Les sables pétrolifères (ou sables bitumineux) canadiens occupent une vaste zone d’extraction de bitume qui s’étend principalement le long de la rivière Athabasca avec un centre d’activité à proximité de Fort McMurray en Alberta, à approximativement 400 km au nord-est de la capitale provinciale, Edmonton. L’augmentation de la demande mondiale en énergie, la forte dépendance à l’égard du pétrole et plusieurs conflits géopolitiques dans des régions productrices clés ont motivé depuis les années 1970 l’exploration de sources de pétrole non conventionnelles. Ces efforts, combinés aux avancés de l’ingénierie pétrolière, ont contribué à rendre l’extraction du bitume économiquement rentable, le prix du pétrole ne cessant d’augmenter. Les sables bitumineux sont qualifiés de source « non conventionnelle » de pétrole parce que leur extraction est plus difficile que celle du pétrole liquide (« conventionnel ») présent dans les réserves traditionnelles. Ces difficultés font que le produit final a un prix élevé et que l’activité engendre des préoccupations environnementales croissantes.
Croissance économique
Les sables pétrolifères ont été exploités pour la première fois en Alberta en 1967. Leur exploration a permis d’augmenter considérablement les réserves canadiennes de pétrole, les faisant passer d’approximativement 5 milliards à près de 173 milliards de barils. Le Canada possède ainsi la troisième plus grande réserve de pétrole au monde, dont 97 pour cent sont sous la forme de sables pétrolifères. Les sables occupent environ 140 000 km2 (soit environ 20 p. cent de la superficie de la province de l’Alberta et la même taille, approximativement, que l’État de la Floride). Environ 66 p. cent cette surface (93 000 km2 en janvier 2013) a déjà été louée à des compagnies intéressées par l’extraction des sables pétrolifères. On estime qu’en 2012, l’extraction des sables pétrolifères a permis d’augmenter le produit intérieur brut du Canada de 91 milliards de dollars et 475 000 emplois (soit trois p. cent du total national) pourraient en avoir bénéficié dans une certaine mesure. Plus de la moitié de la production canadienne de pétrole provient actuellement des sables pétrolifères (environ 1,8 million sur 3,2 millions de barils par jour). Les prévisions de croissance varient mais la production pourrait doubler de volume entre 2010 et 2030 pour atteindre 6,7 millions de barils par jour, cette augmentation provenant exclusivement des sables pétrolifères.
Méthodes d’extraction
L’extraction des sables pétrolifères peut s’effectuer par deux méthodes : soit l’extraction à ciel ouvert, soit le forage en profondeur, ou exploitation in situ. L’extraction à ciel ouvert consiste d’abord à débarrasser la zone de ce qu’on appelle les « morts-terrains » (la végétation, le sol et les couches de terre qui recouvrent le bitume). On ouvre ensuite de vastes mines à ciel ouvert d’où le bitume est extrait à l’aide d’excavatrices et de camions avant d’être traité physiquement et chimiquement. Les technologies actuelles permettent aux entreprises minières d’exploiter économiquement les sables pétrolifères à ciel ouvert lorsque le bitume se situe à moins de 70-100 m sous la surface. Lorsque le bitume est plus profond, il faut mettre en place un forage in situ. Comme l’expression latine in situ le suggère, ce type de forage laisse la végétation et les différentes couches de sol au-dessus du bitume essentiellement intactes. Ce sont des pompes qui permettent de faire remonter le bitume à la surface après l’avoir chauffé sous terre. Les techniques qui ont rendu possible cette méthode – drainage par gravité au moyen de vapeur (DGMV) et stimulation cyclique par la vapeur d'eau (SCV) – ont marqué les débuts des opération commerciales de forage profond à grande échelle. Cette évolution a profondément modifié les dimensions de l’extraction des sables pétrolifères canadiens depuis le début des années 2000.
