Patrimoine, conservation du | l'Encyclopédie Canadienne

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Patrimoine, conservation du

Immeuble historique, fenêtres d
Dans la basse-ville, à Ottawa (Corel Professional Photos).
Shaughnessy, maison
Le Centre canadien d'architecture intègre la maison Shaughnessy, construite en 1874 et sauvée de la démolition par Phyllis Lambert, fondatrice du centre (photo de Brian Merrett : www.merrettimages.ca/).
Mile historique
Un des objectifs de la Commission de la capitale nationale est de conserver les trésors historiques de la Capitale (Corel Professional Photos).

Patrimoine, conservation du

La conservation du patrimoine consiste à identifier, à protéger et à faire connaître les aspects importants de notre culture et de notre histoire. Le terme « patrimoine » englobe un large éventail de biens tangibles : il peut s'agir d'une construction, par exemple une gare, un pont ou tout un quartier, d'un artefact ou d'un bien culturel mobile comme une peinture, une robe ou une CHARRETTE DE LA RIVIÈRE ROUGE (voir CONSERVATION DU PATRIMOINE MUSÉOLOGIQUE), ou encore, d'une composante du milieu naturel comme un parc, un jardin ou un SENTIER DU PATRIMOINE. Sont également inclus, dans la définition, des biens non tangibles tels que le FOLKLORE, les coutumes, le langage, les dialectes, les chansons et les légendes. Par « conservation » on entend la protection du patrimoine contre toute menace de destruction par un agent quelconque (qu'il soit environnemental ou humain). Une telle protection suppose aussi une meilleure compréhension du patrimoine et une plus grande sensibilisation à ce qu'il sous-entend. Au Canada, la conservation (« préservation » aux États-Unis) vise normalement à identifier, à protéger et à faire connaître les éléments estimés de l'environnement bâti, soit les édifices, les structures et les sites créés tout au long de l'évolution du Canada.

Dans notre société moderne, la conservation du patrimoine occupe une place importante parce qu'elle répond à certaines aspirations, notamment le désir de préserver les liens tangibles avec nos racines historiques et d'assurer un « sentiment d'appartenance » à ceux qui déplorent le caractère « banal » de trop nombreuses localités. L'intérêt envers la conservation du patrimoine s'est accru parallèlement à un engouement général pour la CONSERVATION : on admet dans l'ensemble que la société ne peut plus se permettre un tel gaspillage de ressources, quelles qu'elles soient, y compris le patrimoine architectural. Cette notion repose sur une gestion responsable des richesses culturelles et naturelles, afin qu'on puisse transmettre un héritage intact aux futures générations. Elle s'applique aussi bien à l'aménagement des habitats urbains et ruraux qu'aux mesures visant à les rendre plus agréables pour les gens qui y vivent.

L'essor du mouvement de conservation du patrimoine découle en grande partie des efforts des citoyens qui militent à l'échelle locale. Des dizaines d'organismes de défense comme la Lunenburg Heritage Society en Nouvelle-Écosse (1972), Héritage Montréal (1975) et la Society for the Protection of Architectural Ressources in Edmonton (SPARE; 1979), ont pris naissance pour contrer les menaces à l'endroit du patrimoine architectural local. Par exemple, durant les années 50, des citoyens conscientisés ont sauvé de la démolition le spectaculaire manoir du XIXe siècle Craigdarroch Castle à Victoria, en Colombie-Britannique. Durant les années 70 et 80, les résidants et les défenseurs du quartier montréalais de Milton-Parc ont milité en faveur de la rénovation de centaines d'habitations datant du siècle dernier. Aussi, dans les années 80, les habitants du centre-ville à Regina ont mené avec succès une campagne pour préserver l'aspect du pont Albert Memorial, vestige de la Crise des années 30, et pour en limiter les capacités à l'échelle du quartier. Par ces réussites, et malgré quelques échecs, ces groupes ont relevé le défi de protéger l'héritage architectural, souvent un site à la fois, en s'opposant aux actes de profanation, en commandant ou en effectuant des travaux de restauration, en prônant des lois plus sévères à cet égard et en sensibilisant les citoyens aux valeurs patrimoniales.

