À l’origine
Les prisonniers de guerre sont un « sous‑produit » d’une pratique de la guerre relativement sophistiquée. Dans les anciens temps, les combats donnent rarement lieu à la capture de prisonniers, les vaincus capturés étant plutôt torturés, souvent rituellement, ou simplement mis à mort. Dans certains cas, les captifs sont asservis jusqu’à la fin de leurs jours. On peut également parfois détenir des prisonniers riches ou puissants en vue d’obtenir une rançon.
Sur le territoire du futur Canada, les Autochtones d’Amérique du Nord, tout comme les premiers colons européens, mettent en œuvre ces différentes possibilités, les derniers ne s’adonnant toutefois pas à la torture rituelle. Cependant, à la fin du 18e siècle, la plupart des communautés ont modifié le traitement réservé aux combattants capturés. Elles acceptent désormais majoritairement le principe de la simple mise en quarantaine des prisonniers, soit en les détenant effectivement pendant toute la durée du conflit, soit en leur accordant, au fil du temps, une certaine forme de liberté, une pratique connue sous le nom de libération conditionnelle. C’est ainsi que l’on procède effectivement au 18e siècle lors des guerres franco‑anglaises et à l’occasion de la Révolution américaine, ainsi qu’au siècle suivant pendant la guerre de 1812.
Règles et traités internationaux
C’est à Genève en Suisse que l’on formule, en 1864, pour la première fois des règles internationales régissant le traitement des prisonniers de guerre qui seront ensuite affinées à La Haye aux Pays‑Bas en 1899, dans le cadre d’une codification plus large des pratiques de la guerre. Ces nouvelles normes interdisent, notamment, la torture des prisonniers de guerre et leur exploitation comme main d’œuvre servile. Elles comprennent également le droit des prisonniers de guerre à une alimentation, à un hébergement et à des soins médicaux adéquats.
Toutefois, ces règles ne sont que de peu d’intérêt pour les Canadiens faits prisonniers durant la guerre d’Afrique du Sud (1899‑1902). En effet, les Afrikaners, l’ennemi d’alors, conduisent, durant la majeure partie de la guerre, une campagne de guérilla et ne disposent d’aucune installation pour détenir des prisonniers qu’ils relâchent en général après leur avoir pris leurs armes, leurs équipements et leur approvisionnement. Cette guerre donne cependant lieu à un certain nombre d’incidents isolés au cours desquels les deux camps procèdent à des exécutions illégales de prisonniers.
Première Guerre mondiale
Environ 3 800 Canadiens sont faits prisonniers au cours de la Première Guerre mondiale (1914‑1918), la plupart d’entre eux sont des soldats capturés au combat par les forces allemandes sur le front occidental. L’un des groupes de prisonniers de guerre canadiens numériquement les plus importants, environ 1 400 personnes, est pris dans le cadre du premier engagement majeur du Corps expéditionnaire canadien lors de la deuxième bataille d’Ypres en Belgique en avril 1915.
Généralement, ce sont l’ennui, l’inquiétude quant au sort réservé aux camarades qui ont pu être tués ou être portés disparus et l’anxiété générée par l’incertitude sur la durée de la guerre et sur le nombre d’années de captivité qu’il reste à accomplir qui constituent les principaux tourments des prisonniers alliés détenus en Allemagne en captivité. Cependant, leur vie n’est pas entièrement faite d’ennui et de craintes. Dans certains camps, en Allemagne, les prisonniers de guerre sont autorisés à emprunter des livres dans les bibliothèques du camp, à se former dans des « écoles » spécialement créées dans l’enceinte du camp et à publier des journaux de prisonniers de guerre.
La plupart des prisonniers de guerre en Allemagne sont traités en conformité avec la version révisée de la Convention de La Haye de 1907. Toutefois, de nombreux prisonniers se plaignent du non‑respect de l’esprit de la Convention et, parfois, de traitements injustes ou inhumains. En 1918, l’Allemagne connaît de nombreuses pénuries qui se répercutent sur l’alimentation des prisonniers de guerre comme sur celle de la population civile.
En 1929, plus d’une décennie après la fin de la guerre, la Société des Nations négocie une Convention de Genève portant spécifiquement sur le traitement devant être réservé aux prisonniers de guerre. Elle stipule que, sous réserve qu’ils ne puissent s’échapper, ils doivent être traités avec humanité. Elle précise que les seuls renseignements qu’un prisonnier de guerre doit fournir à ceux qui le détiennent sont son nom, son grade et son matricule. Il peut être contraint de travailler si son travail n’a pas de conséquences militaires directes.
