Mouvements évangélique et fondamentaliste
Les « mouvements évangéliques et fondamentalistes » désignent des confessions et sous-groupes chrétiens protestants, ainsi que des organisations non confessionnelles et paraconfessionnelles, qui se dissocient des courants religieux, sociaux et culturels « libéraux » et « modernistes » et se définissent par leur référence exclusive aux Écritures chrétiennes. La catégorie plus englobante d'« évangélique » possède l'histoire la plus longue et la plus riche. Dérivé du grec euangelion (signifiant bonne nouvelle ou évangile), ce terme est presque équivalent à « chrétien ».Manque de précision historique
Toutefois, pendant toute l'histoire chrétienne, certains groupements utilisent cette expression pour se distinguer de ceux qu'ils considèrent alors comme moins fidèles à l'évangile du Christ. C'est ainsi que les LUTHÉRIENS se déclarent évangéliques par opposition aux CATHOLIQUES, les MÉTHODISTES par opposition aux ANGLICANS, les anglicans de la Basse Église par opposition à ceux de la Haute Église et, pendant l'expansion américaine vers l'ouest, les BAPTISTES et les méthodistes, qui insistent sur le réveil, contrairement aux anglicans et aux luthériens, qui sont plus attachés à la liturgie. Le terme manque donc de précision historique et, aujourd'hui encore, certains chrétiens protestent contre une appropriation de l'appellation « évangélique » par un mouvement protestant en particulier.
L'évangélisme, au sens qu'on lui donne aujourd'hui, s'est dessiné à la suite de la controverse entre les fondamentalistes et les modernistes. Les conservateurs de la plupart des confessions protestantes, croyant que les libéraux laissent tomber le fondement même du christianisme en suivant l'évolution idéologique de l'ère moderne, réagissent vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Les baptistes sont aux premiers rangs de la lutte au Canada. L'U. MCMASTER, toujours de confession baptiste dans les années 20, devient le théâtre d'une polémique lorsque Thomas Todhunter SHIELDS, pasteur de l'église baptiste de la rue Jarvis, à Toronto, accuse le conseil d'héberger un professeur de théologie moderniste.
Le refus de Shields d'accepter un compromis attire sur sa paroisse le blâme de la Convention baptiste de l'Ontario et du Québec (ABOQ) en 1926. Il met alors sur pied l'Union of Regular Baptist Churches (URBC), qui compte 70 églises et son propre collège. Les membres de cette union sont exclus de l'ABOQ en 1928. D'autres dissidents forment le Fellowship of Independent Baptist Churches, qui s'unit avec l'URBC en 1953 pour constituer le Fellowship of Evangelical Baptist Churches. Des conflits de moindre importance, comme celui qui concerne le Brandon College (aujourd'hui l'U. DE BRANDON), occasionnent des schismes similaires qui, à leur tour, grossissent les rangs de la nouvelle alliance des baptistes fondamentalistes.
Union des confessions libérales
En dehors des milieux baptistes, la controverse (qui atteint son paroxysme en 1925 lorsque Scopes subit un simulacre de procès aux États-Unis) semble être éclipsée au Canada lorsque, encore, d'autres confessions libérales s'unissent la même année pour se joindre à l'ÉGLISE UNIE DU CANADA. Quelques Églises PRESBYTÉRIENNES plus traditionalistes refusent d'adhérer à l'Église unie, considérant que sa théologie fait trop de compromis.
D'autres éléments résistent à la « libéralisation » des grandes Églises protestantes, ce qui amène une redistribution, quoique seulement graduelle, de l'effectif des confessions au Canada. Les divers groupes appartenant aux églises de l'ILLUMINATION et PENTECÔTISTE, par exemple, épousent la cause fondamentaliste dans le premier tiers du XXe siècle, mais s'associent aujourd'hui au grand mouvement évangélique.
Évangélistes : rejet des attitudes agressives
Dans les années 40, de nombreux évangélistes en viennent à s'éloigner du militantisme agressif, du séparatisme rigoureux, de l'anti-intellectualisme et du prémillénarisme qui caractérisent le fondamentalisme pour plutôt revendiquer le titre d'évangélistes. Aux États-Unis, la National Association of Evangelicals, constituée en 1942, compte dans ses rangs des gens tels l'évangéliste Billy Graham, le théologien Carl F.H. Henry, la revue Christianity Today et le Fuller Theological Seminary. Vient ensuite l'Evangelical Fellowship of Canada, fondée en 1964. Les adeptes professent l'autorité suprême des Écritures en matière de foi et de morale, la nécessité de la foi personnelle en Jésus comme sauveur et l'urgence de la conversion des pécheurs.
Fondamentalistes : rejet de tout libéralisme
Les fondamentalistes considèrent ce mouvement comme une trahison et, en 1953, ils forment au Canada le Canadian Council of Evangelical Protestant Churches, qui est le pendant de l'American Council of Christian Churches, pour mettre l'accent sur le prémillénarisme et le rejet radical de tout libéralisme. Cependant, les années 60 et 70 voient apparaître de jeunes évangélistes plus ouverts à l'EXÉGÈSE BIBLIQUE. Ceux-ci critiquent l'adhésion des fondamentalistes à la politique conservatrice et même réactionnaire qui a cours aux États-Unis.
