Le
mouvement de tempérance était une campagne politique et sociale internationale
du 19e siècle et du début du 20e siècle. Le mouvement
était basé sur la conviction que l’alcool était responsable de nombreux maux de
la société. Il faisait appel à la modération ou à l’abstinence totale d’alcool.
Il a mené à la prohibition
légale de l’alcool dans de nombreuses régions du Canada. Le Canada
Temperance Act (Scott Act) de 1878 a offert aux gouvernements
municipaux « l’option locale » de bannir la vente d’alcool. En 1915 et
1916, toutes les provinces, sauf le Québec, ont
interdit la vente d’alcool à titre de mesure patriotique durant la Première
Guerre mondiale. La plupart des lois provinciales ont été abrogées dans les
années 1920 pour permettre aux gouvernements
de contrôler les ventes d’alcool. Les sociétés de tempérance ont par la suite
été vivement critiquées pour avoir nui à l’activité économique, et pour avoir
encouragé la consommation d’alcool et le crime
organisé.
Sociétés de tempérance
Les
premières sociétés canadiennes de tempérance apparaissent vers 1827 dans le
comté de Pictou,
en Nouvelle-Écosse,
et à Montréal.
Initialement, ces groupes tolèrent la consommation modérée de bière et
de vin.
Cette concession s’est poursuivie au Québec,
mais elle fait rapidement place à des appels à la prohibition
totale d’alcool dans le reste du pays. Ces groupes qui encouragent la
tempérance, l’abstinence et la prohibition sont tous communément appelés groupes
de tempérance.
Les
militants pour la tempérance ainsi que leurs alliés croient que l’alcool,
surtout les spiritueux, constitue un obstacle au succès économique, à la
cohésion sociale et à la pureté morale et religieuse. La lutte pour la
tempérance est liée à d’autres efforts de réformes de l’époque, comme le
mouvement du droit
de vote des femmes. Elle est également motivée en partie par les croyances
du mouvement Social
Gospel. Vers 1848, l’organisation des Sons of Temperance, une société fraternelle
et prohibitionniste, arrive au Canada en provenance des États-Unis. Il existe
d’autres organisations du même genre, comme les Royal Templars of Temperance et
le International Order of Good Templars. La plus importante société féminine de
tempérance est la Woman’s
Christian Temperance Union, un groupe américain. Sa contrepartie canadienne
est fondée en 1874 par Letitia Youmans
, de Picton, en Ontario.
C’est l’une des rares organisations au sein desquelles les femmes peuvent jouer
un rôle politique.
En 1875, les centaines de sociétés, d’organisations et de groupes religieux prohibitionnistes se réunissent à Montréal pour former une fédération, qu’ils nomment le Dominion Prohibitory Council. Un an plus tard, la fédération est renommée Dominion Alliance for the Total Suppression of the Liquor Traffic. Elle devient la principale force organisée des campagnes de prohibition au Canada. Cette alliance protestante à prédominance anglaise décourage la participation des francophones et des catholiques. Les catholiques, plus particulièrement les catholiques francophones, considèrent la prohibition comme une mesure extrême. La Ligue antialcoolique est formée en 1906, en tant que contrepartie de la Dominion Alliance. Elle soutient la restriction légale du commerce d’alcool, mais non la prohibition totale.
Prohibition par vote
La juridiction
sur le commerce
d’alcool est partagée par les gouvernements
(voir Répartition
des pouvoirs). Les provinces
peuvent interdire la vente
au détail. Le gouvernement
fédéral peut interdire la fabrication d’alcool, ainsi que le commerce de
détail, le commerce
de gros, et le commerce interprovincial.
