Patrice Desbiens, poète (né en 1948 à Timmins, en Ontario). L’un des poètes les plus importants de l’Ontario français, Patrice Desbiens est aussi l’un des plus admirés par les francophones du Canada. Au fil de sa carrière, il a grandement contribué à la relance culturelle et identitaire de la francophonie en Ontario, notamment durant les années 1970, au même titre que Jean-Marc Dalpé et Robert Dickson. Il a reçu plusieurs prix en reconnaissance de son travail et a été finaliste pour un prix du Gouverneur général en 1985.
Carrière
Plutôt autodidacte, Patrice Desbiens n’a fait que quelques années d’études secondaires au Collège du Sacré-Cœur de Timmins et à la Timmins High & Vocational School. Avant même qu’il ait terminé ses études, un professeur de littérature flaire son talent et l’encourage à se lancer en poésie. Il quitte donc sa ville natale et s’installe à Sudbury dans ce but.
Les Éditions Prise de Parole publient ses premiers textes au début des années 1970. À la même époque, il occupe un poste de journaliste à L’Express de Toronto pendant un an et collabore à de nombreuses revues littéraires du Québec et de l’Ontario, notamment EXIT, Estuaire et Poetry Toronto Newsletter.
Dans les années 1970 et 1980, Desbiens vit dans la précarité; il travaille à temps partiel, erre dans les cafés et les bars à la recherche d’inspiration, fait de la musique et de la poésie. En 1988, invité au Salon du livre de Québec, il s’installe dans cette ville, afin de pouvoir vivre dans sa langue. Il s’établira plus tard à Montréal en 1991, où il vit toujours. Il est membre de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois.
Auteur très prolifique, il a fait paraître près d’une vingtaine de recueils de poésie depuis 1974.
Il reçoit le Prix Champlain en 1997 pour Un pépin de pomme sur un poêle à bois et le Prix de poésie Terrasses Saint-Sulpice-Estuaire pour son recueil La Fissure de la fiction en mai 1998.
En 2008, il remporte le prix du Salon du livre du Grand Sudbury, récompense décernée aux auteurs dont la production est demeurée soutenue au fil des années et dont la popularité de l’œuvre auprès du lectorat ne fait que s’accroître avec le temps.
Parmi ses plus récentes œuvres, mentionnons Pour de vrai et Les abats du jour, parus respectivement en 2011 et 2013 aux éditions L’Oie de Cravan, ainsi que Vallée des cicatrices, publié chez le même éditeur en 2015.
Identité franco-ontarienne et influences
La marginalité de Patrice Desbiens exprime dès le départ l’aliénation du Franco-Ontarien, et elle devient vite sa plus grande valeur. Il n’hésite pas à commenter l’identité franco-ontarienne, tant dans ses œuvres qu’en entrevue. Ce sentiment d’une minorité qui vit dans deux mondes auxquels elle n’appartient qu’à moitié devient un thème majeur de ses œuvres. Sa pièce quasi-autobiographique intitulée L’homme invisible/The invisible man (1981) témoigne de cette double identité (il s’agit d’une double interprétation, et non d’une traduction) et le consacre comme une des voix majeures de l’Ontario français. L’œuvre remet aussi en question l’absence des Franco-Ontariens, en règle générale, dans les discussions sur la préservation de la langue, un enjeu qui semble réservé aux Québécois. Cet enjeu linguistique, Desbiens n’hésite pas à l’insérer dans l’ensemble de ses œuvres : « Je veux parler maintenant […]/je veux parler du/Franco-Ontarien/qui se demande quand/va venir son tour/de se laisser parler/d’amour. » (Poèmes anglais, 1988).
Pour la faire vivre, cette langue française à laquelle il est si attaché, le poète décide de l’utiliser. Il opte précisément pour celle de la rue, celle parlée par les Franco-Ontariens, qui fait écho au « joual » du Québec mais qui a sa propre identité. Cette langue possède ses particularités, son « franglais » occasionnel et ses expressions idiomatiques avec lesquelles Desbiens se permet de jouer. Il crée des images parfois violentes, une syntaxe à l’occasion déréglée et surtout, un rythme singulier. Les lieux habituels (bar, restaurant, motel, ruelle, hôpital, etc.) deviennent le théâtre d’événements tantôt violents, tantôt ordinaires. « Descendre en ville/le cœur pesant comme un blues/et l’atmosphère chargée/comme un douze. » (Amour ambulance, 1989). Patrice Desbiens se fait ainsi rapidement connaître comme poète du quotidien.
Comparé sans cesse à Charles Bukowski et à Lucien Francoeur, il ne les compte cependant pas parmi ses influences et cite plutôt Paul Éluard et Richard Brautigan. C’est à la mémoire de ce dernier qu’il dédie son recueil Dans l’après-midi cardiaque, pour lequel il sera finaliste du Prix du Gouverneur Général (poésie de langue française) en 1985. Il reprend en outre la stérilité de certains lieux, la fatalité et l’invisibilité, des thèmes présents dans l’œuvre de Brautigan, dans plusieurs de ses poèmes.
Autres réalisations
Patrice Desbiens est aussi un amateur de musique, particulièrement de jazz, et il joue des percussions. Son amitié avec le compositeur René Lussier, un autre amoureux de la langue française, lui permettra d’explorer cette passion : ils se produiront sur scène dans le cadre de la tournée Le Trésor de la langue et feront ensemble deux albums où se rejoignent la musique et la poésie, Patrice Desbiens – Les Moyens du Bord (1999) et grosse guitare rouge (2004).
Desbiens a également inspiré beaucoup d’autres artistes. Un documentaire sur lui (Mon pays…, ONF, 1991) réalisé par Valmont Jobin dans le cadre de la série À la recherche de l’homme invisible remporte le Prix du meilleur témoignage au 10e Festival international du film sur l’art tenu à Montréal en 1992. De même, en 1998, Richard Desjardins met en chanson le poème La caissière populaire de Desbiens. La même année, ce dernier inspire l’écriture du film La comtesse de Bâton Rouge d’André Forcier, à laquelle il collabore. Plus récemment, les interprètes québécois Chloé Ste-Marie et Vincent Vallières reprennent ses textes pour en faire des chansons.Enfin, quatre de ses écrits ont été portés à la scène par des compagnies théâtrales franco-ontariennes : L’homme invisible/The invisible man, Les cascadeurs de l’amour, Un pépin de pomme sur un poêle à bois et La fissure de la fiction.
Prix et récompenses
Finaliste pour le Prix du Gouverneur général : poésie de langue française, pour Dans l’après-midi cardiaque (1985)
Prix du Nouvel-Ontario, pour l’ensemble de son œuvre et sa contribution à la culture franco-ontarienne (1985)
Prix Champlain, pour Un pépin de pomme sur un poêle à bois (1996)
Prix de poésie Terrasses Saint-Sulpice de la revue Estuaire, pour La fissure de la fiction (1998)
Nomination pour le Prix Félix-Antoine-Savard de poésie (1998)
Prix du Salon du livre du Grand Sudbury (2008)