Le mitchif est une langue parlée par les Métis, principalement dans certaines régions du Manitoba, de la Saskatchewan, du Dakota du Nord et du Montana. C’est essentiellement un mélange de cri et de français, mais cette langue emprunte également à l’anglais et à d’autres langues autochtones, notamment à l’ojibwé. Le mitchif est considéré comme une langue menacée. Statistique Canada dénombre en 2021 1 845 personnes s’identifiant comme locuteurs du mitchif. Le mitchif est la langue métisse la plus parlée. Cependant, il en existe également d’autres, comme le cri français, le mitchif français, le bungi et le brayet.
Définition
Le mitchif est une langue métis, étant aussi appelé mitchif cri ou cri métis. Ce qualificatif permet de distinguer cette langue des autres langues métis qui sont parfois également appelées mitchif, comme le mitchif français.
Le terme mitchif sert aussi à désigner les Métis eux-mêmes – le mot provenant de la prononciation du vieux français « métif » par les locuteurs des Plaines, ce qui signifie « de sang mêlé ». Dans le présent article, mitchif désigne spécifiquement la langue mitchif cri, sauf avis contraire.
Histoire du mitchif
Le mitchif résulte de la longue proximité entre les locuteurs du cri et de l’ojibwé et les commerçants francophones. Leurs descendants – les Métis – auraient créé cette langue dans les plaines au début des années 1800 en mélangeant divers dialectes à base de français et de cri – le mitchif français (métis français) et le cri des Plaines.
À l’origine, le mitchif est parlé principalement par les chasseurs de bison métis dans leurs camps d’hiver. (Voir aussi Chasse au bison). Bien qu’il ne soit pas parlé par tous les Métis (les Métis fortunés et de nombreux pêcheurs, agriculteurs et éleveurs ne parlent pas un mot de mitchif), le mitchif devient leur langue la plus commune au cours des 19e et 20e siècles.
Structure linguistique
Bien qu’il ait parfois été considéré comme n’étant que du « mauvais français » ou un mélange désordonné de divers éléments, le mitchif est en fait doté d’une structure linguistique complexe, qui suggère que ces locuteurs parlaient aussi bien le cri que le français. Il se peut qu’ils aient parlé également d’autres langues, notamment l’ojibwé. Aujourd’hui, peu de locuteurs du mitchif peuvent néanmoins comprendre ou parler couramment ces langues.
Le mitchif a principalement adopté les noms, les chiffres, les articles et les adjectives du français et la syntaxe, la structure verbale, les pronoms démonstratifs, les pronoms interrogatifs et les pronoms personnels du cri. Les pronoms et adjectifs possessifs, les prépositions et les adverbes de négation ont été empruntés aux deux langues. Les exemples suivants de phrases en mitchif illustrent comment le français et le cri sont combinés de manière unique pour créer cette langue :
Anglais/Français |
Mitchif |
Good afternoon / Bonne après-midi |
Bonn apray mijii. |
It is a nice day / C’est une belle journée |
Miiyoukiishikaw |
What sort of meat is this? / Quelle sorte de viande est-ce? |
kel sorte de viaan oma |
I like fish / J’aime le poisson |
Li pwesoon nimiyaymow |
Système d'écriture
Il n’existe aucun système standardisé d’écriture du mitchif. Les communautés qui parlent le mitchif épellent donc les mots comme ils les prononcent dans leur dialecte régional, ce qui engendre de nombreuses variations. Mise à part l’influence des différences linguistiques locales, l’absence de système uniforme d’écriture de cette langue peut être attribuée à l’origine du mitchif qui est avant tout une langue orale.
Un petit nombre de systèmes orthographiques existent aujourd’hui, notamment au sein de la réserve de Turtle Mountain, dans le Dakota du Nord, aux États-Unis (c’est le premier système à avoir été mis au point) et d’autres ont été créés par des linguistes tels que Rita Flamand, Robert Papen et Norman Fleury.
Usage de la langue
Le mitchif est toujours parlé dans les régions où les chasseurs de bison métis passaient jadis l’hiver, comme dans le secteur des rivières Assiniboine et Qu’Appelle (Manitoba), dans la vallée de la Qu’Appelle (Saskatchewan) et dans le Grand Coteau du Missouri (Dakota du Nord).
