Richard Wagamese, romancier anishinaabe (ojibwé), journaliste, mentor (né le 14 octobre 1955 dans le nord-ouest de l’Ontario, décédé le 10 mars 2017 à Kamloops, en Colombie-Britannique). Un écrivain autochtone canadien bien connu, Richard Wagamese a reçu plusieurs récompenses, dont le prix Molson du Conseil des arts du Canada (2013) et le prix Matt Cohen du Writers’ Trust of Canada (2015). Ses œuvres témoignent des enjeux historiques et socio-économiques contemporains qui touchent les communautés autochtones au Canada. Elles soulèvent aussi des questions relatives aux identités et aux cultures autochtones, ainsi qu’à la vérité et la réconciliation. Richard Wagamese était un écrivain très apprécié, dont les œuvres ont inspiré beaucoup de personnes et d’auteurs, autochtones ou non.
Jeunesse et formation
Richard Wagamese est le fils de Marjorie Wagamese et Stanley Raven, membres des Nations autonomes de Wabaseemoong. (Voir aussi Premières Nations.) Sa famille mène le style de vie traditionnel du peuple ojibwé, pratiquant la chasse, la pêche et le trappage. Sa première maison, raconte-t-il dans son essai « The Path to Healing », dans One Story, One Song (2011), est « une tente de l’armée en toile suspendue à une structure de branches d’épinette ». Tout-petit, il vit en communauté avec ses parents, ses frères et sœurs, sa grand-mère maternelle, ses oncles, tantes, cousins et cousines.
Alors qu’il a presque trois ans, ses parents l’abandonnent pendant plusieurs jours dans le camp avec ses trois frères et sœurs, pendant qu’ils se soulent en ville, à 96 km de là. Gelés et affamés, les enfants réussissent à traverser une baie glacée pour trouver refuge dans la petite ville de chemin de fer de Minaki, où un policier provincial les remarque et les conduit à la Société d’aide à l’enfance. À ce moment, les enfants sont enlevés dans le cadre de ce qu’on a appelé la « rafle des années soixante », un programme gouvernemental canadien qui retirait agressivement des enfants autochtones de leurs maisons afin de les placer en familles d’accueil.
Les parents de Richard Wagamese ont également été enlevés tout jeunes à leurs familles. Ils sont des survivants du système des pensionnats indiens du Canada, en vertu duquel on a retiré quelque 150 000 enfants autochtones de leurs communautés pour les placer de force dans des établissements d’enseignement administrés par l’Église. Plus tard, Richard Wagamese écrira, dans un esprit de pardon et de compréhension, qu’il considère la négligence de ses parents comme le résultat des abus et traumatismes qu’ils ont subi dans le système des pensionnats indiens. Cet héritage douloureux deviendra un thème récurrent de son œuvre. (Voir aussi Commission de vérité et réconciliation du Canada.)
Ce n’est que quelque 25 ans plus tard que Richard Wagamese retrouvera des membres de sa famille. Son histoire ressemble beaucoup à celle de Garnet Raven, un des narrateurs de son premier roman, Keeper’n Me (1994), qui relate son retour dans la culture ojibwée, alors qu’il est dans la vingtaine : « À trois ans je suis disparu, dit Raven. Disparu dans des familles d’accueil, et je n’ai jamais pu revenir avant l’âge de vingt-cinq ans. »
Dans ses fictions comme dans ses essais, Richard Wagamese a beaucoup écrit sur les profondes difficultés qu’il a connues en grandissant dans des foyers d’accueil. « Il y a eu des moments où la douleur et la confusion étaient si intenses que je me sentais comme si ma peau se détachait », écrit-il dans One Story, One Song. « Il y avait des punitions physiques et une discipline martiale qui m’effrayait. Nous étions abandonnés et négligés. J’ai porté pendant des années un sentiment de mélancolie, des obsessions que je ne pouvais expliquer. » Pendant des années, il est renvoyé d’une famille d’accueil à l’autre, un peu partout en Ontario, se retrouvant souvent seul enfant autochtone de son école, éternel étranger. « La famille était un ensemble de visages qui changeait constamment », écrit-il dans l’essai « Born to Roam », dans One Story, One Song.
À l’âge de 16 ans, Richard Wagamese abandonne l’école secondaire et vit dans la rue, ou chez des amis, faisant tout ce qu’il peut pour survivre. C’est à cette époque qu’il commence son éducation littéraire. « À la fin de mon adolescence et au début de la vingtaine, je vivais pratiquement dans les bibliothèques », raconte-t-il dans son essai « Beyond the Page », dans One Story, One Song. En recevant le prix Matt Cohen du Writers’ Trust of Canada, en 2015, il réitère à quel point ses lectures de jeune homme ont formé l’écrivain qu’il est devenu : « Tout ce que j’ai pris, ce sont les possibilités ouvertes qui existaient entre les couvertures d’un livre », dit-il. « Et j’ai lu, j’ai lu, et à force de lire, j’ai découvert ce qu’est une bonne phrase, comment construire un paragraphe solide, comment établir un bon arc narratif dans le déroulement d’un récit long et complexe. »
Richard Wagamese vit dans la rue pendant plusieurs années, aux prises avec l’alcoolisme, la toxicomanie et le trouble de stress post-traumatique hérité des abus et de l’aliénation qui ont marqué sa jeune existence. Il séjourne en prison, vit un peu partout au Canada et occupe d’innombrables emplois. « Parfois, j’ai été planteur d’arbres, creuseur de fossés, cueilleur des betteraves à sucre, aide fermier, travailleur de chemin de fer, laveur de vaisselle, nettoyeur de poissons dans une marina et laveur de camions », écrit-il dans un essai pour le Yukon News le 30 septembre 2009.
