Fondation
Les provinces de l’ouest du Canada ont une riche histoire de fondation de nouveaux partis politiques, dont, à la droite du spectre politique, le Parti Crédit social et le Parti réformiste, et, à la gauche, la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), qui deviendra le NPD. Cette tradition d’innovation politique se poursuit en Saskatchewan en 1997, lorsque divers politiciens libéraux et progressistes-conservateurs (PC) quittent leur parti provincial respectif, l’un comme l’autre battus aux élections, pour fonder le Parti saskatchewanais.
Le Parti libéral et le Parti PC sont tous deux battus à plate couture aux élections de 1991 qui portent le NPD au pouvoir sous le leadership de Roy Romanow. Les libéraux s’embourbent alors dans des dissensions internes. Le Parti PC – au pouvoir pendant les neuf années précédentes, sous la gouverne de Grant Devine – est déchu à la suite d’une période de grande impopularité caractérisée par des années de déficit budgétaire et d’allégations de corruption. Dans les années qui suivent, plusieurs membres du gouvernement Devine sont reconnus coupables de fraude et de détournement de leurs allocations pour frais législatifs. Le scandale enterre tout espoir d’un renouveau ou d’un retour prochain au pouvoir pour le Parti PC.
C’est dans ce contexte qu’une coalition de libéraux et de progressistes-conservateurs voit le jour le 8 août 1997, sous la bannière du Parti saskatchewanais. Le projet est en grande partie le fruit du travail en coulisses d’organisateurs politiques. Ce nouveau parti est toutefois également représenté à l’Assemblée législative par quatre députés libéraux et quatre autres d’allégeance progressiste-conservatrice, qui se regroupent au sein d’un nouveau caucus sous la direction intérimaire de l’ancien libéral Ken Krawetz. Quelques semaines plus tard, le caucus du Parti saskatchewanais est désigné en tant que parti d’opposition officiel de la province.
Ni le Parti libéral ni le Parti PC ne sont dissous. Le Parti PC convient cependant de suspendre ses activités politiques et de ne pas affronter le Parti saskatchewanais au cours des deux élections suivantes, ne présentant « sur papier » qu’une poignée de candidats à chacune de ces élections, afin de rester légalement reconnu en vertu des règles provinciales.
Elwin Hermanson
Le nouveau parti tient son premier congrès d’investiture en avril 1998. Plutôt qu’un congrès délégué, en vertu duquel des délégués sont dépêchés par les associations de circonscription du parti pour élire un chef, le parti opte pour un système d’un membre, un vote. Elwin Hermanson, ancien député du Parti réformiste ayant perdu son siège aux élections fédérales de 1997, est choisi chef du parti.
Sous le leadership d’Hermanson, le Parti saskatchewanais articule les valeurs du Parti réformiste et de la droite politique : sont préconisées d’importantes réductions d’impôt, l’autonomie individuelle et la participation limitée du gouvernement à l’économie. Le parti soutient la privatisation des sociétés d’État prisées de la Saskatchewan, la mise en place de cliniques privées de chirurgie et l’envoi de jeunes délinquants dans des camps de redressement. Dans les politiques et les prises de position du parti, les valeurs plus centristes des anciens libéraux ayant contribué à sa fondation sont plutôt effacées.
Le parti devient populaire dans les régions rurales de la Saskatchewan, sans toutefois s’attirer le soutien des électeurs urbains, en particulier des fonctionnaires et des employés des sociétés d’État à Saskatoon et à Regina. À la même époque, le premier ministre néo-démocrate Roy Romanow déclare que le Parti saskatchewanais n’est qu’une façade remodelée du Parti progressiste-conservateur largement discrédité, surnommant le nouveau groupe « Saska-Tories» (voir Tory). Ses attaques ne sont que partiellement efficaces. Lors des élections de 1999, le Parti saskatchewanais obtient 25 des 58 sièges, réduisant Romanow et son parti à un gouvernement minoritaire de 29 sièges. Malgré ces avancées, les sièges du Parti saskatchewanais se limitent aux régions rurales; aucun député élu n’est issu des villes de la province.