Survol

Une des premières tentatives de préservation à grande échelle au Canada remonte à 1875, quand le gouverneur général Lord DUFFERIN intervient pour sauvegarder et rehausser les fortifications de la ville de Québec (voir CITADELLE DE QUÉBEC). Au lieu de permettre leur démolition, ce que souhaitent alors des gens d'affaires locaux, Dufferin fait reconstruire les murs qui tombent en ruines et ajouter des nouveaux éléments caractéristiques. Dans l'esprit de l'époque, Dufferin vise surtout à améliorer le côté pittoresque de la cité : selon lui, c'est la notion de ville ceinturée qui importe, pas nécessairement les fortifications en pierre elles-mêmes.

Un demi-siècle plus tard, en 1927, la chapelle en bois rond du Père Albert LACOMBE à St. Albert, qui date de 1861, fait l'objet de la première tentative de préservation du patrimoine en Alberta. Près de la moitié des billots sont remplacés et le bâtiment est enchâssé dans une coquille protectrice en briques. Ces mesures extrêmes en vue de prolonger la durée de l'édifice témoignent de la fascination des gens au début du XXe siècle pour les artefacts rappelant l'époque des pionniers.

Un siècle après l'intervention de Dufferin à Québec, on procède à la revitalisation du bord de mer à Halifax, dans le cadre d'une des plus ambitieuses entreprises de conservation jamais réalisées au Canada. Les entrepôts et les bâtiments commerciaux délabrés sont remis en état. Une fois les travaux de restauration terminés, il en résulte un nouveau lieu commerçant historique. Signe des temps, la rénovation de ce quartier ancien s'effectue grâce à des investissements privés.

Ces trois exemples illustrent les diverses formes qu'emprunte la valeur patrimoniale, soit un concept comme l'illustrent les fortifications de Québec, un artefact ou un bâtiment associé à un personnage important tel que la chapelle du Père Lacombe ou des constructions dont le caractère matériel et économique revêt un intérêt patrimonial, comme dans le cas du quartier historique de Halifax. Désormais, les pierres angulaires de la conservation du patrimoine sont l'intérêt que représentent la conception, les matériaux et le contexte historique. Quand c'est la conception qui prédomine, c'est-à-dire l'idée créatrice qui sous-tend un bâtiment, une structure ou un site donné, on tente de redonner vie au concept original. Par contre, si ce sont les matériaux composant le bien patrimonial qui comptent le plus, on s'efforce d'en prolonger la durée. Quand c'est le contexte qui prévaut, autrement dit quand il y a interaction entre le bien historique et la population dans son ensemble, on cherche alors à préserver ou à améliorer l'intégration du bâtiment, de la structure ou du lieu dans la collectivité. De nos jours, la plupart des projets de conservation du patrimoine tournent autour de ces trois pôles d'intérêt. Ainsi, les efforts ont pour but de ressusciter les aspects intéressants de la conception qui ont été perdus (tout en sauvegardant ceux qui restent), de prolonger la durée des matériaux ayant un intérêt historique et de favoriser l'insertion du bien dans la communauté, en fonction de sa valeur patrimoniale.

Historique

Bien que le Manitoba s'enorgueillisse de la création d'une société historique à peine neuf ans après la constitution de cette province et que le FORT CHAMBLY au Québec ait été restauré grâce à une initiative privée en 1882-1883, les activités concertées de préservation du patrimoine demeurent relativement rares au Canada avant le début du XXe siècle. Avant que les défenseurs du patrimoine aient voix au chapitre et structurent leur intervention, il aura fallu attendre des mesures comme la mise sur pied du Comité de préservation des lieux panoramiques et historique du Canada (1900), de la SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA, de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (1919) et de la Commission des biens culturels du Québec (1922), ainsi que la légifération visant la protection des artefacts autochtones de la Colombie-Britannique (1925). Durant cette période, on assiste également à l'essor des mouvements de défense, notamment The Architectural Conservancy of Ontario, organisme fondé en 1932, à la création de résidences-musées comme celle de William Lyon MACKENZIE à Toronto, et à la préservation, dans leur état actuel, d'anciens ouvrages militaires tels que FORT YORK en Ontario, le FORT PRINCE-DE-GALLES au Manitoba et FORT LANGLEY en Colombie-Britannique.