Cependant, aucun des niveaux de gouvernements n’est enthousiaste à l’idée de la prohibition, car elle entraîne une perte des recettes fiscales et du soutien des partis. Les deux niveaux proposent une loi de compromis connue sous le nom « d’option locale ». Les gouvernements municipaux ont l’autorisation d’organiser des votes populaires pour créer des lois sur les questions litigieuses dans leurs régions. Ce processus est inscrit dans le Canada Temperance Act de 1878, aussi connu sous le nom de Scott Act. Il donne aux gouvernements municipaux le droit de tenir des votes pour interdire la vente d’alcool. Un effet non calculé de cette tactique est que les prohibitionnistes acquièrent de l’expérience politique en organisant des campagnes d’option locale et de référendums. Les prohibitionnistes remportent une importante victoire en 1901, lorsque le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard interdit la vente d’alcool au détail.
Prohibition en tant que
mesure de guerre
Lorsque la Première
Guerre mondiale éclate, le mouvement de tempérance est presque à son apogée.
La consommation d’alcool est relativement faible, même si elle avait commencé à
augmenter après un demi-siècle de déclin; l’organisation et le financement du
mouvement sont substantiels; et les gouvernements
municipaux bannissent largement l’alcool par le biais des votes d’option
locale. Au début de la guerre, la Dominion Alliance fait campagne avec succès pour
la prohibition
en tant que mesure patriotique, afin de préserver du temps et de l’argent en
vue de soutenir l’effort de guerre. En 1915 et en 1916, toutes les provinces
sauf le Québec
interdisent la vente d’alcool. Le Québec interdit la vente au détail d’alcool
distillé en 1919, mais seulement brièvement.
La
prohibition en tant que mesure de guerre est de courte durée. L’interdiction
fédérale de fabriquer, d’importer
et de vendre de l’alcool expire peu de temps après la fin de la guerre. La
plupart des lois provinciales sont abrogées dans les années 1920 pour
permettre aux gouvernements de contrôler les ventes d’alcool. L’Île-du-Prince-Édouard
est la dernière province à résister. Elle interdit la vente d’alcool jusqu’en
1948.
Pendant ce
temps, les producteurs canadiens d’alcool trouvent aux États-Unis un marché
important. Ce pays est sous prohibition fédérale de 1920 à 1933. Une loi
enracinée dans l’ère de la prohibition, la Loi sur l’importation des
boissons enivrantes de 1928, demeure intacte jusqu’en 2012. Elle est
alors amendée par le Parlement
fédéral pour permettre aux consommateurs de transporter des quantités limitées
d’alcool pour un usage personnel lorsqu’ils traversent les frontières
provinciales.
Chute du mouvement
Il existe
plusieurs théories pour expliquer le déclin du mouvement de tempérance et
l’échec des lois sur la prohibition.
Ils ont été critiqués pour avoir nui à l’activité économique, pour avoir
encouragé la consommation d’alcool (opposé de l’effet escompté), et pour avoir favorisé
le crime
organisé. Il est peut-être plus probable que des changements au sein de la
société canadienne et dans le mouvement de tempérance aient en fait mené à sa chute.
Les
travailleurs autonomes canadiens qui considèrent la tempérance comme une aide à
la réussite économique constituent un pourcentage de plus en plus faible de la
population. Ils sont remplacés par des travailleurs urbains salariés. Au sein
du mouvement, la prohibition fournit l’occasion d’étudier attentivement les
problèmes urbains. Ceci mène beaucoup de gens à conclure que ces problèmes sont
dus davantage au système politique et économique qu’à l’alcool. Beaucoup
quittent le mouvement pour s’adonner à d’autres formes d’activisme.
On croyait
que le fait d’accorder le droit de vote aux femmes (voir Droit
de vote des femmes) soutiendrait la prohibition, les femmes étant perçues
comme favorables à la cause. Cependant, lors des référendums
des années 1920, au cours desquels les femmes ont le droit de vote, le
soutien pour la prohibition est en baisse constante. Le mouvement de tempérance
est la créature d’une société qui s’effaçait déjà lorsque les victoires pour la
prohibition ont été remportées.
Voir
aussi : Letitia
Youmans; Amelia
Yeomans; Louise
McKinney; Edith
Jessie Archibald.