Financement des partis politiques au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Financement des partis politiques au Canada

Les activités financières des partis politiques au Canada étaient largement non réglementées jusqu’à l’adoption de la Loi sur les dépenses électorales en 1974. Le Canada dispose aujourd’hui d’un vaste régime de réglementation fédérale pour le financement des partis politiques fédéraux, pendant et en dehors des périodes électorales. Les réglementations ont pour but d’encourager une plus grande transparence des activités despartis politiques. Elle assure également l’équité des batailles électorales, en limitant les avantages des partis les plus riches. Les partis politiques et les candidats profitent d’un financement à la fois privé et public. La législation en matière de financement électoral régit la façon dont les partis et les candidats sont financés, et définit la façon dont ils peuvent dépenser les sommes ainsi collectées.

(Voir aussi Élections.)

Politique, débat

John Turner et Brian Mulroney, au cours de leur débat acrimonieux retransmis à la télévision.
(photo de Fred Chartrand)


Législation fédérale relative aux partis et au financement électoral

Financement privé

La législation canadienne en matière de financement électoral plafonne les contributions apportées aux partis politiques et aux candidats. Seuls les individus, à l’exclusion des entreprises et des syndicats, sont autorisés à effectuer des dons. Ces contributions individuelles sont plafonnées annuellement à 1 500 $ pour chaque parti politique et à 1 500 $, au total, pour l’ensemble des associations de circonscription enregistrées, des candidats à l’investiture et des candidats de chaque parti. De plus, les donateurs peuvent apporter une contribution maximale totale de 1 500 $ à l’ensemble des candidats à la direction ainsi que de 1 500 $ à chaque candidat indépendant. Ces plafonds ont été fixés pour 2015. Ils augmentent de 25 $ chaque année. Dans ce cadre, les politiciens ayant reçu des contributions financières doivent divulguer les noms de toutes les personnes ayant effectué un don de plus de 200 $.

Financement public

Le système canadien des partis et la réglementation en matière de financement électoral prévoient deux formes de financement public des partis politiques et des candidats.

Tout d’abord, les partis politiques et les candidats sont remboursés d’une partie de leurs dépenses électorales. (Voir Campagne électorale.) Les partis ayant obtenu au moins 2 % des suffrages à l’échelon national ou 5 % dans les circonscriptions où ils présentaient des candidats sont remboursés de 50 % de leurs dépenses. Si un candidat a obtenu au moins 10 % des suffrages, il est remboursé de 15 % du plafond de dépenses fixé pour la circonscription. S’il a dépensé au moins 30 % de ce plafond, il est remboursé de 60 % de ses dépenses électorales, le remboursement total ne pouvant pas dépasser 60 % du plafond fixé pour la circonscription.

Deuxièmement, la fiscalité canadienne prévoit des crédits d’impôt généreux pour les dons à des partis politiques ou à des candidats — respectivement 75 %, 50 % et 33 % sur la première tranche inférieure ou égale à 400 $, sur la deuxième tranche de 400,01 $ à 750 $ et sur la troisième tranche supérieure à 750 $ —, le montant total annuel des crédits d’impôt ainsi obtenus ne pouvant dépasser 650 $ par contribuable.

Dépenses

Les dépenses électorales des partis et des candidats sont plafonnées. Les partis politiques peuvent dépenser 73,5 cents pour chaque électeur dans les circonscriptions où ils présentent des candidats. Pour leurs campagnes locales, les candidats peuvent dépenser un montant, se situant généralement entre 75 000 $ et 115 000 $, fonction de la population de la circonscription dans laquelle ils se présentent. Si, comme en 2015, la campagne électorale dépasse 36 jours, les plafonds fixés pour les partis et pour les candidats sont augmentés en proportion de la durée de la campagne.

Des groupes ou des personnes autres que les partis politiques ou les candidats (qu’on appelle de tierces parties) peuvent dépenser un montant maximum de 150 000 $ à l’occasion d’une campagne électorale. Il y a une limite de 3 000 $ par circonscription. Il est essentiel de souligner que tous ces plafonds de dépenses ne s’appliquent que pendant la période de l’élection, c’est-à-dire entre l’émission des brefs électoraux (le moment où l’élection est officiellement déclenchée) et le jour de l’élection.

Législations provinciales et territoriales

Chaque province et chaque territoire canadien a sa propre législation en matière de financement politique. Cependant, tous offrent des crédits d’impôt en cas de don. On exige également la divulgation de l’identité des donateurs dont les contributions dépassent un certain montant. La plupart des provinces et des territoires plafonnent les montants annuels des dons des personnes physiques et tous, à l’exception de l’Alberta et du  Yukon, plafonnent également les dépenses électorales.

Le Québec, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba et l’Alberta interdisent les contributions des entreprises et des autres organisations, seuls les particuliers peuvent donner de l’argent aux partis politiques.

