La mondialisation est le processus d'intégration, d'interaction et d'interdépendance des peuples et des pays du monde. Bien que le Canada, comme la plupart des pays industrialisés, soit plus branché que jamais sur le reste du monde, notre économie et notre culture demeure, comme c’est le cas depuis toujours, très étroitement liées à celles des Etats-Unis.
Débuts : XIXe siècle
Le terme de mondialisation est probablement né dans les années 1960 et est devenu à la mode dans les années 1990. Le phénomène lui-même est bien plus ancien et remonte au moins au XIXe siècle. Il découle principalement de l'évolution technologique des transports et communications, du commerce et de l'investissement internationaux et des migrations.
Les peuples et les pays du monde réagissent de manière différente à la mondialisation. Son impact est plus important dans les pays riches que dans les pays pauvres, où on trouve des lacunes dans les domaines de la technologie de pointe, du capital et des biens à échanger. La mondialisation peut entraîner une uniformisation : les disparités alimentaires et vestimentaires s'amenuisent et les goûts musicaux se rejoignent. Mais elle peut aussi provoquer un recul car, face à ses effets, certains groupes réagissent par des mouvements destinés à remettre l'accent sur les préoccupations locales ou nationales.
Le Canada est un des pays les plus intégrés mondialement tant sur le plan du système de communications et de la technologie de l'information que par la participation de son gouvernement aux organisations internationales, son économie dépendante du commerce international, sa population qui voyage souvent à l'étranger et sa société composée de gens aux antécédents culturels les plus divers.
La mondialisation est depuis toujours en concurrence avec d'autres forces historiques, dont le nationalisme. L'histoire témoigne de périodes où le monde devient plus intégré et d'autres où cette tendance est inversée. Par exemple, du milieu du XIXe siècle à 1914, les pays sont très dépendants les uns des autres économiquement. Puis, la Première Guerre Mondiale et la Crise des années 30 brisent beaucoup de liens économiques internationaux et créent une période de démondialisation. Après la Seconde Guerre Mondiale, le mouvement vers l'intégration reprend et continue à un rythme variable jusqu'au XXIe siècle.
Trois domaines de mondialisation
Commerce
En ce qui concerne l’économie, la mondialisation se définit par une augmentation du commerce international et des investissements ainsi que des échanges de connaissances et de technologie, en particulier dans le monde industrialisé. Conclu à l'origine en 1947, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), établit des tarifs douaniers plus bas en vue d'intensifier le commerce transfrontalier. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) appuient cette politique et incitent les pays à ouvrir leurs portes aux biens et aux capitaux étrangers. Une grande interdépendance économique veut dire que des difficultés financières dans un pays peuvent avoir des répercussions ailleurs dans le monde.
Pouvoir politique
Un nombre croissant d'organisations et d'accords internationaux jouent un rôle de plus en plus marqué dans le processus décisionnel gouvernemental. Les critiques allèguent que la mondialisation a miné la souveraineté nationale et causé un transfert de pouvoir des États aux sociétés ou aux organisations internationales. Depuis la fin des années 1970, le « mondialisme », idéologie de plus en plus répandue, prône l'ouverture du marché et l'intervention gouvernementale limitée dans les mouvements de capitaux et dans le commerce. Les entreprises soutiennent ce programme, qu'elles ont, d'après les critiques, imposé au monde en voie de développement.
Culture
Les changements technologiques et les migrations contribuent à la mondialisation dans le milieu culturel et créent ce que le théoricien canadien des communications Marshall McLuhan appelle le « village global ». La musique, les films et d'autres formes de divertissement jouissent d'une distribution mondiale. Les grandes chaînes de restauration, dont la plus connue, McDonald's, exploitent des succursales sur toute la planète. Les marques et styles vestimentaires traversent facilement les océans et les frontières. Ce processus rencontre la résistance de gens et de groupes (dont le mouvement international de l'écogastronomie, qui dénonce la trop grande tolérance de la société envers la restauration rapide et certains modes de vie) déterminés à préserver les cultures traditionnelles.