Au cours des années 20 et 30, le milieu universitaire s'intéresse de plus en plus à l'architecture ancienne. Des chercheurs redessinent au centimètre près des bâtiments historiques sauvegardés (en s'inspirant du programme d'inventaire écossais), notamment Ramsay TRAQUAIR (1874-1952) et ses étudiants en architecture à l'U. McGill, Éric ARTHUR (1898-1982) et ses étudiants à l'U. de Toronto, et un disciple de Traquair, Arthur William Wallace (1903-1978), en Nouvelle-Écosse. Les publications de ces experts et d'autres amateurs commencent à sensibiliser la population aux bâtiments patrimoniaux. Durant cette période, les mesures de conservation sont surtout le fait des gouvernements, et dans la plupart des cas, les bâtiments et les lieux sont préservés à la mémoire d'un personnage ou d'un événement d'importance historique. Par exemple, FORT ANNE à Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse, est déclaré lieu historique national en 1920 du fait qu'il rappelle les luttes coloniales entre la France et l'Angleterre, et non pour quelque valeur architecturale qu'ait pu receler le bâtiment abritant les quartiers des officiers supérieurs et datant de 1797.

De plus, cette période marque le début de la reconstruction d'édifices patrimoniaux et des musées en plein air. Ainsi, on recrée au même endroit ou près du site original l'habitation de Champlain à PORT-ROYAL (Nouvelle-Écosse) datant de 1605 et les bâtiments depuis longtemps disparus de FORT GEORGE, en Ontario. Ces réalisations, qui visent souvent à créer des emplois, ne représentent pas des mesures de conservation du patrimoine dans le sens classique du terme, bien que, ironiquement, plusieurs de ces ouvrages reconstruits constituent un témoignage des préoccupations du début du XXe siècle, et qu'ils soient préservés à ce titre. La popularité de la ville coloniale restaurée et reconstruite de Williamsburg en Virginie (travaux entrepris en 1926) influence la création de plusieurs « musées en plein air », où les visiteurs peuvent déambuler parmi les bâtiments anciens restaurés et des répliques modernes, tandis que des animateurs en costume d'époque font revivre le quotidien ancestral.

Ces excellents moyens permettant de populariser le patrimoine inaugurent un nouveau courant basé sur l'interprétation didactique et les démonstrations concrètes, aspects en grande partie absents dans les résidences-musées et les forts préservés de l'ère précédente. On crée ainsi des musées en plein air un peu partout au Canada. Dans certains cas, notamment à UPPER CANADA VILLAGE en Ontario (années 50 et 60) et KINGS LANDINGau Nouveau-Brunswick (années 60), on procède à la conservation en déménageant à un nouvel endroit des bâtiments authentiques. Ailleurs, comme au musée de FORT MACLEOD en Alberta (années 50) et à SAINTE-MARIE-DES-HURONS en Ontario (années 60), il s'agit entièrement d'une reconstruction. La reconstitution d'une partie de la forteresse de LOUISBOURG en Nouvelle-Écosse (commencée en 1961) devient la plus grande réalisation du genre en Amérique du Nord, surpassant même Williamsburg. Les travaux de restauration et de reconstruction sur une grande échelle comme à Louisbourg, à DAWSON au Yukon (entrepris en 1960) et à l'ancien Fort William en Ontario (à partir de 1971) reposent sur des recherches historiques poussées, subventionnées par le gouvernement fédéral. Historiens, archéologues, architectes et ingénieurs ont contribué ainsi à reproduire des images emblématiques du passé, avec toute l'objectivité que permettent leurs connaissances et leurs études universitaires.