Contexte historique

Le Canada dispose aujourd’hui d’une législation très complète en matière de partis politiques et de financement électoral. Cela n’a toutefois pas toujours été le cas. Avant 1974, les activités financières des partis politiques étaient largement non réglementées. De la création de la Confédération jusque vers 1897, les fonds des partis politiques sont utilisés pour pallier un déficit de partisanerie. À cette époque, certains députés s’autorisent à ne pas toujours suivre la ligne du parti dont ils sont membres. Dans ce contexte, les chefs des partis se mobilisent personnellement dans la collecte de fonds et dans la distribution des financements électoraux afin de s’assurer de la loyauté de leurs partisans. Les  libéraux et les conservateurs ont également tendance à s’en remettre aux dons des entreprises. Cela mène régulièrement à des affaires douteuses comme celle ayant donné lieu au scandale du Pacifique. Toutefois, cette situation n’est pas suffisamment inquiétante pour inciter le législateur à mettre en place une législation globale en matière de financement des partis politiques.

Au fur et à mesure que la loyauté des partisans se cristallise, les chefs de parti cherchent à se dissocier des campagnes de financement de la caisse électorale. Peu à peu, ce sont des spécialistes du financement qui assument ce rôle. Les chefs de parti sont libérés de toute intervention directe dans cet aspect de la politique des partis. (Voir Corruption; Conflit d’intérêts.)

Affiche de la campagne de Macdonald

« The Old Flag, The Old Policy, The Old Leader », affiche publiée par l'Industrial League pour mettre en évidence les valeurs anciennes sur lesquelles Macdonald appuie le pouvoir du Parti conservateur.
(avec la permission des BibliothЏques et Archives Canada/C-6536)


Réglementation : Loi sur les dépenses d’élection de 1974

Les partis politiques canadiens commencent à rencontrer des difficultés financières dans les années 1960 et au début des années 1970. À cette époque, dans la foulée d’une série de gouvernements minoritaires, les élections deviennent plus fréquentes. Simultanément, la publicité télévisée et les sondages font désormais partie intégrante des campagnes. Conséquemment, les partis politiques font face à des coûts de plus en plus élevés. Ces facteurs conduisent à l’adoption, en janvier 1974, de la Loi sur les dépenses d’élection. Le cœur de cette nouvelle loi constitue une sorte de marchandage : en échange d’une plus grande réglementation de leurs activités financières, les partis politiques reçoivent un financement public.

La Loi sur les dépenses d’élection établit la plupart des principes essentiels de la législation canadienne en la matière. Elle met en place un système de crédits d’impôt pour les dons, un dispositif de remboursement des dépenses électorales et le principe de divulgation des dons électoraux supérieurs à 100 $. La loi prévoit également de plafonner les dépenses de campagne des candidats et des partis politiques.

La Loi sur les dépenses d’élection soulage les difficultés financières des partis politiques canadiens. Elle modifie également de fond en comble leur structure de financement. Le système de crédits d’impôt incite donc les particuliers à faire des dons aux partis. Plus important encore, il incite les partis à solliciter les dons individuels. En tant que tel, ce nouveau système diminue la dépendance des partis politiques vis-à-vis des dons des entreprises.

Dépenses des tiers

Dans les trois décennies qui suivent l’adoption de la Loi sur les dépenses d’élection, le Parlement n’apporte que des modifications mineures à la législation régissant les activités financières des partis politiques et des candidats. La majorité des débats importants en la matière tournent autour de la réglementation des « dépenses des tiers », c’est-à-dire l’argent dépensé à des fins électorales par des personnes ou des groupes qui ne sont ni des partis politiques ni des candidats. En 1983, le Parlement interdit la publicité par des tiers pendant les élections. Toutefois, en 1984, la National Citizens Coalition conteste avec succès cette disposition législative en justice comme constituant une violation de la Charte des droits et libertés. En 2000, le Parlement adopte les plafonds actuellement en vigueur pour les dépenses électorales des tiers. Ces limites sont maintenues par la Cour suprême en 2004.

Allocations des partis politiques

Le changement le plus important à la législation canadienne en matière de financement électoral survient en 2004. À compter de cette année, les entreprises et les syndicats ne peuvent plus donner d’argent aux partis politiques. En effet, ils ne peuvent plus donner que des montants limités aux candidats. La loi plafonne également les dons individuels à 5 000 $. En échange de cette élimination d’une source importante de financement des partis, le Parlement améliore le système des crédits d’impôt et le dispositif de remboursement des dépenses. Plus important encore, la loi prévoit désormais une allocation trimestrielle. En vertu de celle-ci, les partis politiques admissibles reçoivent un montant annuel de 1,75 $ pour chaque vote obtenu lors de l’élection précédente. Les amendements de 2004 étendent également la portée de la réglementation en matière de financement à des domaines qui étaient auparavant considérés comme constituant des affaires internes des partis, comme les investitures ou les courses à la direction du parti.

