Les femmes des Premières Nations, les Métisses, et les Inuites (collectivement appelées femmes autochtones) font face, de nos jours, à de nombreux problèmes socio-économiques en raison des effets de la colonisation. Les Européens ont imposé un système de gouvernement et de société contrôlés par les hommes (connu sous le nom de patriarcat) aux sociétés autochtones. La Loi sur les Indiens de 1876 a désavantagé certaines femmes autochtones en les excluant du gouvernement du Conseil de la bande et en appliquant des mesures discriminatoires qui retiraient leurs droits du statut d’Indien. Aujourd’hui, de nombreuses femmes autochtones ouvrent la voie dans le domaine de la guérison des blessures dues à la colonisation, alors qu’elles font face aux enjeux des pensionnats indiens, des jeunes filles et femmes autochtones disparues et assassinées, de la violence et des mauvais traitements, de la drogue, l’alcool et autres substances (voir aussi Féminismes autochtones au Canada).
Préoccupations communes
Malgré les différences entre les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits, les femmes autochtones partagent des préoccupations communes avec la population autochtone dans son ensemble, dont beaucoup découlent de la colonisation européenne. En plus de perdre leurs territoires au cours du 19e siècle, les peuples autochtones se trouvent dépossédés de leurs moyens de subsistance traditionnels et de leur autonomie. En outre, la marginalisation sociale, économique et politique, en plus des préjugés raciaux, de la discrimination et de la perte de leur culture, de leur langue et, souvent, de leur fierté, ont laissé les peuples autochtones du Canada avec peu de pouvoir social et politique. Ceci contribue à l’inégalité économique et même à la pauvreté. Les communautés autochtones urbaines et rurales continuent de faire face à un manque d’éducation, d’emplois, de compétences, d’opportunités et d’équité salariale (voir aussi Autochtones : conditions économiques).
Caractéristiques démographiques
Selon le recensement de 2016, les peuples autochtones représentent environ 4,9 % de la population totale du Canada. La population autochtone augmente rapidement, avec un taux de croissance de 45 % entre 1996 et 2006. En 2016, Statistique Canada rapporte que la population a augmenté de 42,5 % depuis 2006 ( voir aussi Démographie des Autochtones).
Bien que les taux de mortalité se soient améliorés au cours des deux dernières décennies, l’espérance de vie chez les personnes autochtones est inférieure à celle de l’ensemble de la population canadienne. Les peuples autochtones continuent également de souffrir d’un taux de mortalité infantile plus élevé. Les taux de mortalité et de fertilité des autochtones démontrent une lente tendance à la convergence avec les taux canadiens (voir aussi Santé des Autochtones).
Plus de jeunes femmes autochtones que d’hommes migrent vers les centres urbains, particulièrement venant des petites communautés du Nord. Cette migration peut être causée par le manque de possibilités d’avancement dans les réserves et dans les régions rurales, ainsi que par la perception d’abondance d’opportunités, surtout en éducation, dans les centres urbains. Des études démontrent également qu’un bon nombre de ces jeunes femmes sont des mères monoparentales (voir aussi Migration urbaine des Autochtones).
La pauvreté, la monoparentalité, le chômage et les logements insalubres continuent d’affecter les jeunes femmes autochtones au Canada. Ces problèmes sont souvent plus graves dans le nord, où les communautés rurales et isolées d’Inuits, de Métis et des Premières Nations souffrent généralement de taux de maladie plus élevés et ont moins de services pour le bien-être et la protection des femmes et des enfants.
Les femmes et la Loi sur les Indiens
La Loi sur les Indiens est une loi fédérale qui concerne les membres des Premières Nations (les Inuits et les Métis ne sont pas couverts par cette loi). Jusqu’en 1985, la Loi sur les Indiens retire leurs droits aux femmes ayant le statut d’Indien si elles épousent une personne qui n’a pas ce statut. Cette même année, le projet de loi C-31 modifie cette loi afin de l’aligner sur la Charte des droits et libertés.
L’amendement de 1985 permet aux femmes mariées à des non-autochtones et à celles qui ont perdu leur statut d’Indien pour toute autre raison de demander le rétablissement de leur statut et de leurs droits. Le projet de loi C-31 permet également à leurs enfants de demander d’être inscrits en tant qu’Indiens. La Loi sur les Indiens n’oblige plus ou ne permet plus aux femmes de suivre ou non leur mari en ce qui concerne le statut.
Depuis les modifications apportées à la Loi sur les Indiens en 1985, le nombre d’Indiens inscrits a plus que doublé, passant d’environ 360 000 en 1985 à plus de 778 000 en 2007. Cette augmentation est due à un nombre de naissances plus grand que celui de décès, ainsi qu’à la définition « corrigée » du statut d’Indien.