Au milieu du siècle, survient un point tournant dans le domaine de la conservation, lorsque la Commission royale d'enquête sur l'AVANCEMENT DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES AU CANADA (1951) préconise une extension du champ d'application de manière à inclure l'architecture patrimoniale en soi. Jusqu'à cette date, on considère en général que les bâtiments et les lieux historiques n'ont aucune valeur intrinsèque, à moins d'être associés à des personnages ou à des événements majeurs, la valeur architecturale compte pour peu. En réponse aux recommandations de la Commission, le gouvernement fédéral adopte en 1953 la Loi sur les lieux et monuments historiques, qui est modifiée deux ans plus tard, pour permettre la désignation des bâtiments ayant un intérêt architectural au titre de lieux historiques nationaux. L'ancienne résidence du gouverneur général à Fredericton au Nouveau-Brunswick devient, en 1958, le premier lieu historique national ainsi nommé en raison de son importance architecturale. Néanmoins, à la fin des années 60, on compte à peine quelques dizaines d'édifices dont la valeur architecturale est ainsi reconnue, aucun gouvernement provincial n'applique de critères définis à cet égard et il n'existe pratiquement nulle part de règlements municipaux visant à désigner les bâtiments patrimoniaux et à les protéger en permanence contre une menace de démolition.

Les années 70 marquent le début d'un changement de cap radical. Dans la décennie suivant EXPO 67, les entreprises privées se tournent peu à peu vers ce secteur afin de profiter du créneau intéressant que représente la réutilisation des bâtiments patrimoniaux, émergeant avec la montée du nationalisme et de l'intérêt pour l'histoire. Que ce soit de son propre chef, comme dans le cas de la multinationale de ALCAN ALUMINIUM LIMITÉE, qui mérite des éloges pour l'intégration de quatre bâtiments historiques au complexe de son siège social montréalais en 1980-1983, ou que ce soit dans le cadre d'un partenariat public-privé, comme le réaménagement commercial de Central Chambers à Ottawa, terminé en 1993, dans lequel un édifice patrimonial constitue un élément clé, le secteur privé canadien commence à se rendre compte que la conservation du patrimoine peut s'avérer profitable sur les plans social, civique et même financier.

Entre la fin des années 60 et le début des années 80, on procède aussi au réaménagement complet de quartiers urbains historiques, notamment grâce à des investissements privés. Mentionnons en particulier Gastown à Vancouver, l'arrondissement historique à Halifax, le quartier Yorkville à Toronto, le Vieux-Montréal, l'Exchange District (anciennement Market Square) à Winnipeg et le Market Square de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick). Plusieurs petites municipalités emboîtent le pas et participent, même encore, à des programmes fédéraux et provinciaux de revitalisation de la rue principale, mis en place à la fin des années 70 et 80. Dans des initiatives du genre, le patrimoine local sert de catalyseur pour stimuler les affaires dans le quartier commercial. Les écomusées, comme celui qu'on trouve en Beauce au Québec et le Crowsnest Pass Museum (voir CROWSNEST, COL) en Alberta, misent sur le même concept en l'appliquant à l'ensemble de la région, de sorte que le tourisme et la main-d'oeuvre locale deviennent les principaux moteurs économiques fondés sur le patrimoine.

Durant cette période, le Canada accède au rang des pays mondialement concernés par les questions de conservation. En ratifiant la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (la Convention sur le patrimoine mondial; 1972), en 1976, le gouvernement fédéral s'engage à préserver les sites du patrimoine mondial au Canada, ce qui implique le respect des normes les plus rigoureuses. Choisis par un comité ad hoc, ces sites comptent parmi les lieux culturels et naturels les plus remarquables de la planète. En 1978, L'ANSE AUX MEADOWS à Terre-Neuve, où eut lieu le premier débarquement connu de colons européens en Amérique du Nord, devient le premier site culturel canadien inscrit sur la liste du patrimoine mondial. En 1998, cette liste compte 12 sites culturels et naturels canadiens, dont le quartier historique de Québec, ajouté en 1985 à cause de son importance en tant que chef-lieu militaire, administratif, religieux et culturel de l'empire français au Nouveau Monde, et la « vieille ville » de Lunenburg (Nouvelle-Écosse), inscrite en 1995 à titre d'exemple remarquable d'établissement colonial anglais, autant pour sa conception que pour son état de préservation.

