Jeunesse
Reggie Leach naît le 23 avril 1950 à Winnipeg, au Manitoba. Sa mère, Jessie Ackabee, appartient à la Première nation d’Eagle Lake, une communauté ojibwée du nord‑ouest de l’Ontario. Son père, Archie Leach, dont la sœur cadette a vécu avec Jessie dans une maison de chambres à Winnipeg, est boutefeu. Peu de temps après la naissance de Reggie, sa mère prend une décision difficile et l’envoie vivre chez ses grands‑parents paternels, à Riverton, à 128 km au nord de Winnipeg. En effet, bien qu’Archie envoie de l’argent pour prendre soin du bébé, Jessie éprouve alors les pires difficultés pour joindre les deux bouts et souhaite offrir à son fils une meilleure vie. Reggie n’a que quelques semaines lorsqu’il arrive chez Reginald et Kate Leach, portant la « nichée » familiale à 13 membres.
Hockey junior
Dès ses débuts, il ne fait aucun doute que Reggie Leach est un joueur de hockey talentueux. À 14 ans, il a déjà représenté Riverton dans les catégories bantam, midget et cadet. Bien qu’il soit théoriquement encore trop jeune pour jouer au hockey senior, il chausse tout de même les patins pour les Lions de Riverton, l’équipe senior locale.
En 1965‑1966, Reggie Leach joue pour une équipe junior B à Lashburn, en Saskatchewan. Toutefois, il est tenaillé par un mal du pays grandissant et, à mi‑saison, après avoir passé les vacances de Noël à Riverton, il décide de ne pas revenir dans son club. Il joue le reste de la saison avec les équipes locales auxquelles il a déjà appartenu.
Cependant, à la demande pressante de son mentor Siggi Johnson, un homme d’affaires local entraîneur de ligue mineure, Reggie Leach déménage plus de 700 km afin de jouer pour les Bombers de Flin Flon lors de la saison 1966‑1967. Au cours de ses années avec les Bombers, il travaille pour la Hudson Bay Mining and Smelting Company qui subventionne le club de hockey. Il réside également à Flin Flon lorsqu’il rencontre Bobby Clarke, le fils d’un mineur local. Ils deviennent amis et nouent un lien qui perdurera tout au long de leur carrière. Dans une interview accordée le 31 mai 2016, Bobby Clarke se souvient qu’ils se sont trouvé « immédiatement compatibles » aussi bien sur la patinoire qu’en dehors et qu’ils sont devenus « pratiquement inséparables ».
Dès sa première saison avec les Bombers, en 1966‑1967, Reggie Leach marque 67 buts et fait 46 passes décisives, l’équipe décrochant, cette année‑là, une fiche exceptionnelle de 42‑6‑0 et remportant le titre de la Ligue de hockey junior du Manitoba. La saison suivante, les Bombers évoluent dans la Ligue de hockey junior de l’ouest du Canada (devenue la Ligue de hockey de l’Ouest). Avec son complice Bobby Clarke, Reggie Leach continue à marquer des buts à un rythme infernal. Bobby Clarke termine en tête du classement des points, tandis que Reggie Leach décroche un nouveau record de la ligue en marquant 87 buts.
Lors de la saison suivante, 1968‑1969, Reggie Leach continue à se faire remarquer par ses prestations exceptionnelles sur la glace, marquant 36 buts lors de ses 21 premiers matchs. Malheureusement, cette année‑là, il se déboîte l’épaule et se brise la clavicule tôt dans la saison se retrouvant incapable d’intégrer l’équipe pour le restant de la saison régulière. De retour à l’action lors des séries éliminatoires, il aidera les Bombers à décrocher le titre de champion de la ligue.
Reggie Leach termine sa carrière junior avec les Bombers en 1970, avec des statistiques en saison régulière de 255 buts et 146 passes décisives. Cette année-là, il remporte le prix du joueur le plus utile de l’année de la Ligue, en plus de se classer troisième meilleur marqueur de tous les temps (en séries éliminatoires) de la Ligue de hockey de l’Ouest, avec 41 buts.
Débuts à la LNH
En 1970, les Bruins de Boston choisissent Reggie Leach en tant que troisième joueur de la première ronde lors du repêchage amateur de la LNH. Bien qu’à la sortie de la période d’entraînement, il intègre l’équipe des Bruins, le club regorge de talents et il se retrouve plus souvent qu’à son tour sur le banc plutôt que sur la patinoire. Dans ce contexte, l’équipe l’envoie dans sa filiale de la Ligue centrale de hockey, les Blazers d’Oklahoma City, afin qu’il puisse jouer plus régulièrement. Son club d’origine le rappelle à la mi‑janvier 1971 après qu’une blessure de John McKenzie a écarté ce dernier de l’équipe. Après le retour de John McKenzie, les Bruins choisissent finalement de conserver le joueur de Riverton à la LNH plutôt que de le renvoyer à Oklahoma City.
