Les prix Nobel et le Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Les prix Nobel et le Canada

Les prix Nobel sont décernés chaque année pour souligner les réalisations qui ont apporté un bénéfice important à l’humanité. Les prix sont parmi les plus hautes distinctions internationales et ils sont remis dans six catégories : physique, chimie, physiologie ou médecine, littérature, paix et sciences économiques. Les prix sont administrés par la fondation Nobel et sont décernés par des institutions en Suède et en Norvège. Dix-sept Canadiens ont remporté des prix Nobel, sans compter les Canadiens de naissance qui ont renoncé à leur citoyenneté et les membres d’organisations qui ont reçu le prix Nobel de la paix. (Voir aussi Lauréats canadiens d’un prix Nobel.)

Médaille du prix Nobel

Comment a été créé le prix Nobel?

Dans son testament, l’inventeur de la dynamite, le Suédois Alfred Nobel (1833-96), ordonne à ses exécuteurs de mettre sur pied cinq prix visant à récompenser les contributions positives à l’humanité en physique, en chimie, en physiologie ou médecine, en littérature et en matière de paix. La fondation Nobel voit le jour en 1900 pour exécuter cette mission et décerne les premiers prix l’année suivante. La fondation remet annuellement les cinq premiers prix jusqu’en 1969, année où la Banque de Suède commencer à subventionner un sixième prix : celui d’économie.

Chaque prix Nobel consiste en une médaille et un prix en argent. Bien que sa valeur monétaire (en couronnes suédoises) varie, le prix s’élevait généralement à plus d’un million de dollars canadiens dans les récentes années. Deux ou trois gagnants se partagent souvent le prix, et celui pour la paix peut être remis tant à des organisations qu’à des individus.

Quel est le processus de sélection?

Plusieurs personnes peuvent nommer des candidats, notamment des professeurs d’université, des scientifiques, des parlementaires et les anciens gagnants du prix Nobel. Un individu ne peut pas se nommer lui-même.

Le saviez-vous?
La fondation Nobel a gardé les noms des nommés et des présentateurs secrets durant 50 ans. Au cours de cette période, elle a également gardé sous silence les détails sur les « enquêtes et opinions » entourant le processus de sélection.


Des comités du prix Nobel dans quatre institutions différentes sélectionnent des gagnants parmi les nommés. L’Académie royale des sciences de Suède décerne les prix pour la physique, la chimie et l’économie. L’Académie suédoise, une institution culturelle indépendante, décerne le prix Nobel de littérature. L’Assemblée Nobel de l’institut Karolinska, une université de médecine suédoise, décerne le prix Nobel de physiologie ou de médecine. Le comité Nobel norvégien, nommé par le parlement norvégien, remet le prix Nobel de la paix.

Prix Nobel en physique : les lauréats canadiens

Six Canadiens ont remporté le prix Nobel de physique. Le premier est Richard E. Taylor, qui partage le prix en 1990 avec les Américains Jerome I. Friedman et Henry W. Kendall pour leur travail à l’Université de Stanford sur le développement du modèle des quarks, en physique des particules.

En 1994, Bertram Brockhouse partage le prix avec l’Américain Clifford G. Shull. Bertram Brockhouse remporte sa part du prix pour avoir développé la spectroscopie des neutrons.

En 2009, Willard S. Boyle et George E. Smith partagent le prix avec Charles Kuen Kao, un citoyen anglo-américain. Willard S. Boyle et George E. Smith sont récompensés pour avoir inventé le dispositif à transfert de charges (ou capteur d’image CCD) en 1969, un appareil qui capte la lumière et la convertit en information numérique utile. Le CCD est largement utilisé dans les caméras numériques modernes et est une importante composante des appareils télescopiques, tel que le télescope spatial Hubble.

En 2015, Arthur B. McDonald partage le Nobel avec le Japonais Takaaki Kajita. Ils ont découvert que les neutrinos (une des plus petites particules fondamentales) ont bel et bien une masse. On croyait que les neutrinos avaient une masse nulle. Selon l’Académie royale des sciences de Suède, « la découverte change notre compréhension des rouages les plus cachés de la matière. »

En 2018, Donna Strickland partage le prix avec Gérard Mourou de la France et Arthur Ashkin des États-Unis. Donna Strickland et Gérard Mourou, son directeur de thèse, sont récompensés pour le développement d’impulsions de lumière laser de haute intensité et ultracourtes. Cette technologie est utilisée en chirurgie oculaire et dans la production de petits appareils médicaux.

