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Russell Peters

En avril 2017, après qu’il coanime la cérémonie des prix Juno avec Bryan Adams, Russell Peters devient la cible des critiques pour ses commentaires sexistes, y compris une blague sur le viol. Pendant son monologue d’ouverture, il désigne « toutes les jeunes filles » dans la salle comme des « crimes en devenir ». Plus tard dans la soirée, il exprime sa confusion par rapport au fait que la ministre du Patrimoine Mélanie Joly présente un prix, pour ensuite hausser les épaules et s’exclamer « Elle est sexy, alors on s’en fout! »


Jeunesse et éducation

Russell Peters, Anglo-Indien de confession catholique, naît à Toronto après que ses parents, Eric et Maureen, émigrent d’Inde en 1965. Dans son enfance, sa famille déménage dans la ville voisine de Brampton, où il est continuellement exposé au racisme. Certains de ses camarades en effet le surnomment « Paki » et se moquent de sa peau foncée. Son père lui conseille alors de se défendre à l’aide des mots, et le jeune Russell Peters se rend vite compte que l’ignorance est la véritable ennemie.

Russell Peters ne réussit pas très bien à l’école, d’un TDAH non diagnostiqué. Après son expulsion de l’« école régulière » après la dixième année en raison de ses piètres résultats, il est inscrit à l’école professionnelle North Peel (aujourd’hui, école secondaire Judith Nyman). North Peel, avec sa population étudiante diversifiée, crée un climat plus inclusif qui sied bien à Russell Peters. Ce dernier y obtient donc son diplôme d’études secondaires en 1989. Il mettra sur pied, plusieurs années plus tard, une bourse d’études pour les diplômés de cette école.

Début de carrière

Après l’obtention de son diplôme, Russell Peters présente une demande d’admission au Collège Sheridan. Sa demande est rejetée. Qu’à cela ne tienne, il fréquente quand même l’établissement à titre d’animateur pour la radio du campus, utilisant le pseudonyme « DJ Russell ». À la même époque, il entame sa carrière en humour, présentant son premier numéro à l’âge de 19 ans lors d’une soirée d’amateurs au Yuk Yuk’s Comedy Club. Il consacre quatre années au développement de ses compétences avant de passer aux contrats payés. En 1992, lors d’une rencontre fortuite avec le légendaire humoriste George Carlin, celui-ci conseille à Russell Peters de saisir toutes les occasions qui se présentent de se produire devant un public. Russell Peters suit sagement cette recommandation, participant à de nombreux événements partout au Canada, souvent pour un salaire dérisoire.

Russell Peters se fait connaître en 1995 grâce à une apparition à l’émission de télévision Comics! de la CBC. Son humour provocateur — on se souviendra notamment d’un numéro dans lequel il imite un homme noir tentant de prononcer des noms indiens en y ajoutant une connotation sexuelle — en amène plusieurs à crier au génie, tandis que d’autres appellent plutôt au boycottage de la CBC. Le magazine torontois Eye Weekly estime que ce spectacle compte parmi les points les plus bas de l’année 1995 en humour ; l’émission spéciale vaut malgré tout à Russell Peters une mise en nomination aux prix Gemini, en plus d’augmenter sa visibilité du point de vue commercial. L’humoriste effectue une tournée au Royaume-Uni et figure dans un épisode de la série humoristique Comedy Now! de la chaîne canadienne CTV en 1997. Il est également choisi comme animateur de l’émission Network East Late de la BBC, poste qu’il occupera de 2000 à 2002.

Premiers succès

La grande percée de Russell Peters survient avec un retour à l’émission Comedy Now! sur les ondes de la CTV en 2004. Il est mis en nomination aux prix Gemini pour l’épisode dans lequel il figure, mais c’est plus tard, avec la publication de séquences non autorisées de son spectacle sur YouTube, qu’il fait sensation sur la scène internationale et réussit à véritablement lancer sa carrière d’humoriste. Son frère, Clayton, devient son gérant, tandis que l’humoriste conclut une entente pour créer une comédie de situation. Les réseaux de télévision, cependant, ne mordent pas à l’hameçon.