Ces évolutions en matière de financement des partis politiques ont un effet important sur l’équilibre des forces en présence. Elles s’avèrent favorables au Parti conservateur qui prospère dans ce contexte en raison de sa capacité à collecter des fonds auprès des donateurs individuels. Le Bloc québécois, quant à lui, s’en sortant assez bien grâce au système de l’allocation trimestrielle. Ce cadre législatif inédit contribue aussi à la progression du Parti vert du Canada et permet également au  Nouveau Parti démocratique (NPD) d’obtenir des résultats relativement satisfaisants. En revanche, ce sont les libéraux qui s’en sortent le moins bien dans ce cadre, notamment en raison de la dépendance du parti vis-à-vis des dons des entreprises. Il s’agit d’une situation pour le moins surprenante lorsque l’on sait que ce sont les libéraux qui sont les principaux créateurs de cette nouvelle loi.

Crise de la coalition

Lorsque les conservateurs arrivent au pouvoir en 2006, ils apportent des modifications mineures au régime de 2004. Ils éliminent notamment les dons des entreprises et des syndicats aux candidats et la baisse du plafond des dons individuels à 1 000 $. Après l’élection de 2008, les conservateurs présentent une disposition législative visant à supprimer l’allocation trimestrielle. Ce projet déclenche ce que l’on a appelé la « crise de la coalition ». Celle-ci voit les partis d’opposition se regrouper pour tenter de remplacer le gouvernement conservateurminoritairepar une coalition entre leslibérauxet leNPDsoutenue par le Bloc québécois. Le gouvernement cède. Après avoir obtenu un gouvernement majoritaire en 2011, toutefois, il vote une disposition législative prévoyant une élimination progressive de l’allocation trimestrielle. Elle prend officiellement fin au printemps 2015.

En 2014, l’adoption de la Loi sur l’intégrité des élections apporte des modifications mineures à la législation sur le financement des partis politiques canadiens. Elle prévoit notamment une augmentation du montant que les personnes physiques peuvent donner aux partis politiques et aux candidats (une limite de 1 500 $ fixée en 2015 et augmentée de 25 $ par année) et un accroissement du plafond des dépenses.

Controverses

Étant donné que l’argent constitue, pour les partis, une ressource absolument essentielle pendant les élections, les régimes régissant leur financement font souvent l’objet de controverses. Dans ce domaine, l’équilibre approprié entre le financement privé et le financement public des partis politiques et la manière adéquate dont ce dernier doit être fourni constituent deux sujets inépuisables de polémiques. Les partisans d’un financement public font valoir qu’il favorise la transparence et réduit le potentiel de corruption. Ses opposants, eux, soutiennent que ce type de dispositif risque d’isoler les partis de leur base militante et de leurs électeurs qui utilisent les dons comme un baromètre de leur satisfaction ou de leur mécontentement. De ce point de vue, l’allocation trimestrielle a fait, particulièrement lors de son abolition, l’objet de vifs débats. Le Bloc québécois, qui obtenait auparavant environ 90 % de ses recettes de sources publiques, est la principale victime de cette mesure.

Par ailleurs, le système de crédit d’impôt apporte indirectement aux partis un financement public. Il les encourage aussi à établir des relations avec les donateurs individuels. Cette forme de financement s’avère, toutefois, beaucoup moins transparente que les autres dispositifs de financement public.

Le plafonnement des contributions des tiers constitue une autre source récurrente de passes d’armes. Le régime de financement électoral d’Élections Canada reconnaît, lors des élections, les partis politiques et les candidats comme les principaux acteurs politiques. Il impose également des plafonds plus stricts aux activités des groupes de pression et des autres acteurs cherchant à intervenir sur la scène électorale. Si un tel dispositif limite, certes, la gamme des points de vue susceptibles de s’exprimer à l’occasion des élections, il empêche également les partis de contourner les plafonds de dépenses en utilisant des groupes de pression comme intermédiaires pour acheter des publicités en leur nom (un phénomène habituel aux États-Unis).

Plus récemment, on s’est préoccupé des interactions entre élections à date fixe et plafonds de dépenses. En effet, le plafonnement des dépenses électorales n’entre en vigueur qu’après le déclenchement de l’élection et ne concerne que la campagne officielle qui dure habituellement 36 jours. Dans un contexte d’élections à date fixe, les partis, les candidats et les tiers connaissent à l’avance la date du scrutin. Ils sont alors en mesure de faire un appel significatif à la publicité avant même son déclenchement officiel. Cela diminue notablement l’efficacité des mesures de plafonnement des dépenses.

Importance

La tension entre les principes démocratiques libéraux de liberté et d’égalité est au cœur des controverses dont nous venons de parler et, plus largement, du dispositif législatif régissant le financement des partis politiques. En effet, d’un côté, les démocraties libérales reconnaissent la liberté de leurs citoyens à utiliser leurs ressources, notamment leur argent, afin d’atteindre leurs objectifs politiques. D’un autre côté, une telle liberté ne saurait compromettre l’égalité politique fondamentale entre les citoyens en permettant aux plus riches d’entre eux d’exercer une plus grande influence sur le processus électoral. C’est cet équilibre délicat que le régime canadien de réglementation du financement des partis politiques tente d’atteindre.

Voir aussi Systèmes électoraux canadiens; Directeur général des élections; Participation politique; Campagne électorale.

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Liens externes

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