Services sociaux et assistance sociale
Au Canada, les programmes de SÉCURITÉ SOCIALE et les services sociaux et l'assistance sociale ne sont pas les mêmes. Les programmes de sécurité sociale, qui relèvent de tous les paliers de gouvernement, fournissent une aide économique directe de divers types aux personnes ou aux familles. Les ALLOCATIONS FAMILIALES, les PENSIONS DE VIEILLESSE et les programmes provinciaux et municipaux d'aide sociale entrent dans cette catégorie.
Les programmes de services sociaux et d'assistance sociale, par contre, existent pour répondre aux besoins personnels, sociaux et émotionnels. Ils comprennent les services de soins offerts dans les résidences gérées par l'État ou par le secteur privé, les soins à domicile ainsi qu'un large éventail de services communautaires comme les SERVICES DE GARDE, la livraison des repas à domicile et le counseling. Aujourd'hui, ces services sont souvent appelés services sociaux « personnels ». Ils apparaissent et se répandent essentiellement au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
Par le passé, on s'attendait à ce que la famille s'occupe de ses membres, avec l'aide d'organisations paroissiales, de sociétés caritatives et d'associations formées dans les milieux de travail quand la famille ne disposait pas des ressources suffisantes. Avec la révolution technologique, un changement s'opère : le travail industriel prend le pas sur le travail agricole. Par suite de l'expansion du secteur manufacturier, les grandes villes attirent plus de travailleurs et se trouvent aux prises avec des problèmes de surpeuplement et de nouveaux besoins sociaux. L'État réagit d'abord en finançant le développement des organisations caritatives et paroissiales pour ensuite s'engager lui-même dans l'administration des services sociaux.
Il existe encore beaucoup de services institutionnels destinés aux personnes dans le besoin, mais on a aussi mis en place une grande variété de services d'une autre nature. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu'aux années 80, la croissance exponentielle des services fournis par l'État a remis la responsabilité du financement et de la prestation directe des services principalement aux trois paliers de gouvernement. Dans quelques provinces, on trouve aussi diverses organisations privées de service social, financées en partie par le gouvernement et en partie par les campagnes de Centraide, de même qu'un certain nombre d'autres services qui ne sont pas sous l'autorité du gouvernement ni d'organismes privés reconnus. Bien que les services de l'État demeurent d'importants fournisseurs de soins, beaucoup préfèrent recourir à des sources d'aide plus personnelles comme la famille et les associations paroissiales, qu'ils trouvent idéales malgré certaines difficultés de fonctionnement.
Buts et éventail des services
Les services de bien-être social sont d'abord axés sur les besoins de populations précises, c'est-à-dire les enfants et les familles, les jeunes, les vieillards, les handicapés physiques et mentaux. Cependant, peu importe la population desservie, ces programmes poursuivent des objectifs différents. Certains offrent des soins en tout temps, tous les jours; d'autres soutiennent la famille (particulièrement les mères, qui sont la plupart du temps responsables des besoins sociaux et affectifs de la famille); d'autres protègent les personnes en danger, comme les enfants négligés ou maltraités. Pour les enfants qui doivent être retirés temporairement ou définitivement de leur famille, on dispose de foyers d'accueil, de foyers de groupe et de services résidentiels. Le système général de bien-être de l'enfance inclut les services d'ADOPTION. Il existe des services de counseling pour les enfants présentant des problèmes psychologiques, et des centres de SANTÉ MENTALE existent pour les soins en institution. Un certain nombre de services de garde sont créés dans chaque région administrative, surtout à l'intention des enfants d'âge préscolaire. Il y a très peu de places pour les enfants d'âge scolaire et ceux qui ont des besoins particuliers; en fait, les places en garderie de tous genres ne suffisent pas à répondre à la demande.
Il existe un certain nombre de programmes plus limités et, dans certains cas, plus récents, destinés à soutenir la famille, parmi lesquels l'aide ménagère à domicile; des programmes de formation des parents; des services de relève, qui permettent aux mères de se libérer occasionnellement des exigences quotidiennes du soin des jeunes enfants. Des programmes de planification familiale fournissent de l'information et de l'aide psychologique aux familles d'un bout à l'autre du pays. On trouve aussi un petit nombre d'autres services destinés aux femmes, créés sur l'initiative de groupes féminins locaux en l'absence de services d'État. Mentionnons les centres locaux de femmes offrant de l'information, des conseils, de l'aide psychologique et des références; les centres d'aide aux victimes de viol; et un certain nombre de refuges ou de centres d'hébergement pour les femmes battues et leurs enfants.