Depuis le début du XXe siècle, le champ d'application de la conservation du patrimoine s'est élargi considérablement, surtout durant les dernières décennies. Désormais, il englobe des bâtiments sans prétention, d'architecture « vernaculaire », et des emplacements industriels, des complexes incluant des quartiers complets et des secteurs historiques, de même que des éléments naturels et culturels interreliés, qualifiés de « paysages culturels ». Sont maintenant reconnus comme des joyaux de notre patrimoine, le jardin muré datant du siècle dernier de Maplelawn à Ottawa, le cimetière juif Beth Israel à Québec ainsi que les petits chemins panoramiques de l'Île-du-Prince-Édouard. Dans la perspective plus vaste qui prévaut de nos jours, des édifices modernes comme le BC Electric Building (1957) à Vancouver, un des premiers gratte-ciel à parois de verre (voir GRATTE-CIEL), méritent d'être conservés. Ils servent de catalyseurs dans le débat sur le sens des éléments du passé dignes de conservation en cette époque d'obsolescence planifiée. D'autres visions, par exemple celle des autochtones de la Côte Ouest suivant laquelle il est plus important de préserver l'habileté nécessaire pour créer un TOTEM que de sauvegarder les artefacts eux-mêmes contribuent aussi à élargir des notions depuis longtemps admises.

Processus de conservation du patrimoine

Identification
La première étape du processus consiste à identifier et à énumérer les biens qui représentent une valeur culturelle. À ce stade, on effectue normalement des recherches historiques et on dresse un bilan permettant de mieux connaître le sujet et de le documenter, d'une part, et de faciliter les démarches consécutives, d'autre part. On procède d'abord à un relevé pour savoir quels sont les bâtiments, les structures et les lieux qui ont de l'importance pour la collectivité. Souvent, pour rendre plus objectif ce processus d'évaluation culturelle passablement subjectif, on applique des critères visant surtout la conception, les matériaux et le contexte historique. Les biens qui respectent ces critères ont en principe une valeur patrimoniale et s'ajoutent à la liste des richesses à préserver.

Il existe divers relevés individuels à l'échelle municipale, régionale, provinciale et nationale. Les municipalités et les gouvernements provinciaux concernés font souvent une distinction entre les inscriptions déjà documentées mais pas nécessairement protégées, et les biens désignés, qui requièrent une protection légale. La principale liste individuelle à cet égard est l'Inventaire canadien des bâtiments historiques relevant de Parcs Canada, qui fournit des données informatisées sur plus de 200 000 bâtiments datant de la période précédant la Première Guerre, répartis dans tout le pays.

Protection

L'étape suivante vise à protéger les richesses du patrimoine ainsi recensées. Il peut s'agir d'une formule administrative régissant le mode de gestion du bien, par exemple une désignation, ou d'une intervention ayant trait notamment à l'entretien de base, ou les deux. Bien que la désignation ne soit pas indispensable à la protection, elle est souvent appliquée afin que le bâtiment ait de meilleures perspectives de préservation à long terme. Au Canada, ce sont les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux qui s'occupent de la plupart des désignations, car en vertu de la CONSTITUTION, les questions immobilières relèvent de la compétence des provinces. Le gouvernement fédéral peut lui aussi accorder un tel statut à ses propres bâtiments, par l'intermédiaire de la Commission de révision des édifices fédéraux à valeur patrimoniale (1982). Il peut également désigner des LIEUX HISTORIQUES d'intérêt national sous l'égide de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, l'organe consultatif du ministère fédéral responsable du patrimoine.