La saison suivante, en 1971‑1972, Reggie Leach se retrouve néanmoins sur le banc une fois de plus. Après avoir exprimé sa frustration à son entraîneur, il est échangé aux Golden Seals de la Californie, conjointement avec Bobby Stewart et Rick Smith. En Californie du Nord, il obtient un temps de jeu plus important ; toutefois, les Seals ne sont pas véritablement à la hauteur et se retrouvent la plupart du temps, du côté perdant.
Flyers de Philadelphie
À la fin de la saison 1973‑1974, Reggie Leach est informé de son échange aux champions de la Coupe Stanley 1974, les Flyers de Philadelphie, l’équipe dont son ami Bobby Clarke est capitaine. Bobby Clarke, Billy Barber et lui forment à eux trois la fameuse « ligne LCB » qui fait des ravages et met à mal de nombreuses équipes de la ligue. Lors de sa première saison avec les Flyers, le joueur de Riverton marque 45 buts, doublant sa performance en la matière réalisée avec les Golden Seals la saison précédente. Cette année‑là, les Flyers remportent la division Patrick et se présentent en séries éliminatoires en 1975, prêts à défendre leur titre de champion. À l’issue d’une série éliminatoire âprement disputée en sept matchs contre les Islanders en demi‑finale, les Flyers prennent le meilleur en finale sur les Sabres, et le « Riverton Rifle » réalise son rêve d’enfance de remporter la Coupe Stanley.
La saison suivante, en 1975‑1976, les Flyers terminent à la deuxième place du classement de la saison régulière avec 118 points. La ligne LCB continue de « martyriser » ses adversaires, marquant 141 buts et 322 points. Reggie Leach marque, quant à lui, 61 buts, dont 51 en égalité numérique. Plus de 40 ans plus tard, il reste détenteur du record de la franchise au chapitre du nombre de buts marqués en une seule saison. Lorsqu’il évoque cette saison décisive dans la carrière de son ami, Bobby Clarke estime que « la plupart de ses buts étaient dus à ses capacités, il marquait rarement sur un coup de chance ». Il se rappelle que d’autres joueurs, à l’instar de Bobby Hull, étaient capables de tirer avec la même puissance, mais qu’aucun d’entre eux ne possédait la précision du hockeyeur de Riverton. Pour lui, « il était en mesure de frapper la rondelle en y mettant toute la puissance dont il était capable, tout en gardant une précision hallucinante! »
Les Flyers accèdent à la finale de la Coupe Stanley en 1976, mais sont balayés par les Canadiens de Montréal. En dépit de la défaite de son équipe, Reggie Leach égale, tout au long des séries éliminatoires de 1976, un certain nombre de records de la LNH et en établit de nouveaux. Le 6 mai, il marque cinq buts lors d’un match décisif contre les Bruins de Boston en finale de conférence, égalant le record détenu conjointement par Newsy Lalonde en 1919, Maurice Richard en 1944 et Darryl Sittler en 1976. Au cours de ces séries éliminatoires, il marque également au moins un but lors de dix matchs consécutifs, établissant un nouveau record en la matière. Au total, il marque 19 buts en 16 matchs éliminatoires. Ses performances impressionnantes lors de cette campagne lui valent le trophée Conn Smythe décerné au joueur le plus utile des séries éliminatoires de la Coupe Stanley. Il est le seul joueur de champ de l’histoire de la LNH à décrocher ce prix en faisant partie d’une équipe perdante. Ses 19 buts en séries éliminatoires constituent toujours, aujourd’hui, un record de la ligue. (Jari Kurri des Oilers d’Edmonton a égalé le record en 1985, marquant également 19 buts ; toutefois, il lui aura fallu 18 matchs pour atteindre ce total, soit deux de plus que le « Riverton Riffle ».)
Lors des saisons suivantes, Reggie Leach poursuit sa moisson de buts pour Philadelphie et fait partie de l’équipe qui détient le record de la plus longue série sans défaite dans l’histoire de la ligue, soit 35 matchs – 25 victoires et 10 matchs nuls – du 14 octobre 1979 au 6 janvier 1980. Cette année‑là, il franchit le cap des 50 buts en saison régulière, en ajoutant 9 de plus lors des séries éliminatoires. Philadelphie atteint une nouvelle fois la finale de la Coupe Stanley en 1980, perdant toutefois la série face aux Islanders de New York qui remportent ainsi le premier de quatre championnats consécutifs.
Le joueur de Riverton poursuit sa carrière à Philadelphie deux saisons supplémentaires avant d’être libéré de son contrat en 1982. Pendant tout le temps qu’il passera avec les Flyers, le « Riverton Rifle » marquera 306 buts et fera 208 passes décisives. Son total de buts en carrière avec les Flyers le place en septième position dans l’histoire de la franchise.
Après les Flyers de Philadelphie
Reggie Leach termine sa carrière à la LNH avec les Red Wings de Detroit lors de la saison 1982‑1983. Il quitte la ligue avec une armoire à trophées bien remplie avec une coupe Stanley, un trophée Conn‑Smythe et deux sélections dans le match des étoiles en 1976 et en 1980. À l’issue de cette saison, parfaitement conscient que sa carrière à la LNH est terminée, il n’est toutefois pas prêt à raccrocher ses patins. Lors de la saison 1983‑1984, il joue pour le Magic du Montana, une équipe professionnelle mineure dans la Ligue centrale de hockey.
