À la fin de la guerre de Sept Ans (de 1756 à 1763), la Grande-Bretagne entreprit d’organiser les territoires nord-américains cédés par la France dans le Traité de Paris de 1763. Par la Proclamation royale de 1763, la province de Québec est créée à partir de la partie habitée de la Nouvelle-France. Les limites ont une forme rectangulaire de chaque côté du fleuve Saint-Laurent, et s’étendent du lac Nipissing et du 45eparallèle jusqu’au fleuve Saint-Jean et à l’île d’Anticosti. Ces limites sont modifiées par l’Acte de Québec de 1774 pour inclure la zone de pêche au large du Labrador et de la basse côte Nord, et la zone de la traite des fourruresentre les rivières Ohio et Mississippi et les Grands Lacs. Le Traité de Paris de 1783 repousse la frontière plus au nord. Avec l’Acte constitutionnel de 1791, la Grande-Bretagne divise la province de Québec entre le Haut-Canada (prédécesseur de l’Ontario d’aujourd’hui) et le Bas-Canada (dont les limites géographiques comprennent la partie sud du Québec d’aujourd’hui).
Après la guerre de Sept Ans et le Traité de Paris de1763, la Grande‑Bretagne a créé une colonie appelée la Province de Québec.
Traite des fourrures
De nombreux habitants de la province ont travaillé, ou travaillent encore, pour les compagnies et les marchands de traite de fourrures. En tant que tel, leur univers géographique ne se limite pas à ces frontières officielles ; en réalité, il s’étend vers l’est pour inclure ce que les marchands de fourrures appellent « les pays d’en haut » et le nord-ouest, qui est la principale source d’exportation de la colonie (voir Routes de la traite des fourrures). La traite des fourrures est pratiquement anéantie pendant la guerre, et ensuite entravée d’abord par la révolte du Chef Odawa, Obwandiyag (Pontiac), et plus tard par les restrictions imposées par les autorités britanniques. Il faut près d’une décennie pour raviver la traite des fourrures, mais les marchands occupent finalement le territoire français précédent. Puis, ils suivent l’exemple de Peter Pond, et vont explorer et exploiter de nouvelles zones.
Le saviez-vous ? En Nouvelle-France, « pays d’en haut » était une expression utilisée pour désigner ce qui est maintenant le nord-ouest du Québec (à l’exception des postes du roi), la majeure partie de l’Ontario, la région à l’ouest du Mississippi et au sud des Grands Lacs, et au-delà des prairies canadiennes. Cette région était là où les voyageurs se rendaient pour la traite des fourrures.
En 1789, lorsque l’explorateur Alexander Mackenzie descend le large fleuve qui portera un jour son nom sur les cartes européennes (voir Fleuve Mackenzie), jusqu’à l’océan Arctique, la partie entière du nord-ouest, du lac Supérieur aux Rocheuses, est lié à la province de Québec par les activités des voyageurs et des marchands de fourrures. Entre 1763 et 1791, les marchands de Montréal drainent la majeure partie des fourrures du sud-ouest. La concurrence de New York et d’Albany est graduellement éliminée par la décision, en 1768, qui est de rendre aux colonies la réglementation du commerce des fourrures, et par l’annexion de 1774 du territoire de l’Ohio à la province. Cette région a des liens avec Montréal qui perdurent même après le traité de 1783, puisque la Grande-Bretagne conserve les postes établis au sud des Grands Lacs jusqu’en 1796 (voirTraité de Jay).
Bien que le commerce des fourrures soit vital pour la province et son commerce avec la métropole, il ne constitue pas la principale activité économique intérieure. C’est l’agriculture, et plus précisément la culture et la préparation des produits de blé, qui occupe le plus grand nombre de personnes et qui alimente le marché local. Les surplus permettent de plus en plus d’exporter de la nourriture vers les Antilles et la Grande-Bretagne. La production industrielle au niveau artisanal répond aux besoins intérieurs et aux besoins moindres du commerce des fourrures.
Croissance démographique après la Révolution américaine
À la fin du 18e siècle, un taux élevé de natalité conduit la population à plus que doubler, passant ainsi de 70 000 personnes en 1775 à 144 000 en 1784, et plus de 161 000 en 1790.
La migration venant de la Grande-Bretagne ou de la France contribue très peu à cette croissance. Près de 3000 personnes quittent la vallée du Saint-Laurent après la Conquête de la Nouvelle-France, et l’immigration prévue n’a pas lieu. Le nombre de « vieux sujets » est très faible, soit environ 500 en 1766, et peut-être 2 000 en 1780. Leur nombre n’augmente d’une manière significative qu’après la révolution américaine (de 1775 à 1783),lorsque les loyalistes arrivent en grand nombre ; au recensement de 1784, ils sont 25 000. Les loyalistes s’établissent principalement dans la partie sud-ouest de la province, qui deviendra plus tard le Haut-Canada.
