Napoléon Aubin (baptisé Aimé-Nicolas), éditeur, journaliste, imprimeur, poète, scientifique, chef d’orchestre et compositeur (né le 9 novembre 1812 à Chêne-Bougeries, en banlieue de Genève, en Suisse ; décédé le 12 juin 1890 à Montréal, au Québec). Né en Suisse, Napoléon Aubin a passé la majeure partie de sa vie au Bas-Canada. Homme aux nombreux talents, il a fondé et édité certains des plus importants journaux de la colonie, a créé une compagnie de théâtre et s’est même bâti une certaine notoriété dans le domaine scientifique à titre de conférencier et d’inventeur de l’« appareil à gaz Aubin ».
Jeunesse et début de carrière
Napoléon Aubin naît le 9 novembre 1812 en Suisse. Sa jeunesse et son éducation demeurent un mystère pour les historiens et les chercheurs. Bien qu’on sache qu’il arrive à New York en 1829, on n’en sait que très peu sur les raisons qui l’ont poussé à quitter sa Suisse natale. Dans un article publié dans La Minerve (1834), il mentionne qu’il était désenchanté par le climat politique en Europe. À New York, Napoléon Aubin fait ses débuts en journalisme. Sous le pseudonyme « observateur étranger », il envoie 11 articles à La Minerve dans lesquels il aborde la situation politique au Bas-Canada. Fier partisan des Lumières et de ce qu’elles représentent, il salue les Patriotes et la publication des 92 résolutions.
Puisqu’il s’intéresse surtout à ce qui se passe au nord de la frontière, il déménage rapidement au Canada, d’abord à Montréal en janvier 1835, puis à Québec en octobre 1835. Dans les années qui précèdent les rébellions, Napoléon Aubin travaille beaucoup, publiant des articles, des poèmes et des nouvelles dans L’Ami du Peuple et La Minerve. De plus, il lance Le Télégraphe, un périodique publié sur une courte période (de mars 1837 à juin 1837) et portant sur d’autres intérêts de Napoléon Aubin : la fiction et la littérature. Il y publie des poèmes, des pièces de théâtre et des chefs-d’œuvre de la littérature. Il publie notamment en entier le troisième chapitre du tout premier roman de la colonie, l’influence d’un livre, de Philippe Aubert de Gaspé, junior. À l’aube de la rébellion, Napoléon Aubin est considéré comme un modéré s’opposant à l’extrémisme tant du côté français qu’anglais. Il s’oppose à la radicalisation du parti et critique fortement les chefs des Patriotes, qui pavent dangereusement la voie vers la rébellion dans la colonie.
Rébellions et union des Canada
Le plus important journal de Napoléon Aubin est Le Fantasque. Sa publication arrive à un moment opportun, soit quelques mois avant la Rébellion du Bas-Canada de 1837 et la mise sur pied du Conseil spécial menant à la suspension du processus politique officiel. Le Fantasque a un style unique au Bas-Canada. Il s’inspire de la satire, un style qui n’est pas commun dans la colonie. Pour commenter l’actualité, Napoléon Aubin invente souvent de toutes pièces des discussions et des débats, des lettres à l’éditeur et des citations de politiciens. Ces conversations fictives sont toutefois ancrées dans la réalité. À cette époque, les éditeurs de journaux craignent la suppression. Grâce à son style, Napoléon Aubin est plus libre de critiquer les autorités locales. Tout comme Le Canadien d’Étienne Parent, Le Fantasque est l’un des seuls journaux francophones à survivre pendant toute la durée du Conseil spécial.
Pendant cette période, Napoléon Aubin défend les intérêts des Canadiens français avec l’esprit, la satire et sa langue bien pendue. Il se moque sans cesse des ordonnances du Conseil spécial, de la mauvaise éthique de travail de ce dernier, et de ce qu’il perçoit comme étant des pratiques despotiques et un préjugé contre les Canadiens français, mais l’une de ses principales sources de moqueries et de critiques est le projet de loi pour l’union des deux Canada, voté par le Conseil spécial. (Voir aussi Province du Canada.) En mars 1840, Napoléon Aubin écrit une lettre fictive dans laquelle il prétend être Charles Edward Poulett Thomson, le gouverneur ayant soumis le projet de loi au Conseil spécial et qu’il surnomme « Poulet » Thomson. Dans celle-ci, il explique de façon sarcastique les bénéfices qu’en retireront les habitants du Haut-Canada. En plus de la destruction du Canada français, il promet aux Haut-Canadiens des ponts, des canaux et des chemins de fer en or. Chaque Haut-Canadien se verrait aussi offrir un poste dans la fonction publique. Plus important encore, il leur promet que les perdrix tomberont du ciel déjà cuites et rôties pour le plaisir de tous. Toutefois, lorsque l’union est adoptée, Napoléon Aubin laisse tomber la satire et écrit avec tristesse : « [à] propo [sic] nous annonçons qu’il se tiendra, l’un de ces quatre matins, à notre bureau, une grandissime assemblée dans le but de dire bonjour et bonsoir à notre langue, nos usages, et nos lois. »
Période après les rébellions
Après l’Acte d’Union de 1841, Napoléon Aubin continue de publier Le Fantasque jusqu’en 1849 et fonde plusieurs autres journaux, notamment Le Standard, le People’s Magazine and Workingman’s Guardian (premier journal de la colonie s’adressant à la classe ouvrière) et Le Canadien Indépendant. Il est aussi éditeur du journal Le Canadien de 1847 à 1849. Toutefois, ses projets sont plus variés au cours de cette période.
En 1840, il s’associe à l’imprimeur W. H. Rowan et publie sa romance, Le Dépit amoureux, et deux valses de Charles Sauvageau. Il publie aussi Notions élémentaires de musique (1844), de Charles Sauvageau, dont il a épousé la sœur en 1841. Il fonde même une compagnie de théâtre, Les Amateurs typographes. Avec la Société des amateurs canadiens, il présente Le Devin du village, de Jean-Jacques Rousseau, le 26 mai 1846 au théâtre Sewell. Selon Nazaire LeVasseur, il a complété lui-même les partitions des solistes, des chœurs et de l’orchestre, en plus de diriger la performance.
Homme aux nombreux talents, Napoléon Aubin donne aussi une série populaire de conférences sur la chimie et la physique. Il enseigne même la chimie à l’École de médecine de Québec et publie deux ouvrages de vulgarisation scientifique : La chimie agricole mise à la portée de tout le monde (1847) et Cours de chimie (1850). Il retourne vivre aux États-Unis dans les années 1850 et au début des années 1860. À l’aide de ses connaissances scientifiques, il raffine le procédé d’éclairage au gaz et crée « l’appareil à gaz Aubin », qui est largement utilisé pour éclairer les villes d’Amérique et d’Europe. En 1866, il revient s’établir à Montréal, où il est nommé inspecteur du gaz en 1875, et parcourt le pays comme conseiller en éclairage des villes. Enfin, de 1875 à 1890, année de sa mort, il est consul honoraire de Suisse.
Une version de cet article est parue initialement dans l’Encyclopédie de la musique au Canada.