Mercure, Pierre | l'Encyclopédie Canadienne

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Mercure, Pierre

Pierre Mercure. Compositeur, réalisateur d'émissions de télévision, bassoniste, administrateur (Montréal, 21 février 1927 - accidentellement près d'Avallon, France, 29 janvier 1966). Premiers prix harmonie, contrepoint, deuxième prix basson (CMM) 1949.

Mercure, Pierre

Pierre Mercure. Compositeur, réalisateur d'émissions de télévision, bassoniste, administrateur (Montréal, 21 février 1927 - accidentellement près d'Avallon, France, 29 janvier 1966). Premiers prix harmonie, contrepoint, deuxième prix basson (CMM) 1949. Intégrer les différentes formes de création, fusionner théâtre, musique, danse, peinture, sculpture, tel fut l'axe autour duquel se façonna la vie et l'oeuvre de Pierre Mercure. Il fit ses études musicales au CMM (1944-49) où il travailla l'écriture (Marvin Duchow et Claude Champagne) et la technique instrumentale avec l'intention avouée d'accéder au rang de chef d'orchestre. Ses professeurs de basson furent Roland Gagnier et Louis Letellier.

Champagne lui fit découvrir la musique française et développa chez lui un authentique talent d'orchestrateur, comme en témoignent ses premières oeuvres, Kaléidoscope et Pantomime. Il étudia la direction d'orchestre avec Léon Barzin. Avant de se rendre à Paris pour poursuivre sa formation (1949-50), Mercure participa à la création de ballets modernes avec de jeunes poètes, musiciens, danseurs et peintres dont les réflexions étaient guidées par le peintre Paul-Émile Borduas. En mai 1949, au Théâtre des Compagnons, il participa, avec la chorégraphe Françoise Sullivan, le poète Claude Gauvreau et le peintre Jean-Paul Mousseau, à la réalisation de Dualité, La Femme archaïque et Lucrèce Borgia. Cette collaboration avec les Automatistes eut cependant très peu d'influence directe sur la langue musicale de Mercure. Il fallut attendre plusieurs années, 1961 et peut-être même 1965, pour en mesurer la profondeur.

Inquiété philosophiquement par les idéologies véhiculées par le Refus global (1948), manifeste dénonçant le conservatisme de la société et réclamant la libération du créateur, Mercure chercha de nouveaux moyens d'expression. Pour ce faire, il s'inscrivit aux cours de Nadia Boulanger dès son arrivée à Paris à l'automne 1949. De plus en plus attiré par la musique nouvelle, Mercure préféra travailler à des improvisations, superpositions de formes et compositions collectives avec ses amis compositeurs Gabriel Charpentier, Jocelyne Binet et Clermont Pépin. Son association avec Boulanger fut donc de courte durée. Cet échec ne l'empêcha pas de poursuivre des études d'orchestration avec Arthur Hoérée et Darius Milhaud, et de direction d'orchestre avec Jean Fournet. Deux courtes oeuvres, Emprise pour clarinette, violoncelle, basson et piano, et Ils ont détruit la ville pour choeur et orchestre, témoignent de cette période. Cette dernière oeuvre, sur un poème extrait de Aire de Charpentier, remporta un prix à un concours de RCI. Après un an, Mercure rentra à Montréal enrichi d'expériences nouvelles mais toujours à la recherche d'une nouvelle expressivité. Les schémas des siècles passés ne le satisfaisaient plus.

Muni d'une bourse du gouvernement du Québec, il se rendit à Tanglewood pendant l'été 1951 pour travailler la composition avec Luigi Dallapiccola qui devint son maître et ami. Mercure y découvrit les principes fondamentaux de la dodécaphonie; il se retrouva tiraillé entre deux pôles : un plus grand besoin de liberté créatrice d'une part et celui d'organiser, de prévoir, de structurer d'autre part. Mercure rejeta la dodécaphonie dans sa forme la plus stricte parce qu'il y voyait une entrave sérieuse à sa disponibilité de créateur. Sa nature profondément lyrique se manifeste pleinement dans Dissidence, trois mélodies qui constituent, avec Ils ont détruit la ville, le noyau de Cantate pour une joie pour soprano, choeur et orchestre sur des poèmes de Charpentier. Divertissement pour quatuor à cordes et orchestre à cordes et Triptyque pour grand orchestre marquent le point d'arrivée d'une recherche hésitante mais généreuse, empreinte des impulsions de la jeunesse.

