Parti canadien | l'Encyclopédie Canadienne

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Parti canadien

Le Parti canadien, fondé au début du XIXe siècle, regroupe des députés canadiens-français élus à l’Assemblée législative du Bas-Canada (Québec).
Louis-Joseph Papineau, (Daguerrotype)
Personnage complexe et contradictoire, Papineau a été le premier dirigeant politique réel de son peuple et le symbole parfait de son mécontentement (daguerréotype, avec la permission des Biblioth\u00e8que et Archives Canada/C-66899).

Le Parti canadien, fondé au début du XIXe siècle, regroupe des députés canadiens-français élus à l’Assemblée législative du Bas-Canada (Québec). Sous la direction de son premier chef, Pierre-Stanislas Bédard, le Parti canadien se sert de l’Assemblée législative pour promouvoir la responsabilité ministérielle pour le gouvernement colonial. Le Parti canadien a été le premier parti politique dans l’histoire du Canada.

Après la guerre de 1812, avec Louis-Joseph Papineau comme chef, le Parti canadien réclame une plus grande autorité pour l’Assemblée législative, s’oppose régulièrement aux pressions constantes du gouverneur pour des subsides, et combat les propositions d’annexion du Haut-Canada et du Bas-Canada. En 1826, le parti prend le nom « Parti patriote » (voir Patriotes).

Acte constitutionnel de 1791

L’Acte constitutionnel de 1791 divise la Province du Québec en deux colonies : le Haut-Canada et le Bas-Canada. De bien des façons, cette loi prépare la voie pour la création du Parti canadien. Les milliers de loyalistes qui s’installent dans le Haut-Canada après la Révolution américaine obtiennent les institutions du régime de droit britannique (voir Common law). Le Bas-Canada, composé en majorité de Canadiens français, garde le régime de droit français (voir Droit civil). Plus important encore, l’Acte constitutionnel de 1791 crée des assemblées législatives dans les deux Canada. Les habitants peuvent désormais élire des députés pour représenter leur région au Parlement colonial. Les exigences pour exercer le droit de vote sont basées sur la propriété; quiconque possède une propriété valant plus de 40 shillings en campagne, ou 5 livres dans les villes, ou qui paie un loyer annuel de 10 livres peut voter. Puisque les terres sont plus faciles à obtenir dans les colonies qu’en Grande-Bretagne, les Canadiens peuvent voter en plus grand nombre. Bien que cette assemblée donne une voix au peuple de la colonie, cette voix est restreinte. Tout en exerçant son autorité absolue sur la colonie, le gouverneur général nomme les membres du conseil exécutif et ceux du conseil législatif. Ces conseils ne sont pas redevables aux assemblées d’élus.

Années Pierre-Stanislas Bédard — le premier parti politique au Canada

Au tournant du XIXe siècle, il n’existe pas de partis politiques, et les alliances entre les députés sont plutôt éphémères et temporaires (voir Système de partis). Toutefois, des députés commencent à s’unir autour de leurs racines linguistiques et culturelles, particulièrement les Britanniques et les Canadiens (Canadiens français). Le Parti canadien, qui est issu d’une alliance entre les députés canadiens-français, est à l’origine un groupe conservateur grandement influencé par les seigneurs conservateurs (voir Régime seigneurial). Toutefois, à mesure que des députés plus jeunes exerçant des professions libérales (médecins, avocats, notaires) se font élire, le Parti canadien commence à adopter une attitude politique plus libérale. Marqués par une vague de révolutions à la fin du XVIIIe siècle (par exemple aux États-Unis, en France, en Haïti), ces hommes insufflent une conscience politique nationale et demandent un contrôle plus large sur les affaires de la colonie (voir Nationalisme francophone au Québec). Puisque 40 des 50 sièges représentent des régions rurales, là où la population est principalement constituée de Canadiens français, le Parti canadien peut compter sur un appui important.

Le Parti canadien s’élève à un rang de premier plan sous Pierre-Stanislas Bédard, chef incontesté du Parti canadien de 1804 à 1812. Sous sa direction, le Parti canadien devient le tout premier parti politique dans l’histoire du Canada. Pierre-Stanislas Bédard, avocat, est élu député de Northumberland à l’Assemblée législative en 1792. Bien qu’il ne possède pas une immense prestance ou soit doué d’une grande éloquence, il connaît parfaitement le droit constitutionnel britannique, et le Parti canadien en incarne ses principes. Pierre-Stanislas Bédard fait valoir que l’Assemblée législative, véritable représentant du peuple, doit contrôler le Parlement colonial et doit nommer les conseillers, non pas le gouverneur. À cet effet, il demande que l’Assemblée législative se voie accorder plus d’autorité en matière budgétaire et que le Parti canadien, qui détient la majorité dans l’Assemblée législative, et non le gouverneur, choisisse le conseil législatif. Qui plus est, il défend la responsabilité ministérielle, qui signifie que les ministres nommés par le gouverneur doivent être redevables à l’assemblée élue. Toutefois, puisque l’Assemblée législative manque toute autorité réelle et ne peut édicter de nouvelles lois, ou modifier la Constitution, les députés l’utilisent comme forum pour exprimer leurs revendications et leurs exigences pour une autorité accrue.