Cependant, bien que l’amendement traite de la discrimination à l’égard des femmes, il crée aussi certains problèmes. En inscrivant ces femmes, et souvent leurs enfants, sur les listes de membres de la bande des Premières Nations, le gouvernement élargit des terres et des fonds déjà limités afin d’accommoder plus de personnes. Ceci cause parfois du ressentiment et des contrecoups envers ces personnes de la part des membres Premières Nations.
De plus, le projet de loi C-31 crée deux catégories d’inscription au statut d’Indien qui ont des répercussions sur le nombre de personnes ayant droit au statut. La première, nommée paragraphe 6 (1), s’applique lorsque les deux parents sont, ou ont été, inscrits. La seconde, nommée paragraphe 6 (2), s’applique lorsque l’un des deux parents a droit au statut selon la clause 6 (1). Le statut ne peut être transféré si ce parent fait partie de la catégorie 6 (2). En somme, après deux générations de mariages mixtes avec des partenaires sans statut, les enfants n’ont plus droit au statut. C’est ce qu’on appelle la « clause limitant la deuxième génération ». L’amendement limite donc considérablement la possibilité de transférer le statut à ses enfants.
De nombreux peuples autochtones ont entamé des démarches judiciaires contre la Loi sur les Indiens et les ont portées devant les tribunaux canadiens, notamment l’affaire Bedard (1971), l’affaire Lavell (1973), l’affaire McIvor (2007) et l’affaire Descheneaux (2015). En 2017, le Parlement adopte le projet de loi S-3, une loi visant à éliminer les inégalités basées sur le sexe d’une personne dans l’inscription des Indiens.
Préjugés, violence et système judiciaire
Les femmes autochtones sont confrontées à des problèmes uniques qui résultent de préjugés à leur égard perpétués par les hommes non autochtones depuis le premier contact européen. L’image de la « princesse indienne » a fait place à celle de la « squaw » aux mœurs légères, situation qui rend les femmes autochtones vulnérables à la violence et aux mauvais traitements. Les premières observations et l’histoire orale indiquent que la violence généralisée a accompagné la colonisation de l’Amérique du Nord. Le retrait des autochtones de leurs propres terres, leur placement dans les réserves, ainsi que la perte des rôles masculins traditionnels de chasseurs et de pourvoyeurs provoquent des conflits de rôles, de la frustration et de la colère qui se manifestent souvent dans la violence contre les femmes.
Le cycle de la violence, combiné à la pauvreté et les carences auxquelles sont confrontés de nombreux autochtones du Canada, est en lien avec un taux plus élevé d’incidents avec la loi que dans la population générale. Le simple fait de ne pas payer une amende donne lieu à de nombreuses incarcérations. Le manque de ressources et le peu d’options provoquent souvent un recours limité pour les femmes autochtones (voir aussi Droits des Autochtones).
Des taux élevés de violence conjugale affligent les femmes autochtones partout en Amérique du Nord. Selon le Aboriginal Justice Inquiry of Manitoba (1990), une femme autochtone sur trois est maltraitée par son conjoint. Les résultats de la Commission royale sur les peuples autochtones démontrent un point de vue selon lequel les obstacles constants à la culture et à l’identité collective des peuples autochtones ont affaibli les communautés et ont contribué à une aliénation tant collective qu’individuelle, entraînant des comportements autodestructeurs et antisociaux.
En 2014, les femmes autochtones étaient trois fois plus susceptibles de déclarer avoir été victimes de violence conjugale que les femmes non autochtones.
Disparitions et meurtres de jeunes filles et femmes autochtones
Bien que les femmes autochtones représentent environ 4 % de la population féminine canadienne, elles sont considérablement surreprésentées parmi les femmes assassinées ou portées disparues (voir aussi Route des larmes).
La question gagne en attention et en sensibilisation lorsqu’Amnistie internationale publie Stolen Sisters : A Human Rights Response to Violence and Discrimination against Indigenous Women in Canada (2004) et No More Stolen Sisters (2009). Des recherches menées par l’Association des femmes autochtones du Canada (l’ACAF) permettent de mettre sur pied une base de données de jeunes filles et de femmes autochtones assassinées ou portées disparues. En 2011, la base de données de l’ACAF comprend 582 cas connus, dont la plupart ont eu lieu entre 1990 et 2010.
En 2013, la GRC ouvre une enquête sur les femmes autochtones assassinées ou portées disparues au Canada. Le rapport, publié en 2014, révèle qu’entre 1980 et 2012, un total de 1181 femmes autochtones ont été assassinées ou portées disparues. En date de septembre 2013, 164 femmes autochtones sont portées disparues, ce qui représente 11,3 % de l’ensemble des femmes disparues au Canada. Comme les femmes autochtones représentent 4 % de la population féminine totale du Canada, ce nombre est démesurément élevé. Ce qui est encore plus frappant est le fait que 1017 femmes autochtones ont été assassinées au cours de cette période, soit 16 % du total des homicides de femmes dans tout le Canada.