Afin de répondre aux besoins des personnes âgées, on a ouvert des résidences, dont de grands centres pour les soins prolongés et un réseau de petits centres d'accueil communautaires, aujourd'hui en expansion. Dans certaines régions, les services communautaires pour les vieillards comprennent des haltes-accueil, des services ménagers et des repas à domicile.
Un réseau de services pour les handicapés physiques et mentaux (voir INCAPACITÉ) regroupe de grands établissements de soins et des résidences communautaires plus modestes, comme les foyers d'accueil et les foyers de groupe. À certains endroits, il existe des ateliers protégés qui offrent aux handicapés une formation facilitant leur intégration dans la communauté. Dans plusieurs régions du pays, on fonde des associations locales pour les déficients mentaux, qui se consacrent à la défense des droits de ces derniers et fournissent aussi certains services dans leurs communautés locales. On met en place des services pour les malades mentaux en dehors du système général de santé (voir PSYCHIATRIE). Dans certaines régions, il y a des programmes communautaires de réadaptation destinés à aider les malades mentaux à se réinsérer dans la société après un séjour en institution; dans d'autres, on fournit des installations d'urgence et des haltes-accueil pour recevoir les personnes récemment sorties de l'hôpital.
Responsabilité
En vertu de la CONSTITUTION canadienne, la responsabilité des services sociaux revient aux gouvernements provinciaux et territoriaux. Les services fonctionnent principalement suivant la législation provinciale et territoriale. Chaque province et territoire établit son propre éventail de services. Quelques provinces confient une partie de leur responsabilité administrative aux gouvernements locaux ou municipaux et, parfois, ces derniers contribuent aussi au financement de certains services.
Le gouvernement fédéral participe également aux programmes des services sociaux, par des ententes de partage des coûts avec les provinces et les territoires. À l'origine, en vertu du Régime d'assistance publique du Canada (RAPC), le coût de plusieurs services était divisé en deux parts égales entre les provinces et le gouvernement fédéral. En 1990 cependant, ce dernier impose des limites aux dépenses des trois provinces les plus riches, l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta, les forçant en fait à augmenter leur part du financement social jusqu'à 70 p. 100. De nombreux critiques prétendent qui si la tendance actuelle persiste, le financement du RAPC sera éliminé au début du XXIe siècle. Les compressions budgétaires draconiennes effectuées par tous les paliers de gouvernement, de même que l'opinion générale selon laquelle les services sociaux privés seraient plus efficaces, remettent sérieusement en question l'utilité des programmes sociaux publics (voir ÉTAT PROVIDENCE).
Pour remplacer la formule de partage instaurée sous le RAPC, des ententes de financement en bloc apparaissent suivant lesquelles le gouvernement fédéral accorde des points d'impôt aux gouvernements provinciaux, se retirant ainsi des programmes sociaux. Le gouvernement fédéral veille néanmoins à ce que toutes les provinces et territoires fournissent de l'aide à ceux qui sont « dans le besoin », que chaque région administrative ait une procédure en place pour en appeler des décisions des fonctionnaires et qu'aucun territoire ni province n'impose de condition d'admissibilité fondée sur la résidence. Toutefois, même si le gouvernement fédéral délègue la responsabilité des services sociaux, certaines provinces voient d'un mauvais oeil toute participation du fédéral, aussi minime soit-elle.
Les organisations privées ou paroissiales administrent un faible pourcentage des services sociaux. Plusieurs d'entre elles reçoivent une aide financière des organismes publics et le reste de leurs revenus est formé de dons privés qui proviennent, entre autres, des campagnes annuelles de Centraide. Dans certaines régions administratives, les organismes privés sont en fait repris par l'État; dans d'autres, ils sont maintenus (essentiellement des organisations semi-publiques), bien qu'ils fonctionnent avant tout grâce au soutien gouvernemental et souvent en vertu de mandats votés par les gouvernements provinciaux.
Différences régionales
Depuis les années 60, la plupart des régions administratives du Canada procèdent à un examen de leurs services sociaux. Par exemple, l'Alberta met en oeuvre un programme de service social préventif en 1966; le Québec lance une enquête sur la santé et les services sociaux en 1966; le Nouveau-Brunswick forme un groupe de travail sur le développement social en 1970; la Colombie-Britannique entreprend une révision des services sociaux en 1972; et l'Ontario constitue un groupe de travail sur les services sociaux en 1979. Dans la plupart des provinces, ces initiatives conduisent à un renforcement de l'emprise du gouvernement provincial sur les services sociaux. Le Québec est la seule province à avoir regroupé les services de santé et de bien-être social; toutes les autres continuent de confier ces deux types de services à des ministères différents. En général, la réorganisation ne touche pas l'administration locale.