Performances record

En 2006, Russell Peters présente une série de spectacles à guichets fermés au Beacon Theater de New York et enregistre son premier long spécial d’humour, Outsourced, diffusé sur la chaîne Comedy Central et dont la version DVD se vend à plus de 100 000 exemplaires. Le succès d’Outsourced conduit à plusieurs performances record. En 2007, Russell Peters devient le premier humoriste à remplir le Centre Air Canada de Toronto (maintenant le Scotiabank Arena). Il se produit au Madison Square Garden de New York à guichets fermés et publie le spectacle sous forme de projet autofinancé intitulé Red, White, and Brown, dont le DVD se vend lui aussi à plus de 100 000 exemplaires.

En 2009, il bat le record d’assistance à un spectacle d’humour (précédemment établi par Chris Rock) au Royaume-Uni, vendant environ 16 000 billets au stade O2 de Londres. Russell Peters établit également des records d’assistance en Australie et à Singapour. Il se produit en effet devant plus de 13 000 personnes au stade Acer de Sydney en 2010 et devant plus de 18 000 personnes en deux soirées au Indoor Stadium de Singapour en 2012.

En 2009, Russell Peters inscrit des revenus de 10 millions de dollars et se retrouve sur la liste des dix humoristes les mieux payés de l’année du magazine Forbes. Son nom figurera sur cette même liste à plusieurs reprises après 2009, se hissant au troisième rang en 2013 avec des gains de 21 millions de dollars. En 2015, les gains de l’humoriste totalisent 19 millions de dollars. Russell Peters, en choisissant le titre « Almost Famous » (Presque célèbre) pour sa longue — et lucrative — tournée mondiale, fait allusion à sa furtive célébrité aux États-Unis.

Apparitions au cinéma et à la télévision

Russell Peters s’installe à Los Angeles en 2006, mais a du mal à se faire une place à Hollywood. Il auditionne pour divers rôles au cinéma et à la télévision, refusant toutefois de jouer des personnages à l’accent indien exagéré. Il joue dans plusieurs films, dont le film d’action The Take (2008) ; Happy New Year (2011) de Garry Marshall; la comédie canadienne Breakaway (2011), racontant l’histoire d’une équipe de hockey sikh ; le film à suspense Code source (2011), tourné à Montréal et mettant en vedette Jake Gyllenhaal ; et le succès surprise Chef (2014) de Jon Favreau.

L’autobiographie de Russell Peters, Call Me Russell, est publiée par Anchor Canada en 2010. En 2013, l’humoriste conclut une entente avec Netflix concernant la distribution de l’édition spéciale de son spectacle Notorious et du documentaire Russell Peters vs. The World.

À la télévision, Russell Peters anime une émission rendant hommage à George Carlin en 2007 ; anime le gala des prix Juno en 2008, en 2009 et en 2017 (la première prestation lui valant d’ailleurs un prix Gemini) ; présente le spectacle A Russell Peters Christmas Special (2011) ; apparaît dans Mr. D (2013), comédie de la CBC ; et agit à titre de juge à l’émission de téléréalité Last Comic Standing (2014), diffusée sur les ondes de NBC. En 2015, il devient animateur de la série Web Speakeasy. Il prête également sa voix à la remouture à gros budget du film Le Livre de la jungle (2016), de Disney, ainsi qu’aux séries télévisées Family Guy (2016), BoJack Horseman (2016) et Corner Gas Animated(2019).

Russell Peters est également producteur exécutif de Hip Hop Evolution (2016-2018), une série documentaire musicale acclamée par la critique. Animée par Shad, la série a remporté deux prix Écrans canadiens ainsi qu’un International Emmy Award en 2017. La même année, Russell Peters tient la vedette de la première saison de The Indian Dectective, une série alliant drame et comédie produite par CTV et Netflix. L’humoriste y joue un gendarme maladroit de la police de Toronto qui se fait passer pour un détective lorsqu’il rend visite à son père en Inde. Là-bas, on le convainc d’enquête sur un magnat de l’immobilier véreux joué par William Shatner. En 2019, la série reçoit le prix Écran d’or, remis lors de la cérémonie des prix Écrans canadiens à la série télévisée la mieux cotée au Canada.