La mondialisation dans l'histoire canadienne
Des liens coloniaux aux liens continentaux
L’économie canadienne dépend fortement des marchés et des capitaux étrangers depuis au moins le XVIIe siècle. À ses débuts, l’économie du Canada est coloniale. La plupart des investissements viennent de la puissance colonisatrice, d’abord la Grande-Bretagne, puis l’Angleterre. La prospérité repose sur l’exportation de ressources naturelles (d’abord, la fourrure et le poisson; puis le bois, le blé et les minéraux) et l’importation de biens manufacturés. Le lien impérial est une forme de mondialisation sélective. Le Canada entretient des relations outre-mer pour le commerce et l’investissement, mais avant tout dans le cadre d’un empire, étant donné que le système colonial tend à exclure le reste du monde.
Au XIXe siècle, l’économie canadienne commence à devenir continentale plutôt que coloniale. Dans les années 1840, la Grande-Bretagne abandonne le mercantilisme qui donne la préférence aux importations des colonies, du Canada notamment. Dépourvu de son principal débouché, le Canada est dorénavant en concurrence avec d’autres pays, dont les États-Unis, quand il vend ses marchandises à l’Angleterre. Il se cherche donc des marchés au sud. L’accord de réciprocité entre le Canada et les États-Unis de 1854, en vigueur de 1855 à 1866, instaure le libre-échange pour de nombreux produits naturels et permet ainsi au Canada d’orienter son commerce extérieur sur un axe nord-sud.
Confédération et protectionnisme
Pendant les premières années de la Confédération, les politiciens canadiens veulent placer le Canada sur la scène mondiale. Le pays envoie des agents d'immigration et des délégués commerciaux à l'étranger longtemps avant d'avoir sa première mission diplomatique. Autant les libéraux que les conservateurs veulent revenir à la réciprocité, mais sont repoussés par les États-Unis.
Le premier ministre conservateur John A. Macdonald choisit une orientation différente et met en place la politique nationale de tarifs douaniers élevés à partir de 1879. Cette politique soulève peu d'enthousiasme dans l'Ouest et les Maritimes, mais elle est populaire au Canada central, siège de la plupart des manufacturiers canadiens. Les intérêts commerciaux de Montréal et de Toronto s'opposent à un commerce plus libre et trouvent que les tarifs élevés sont nécessaires pour protéger l'industrie nationale de la concurrence étrangère, principalement américaine. Les tarifs douaniers deviennent plus qu'une simple question de politique commerciale; pour beaucoup de gens du Canada central, ils sont liés à l'identité nationale – signe que le gouvernement et l’industrie du Canada s’unissent pour contrer les menaces économiques extérieures - volet sacré des politiques publiques qu'aucun gouvernement n'ose toucher. Le Parti Libéral continue de favoriser un commerce plus libre mais, lors des élections fédérales de 1891 et de 1911, s'aperçoit que sa position constitue un suicide politique : Macdonald a associé le libre-échange à une trahison dans l'esprit de beaucoup de Canadiens anglophones, et donc à une menace à l’endroit de la sécurité du pays. Les droits de douane restent donc élevés jusqu'au milieu des années 1930.
La politique nationale a pour effet d'encourager des entreprises américaines à installer des usines (désignées succursales) au nord de la frontière de manière à pouvoir vendre leurs produits sur le marché canadien sans payer de douane. Au début des années 1920, les États-Unis dépassent l'Angleterre comme source d'investissement étranger au Canada. En même temps, ils deviennent le principal partenaire commercial du Canada. À la fin du XIXe siècle, leur proximité a fait des États-Unis la principale provenance des importations canadiennes. Après la Première Guerre mondiale, ce pays est bien souvent le premier acheteur des exportations canadiennes.