Deuxième Guerre mondiale
Près de 9 000 Canadiens sont faits prisonniers de guerre à l’occasion de la Deuxième Guerre mondiale (1939‑1945), essentiellement des soldats capturés au combat, des aviateurs dont les avions ont été abattus en territoire ennemi ou des marins repêchés après que leurs navires ont été torpillés et coulés. Parfois, de nombreux Canadiens sont capturés simultanément. Ils sont, par exemple, 1 948 à être faits prisonniers après l’échec de l’attaque sur Dieppe en août 1942. D’autres, en particulier les aviateurs abattus lors de bombardements alliés sur l’Allemagne, tombent, tout au long de la guerre, aux mains de l’ennemi, soit seuls, soit accompagnés d’un camarade.
La plupart des Canadiens capturés par l’Allemagne durant la Deuxième Guerre mondiale sont traités dans le respect de la Convention de Genève. Il faut toutefois noter qu’au fil du temps, dans un contexte où les conditions générales se détériorent régulièrement en Allemagne, la situation des prisonniers de guerre devient également de plus en plus difficile. Ils ont notamment de plus en plus de difficultés à s’alimenter correctement au fur et à mesure que la nourriture se fait plus rare dans le pays.
On signale également des violences flagrantes subies par certains prisonniers de guerre et des violations de la Convention de Genève. Lors de la célèbre « Grande Évasion » du Stalag Luft III, la police secrète allemande exécute 50 personnes, dont 6 Canadiens, faisant partie des 76 prisonniers de guerre alliés ayant participé à cette opération.
Toutefois, les pires atrocités commises contre des Canadiens durant la Deuxième Guerre mondiale se sont certainement produites au lendemain du Débarquement allié, en juin 1944, lorsque les Allemands ont exécuté, après les avoir capturés, 156 soldats canadiens dans la campagne normande (voir Massacres de Normandie).
Le traitement réservé par les Japonais aux prisonniers est parmi les plus inhumains auxquels on assiste pendant la guerre. En 1941, après la bataille de Hong Kong, 1 682 Canadiens des Grenadiers de Winnipeg et des Royal Rifles of Canada de Québec sont emprisonnés dans des camps à Hong Kong et au Japon. Là, ils endurent, pendant des années, coups, travail forcé et alimentation inadaptée. En raison de carences en vitamines, des centaines de Canadiens vont décéder de maladie, tandis que d’autres vont mourir lentement de faim. En août 1945, les bombes atomiques lâchées sur Hiroshima et Nagasaki forcent le Japon à capituler et mettent fin à la guerre dans le Pacifique, conduisant à la libération des camps de prisonniers dirigés par les Japonais. De nombreux prisonniers de guerre canadiens ayant été détenus dans ces camps et ayant survécu reviendront au pays traumatisés par leur expérience et animés d’un profond ressentiment envers les Japonais.
Guerre de Corée
Trente‑deux Canadiens sont détenus comme prisonniers de guerre pendant la guerre de Corée (1950‑1953). Ils sont traités durement, souvent contraints à exécuter des travaux forcés ou placés à l’isolement pendant des périodes de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois consécutifs. Ni la Corée du Nord ni la Chine n’avaient signé la version révisée de la Convention de Genève de 1949. Les prisonniers de guerre canadiens subissent des « lavages de cerveau » visant à modifier leurs perceptions politiques. À des fins de propagande, certains sont également soumis à des pressions pour les amener à signer de fausses déclarations précisant qu’ils ont pénétré par erreur en Corée du Nord ou en Chine, ou qu’ils désapprouvent cette guerre. Toutefois, aucun d’entre eux ne décédera en captivité et tous seront libérés après la guerre.
Le Commandant d’aviation Andy MacKenzie est le plus célèbre prisonnier politique canadien détenu pendant la guerre de Corée. Pilote de chasse dans l’Aviation royale du Canada, il accomplit plusieurs missions de combat en Corée avec les forces aériennes des États‑Unis. En décembre 1952, il est aux commandes de son avion de chasse, un F‑86 Sabre, et vole à proximité de la frontière nord‑coréenne avec un groupe de chasseurs américains lorsqu’il est accidentellement abattu par un « tir ami » de l’un de ces pilotes. Après s’être posé en parachute en Corée du Nord, il est capturé et passe les deux années suivantes dans une prison chinoise dans des conditions difficiles, subissant notamment, à l’occasion, des mises à l’isolement et des tortures psychologiques. Il est libéré en décembre 1954, un an et demi après la fin de la guerre.
Voir aussi : Internement au Canada; Camps de prisonniers de guerre au Canada.