Dans l’espoir de s’attirer davantage de votes des électeurs urbains, Elwin Hermanson tente de modérer l’image socialement conservatrice de son parti. Lors des élections de 2003, en dépit d’une performance légèrement améliorée à Saskatoon, le parti retourne au rang de l’opposition, alors que le NPDobtient de justesse un gouvernement majoritaire avec le nouveau premier ministre, Lorne Calvert.
Brad Wall
En 2004, Elwin Hermansondémissionne. Brad Wall, ancien organisateur du Parti PC et député provincial du Parti saskatchewanais de la circonscription de Swift Current, est unanimement choisi comme nouveau chef.Se positionnant comme un modéré, Brad Wall mène à une refonte en profondeur de l’image et des politiques du Parti saskatchewanais. Les membres du parti, les citoyens et les experts sont largement consultés. Encourageant le retour des Saskatchewanais expatriés en Alberta pour le travail, le parti mise avant tout sur l’investissement des entreprises et la création d’emplois. Du même élan, les objectifs étroitement conservateurs de certains membres du parti, notamment la restriction du droit à l’avortement, sont sévèrement découragés, alors que Brad Wall s’efforce de présenter un visage plus moderne et plus centriste aux électeurs, en particulier les jeunes issus de milieux urbains.
Ces stratégies portent leurs fruits. Lors des élections de 2007, Brad Wallmène son parti à un gouvernement majoritaire, remportant 51 % du vote populaire et38 sièges, contre seulement 20 pour le NPD. Bien que son soutien soit encore essentiellement rural, le Parti saskatchewanais parvient à faire élire quatre députés à Saskatoon et à Regina.
Le parti prend le pouvoir à un moment opportun, au beau milieu d’un boom sans précédent dans le secteur mondial des matières premières (voir Opérations sur marchandises). La hausse des cours et de la demande pour la potasse, l’uranium, le pétrole et les produits agricoles de la Saskatchewan mène à la création d’emplois tout en remplissant les coffres du gouvernement, transformant la province naguère pauvre en puissance économique. Lors de l’élection de 2011, le parti retourne au pouvoir en accaparant 64,2 % du vote populaire – le taux le plus élevé de l’histoire de la Saskatchewan – ainsi que 49 des 58 sièges à l’Assemblée législative.
Le parti est à cette époque mêlé à un litige de longue date avec les loyalistes du Parti PC, concernant la propriété d’un fonds d’affectation politique de trois millions de dollars. Des membres du Parti PC, désireux de se servir de ces fonds pour ranimer leur parti, obtiennent gain de cause contre le Parti saskatchewanais devant les tribunaux et finissent par obtenir la mainmise du fonds en 2014.
L’issue de celitige n’a toutefois pas de répercussions tangibles sur la destinée du Parti saskatchewanais, pas plus que la fin abrupte, en 2015, du boom mondial du secteur des matières premières. Lors de l’élection de 2016 – malgré la baisse de régime économique et le retour aux déficits budgétaires –, le Parti saskatchewanais remporte une troisième majorité consécutive, avec 51 des 61 sièges à l’Assemblée législative. La victoire confirme à la fois l’avantage concurrentiel du parti et la domination de Brad Wall au sein du système politique actuel de la Saskatchewan.
Scott Moe
En 2016, au lendemain de la défaite d’une série de gouvernements conservateurs partout au pays (au provincial comme au fédéral), le Parti saskatchewanais est l’un des deux seuls gouvernements ouvertement de droite au Canada, avec à ses côtés le gouvernement progressiste-conservateur nouvellement élu au Manitoba.
Le 10 août 2017, Brad Wall annonce son intention de se retirer du poste de premier ministre provincial, une fois que son parti aura choisi un nouveau chef. Le 27 janvier 2018, Scott Moe, membre du conseil exécutif (ou Cabinet) de Brad Wall de 2014 à 2017, est élu à la chefferie du Parti saskatchewanais. Il est assermenté comme premier ministre le 2 février 2018.