En 2019, une moitié du prix est décernée à James Peebles. Les collègues suisses Michel Mayor et Didier Queloz se partagent l’autre moitié. Le comité Nobel cite les « découvertes théoriques en cosmologie physique » de James Peebles. À partir du milieu des années 1960, il élabore un cadre théorique qui est largement à la base de la compréhension contemporaine des physiciens sur l’univers (voir Cosmologie).

Geoffrey E. Hinton, professeur émérite à l’Université de Toronto, partage le prix de physique de 2024 avec John Hopfield de l’Université de Princeton. Selon l’Académie royale des sciences de Suède, Geoffrey E. Hinton et John Hopfield reçoivent le prix « pour leurs découvertes et inventions fondamentales qui permettent l’apprentissage automatique avec des réseaux neuronaux artificiels ». (Voir aussi Intelligence artificielle [IA] au Canada.)

Prix Nobel en chimie : les lauréats canadiens

Cinq Canadiens remportent le prix Nobel de chimie. Le premier est Gerhard Herzberg. En 1971, il remporte le Nobel de chimie pour sa recherche sur la structure moléculaire. Son travail se concentre sur les radicaux libres, de petites composantes des molécules qui se détachent durant les réactions chimiques.

Henry Taube remporte le Nobel de 1983 pour avoir fait avancer la compréhension des scientifiques quant à la circulation d’électrons dans les complexes métalliques.

En 1986, John Polanyi partage le prix de chimie avec le Taïwanais Yuan T. Lee et l’Américain Dudley R. Herschbach. Chacun a étudié la dynamique des réactions chimiques. John Polanyi remporte sa part du prix pour le développement d’une méthode visant à cartographier les réactions chimiques en mesurant les faibles émissions infrarouges qu’elles émettent.

Sidney Altman, qui possède la double citoyenneté canadienne et américaine, partage en 1989 le prix avec l’Américain Thomas Cech, après qu’ils découvrent que l’ARN (un matériel génétique) peut jouer le rôle de biocatalyseur ou d’enzyme.

En 1993, Michael Smith partage le prix avec l’Américain Kary Mullis pour le développement de la mutagenèse in vitro, une technique d’importance cruciale utilisée en génie génétique. Cette découverte permet aux chercheurs de mieux comprendre comment fonctionnent les gènes reliés au cancer et aux virus.

Prix Nobel de physiologie ou médecine : les lauréats canadiens

Frederick Banting

Trois Canadiens remportent le prix Nobel de physiologie ou médecine. Les deux premiers sont attribués à Frederick Banting et à J.J.R. Macleod en 1923 pour la découverte de l’insuline.


En 1981, David Hubel partage le prix avec Torsten Wiesel, Suédois de naissance, pour leur travail révolutionnaire sur la cartographie du cortex visuel du cerveau.

Prix Nobel en littérature : les lauréats canadiens

Alice Munro remporte le prix Nobel de littérature en 2013 pour sa maitrise de la nouvelle. Cette victoire ouvre le débat quant à savoir qui d’Alice Munro ou de Saul Bellow est le premier Canadien à remporter le prix en littérature. Certains commentateurs suggèrent que Saul Bellow, montréalais de naissance, qui remporte le prix en 1976, aurait abandonné sa citoyenneté canadienne en devenant Américain en 1941. (À l’époque, peu d’Américains ont le droit de posséder la double citoyenneté.)


Prix Nobel de la paix : les lauréats canadiens

Les prix Nobel de la paix sont surtout politiques; ils sont remis à des organisations comme la Croix-Rouge et UNICEF, ou à des individus.

Lester B. Pearson remporte le prix Nobel de la paix en 1957 pour les solutions diplomatiques qu’il apporte dans la crise de Suez de 1956.

La moitié du prix Nobel de 1995 est décerné aux conférences de Pugwash sur la science et les affaires internationales, une série de rencontres entre scientifiques et décideurs politiques mise sur pied en 1957 à Pugwash, en Nouvelle-Écosse. L’objectif de ces conférences est la réduction du rôle, et l’élimination éventuelle, des armes nucléaires (voir Pugwash gagne le prix Nobel).

En 1999, James Orbinski, président du conseil international de Médecins Sans Frontières (Doctors Without Borders), accepte le prix au nom de l’organisation.

La moitié du prix Nobel de la paix de 2007 est décerné au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies, dont l’un des auteurs principaux est le climatologue Andrew Weaver.