Selon les données publiées par Statistique Canada pour 2021, 260 personnes auraient déclaré le mitchif comme leur langue maternelle en Saskatchewan. Au Manitoba, 95 personnes disent parler le mitchif comme langue maternelle.
La plupart des Métis ne parlent pas le mitchif, du fait qu’ils ont grandi dans des milieux à prédominance anglophone ou francophone, comme à la maison ou dans les lieux d’affaires, ou encore dans les pensionnats où on les a contraints, enfants, d’abandonner leur langue autochtone.
La perpétuation du mitchif, cependant, fait foi de la profondeur temporelle et de l’unicité historique des traditions culturelles métisses. Le recensement de 2021 dénombre 1 845 personnes se disant locutrices du mitchif. Toutefois, de l’avis de certains experts en linguistique, il y aurait en réalité tout au plus 1 000 personnes qui parlent couramment cette langue.
Plusieurs initiatives de revitalisation de la langue ont été lancées au sein des communautés métis au Canada. En 1998, Patrimoine Canada a accordé des subventions au Ralliement national des Métis pour financer les efforts visant à préserver le mitchif. La Fédération des Métis du Manitoba et le Métis Resource Centre ont entre autres publié des dictionnaires du mitchif et mis sur pied des programmes linguistiques axés sur cette langue.
Autres langues métis
Le mitchif est la langue métis la plus communément parlée et la plus connue, mais ce n’est pas la seule. Les Métis ont parlé d’autres langues mélangeant des éléments de français, d’anglais et de langues autochtones et certaines de ces langues sont encore parlées de nos jours.
Cri français
Dans le village d’Île-à-la-Crosse et les communautés voisines, y compris à Buffalo Narrows, certains résidents métis parlent une langue qui est essentiellement du « cri des bois » additionné de quelques mots français. Bien qu’il ait parfois été qualifié de « dialecte » ou de « sous-dialecte », les linguistes conviennent que cette version du cri est complètement différente du mitchif cri décrit dans le présent article.
Mitchif français
Le mitchif français (aussi appelé métis français) est une variante du français qui a contribué à la naissance du mitchif. Le mitchif français serait né parmi les métis de sang mixte autochtone-français qui vivaient aux alentours des postes de commerce de la région des Grands Lacs au 16e et 17e siècles. Lorsque ces personnes se sont déplacées avec la traite de la fourrure au 18e siècle jusqu’aux régions qui forment aujourd’hui l’Ouest et le Nord du Canada, elles ont apporté avec elle le mitchif français. Cette langue s’est donc développée indépendamment du français parlé en France et même de celui parlé dans d’autres régions du Canada ou des États-Unis. Elle reflète une influence des langues autochtones de la famille algonquienne et donc l’histoire des contacts entre les Européens et les Autochtones. Elle est toujours parlée à Saint-Laurent et à Saint-Ambroise, deux communautés situées sur le lac Manitoba.
Bungee
Le bungee (ou bungi), dérivé du mot saulteau (ojibwé) panki qui signifie « un peu » ou « un morceau de », est un mélange d’anglais, de gaélique, d’ojibwé et de cri. Cette langue a également emprunté quelques mots au français. L’accent bungee est soi-disant très influencé par la façon de parler des habitants des îles d’Orkney et des Écossais. Parlée autrefois par les Métis qui avaient des parents à la fois ojibwé ou cri et écossais, cette langue est aujourd’hui pratiquement éteinte, un petit nombre seulement d’anciens étant encore censés la parler.
Brayet
Le brayet (également écrit « braillet » ou « braillette ») est une autre langue née des échanges entre les Autochtones et les Européens. Il n’existe que peu de renseignements sur cette langue, mais elle aurait incorporé des mots français et ojibwés et aurait jadis été parlée dans les régions autour des Grands Lacs, telles qu’à Sault-Sainte-Marie (Ontario), et plus vers l’ouest autour du lac des Bois. Le brayet est généralement considéré comme une langue éteinte.