Politiques commerciales d’après-guerre
Après la Deuxième Guerre mondiale, des gouvernements canadiens successifs adoptent une politique de tarifs internationaux moins élevés en vue d'encourager le commerce. Le Canada est un des premiers signataires du GATT et participe aux négociations qui réduisent notablement les tarifs douaniers internationaux. Beaucoup de gens considèrent les ententes commerciales multilatérales comme un moyen de faire contrepoids à l'influence politique et économique américaine. Les exportations canadiennes augmentent, lançant une ère de croissance économique qui dure jusqu'au milieu des années 1970. C'est une période marquée par un niveau de vie élevé et de faibles taux de chômage.
Dans les années 1960, beaucoup de Canadiens s'inquiètent de leur dépendance croissante face aux États-Unis dont l'image internationale est ternie par la guerre du Viêtnam et la violence dans les rues et les campus. Au Canada, un mouvement nationaliste prend forme, bien résolu à prendre ses distances avec le voisin du sud. Dans les années 1960 et 1970, Ottawa crée des quotas de contenu canadien pour la radio et la télévision (voir CRTC) et adopte des politiques visant à aider les cinéastes et éditeurs de magazines du Canada. Dans le domaine économique, le gouvernement de Pierre Trudeau crée l'Agence d'examen de l'investissement étranger en 1974 afin de freiner l'investissement étranger. Il adopte aussi la Troisième option, qui vise à diversifier le commerce extérieur du Canada en vue de réduire sa dépendance au marché américain et de l'ouvrir davantage au monde. Cette politique attire peu l'attention des autres pays, qui ne semblent pas très intéressés à augmenter leurs échanges avec le Canada, et les réalités géographiques continuent d'imposer les États-Unis comme partenaire commercial naturel du Canada.
Le nationalisme économique des années 1960 et 1970 a eu peu d'effet à long terme. Dans les années 1980, l'élite des affaires abandonne sa préférence traditionnelle pour les tarifs douaniers élevés et commence à promouvoir le libre-échange. Le gouvernement de Brian Mulroney fait sienne cette cause et négocie avec les États-Unis l'Accord de libre-échange, qui entre en vigueur 1989. Cet accord permet au Canada d'augmenter considérablement ses échanges commerciaux, déjà élevés, avec son voisin du sud. L'Accord de libre-échange nord-américain, qui entre en vigueur en 1994 et intègre le Mexique, ne modifie par tellement la relation entre le Canada et les États-Unis.
Relations mondiales au XXIe siècle
Le Canada reste fortement relié au reste du monde et continue d'en dépendre. Plus de 80 % des Canadiens utilisent Internet. Plus des deux-tiers du temps consacré à la télévision le sont à des émissions étrangères. Plus de 20 % de la population du pays est née à l'étranger. Chaque année, les Canadiens font environ 30 millions de voyages d'une nuitée ou plus dans d'autres pays. Des étrangers ont investi plus de 600 milliards de dollars au Canada. Les exportations, en grande partie vers les États-Unis, comptent pour environ un tiers du produit intérieur brut (PIB). Le Canada est membre de plus d’une douzaines d’organisations internationales.
Le débat sur la mondialisation au Canada
Commerce, culture et devises étrangères
Les Canadiens débattaient des mérites de la mondialisation bien avant que le mot ne passe dans l’usage courant. Pendant une grande partie du XIXe et du XXe siècle, l'enjeu était le commerce avec l'étranger. Est-il nécessaire d'avoir un tarif douanier élevé pour promouvoir la fabrication au pays ou vaut-il mieux un commerce plus libre pour permettre aux Canadiens d'acheter des produits de l'étranger à un coût inférieur? Depuis au moins les années 1920, la culture est une préoccupation centrale. Le gouvernement devrait-il préserver et protéger la culture canadienne ou laisser le libre marché décider quels films les Canadiens regardent et quelle musique ils écoutent?