À la suite du rapport de la GRC, les demandes pour une enquête nationale sur la question se multiplient. Cependant, le gouvernement fédéral ne lance une enquête publique nationale que le 8 décembre 2015.
Le rapport final de l’enquête nationale est achevé et présenté au public le 3 juin 2019. Ce rapport déclare que la violence contre les jeunes filles et femmes autochtones est une « tragédie nationale aux proportions épiques. » Les commissaires en appellent à une ère nouvelle dans les relations entre les femmes autochtones, les jeunes filles, les LGBTQ+ (voir aussi Bispiritualité) et le peuple canadien, une relation centrée sur l’autonomisation des jeunes filles et des femmes autochtones.
Stérilisation des femmes autochtones
La stérilisation a été imposée aux femmes autochtones au Canada. La législation relative à la stérilisation sexuelle a été adoptée en Alberta (1928-1972) et en Colombie-Britannique (1933-1973). Elle a de plus en plus ciblé les femmes autochtones. La stérilisation forcée des femmes autochtones s’est effectuée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du cadre législatif de l’époque, et dans des hôpitaux indiens gérés par le gouvernement fédéral. Cette pratique s’est perpétuée jusqu’au 21e siècle. Près de 100 femmes autochtones ont déclaré avoir été forcées à accepter d’être stérilisées entre les années 1970 et 2018, souvent alors qu’elles étaient dans un état vulnérable associé à une grossesse ou à un accouchement. (Voir aussi Stérilisation des femmes autochtones au Canada.)
Femmes autochtones et politiques
Bien que de nombreuses femmes autochtones partagent des objectifs d’avancement de leur peuple, leurs voix sont souvent ignorées par les dirigeants autochtones et par les organisations politiques qui sont dominées par les hommes. Lors des pourparlers de la Constitution du Canada de 1992, l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), un organisme national indépendant, n’a pas obtenu de siège pour participer aux discussions avec le gouvernement fédéral, les premiers ministres provinciaux et les quatre principales organisations autochtones.
D’autres organisations de femmes autochtones ont été créées comme filiales dépendantes des organismes nationaux et régionaux, comme le National Métis Women’s Council (maintenant le Métis National Council) et la Saskatchewan Indian Women’s Association (désormais la Federation of Saskatchewan’s First Nations’ Women Commission). Il existe plusieurs petits groupes de femmes régionaux et locaux axés sur les besoins de base qui, étant peu financés, ont des difficultés à servir les communautés autochtones.
En 2012, les 633 Premières Nations comptent 111 femmes chefs à travers le Canada. Bien que le pourcentage de chefs autochtones de sexe féminin ne soit que de 17,5 % en 2012, il demeure légèrement plus élevé que le pourcentage de femmes exerçant la fonction de maire dans les villes canadiennes. Parmi les premières femmes autochtones de haut profil, on trouve : Rosemarie Kuptana, présidente de l’Inuit Tapirisat du Canada, Mary Simon, présidente de la Conférence circumpolaire inuite, et Chef Wendy Grant-John, première femme à être élue chef régionale de l’Assemblée des Premières Nations pour la Colombie-Britannique.
Femmes dans les postes de direction
Un nombre grandissant de femmes autochtones occupent des postes de direction au sein d’organismes politiques régionaux et provinciaux. Nellie Cournoyea, députée de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, devient la première femme à exercer la fonction de Premier ministre provincial d’un territoire canadien (de 1991 à 1995), et Ethel Blondin-Andrew est députée au Parlement canadien jusqu’en 2006. Élue députée conservatrice au Nunavut en 2008, Leona Aglukkaq est la première Inuite à être assermentée au Cabinet fédéral, alors qu’elle est élue ministre de la Santé. Aglukkaq cède ce poste en 2012 pour devenir présidente du Conseil de l’Arctique, qui regroupe huit pays. Shelly Glover, une Métisse originaire du Manitoba, est élue députée de Saint-Boniface en 2008, et est ainsi la première femme policière dans l’histoire parlementaire canadienne. En 2013, elle est nommée ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles. En 2019, Mumilaaq Qaqqaq devient, à 25 ans, la plus jeune députée de l’histoire du Nunavut, et est la première à représenter le Nouveau parti démocratique (NPD) depuis que le Nunavut est devenu un territoire en 1999.
De plus, les femmes autochtones ouvrent, aujourd’hui, la voie dans le domaine de la guérison des blessures dues à la colonisation, alors qu’elles font face aux enjeux des pensionnats indiens, des jeunes filles et femmes autochtones disparues et assassinées, de la violence et des mauvais traitements, de la drogue, l’alcool et autres substances (voir aussi Féminismes autochtones au Canada).