrer au service de la compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique, qui souhaite favoriser le tourisme dans les Rocheuses où il vient de construire des hôtels. Pendant 20 ans, les guides suisses aident les alpinistes canadiens, américains et européens à effectuer les premières ascensions des Rocheuses. Bien que la Deuxième Guerre mondiale interrompe cette période dorée de l’alpinisme et du tourisme dans l’Ouest et y mette fin, la tradition se maintient et, encore aujourd’hui, un grand nombre de Suisses sont guides de montagne, moniteurs de ski, photographes ou cinéastes à Canmore, Banff et Jasper, en Alberta, comme à Golden, en Colombie-Britannique.

Immigration après la Deuxième Guerre mondiale

Après 1914, l’immigration suisse décroît considérablement, pour ne reprendre qu’à partir de 1945. Les immigrants après la Deuxième Guerre mondiale sont dans une large mesure des professionnels et des entrepreneurs. La plupart se dirigent vers les centres urbains où on y trouve des clubs, associations et bulletins de liaison suisses. Un nombre considérable d’immigrants suisses viennent chercher de l’expérience à l’étranger dans leur spécialité, après quoi ils rentrent chez eux.

À partir des années 1930, les banques et les compagnies d’assurance suisses commencent à ouvrir des filiales au Canada (par exemple la Société de banque suisse, la Zurich Insurance). Les grandes multinationales de l’industrie chimique dont le siège social est en Suisse, Hoffman-LaRoche, Sandoz et Ciba-Geigy (qui fusionnent pour former Novartis), établissent des usines et des laboratoires de recherche à Montréal. Les fabricants de machinerie Sulzer et Brown-Bovery (aujourd’hui ASEA), dont les sièges sociaux se trouvent à Baden, ainsi que les entreprises Oerlikon Zurich ouvrent des usines au Canada, tout comme Ciment Saint-Laurent, au Québec, qui est la plus grande entreprise de matériaux de construction du pays. La contribution de ces géants de l’entreprise à l’économie canadienne se chiffre en milliards de dollars.

Figures marquantes

Les scientifiques et les universitaires suisses travaillent au Canada dans plusieurs secteurs. Les physiciens suisses sont attirés par les laboratoires de recherche en physique des particules élémentaires du Centre TRIUMF, à Vancouver. John Turque, un ingénieur suisse important qui arrive à Montréal en 1937, crée le groupe CNC, l’entrepreneur général de l’aéroport international de Mirabel. Dans le domaine des sciences médicales, le Dr Erwin Diener joue un rôle prépondérant dans la fondation du premier département d’immunologie au Canada, à l’Université de l’Alberta, en 1973.

Les écrivains, les artistes et les musiciens suisses sont historiquement particulièrement actifs au Québec, une province qui attire les immigrants suisses depuis longtemps. Napoléon Aubin (1812-1890), à la fois auteur, journaliste et éditeur prolifique, devient en 1845 le directeur du journal Le Canadien. André Borel, un autre écrivain suisse de Montréal, publie Croquis du Far West et Le Robinson de la Red Deer. P.-E. Briquet signe Croquis Canadien pour le Journal de Genève. L’Histoire littéraire de l’Amérique francophone (1954) d’Auguste Viatte est un classique du genre. Laure Rièse reçoit la Légion d’honneur pour avoir promu la langue française, ainsi que pour son œuvre d’écrivaine.

Outre Peter Rindisbacher et André André Charles Biéler, le Canada compte plusieurs peintres d’origine suisse, particulièrement dans la région de Toronto. La principale contribution des immigrants suisses aux arts visuels canadiens a trait à la photographie (Robert Frank) et, surtout, aux arts graphiques et au graphisme, car ce sont des concepteurs suisses qui ont mis sur pied les premiers programmes de design et de communication graphique destinés aux cycles supérieurs, à l’Université de l’Alberta.

Le chef d’orchestre suisse, Charles Dutoit, est le directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Montréal de 1977 à 2002. D’autres musiciens suisses jouent un rôle de premier plan dans la musique canadienne, parmi lesquels Mario Duschenes, flûtiste et compositeur, et Pierre Souvairan, pianiste et compositeur. Regula Burckhardt-Qureshi, elle-même musicienne de talent, apporte une contribution remarquable à l’ethnomusicologie.

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