Impacts environnementaux
Les impacts environnementaux liés à l’extraction des sables pétrolifères et les préoccupations associées à ces activités ont de nombreuses facettes et concernent la région tout autant que la planète toute entière. On peut notamment citer les émissions importantes de produits carbonés et de gaz à effet de serre, la pollution de l’air à l’échelle régionale, l’introduction de produits toxiques dans le sol, l’eau et l’atmosphère, la perte d’habitats et la diminution de la biodiversité, la pollution de l’eau, forestla destruction de forêts, l’introduction dans l’environnement de produits toxiques par suintement des bassins de décantation, l’incertitude entourant la restauration écologique des milieux touchés par les activités minières et l’introduction massive d’énergie et d’eau en général. L’extraction à ciel ouvert, en particulier, est pointée du doigt par le public pour ses impacts écologiques visibles sur le paysage naturel. Plus de 715 km2 de forêt boréale ont déjà été détruits ou affectés par l’exploitation des sables pétrolifères et 4 700 km2 supplémentaires font l’objet de licences pour une extraction à ciel ouvert (soit une superficie environ 78 fois plus grande que l’île de Manhattan, à New York). Pour produire un baril de pétrole à partir d’une extraction à ciel ouvert, il faut extraire, suivant les endroits, jusqu’à deux tonnes de sables pétrolifères à l’aide de deux à cinq baril d’eau et en émettant environ 35 kg de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Le forage in situ épargne le couvert végétal de la zone d’extraction mais il élargit significativement la portée de l’extraction qui peut atteindre des zones où les couches de bitume sont trop profondes pour être exploitables à ciel ouvert. Le coût environnemental est également élevé : la production de chaque baril de pétrole par drainage des sables pétrolifères par gravité au moyen de vapeur entraîne l’émission de 55 kg de carbone et la combustion de 28 m3 de gaz naturel. À la date de janvier 2013, plus de 88 000 km2 avaient déjà été assignés pour des forages in situ.
Oléoducs
Des controverses connexes ont également éclatées à propos des oléoducs, notamment le pipeline Keystone (du Canada au golfe du Mexique) et le projet pipelinier Northern Gateway (entre l’Alberta et la Colombie-Britannique). Ces débats portent sur les impacts environnementaux immédiats le long des oléoducs (liés aux éventuelles fuites, aux chantiers de construction et aux activités d’entretien) ainsi que sur les décisions sous-jacentes, à long terme, pour ou contre la commercialisation des sables pétrolifères et l’engagement que cela suppose au niveau des infrastructures, des orientations économiques et des conséquences environnementales.
Effets socio-économiques dans la région
Fort McMurray est le centre économique local pour l’exploitation des sables pétrolifères. La région est associée à un fort taux d’emploi et à des revenus élevés mais le développement a aussi engendré des disparités socio-économiques et des répercussions sociales. On peut notamment citer le coût élevé de la vie, une communauté transitoire, des effets de type « ruée vers l’or », une structure démographique déséquilibrée (la population est principalement composée d’hommes jeunes), la forte dépendance de l’économie locale vis-à-vis des marchés énergétiques volatiles et l’incertitude concernant le financement futur des programmes sociaux, des infrastructures et des opérations de remise en état de l’environnement. Situé sur les rives de la rivière Athabasca, Fort McMurray est en amont de la zone d’exploitation des sables pétrolifères tandis que Fort Chipewyan, qui regroupe deux communautés autochtones en aval des travaux, doivent faire face à des impacts environnementaux plus sérieux.
Terminologie
Les dépôts de bitume, les sables pétrolifères et les sables bitumineux désignent un seul et même type de gisement. Lorsque la controverse concernant l’extraction commerciale de ces sables a commencé à s’amplifier, le débat a acquis plusieurs connotations politiques. Les partisans de l’extraction ont alors préféré utiliser le terme « sables pétrolifères » (oil sands en anglais) parce qu’il fait référence au produit final tandis que les opposants optaient pour « sables bitumineux » parce que le terme rappelle la difficulté que présente l’extraction de ces sables et les problèmes environnementaux associés au liquide visqueux qu’est le bitume.
Perspectives et débats sur l’énergie
Les impacts environnementaux et sociaux de l’exploitation des sables pétrolifères canadiens ont donné lieu à de nombreux débats et de multiples critiques concernant l’avenir d’un tel développement. Les discussions continuent concernant les pratiques en place en matière de réglementation environnementale, de surveillance écologique, de prises de décision et d’évaluation des projets. La manière de distribuer les bénéfices économiques à tous les contribuables canadiens et aux investisseurs étrangers et les retombées socio-économiques pour la région sont également débattues. Les stratégies du Canada et de l’Alberta concernant les émissions de carbone et l’énergie ont également été remises en question, tout comme les niveaux réels de consommation d’énergie et d’émissions associés à l’exploitation des sables pétrolifères. Pour beaucoup, le thème sous-jacent est l’augmentation de la consommation d’énergie à l’échelle de la planète et le débat entourant la modernisation écologique de la société visant à se libérer de la dépendance vis-à-vis du pétrole.