Style caractéristique

Le type d’humour de Russell Peters se compose d’observations farfelues sur la race et les stéréotypes raciaux, toujours avec l’objectif de tourner l’ignorance en dérision. (Son site Web, à une certaine époque, contient la mention suivante, on ne peut plus pince-sans-rire : « Le contenu de ce site pourrait ne pas convenir à votre héritage culturel »). Dans ses performances humoristiques, Russell Peters cherche souvent à connaître la composition ethnique de son auditoire, pour ensuite cibler certaines personnes afin de rendre son matériel plus inclusif. Sa famille lui inspire bon nombre de ses blagues les mieux connues, dont un numéro à propos de son père dans lequel il fait de gros yeux et énonce sa célèbre phrase « Someone’s gonna get a hurt real bad » (Quelqu’un est sur le point de se faire très, très mal). Russell Peters sait très bien imiter les accents, donnant à son humour parfois choquant encore une autre facette. Certains considèrent le caractère irrévérencieux de ses observations politiques comme l’une des clés de son succès.

Les critiques de Russell Peters sont tantôt élogieuses, tantôt méprisantes. La Montreal Gazette en parle comme du « produit d’exportation humoristique le plus convoité du Canada », tandis que du côté du National Post, on remet en question le mérite même de sa célébrité, attribuant sa réussite à « son ethnicité et au bon vieil effet d’entraînement ».

L’ethnicité est en effet un thème récurrent pour l’humoriste, qui décrit souvent celle-ci comme l’une des raisons de son immense succès en tant que premier humoriste canadien reconnu d’origine sud-asiatique. Certains soutiennent que les origines indo-canadiennes de Russell Peters lui procurent une marge de manœuvre confortable. Par exemple, on dit dans le LA Times que « ses numéros s’appuient sur le statut d’immigrant de sa famille et, pour cette raison peut-être, il peut tenir des propos qui, pour un humoriste blanc, finiraient à la une des journaux et mettraient fin à une carrière ». Russell Peters cherche toutefois régulièrement à obtenir les commentaires des groupes ciblés par ses blagues et maintient que c’est à l’ignorance qu’il s’attaque, pas aux personnes. « Je ne crée pas les stéréotypes », répète-t-il souvent dans ses spectacles. « Je ne fais que les constater. »

Controverses

En avril 2017, après qu’il coanime la cérémonie des prix Juno avec Bryan Adams, Russell Peters devient la cible des critiques pour ses commentaires sexistes, y compris une blague sur le viol. Pendant son monologue d’ouverture, il désigne « toutes les jeunes filles » dans la salle comme des « crimes en devenir ». Plus tard dans la soirée, il exprime sa confusion par rapport au fait que la ministre du Patrimoine Mélanie Joly présente un prix, pour ensuite hausser les épaules et s’exclamer « Elle est sexy, alors on s’en fout! »

Suivant la diffusion de la cérémonie, Allan Reid, président de l’Académie canadienne des arts et des sciences de l’enregistrement (ACASE), annonce dans un communiqué de presse que les prix Juno « ne soutiennent aucunement, pas plus qu’ils ne sanctionnent, ces remarques imprévues […]. Cet incident n’est pas en aucun cas représentatif des opinions de notre organisation ». Russell Peters quant à lui ignore les nombreuses demandes de commentaires et ne s’excuse pas pour ce qu’il a dit.

Prix

Prix Dave Broadfoot, Canadian Comedy Awards (2007)

Meilleur spectacle d’humour — Grande salle de concert, Canadian Comedy Awards (2008)

Meilleure prestation ou animation dans un spectacle ou une émission de variétés (Les prix Juno 2008), prix Gemini (2008)

Intronisation, Allée des célébrités canadiennes (2011)

Prix Trailblazer, Association of South Asians in Media, Marketing and Entertainment (2013)

Programmation sur les arts (Hip-Hop Evolution), International Emmy Awards (2017)

Prix Écran d’or (The Indian Detective), Prix Écrans canadiens (2019)


Lecture supplémentaire

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