Après la Deuxième Guerre mondiale, on s'interroge aussi sur l'investissement étranger. Les capitaux extérieurs sont-ils un ingrédient essentiel de la prospérité du Canada ou donnent-ils aux étrangers trop d'influence dans la vie économique et politique du pays?
Mouvement anti-mondialisation
À la fin du XXe siècle, la mondialisation devient l'objet d'une lutte animée. En 1999, un mouvement antimondialisation attire l'attention internationale lors d'une réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle. De nombreux Canadiens, surtout de gauche, participent aux grandes manifestations de protestation à l'extérieur du centre de conférences et sont sur place quand la police utilise des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Des protestations moins spectaculaires ont lieu lors de réunions internationales ultérieures, dont le Sommet des Amériques de 2001 à Québec, où des affrontements violents se produisent entre la police et certains manifestants, qui sont plus de 30 000.
Une Canadienne, Naomi Klein, est l'auteur de la bible du mouvement No Logo : Taking Aim at Brand Bullies (v.f. : No Logo: La tyrannie des marques), dans laquelle elle prétend qu'une poignée d'entreprises multinationales exploitent les travailleurs dans les pays en voie de développement et réduisent le choix sur le marché.
Selon ses critiques, la mondialisation est stimulée par les entreprises qui veulent s'enrichir, elles et leurs propriétaires. Les entreprises multinationales, disent-ils, sont de plus en plus gérées par des intérêts hors de portée des gouvernements, ce qui sape la souveraineté des États. En mettant en concurrence les États les uns contre les autres, les sociétés appliquent un « nivellement vers le bas », font valoir les critiques; avides de recevoir des investissements, certains gouvernements acceptent de réduire les impôts des sociétés, les normes sociales et environnementales ainsi que les conditions de travail. Cette réduction de taxes entraîne un manque à gagner pour les gouvernements, qui financent moins les programmes sociaux. Les critiques ajoutent que le laxisme des réglementations conduit à la dégradation de l'environnement et à l'exploitation des travailleurs, et que la culture unique et mondialisée détruit de plus en plus les traditions locales.
En faveur de la mondialisation
Les tenants de la mondialisation insistent sur le fait que le commerce et l'investissement internationaux profitent autant au pays riches qu'aux pays pauvres. Ils citent en exemple Taiwan, Hong Kong, la Corée du Sud et Singapour, des pays qui ont ouvert leurs portes à l'économie internationale et ont connu des taux de croissance beaucoup plus élevés que les pays qui ont tenté de se fermer au monde. Les travailleurs des pays industrialisés travaillent peut-être dans de mauvaises conditions, mais leur niveau de vie s'est amélioré. Ainsi, la mondialisation a aidé à sortir des millions de gens de la pauvreté, arguent ses supporteurs. Les mondialistes soulignent aussi le fait que l'intégration économique aide la cause de la paix dans le monde. Les pays qui dépendent les uns des autres risquent moins de se faire la guerre.
Mondiale… À quel point?
La mondialisation et ses effets sont souvent mal représentés. Certains analystes la perçoivent comme une force qu'on ne peut arrêter. Pourtant, les gouvernements ont choisi d'accentuer l'intégration mondiale et ils peuvent encore choisir d'aller dans une autre direction, bien que cette option puisse avoir des coûts économiques élevés.
De bien des façons, la mondialisation n'est pas mondiale. Les régions les plus pauvres du globe n'ont pas reçu beaucoup de capital neuf, car celui-ci se déplace d'un pays riche à l'autre ou d'un pays industrialisé à un pays qui s'industrialise rapidement. Le commerce international a été moins mondial que régional, comme en témoignent les grands blocs commerciaux continentaux (tels que ceux créés par l'Union européenne et l'Accord de libre-échange nord-américain).
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le Canada est devenu plus dépendant du commerce international, mais ce commerce se fait pour la plus grande partie avec les États-Unis, et non avec le reste du monde.
(Voir aussi Le Canada et les Etats-Unis)