En 1806, Pierre-Stanislas Bédard, François Blanchet, Jean-Thomas Taschereau, Joseph Le Vasseur Borgia, Joseph-Bernard Planté et d’autres fondent Le Canadien, un journal qui devient la voix du Parti canadien. Créé pour contrecarrer The Quebec Mercury, le journal de l’élite britannique et un adversaire opiniâtre du Parti canadien, Le Canadien informe les Canadiens français au sujet de leurs droits constitutionnels, promeut les intérêts de la majorité des Canadiens français dans l’Assemblée législative et se bat pour la préservation de la « nation » canadienne-française.

Opposition — L’« English Party » et le gouverneur James Craig

Pendant la première décennie du XIXe siècle, le Parti canadien rencontre une opposition farouche. Son principal adversaire dans l’Assemblée législative élue est un groupe que l’historien Allan Greer appelle « English Party ». Ce parti est aussi connu sous le nom « Parti britannique » ou « parti Tory ». Même si certains Canadiens français en sont membres, le parti regroupe principalement des commerçants britanniques de Montréal et de Québec. Toutefois, puisque 80 % des sièges proviennent de régions francophones, le parti ne devient jamais une force dominante dans l’Assemblée. En lieu de cette supériorité, l’influence des conservateurs se manifeste au sein du conseil législatif et du conseil exécutif, puisque les membres sont nommés par le gouverneur, et ils peuvent mettre en œuvre leur programme qui avantage leurs objectifs commerciaux et politiques. Le surnom « Clique du Château » est donné à ce groupe.

Le gouverneur général sir James Henry Craig (1807-1811) s’oppose aussi au parti. Décrit par certains comme un « règne de terreur », son mandat est résolument anti-canadien-français : il se range du côté de l’élite marchande britannique, s’oppose au Parti canadien et tente de limiter l’influence des Canadiens français dans la colonie. Il propose la création de plus nombreux « comtés britanniques » pour augmenter la présence britannique dans l’Assemblée nationale. Aussi, il propose l’immigration massive de Britanniques et d’Américains dans le Bas-Canada pour réduire l’influence des Canadiens français. En 1810, frustré par l’opposition du Parti canadien dans l’Assemblée législative, il fait arrêter et emprisonner temporairement Pierre-Stanislas Bédard et d’autres employés du journal Le Canadien. En raison du besoin d’un gouverneur plus conciliant, James Henry Craig est rappelé en Angleterre en 1811 (voir aussi Relations francophones-anglophones).

Années Louis-Joseph Papineau

En raison des coûts de la guerre de 1812, le gouvernement colonial est confronté à un déficit considérable. Le gouverneur général, sir John Coape Sherbrooke, s’empare du surplus des fonds que l’Assemblée législative a accumulé au cours des années en imposant des taxes sur des produits de luxe tels que le sel, le café, le tabac et le sucre (voir Imposition). En 1818, il demande que l’Assemblée législative permette la prise de subsides pour payer les salaires des fonctionnaires de l’État et leurs pensions. Toutefois, l’Acte constitutionnel de 1791 précise explicitement que l’Assemblée législative contrôle toutes les allocations des revenus provenant des taxes. En demandant que l’Assemblée législative lui alloue ces subsides sans condition, John Coape Sherbrooke mine l’autorité constitutionnelle de cette dernière.

Au cours de la prochaine décennie, le Parti canadien, dirigé par Louis-Joseph Papineau, argumente avec le gouverneur et ses conseillers nommés au sujet des finances. Cette argumentation persiste lors des mandats de John Coape Sherbrooke (1816-1818), celui du duc de Richmond (1818-1819) et celui du comte de Dalhousie (1820-1828). Chaque fois que le gouverneur demande l'attribution de subsides sans condition, les députés paralysent les demandes et exposent la corruption du gouvernement. (Dans un cas, les députés mettent au jour que le procureur général Jonathan Sewell a été nommé à quatre postes, avec un généreux salaire pour chaque poste.) Dans les décennies suivantes, l’Assemblée législative utilise son contrôle sur la taxation pour exercer de la pression sur le gouvernement afin que celui-ci lui accorde plus d’autorité.

En 1822, le Parti canadien est confronté au projet d’union du Bas-Canada et du Haut-Canada. Insatisfaits de leur situation politique actuelle et dans l’espoir, entre autres, d’assimiler les Canadiens français, un groupe de marchands britanniques de Montréal présente un projet de loi au Parlement britannique, visant l’annexion du Bas-Canada et du Haut-Canada. Le Parti canadien s’oppose à ce projet. En 1823, il délègue Louis-Joseph Papineau et John Neilson à Londres; ces derniers sont munis d’une pétition signée par plus de 60 000 personnes s’opposant à l’union. Les historiens sont toujours incertains quant à l’impact réel de ce séjour, mais peu importe, l’annexion n’est pas acceptée et les deux reviennent au Canada en héros. Ceci constitue une importante victoire pour le Parti canadien, renforçant davantage le parti comme la voix et le défenseur de la nation canadienne-française.

Parti canadien à Parti patriote

En 1826, les membres du Parti canadien entreprennent de s’appeler entre eux le Parti patriote. Ils n’exigent plus une assemblée plus forte, mais réclament des droits et l’existence d’une nation à part entière. En adoptant l’appellation « patriote », ils rattachent leur parti à d’autres mouvements démocratiques nationaux de l’époque, tels que la Révolution américaine et la Révolution française. Dans les années 1830, le Parti patriote continue d’exercer son autorité sur la taxation en vue d’augmenter l’autorité de l’Assemblée législative au sein du gouvernement colonial, menant d’abord à une impasse politique et à une rébellion (voir Rébellion du Bas-Canada).