Lester B. Pearson

Prix Nobel de sciences économiques

Le prix en sciences économiques ne fait pas partie des cinq prix subventionnés par Alfred Nobel. Officiellement appelé Prix de la banque de Suède en sciences économiques à la mémoire d’Alfred Nobel, il est financé par la banque de Suède à la mémoire de Nobel longtemps après sa mort. Pourtant, il est officieusement appelé le prix Nobel de sciences économiques, car l’Académie royale de Suède le remet annuellement en même temps que les autres prix scientifiques, et ce, depuis 1969. Trois de ces lauréats sont nés au Canada et deviennent plus tard Américains : William Vickrey (1996), Robert Mundell (1999) et Myron Scholes (1997). En 1999, un article du Maclean’s affirme que Robert Mundell possède toujours sa citoyenneté canadienne.

David Card, un économiste du travail né au Canada, remporte la moitié du prix Nobel en sciences économiques en 2021. L’autre moitié du prix est attribuée conjointement à Joshua Angrist et Guido Imbens. David Card reçoit le prix pour ses recherches sur les impacts du salaire minimum, de l’immigration et de l’éducation sur le marché du travail.

Questions de nationalité

Il n’est pas rare que des lauréats du prix Nobel aient vécu ou travaillé dans plus d’un pays. Conséquemment, il n’est pas toujours facile de déterminer quelles nations peuvent raisonnablement « revendiquer » certains gagnants comme les leurs. Le Canada a plusieurs exemples de victoires « canadiennes » contestables, en plus de celles déjà mentionnées dans les sections sur les prix reliés à la littérature et aux sciences économiques.

Les chimistes canadiens de naissance William Giauque (prix de 1949) et Rudolph Marcus (prix de 1992) font leur carrière aux États-Unis et deviennent des citoyens américains à une époque où la double citoyenneté n’est pas accessible à tous. Ils doivent fort probablement renoncer à leur citoyenneté canadienne dans le processus. Rudolph Marcus est cependant un membre étranger de la Société royale du Canada.

Charles Huggins (1966) et Ralph Steinman (2011), deux lauréats canadiens de naissance et lauréats du prix Nobel de physiologie ou médecine, deviennent des citoyens américains naturalisés et sont affiliés à des institutions américaines presque tout au long de leur carrière. Le Britannique de naissance Jack Szostak (2009) passe une partie de son enfance au Canada et il y fait ses études avant de plus tard devenir citoyen américain.

Politique et controverses

Les prix Nobel se politisent dès 1936 quand le prix Nobel de la paix est décerné à Carl von Ossietzky, un citoyen allemand alors prisonnier d’un camp de concentration. Adolf Hitler décrète qu’aucun Allemand ne devrait accepter le prix Nobel. Trois scientifiques allemands qui sont contraints de refuser des prix en 1938 et en 1939 reçoivent donc leurs médailles (mais pas le prix en argent) après la Deuxième Guerre mondiale. Les autorités de l’Union soviétique interdisent à Boris Pasternak d’accepter le prix Nobel de littérature en 1958. La politicienne birmane Aung San Suu Kyi et le militant chinois pour les droits de la personne Liu Xiaobo sont tous deux prisonniers politiques lorsqu’ils remportent le prix Nobel de la paix, respectivement en 1991 et en 2010.

Deux personnes refusent également leur prix Nobel : le Français Jean-Paul Sartre (littérature, 1964) et Le Duc Tho du Vietnam (paix, 1973). Les prix Nobel en sciences sont généralement perçus comme apolitiques, et aucun n’est refusé. Ils ne sont cependant pas dépourvus de controverse, surtout dans le cas où plusieurs scientifiques contribuent à une découverte. Celle de l’insuline au Canada en est un bon exemple.

 Ampoule d'insuline

Le prix Nobel de littérature est remis sur une base plus subjective que ceux remis en sciences (où le nombre de citations de recherche indique la réputation internationale d’un individu). Alfred Nobel stipule dans son testament que le prix de littérature doit être remis à « l’œuvre des plus remarquables ayant fait preuve d’un puissant idéal », indépendamment de la nationalité de l’auteur. L’Académie suédoise est cependant critiquée depuis fort longtemps parce qu’elle décerne la plupart des prix à des auteurs européens. En 1984, l’organisation admet que le manque de représentativité mondiale est problématique. Bien que des efforts soutenus pour « atteindre une distribution mondiale » sont déployés, les allégations d’eurocentrisme persistent dans les années 2000. De plus, les femmes sont largement sous-représentées : elles composent moins de 15 % de la liste des lauréats du prix de littérature.

Le prix Nobel de littérature de 2018 est différé lorsque 18 femmes portent des allégations d’agression sexuelle contre Jean-Claude Arnault, le mari d’une membre de l’Académie suédoise, Katarina Frostenson. Plusieurs des présumées agressions se seraient produites à l’Académie suédoise. Suite aux allégations, Katarina Frostenson est exclue du comité.

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