Tensions entre les administrateurs anglais et les commerçants de la province de Québec
Les Britanniques, dont un bon nombre sont marchands et fonctionnaires, ont une influence et un statut de poste disproportionnés par rapport à leur petit nombre en comparaison avec les Français. Les gouverneurs James Murray, Guy Carleton et Frederick Haldimand ont la responsabilité de la province. Ils détiennent donc, avec leur entourage (qui souvent inclut des francophones), un pouvoir social aussi bien que politique. Favorisés par leur crédit à Londres, les marchands prennent rapidement le contrôle des relations commerciales avec la Grande-Bretagne. D’abord appuyés par les autorités militaires et assistés par des voyageurs francophones, ils acquièrent la part du lion dans la traite des fourrures en moins de deux décennies. Ils créent la Compagnie du Nord-Ouest, qui détient une part de plus en plus importante du commerce. En 1790, elle est l’organisation de traite de fourrures la plus puissante de la province de Québec.
Il arrive très fréquemment que les administrateurs et les marchands ne partagent pas le même point de vue. Les marchands réussissent même à faire rappeler le premier gouverneur, James Murray. La dispute avec James Murray porte principalement sur l’application des lois britanniques et sur la création d’une Assemblée, comme l’avait prévu la proclamation de 1763. Les marchands jugent que ces institutions sont essentielles à la « britannisation » de la colonie et à la protection des intérêts britanniques. Ils perçoivent et définissent ces intérêts comme étant ceux des Britanniques de la colonie.
Mais James Murray et Guy Carleton définissent les intérêts britanniques comme étant les intérêts de la Couronne britannique, et ils estiment donc que leur tâche est d’éviter toute menace à l’appartenance de la colonie à la Couronne. Compte tenu du style de gouvernement adopté durant la période d’occupation militaire (de 1760 à 1763), du manque d’immigration britannique et de l’agitation croissante dans les treize colonies, le gouverneur n’a d’autre choix que de tenter de conquérir la majorité de la population. Une grande partie de la proclamation est annulée, et de « nouveaux sujets » sont nommés à des postes officiels.
L’Acte de Québec de 1774
En 1774, Guy Carleton est déterminé à conserver une base d’opérations militaires en Amérique du Nord et il obtient donc l’adoption de l’Acte de Québec. (Voir L’Acte de Québec, 1774 [résumé en termes simples].) Ces dispositions sont loin de plaire aux marchands, qui veulent une Assemblée, même si leur monopole sur la traite des fourrures est renforcé. Le gouverneur espère que l’Acte gagnera le soutien de l’élite francophone. James Murray s’est déjà acquis la collaboration du clergé catholique (voir Catholicisme au Canada). La mort de MgrHenri-Marie du Breil de Pontbriand en 1760 a laissé l’Église catholique sans évêque pour gérer ses affaires et ordonner de nouveaux prêtres ; de plus, les fonds lui manquent cruellement et il faut reconstruire les édifices détruits durant la guerre. L’Église est menacée de disparaître. James Murray se fait donc le champion de l’église et contribue à la consécration en France, en 1766, de Jean-Olivier Briand en tant que nouvel évêque de Québec.
L’Acte de Québec permet la pratique libre de la religion catholique et rétablit la Coutume de Paris en matières civiles (voir Code civil). Bien que droit criminel soit conservé, l’Acte restaure le droit civil français. Entre autres choses, cela signifie que l’Église catholique peut maintenant percevoir la dîme légalement. Le régime seigneurial est également rétabli. Alors que les seigneurs et les responsables de l’Église sont de toute évidence heureux, les habitants francophones sont beaucoup moins contents de devoir payer des impôts seigneuriaux et des taxes.
Le saviez-vous ? Dans le Canada d’aujourd’hui, seul le Québec a un Code civil. Contrairement au Code administratif, au Code criminel et au Code de procédure civile, le Code civil ne s’énonce que sur des questions de droit privé.
En vertu de l’Acte de Québec, un conseil est créé et l’abolition du serment du Test permet aux catholiques d’accéder à la fonction publique. Mais ces mesures de conciliation n’ont pas l’effet escompté. Les habitants démontrent peu d’enthousiasme pour les intérêts britanniques, en particulier durant l’invasion américaine de 1775-1776. Cependant, pour diverses raisons, ils ne se rangent pas non plus du côté des révolutionnaires. Ultimement, la stratégie de Guy Carleton est un succès incomplet: la province demeure britannique.
L’Acte de Québec de 1791
La structure sociopolitique créée par l’Acte de Québec ne survit pas aux conséquences de la guerre. Elle est perturbée par l’arrivée des loyalistes, et cette augmentation de la population britannique renforce considérablement la position des marchands et intensifie leur conflit avec le gouverneur. Les autorités britanniques demandent à Guy Carleton (devenu lord Dorchester) de proposer une solution à la situation. Pour satisfaire, en partie du moins, le groupe des marchands et des loyalistes, tout en évitant de contrarier les francophones, Londres révise l’Acte de Québec et adopte en 1791 une nouvelle constitution, qui comprend la création d’une Chambre d’assemblée (voir L’Acte constitutionnel de 1791). Les nouvelles provinces, le Bas-Canada et le Haut-Canada, sont créées, et le Bas-Canada conserve un bon nombre des formes institutionnelles de la province de Québec.