Carrière d’écrivain
Richard Wagamese trouve son premier emploi de journaliste en 1979 dans un journal autochtone de Regina appelé The New Breed. Il rédige une chronique d’affaires autochtones populaire dans le Calgary Herald et travaille comme annonceur de radio et télévision. En 1991, il devient le premier auteur autochtone à remporter un National Magazine Award pour la rédaction d’une chronique.
Son premier roman, Keeper’n Me, est publié en 1994 et remporte le prix de la Writers’ Guild of Alberta pour le meilleur roman. Ceci marque le début d’une carrière littéraire prolifique et couronnée de succès. Richard Wagamese publie huit autres romans, une collection de poèmes et cinq œuvres non-romanesques incluant des anthologies. Son roman Indian Horse (2012), qui relate l’histoire poignante et teintée d’humour noir d’un survivant de pensionnat indien extraordinairement doué pour le hockey sur glace, se retrouve en finale sur Canada Reads à CBC, où il remporte le prix du public. En 2017, l’écrivain Dennis Foon et les productrices Christine Haebler et Trish Dolman ont préparé une adaptation cinématographique d’Indian Horse.
« Les gens ne me demandent jamais où je trouve l’inspiration pour mon travail, et j’aimerais bien qu’ils le fassent », dit Richard Wagamese dans une interview pour le Globe and Mail, en 2014. « La réponse est longue et compliquée, mais elle montre ce qui me motive à écrire et à créer des histoires. En quelques mots, ce qui m’inspire est le fait de savoir qu’il y a quelqu’un, quelque part dans le monde, qui est exactement comme moi – curieux et désireux d’en savoir toujours plus sur le monde et les gens. J’écris afin que lorsqu’ils ouvrent un de mes livres, une connexion instantanée s’établisse, comme si nous collaborions à l’histoire. »
Richard Wagamese a prêté son talent littéraire à la CBC en tant que scénariste pour l’émission de télévision North of 60, réalisée en coproduction avec Alliance Atlantis. Il a aussi participé à la rédaction de la Commission royale sur les peuples autochtones du gouvernement fédéral en 1996.
En plus d’écrire, Richard Wagamese enseigne la création littéraire dans plusieurs universités et a été conseiller pédagogique en journalisme pour le Southern Alberta Institute of Technology et le Grant MacEwan Community College.
Décès
Richard Wagamese est décédé le 10 mars 2017 dans sa résidence de Kamloops, en Colombie-Britannique. Il était âgé de 61 ans.
Le 11 mars 2017, Shelagh Rogers, animateur de l’émission The Next Chapter sur CBC Radio One et ami proche de Richard Wagamese, a révélé au Globe and Mail que celui-ci travaillait avant sa mort à une suite de Medicine Walk (2014). Son livre, Embers : One Ojibway’s Mediations (2016) était en nomination pour un Bill Duthie Booksellers’ Choice Award une semaine à peine avant son décès.
Starlight, le roman sur lequel Richard Wagamese travaillait avant son décès, sort en août 2018.
Richard Wagamese laisse dans le deuil ses deux fils, Jason et Joshua, ses petits enfants, sa partenaire de vie Yvette Lehman ainsi que d’autres membres de sa famille et amis.
Prix et distinctions
Le premier roman de Richard Wagamese, Keeper’n Me, lui a valu le prix du meilleur roman de l’Alberta Writers Guild en 1995. Il a aussi remporté le prix de la Canadian Authors Association pour son roman Dream Wheel en 2007 et le George Ryga Award for Social Awareness in Literature pour ses mémoires, One Story, One Song, en 2011.
En 2012, il a reçu le Prix national d’excellence décerné aux Autochtones (aujourd’hui prix Indspire) pour les médias et les communications, et en 2013, il a reçu le prix Molson du Conseil des arts du Canada et le prix Burt pour la littérature des Premières Nations, des Métis et des Inuit.
Richard Wagamese a reçu un doctorat honorifique en lettres de l’Université Thompson Rivers à Kamloops en 2010 et a été maître de conférences Harvey Stevenson Southam en journalisme à l’Université de Victoria en 2011.
Œuvres publiées
- Keeper’n Me (1994)
- The Terrible Summer (1996)
- A Quality of Light (1997)
- For Joshua: An Ojibway Father Teaches His Son (2002)
- Dream Wheels (2006)
- Ragged Company (2008)
- One Native Life (2008)
- One Story, One Song (2011)
- The Next Sure Thing (2011)
- Runaway Dreams (2011)
- Indian Horse (2012)
- Him Standing (2013)
- Medicine Walk (2014; trad. Les étoiles s’éteignent à l'aube, 2016)
- Embers : One Ojibway’s Meditations (2016)