Durant cette période, quelques provinces, dont le Québec et la Colombie-Britannique, ont largement pris en main la gestion des organismes privés, alors que d'autres, l'Ontario notamment, continuent d'en appuyer quelques-uns. Presque toutes les régions administratives établissent une certaine forme de décentralisation de la gestion pratique des services tout en maintenant l'autorité du gouvernement central sur les politiques et le financement. Le Québec, par exemple, met sur pied des organismes régionaux, des centres communautaires et des organisations de quartier appelées « centres locaux de services communautaires » (CLSC).
L'Alberta et le Québec installent des bureaux régionaux et, dans certains cas, des bureaux locaux pour la prestation des services provinciaux. Les services régionalisés de Terre-Neuve reflètent sa géographie et le nombre de ses communautés isolées. Le PROGRAMME DE RÉINSTALLATION DE TERRE-NEUVE, qui date du début des années 60, a toutefois perturbé la vie familiale et communautaire en forçant la fermeture de petites industries afin d'essayer de centraliser l'activité économique. Cette mesure conduit à un déplacement de la population vers les grands centres et à une concentration des services sociaux.
La prestation des services sociaux aux autochtones se complique d'un débat sur la compétence (voir AUTOCHTONES, SANTÉ DES). Le gouvernement fédéral a une responsabilité globale envers les autochtones et leurs terres suivant la Loi constitutionnelle de 1867 en général et suivant la Loi sur les Indiens en particulier. Certains services, comme les SERVICES D'AIDE À L'ENFANCE, sont confiés aux gouvernements provinciaux, mais ils n'acceptent pas tous cette responsabilité de bon gré. Dans d'autres secteurs des services sociaux, le partage des responsabilités n'est pas clair. Les organisations autochtones, les conseils de bande, par exemple, assument parfois la responsabilité de l'administration courante des services d'aide à l'enfance. Les peuples autochtones revendiquent de plus en plus la gestion directe du développement et de la prestation de leurs services sociaux. Il semble assez certain qu'ils auront acquis ce droit d'ici le début du nouveau millénaire.
Changements récents
Les services de bien-être social sont particulièrement affectés par les réductions budgétaires générales de l'État dans ce secteur, tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale. Ces réductions exacerbent le problème de l'effritement du pouvoir d'achat dont souffrent les assistés sociaux depuis le milieu des années 70 et qui s'amplifie avec la récession économique du début des années 80 et de la fin des années 90.
En plus de mettre un terme à toute expansion des services sociaux et même de réduire l'enveloppe budgétaire qui leur est consacrée, les gouvernements instaurent un certain nombre de mesures. La première est la « désinstitutionnalisation », qui consiste à donner leur congé à des personnes en institution et à limiter le nombre de nouvelles admissions. Cette décision entraîne la fermeture de quelques grands établissements dans tout le pays, dont des centres de soins pour les handicapés, les malades mentaux, les vieillards et les enfants.
La seconde mesure, qui découle d'ailleurs de la première, met l'accent sur les soins prodigués aux personnes dans leur propre communauté et souvent dans leur propre famille. Elle privilégie à la fois l'intégration des personnes « désinstitutionnalisées » au sein de la société et la prestation de certains services dans la communauté même, de sorte que celles-ci n'aient pas à être placées en institution. Il semble que cette stratégie compte beaucoup sur les femmes pour s'occuper des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées à leur domicile. De sérieux problèmes résultent actuellement d'un manque d'installations et de services communautaires adéquats pour répondre à la « désinstitutionnalisation » d'un grand nombre de personnes dans l'ensemble du pays.
Une troisième mesure consiste à transférer la responsabilité de l'administration des services sociaux au secteur privé. On a davantage recours à cette mesure dans certaines parties du pays que dans d'autres, par exemple, en Alberta. Les services sociaux, qui évoluent depuis les années 60, sont souvent décrits comme étant un filet de sécurité sociale.
La confusion et la polémique règnent au sujet de la façon dont on devrait fournir les services sociaux : alors que certains favorisent un service public universel, d'autres préconisent un service privé conjugué à un apport de l'État. Environ 11 p. 100 (3,1 millions) de la population du pays a recours à des services d'aide sociale en 1994, ce qui montre à quel point les besoins sont criants. Il apparaît toutefois qu'il ne s'agit plus de raviver l'éternel débat sur la responsabilité fédérale ou provinciale dans ce domaine, mais plutôt de savoir si les Canadiens qui ont besoin d'aide seront mieux servis par des institutions publiques ou privées et si le gouvernement fédéral a plus qu'un rôle symbolique à jouer dans la prestation des services sociaux.