L'ensemble des provinces et des territoires se sont dotés d'une forme quelconque de réglementation, et plusieurs permettent aux municipalités de faire de telles désignations. Celles-ci recourent souvent à un comité consultatif ad hoc pour les conseiller sur toutes les questions touchant au patrimoine, y compris les désignations. Normalement, le fait de désigner un bâtiment ou un lieu historique limite le caractère des interventions possibles (en 1997, il y avait au Canada environ 120 districts bénéficiant d'un statut légal) en fonction de la valeur patrimoniale énoncée dans le processus d'évaluation. En contrepartie, les avantages consentis peuvent prendre la forme de subventions, de dégrèvements fiscaux ou d'autres mesures incitatives.

Les interventions peuvent également viser à récupérer des éléments significatifs du concept original, à prolonger la durée de matériaux d'importance historique ou à assurer une meilleure insertion dans la collectivité. Elles incluent parfois des travaux de « préservation » pour stabiliser l'état des constructions en ralentissant ou en empêchant la détérioration, de « restauration » afin de retrouver des formes et des détails présents à un moment de l'histoire, de « rénovation » pour adapter les lieux en fonction des normes actuelles, ou une combinaison de ces types d'intervention. Pour remédier aux problèmes de conservation des biens patrimoniaux, les experts ont mis au point des méthodes appropriées reposant sur des techniques éprouvées et des recherches scientifiques. On s'adresse fréquemment à des artisans spécialisés dans le cas des interventions plus complexes, et il existe des programmes académiques pour apprendre aux jeunes les ficelles du métier. On a établi des principes de conservation définissant les limites à ne pas dépasser dans les interventions qui touchent notre irremplaçable patrimoine architectural. Plusieurs organismes professionnels non gouvernementaux ont été créés afin de s'occuper de ces questions, entre autres l'Association pour l'avancement des méthodes de préservation (AAMP) (1969), HÉRITAGE CANADA (1973), la Société pour l'étude de l'architecture au Canada (SÉAC 1974) et la section canadienne du Conseil international des monuments et sites (1975).

Conscientisation

La dernière étape du processus consiste à mieux faire connaître le patrimoine au public et à le sensibiliser à cette richesse. Des événements tels que la Fête du patrimoine (3e lundi de février dans plusieurs provinces) contribuent à promouvoir nos trésors matériels et immatériels. Des activités comme la remise des prix annuels « orange et citron » organisée par Sauvons Montréal viennent respectivement couronner les meilleures réalisations et clouer au pilori les pires interventions faites à notre patrimoine architectural. Des visites à pied commentées permettent aux gens de découvrir les couches successives de l'histoire qui ont façonné des lieux particuliers ou même fréquentés quotidiennement. Des expositions comme celles que présentent le CENTRE CANADIEN D'ARCHITECTURE à Montréal et les Canadian Architectural Archives à Calgary nous font mieux comprendre les beautés artistiques et techniques des édifices qui nous entourent. Des conférences publiques comme le colloque annuel William Kilbourn Memorial Lecture d'Héritage Toronto nous invitent à regarder le passé sous de nouveaux aspects. Enfin, des publications en tous genres, imprimées ou diffusées sur Internet, nous informent sur l'identification, la protection et la promotion des éléments significatifs dans l'histoire de notre environnement bâti.

C'est grâce aux efforts déployés par les citoyens, les groupes de défense, les organismes et les gouvernements que notre patrimoine sera valorisé, que les principes mêmes de la conservation seront mieux intégrés dans le contexte de vie des Canadiens et qu'ultimement cette vaste entreprise de conservation sera couronnée de succès. Bien qu'une bonne partie des richesses du passé soient perdues, plusieurs ont été sauvegardées, garantissant ainsi la survie, au profit des générations futures, de certains des aspects culturels les plus dynamiques et les plus appréciés de notre patrimoine architectural.

Lecture supplémentaire

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