Coupe Canada
En 1976, Reggie Leach est sélectionné pour représenter Équipe Canada lors de la Coupe Canada. Bien qu’au cours de cette compétition, il ne domine pas le tableau de marque comme il l’avait fait cette saison‑là avec les Flyers (il marquera un but et fournira une aide), il raconte tout de même à l’auteur Mike Commito, en mai 2016 que ce tournoi a représenté l’un des plus grands moments de sa vie : « Je n’en reviens pas! Moi, le “ti‑cul” autochtone venu du Manitoba, je me retrouve à jouer dans la même équipe que les meilleurs hockeyeurs canadiens contre les meilleurs joueurs du monde! » Lors de cette compétition, le Canada affronte la Tchécoslovaquie en finale à Montréal et décroche la médaille d’or.
Vie personnelle et familiale
Alors qu’il joue au hockey junior et travaille à Flin Flon dans les années 1960, Reggie Leach rencontre Isabel Hunter. Le couple donne naissance à un fils, Jamie, et à une fille, Brandie. Jamie suivra les traces de son père et jouera à plusieurs occasions à la LNH avec les Penguins de Pittsburgh lors de cinq saisons s’étalant sur près de dix ans, remportant la Coupe Stanley en 1992. Le père et le fils sont le seul duo de cette nature, originaire des Premières Nations, à avoir leur nom gravé sur la Coupe Stanley. Brandie excellera, elle aussi, dans le domaine sportif et sera sélectionnée dans l’équipe féminine canadienne de crosse qui disputera la Coupe du monde 1993.
Vers la fin de sa carrière de hockeyeur professionnel, le « Riverton Rifle » lutte contre des problèmes d’alcoolisme, souvent au détriment de sa vie personnelle et professionnelle. Après l’échec de son mariage avec Isabel Hunter, il entreprend une cure de désintoxication en 1985 à l’issue de laquelle il demeurera sobre jusqu’à aujourd’hui.
Reggie Leach vit désormais avec sa deuxième femme, Dawn, sur l’île Manitoulin, en Ontario, au sein de la Première Nation Aundeck Omni Kaning.
École de hockey Shoot to Score
En 2006, Reggie Leach ouvre, avec son fils Jamie, l’école de hockey Shoot to Score. Ils organisent, dans ce cadre, des camps de perfectionnement dans des collectivités partout au Canada. Le père se targue d’avoir su retenir un certain nombre de leçons apprises aussi bien sur la patinoire qu’en dehors pour réellement changer la vie des enfants qu’il rencontre dans son école. C’est ainsi qu’il déclare en 2016 à Mike Commito : « La partie de ma vie dont je suis le plus fier c’est celle qui a suivi ma carrière de hockeyeur qui n’aura finalement constitué qu’un tremplin pour réaliser ce que le Créateur voulait que j’accomplisse. » Reggie Leach et son fils côtoient plus de 2 000 enfants chaque année, et travaillent souvent avec les communautés des Premières Nations.
Héritage et honneurs
Reggie Leach est intronisé au Temple de la renommée du hockey du Manitoba en 1985, au Temple de la renommée des sports du Manitoba en 1997 et au Temple de la renommée des Flyers de Philadelphie en 1992. En 2008, il est l’un des lauréats des prix nationaux d’excellence décernés aux Autochtones pour sa carrière sportive et, plus important encore, pour son travail réalisé auprès des jeunes des Premières Nations. En 2016, il est fait membre de l’Ordre du Manitoba et en 2019, il reçoit un doctorat honorifique de l’Université Brock.
Certains estiment que le parcours sportif de Reggie Leach et son histoire personnelle devraient lui valoir une intronisation au Temple de la renommée du hockey. De nombreuses personnes ont plaidé en ce sens, notamment le musicien canadien John K. Samson, des Weakerthans, sous la forme d’une chanson. Que ce souhait se réalise ou pas, le « Riverton Riffle » sera toujours considéré comme l’un des meilleurs francs‑tireurs de son époque et comme l’un des plus brillants joueurs autochtones à jouer à la LNH.
Prix
- Joueur de l’année (joueur le plus utile), Ligue de hockey junior de l’Ouest (1970)
- Trophée Conn Smythe, Ligue nationale de hockey (1976)
- Intronisé, Temple de la renommée du hockey du Manitoba (1985)
- Intronisé, Temple de la renommée des sports du Manitoba (1997)
- Intronisé, Temple de la renommée des Flyers de Philadelphie (1992)
- Ordre du Manitoba, Lieutenant-gouverneur du Manitoba (2016)
- Intronisé, Temple de la renommée des sports de Philadelphie (2018)
- Doctorat honorifique en droit, Université Brock (2019)
- Membre, Ordre du Canada (2019)