Déjà, dans les années 30, le fondamentalisme canadien se montre beaucoup moins réactionnaire que son pendant américain sur le plan politique. Le dispensationnaliste William ABERHART, fondateur du Prophetic Bible Institute de Calgary et prédicateur de l'émission Back to the Bible Hour, et son bras droit Ernest MANNING allient la croyance en la fin prochaine du monde et un concept hybride et populiste de réforme sociale et de capitalisme modéré connu sous le nom de CRÉDIT SOCIAL. Avant l'émergence de la « majorité bien pensante » aux États-Unis, c'est la première et la seule fois en Amérique du Nord que le fondamentalisme convoite et obtient le pouvoir politique.
Anticommunisme extrême
Aberhart et Manning, comme la plupart des fondamentalistes canadiens, s'opposent fortement au socialisme ainsi qu'au MOUVEMENT SOCIAL GOSPEL tel que prêché par les chrétiens libéraux. Toutefois, ils associent rarement le christianisme à l'anticommunisme extrême comme le font certains de leurs homologues américains. Même le mouvement Renaissance Canada, qui lutte contre l'humanisme laïciste au sein des familles, des écoles et du gouvernement, et l'émission télévisée 100 Huntley Street sont des versions atténuées de leurs pendants américains et illustrent la modération canadienne.
Plusieurs confessions représentatives illustrent clairement la gamme des tendances qui vont du fondamentalisme rigoureux à l'évangélisme plus ouvert. Les Frères de Plymouth (les Frères chrétiens) se séparent de l'Église anglicane dans les années 1820 afin de reprendre certains éléments du christianisme primitif. Leur chef, le célèbre John Nelson Darby, sillonne l'Ontario vers le milieu du siècle, gagnant notamment des baptistes et des presbytériens à sa très personnelle interprétation « dispensationnaliste » de la Bible. Sa doctrine prémillénariste, selon laquelle le Christ reviendra sur terre avant l'an 2000 (voir MILLÉNARISME), constitue le fondement d'une longue série de conférences bibliques « prophétiques » dans plusieurs pays qui se tiennent vers la fin du XIXe siècle, dont quelques-unes à Niagara-on-the-Lake, en Ontario.
Bien que l'idéologie, la direction et l'organisation du mouvement fondamentaliste s'inspirent de ces conférences, la plupart des disciples de Darby n'adhèrent pas aux Églises des Frères. Néanmoins, ces Églises (dont il existe environ huit variantes, qui se différencient par le degré d'exclusivisme) sont fondées au Canada. De nos jours, elles sont en expansion. Le Regent College de Vancouver, un important établissement évangéliste d'études théologiques supérieures, doit beaucoup aux Frères chrétiens ainsi qu'à l'anglicanisme évangélique.
L'Alliance chrétienne et missionnaire, fondée dans les années 1880 par l'ancien pasteur presbytérien canadien A.B. Simpson, s'établit à Nyack (état de New York) et y fonde également l'une des premières ÉCOLES BIBLIQUES. En insistant sur la conversion, une vie sainte et l'activité missionnaire, l'Alliance constitue une confession évangélique traditionnelle. Elle dirige le Canadian Bible College et le séminaire qui s'y rattache à Regina. Professant une théologie très semblable, l'Association de l'Église missionnaire est issue de l'union, en 1969, de l'Église missionnaire unie et de l'Association de l'Église missionnaire, nées vers la fin du XIXe siècle au sein de plusieurs sections MENNONITES. Cette nouvelle Église, qui met l'accent sur les missions, dirige des collèges bibliques à Kitchener (Ont.) et à Didsbury (Alb.).
L'Association des Églises évangéliques du Canada est constituée en 1925 en Ontario pour accueillir les fondamentalistes délaissant d'autres confessions. Professant le prémillénarisme, l'infaillibilité des Écritures, une vie sainte et une coupure du monde de type sectaire, elle est authentiquement fondamentaliste contrairement à la tendance plus évangélique de l'Église missionnaire. Elle compte aujourd'hui 105 Églises au Canada.
Les écoles, les collèges et les séminaires bibliques fondamentalistes et évangélistes non confessionnels enseignent la théologie ainsi que les arts libéraux à un nombre toujours croissant d'étudiants chaque année, plus que dans toutes les écoles catholiques et protestantes traditionnelles réunies. L'Université Trinity Western (Langley, C.-B.), le King's College (Edmonton, Alb.) et le Redeemer College (Ancaster, Ont.) ne sont que quelques-uns des collèges d'arts libéraux qui sont en pleine prospérité aujourd'hui.
Mouvements de renouveau
Les mouvements de renouveau de tendance évangélique s'accroissent, même dans des confessions comme l'Église unie. Faith Today, qui a acquis une position de porte-parole très respecté sur la scène politique, incarne la vitalité de cette manifestation du protestantisme canadien à la fin des années 80. Le fondamentalisme et l'évangélisme font partie intégrante du Canada moderne.