Tout au long de cette première période (1948-59), Mercure fut à la recherche de nouvelles sonorités. Devant l'impossibilité de combler ses désirs, il se rallia non pas à la tradition comme telle, mais à une forme d'expression lyrique spontanée, exprimée à l'intérieur de formes traditionnelles. Stravinsky, Milhaud et Honegger furent ses modèles. Il ne resta pas indifférent à la musique populaire amér. ni au jazz; plusieurs thèmes sont tirés de chansons populaires véhiculées par Glenn Miller et son orchestre; les rythmes sont avoués, l'orchestration chatoyante. Ces éléments se retrouvent dans les nombreuses musiques de scène des années 1950-54 pour accompagner les radiothéâtres de la SRC (Amal de Tagore, Le Mystère de la Nativité de Gréban), les représentations sur scène des Compagnons (Le Bal des voleurs d'Anouilh), etc.

Cette association avec le théâtre, la danse et même la peinture fut déterminante. En janvier 1952, Mercure entra au service de la SRC et devint le premier réalisateur d'émissions musicales télévisées. De 1954 à 1959, il réalisa 41 émissions « L'Heure du concert » et plusieurs « Concerts pour la jeunesse ». On lui confia également « Jazz Workshop », « Music-Hall », « Pays et merveilles », etc. Il s'imposa par la qualité alliée à une recherche visuelle constante, souvent teintée d'audace. À partir de ce moment, ce besoin de recherche continuelle, cette nécessité de s'engager dans la forme la plus actuelle de l'art furent les impératifs de la démarche de Mercure. Concrètement, il chercha au cours des années 1959-62 un nouveau langage en explorant le monde de l'électroacoustique, exploration amorcée au contact du Groupe de recherches musicales de la RTF et de Pierre Schaeffer, lors d'un deuxième stage d'études en Europe (1957-58). Répercussions, Structures métalliques I et II, Incandescence et Improvisation sont autant d'oeuvres construites à partir de sons concrets transformés au moyen d'appareils électroniques. Les oeuvres sont quelquefois accompagnées de mouvements chorégraphiques, souvent de projections lumineuses.

Cette activité intense du musicien se situe à l'approche d'un festival de musique d'avant-garde dont il fut l'âme dirigeante. En organisant la Semaine internationale de musique actuelle (août 1961), Mercure fit de la prospective : John Cage, Serge Garant, Mauricio Kagel, Karlheinz Stockhausen, Christian Wolff, Iannis Xenakis. Il voulait régler la société montréalaise à l'heure des manifestations actuelles de la musique. Il chercha de nouveaux sons pour construire un nouvel auditoire. Cet événement isolé, mais que Mercure aurait voulu annuel, ouvrit la voie à ce qui allait devenir en 1966 la SMCQ.

Un troisième stage d'études en Europe - Paris, Darmstadt et Dartington - pendant l'été 1962 lui permit de se familiariser avec la musique de source électronique. Structures métalliques III, oeuvre composée au cours de ce stage, fut présentée au Fluxus Internationale Festspiele Neuester Musik à Wiesbaden le 16 septembre 1962. Fort de ces expériences, Mercure entreprit, à l'automne 1962, une cantate radiophonique, Psaume pour abri, premier de trois essais de synthèse musique électronique-musique traditionnelle. Ce psaume se définit comme un cri contre le barbare, l'atroce, l'absurde. Il s'articule en sept parties, dont les trois dernières sont la récurrence non littérale des trois premières. Parties de l'humain, elles y retournent. Cette démarche se prolongea dans Tétrachromie (1963).

En septembre 1963, Mercure entreprit Lignes et points pour grand orchestre, commande de l'OSM. Suite de variations sur un même thème, l'oeuvre accuse une parenté d'écriture avec les deux précédentes, les mêmes cellules mélodiques de trois, quatre ou cinq notes présidant à l'élaboration de ces oeuvres. La plupart des séquences sont représentées graphiquement au moyen de couleurs; dans les deux premières, Mercure emploie des sons sinusoïdaux transformés au moyen de filtres, chambre à écho, etc., alors que dans la troisième, il reproduit à l'orchestre ces mêmes procédés. De plus, il essaie avec Lignes et points d'obtenir de l'orchestre une coloration de timbres rappelant celle que nous ont fait connaître les techniques électroacoustiques.

Au moment de sa mort, dans un accident de la route, Mercure arrivait à peine à maturité. Il venait d'écrire, au cours de l'été précédent passé à Darmstadt, une oeuvre ouverte, sans commencement ni fin, au sein de laquelle les accidents de chaque instant permettent la constitution d'un tout formel : H2O per Severino pour quatre à dix instruments solistes. Ce n'était qu'un nouveau départ vers une concrétisation d'un idéal de liberté régie par l' Homo sapiens.

En 1966, un prix portant son nom fut accordé par le Festival du disque au meilleur enregistrement d'une oeuvre canadienne : le Concerto pour deux pianos et orchestre de Roger Matton, interprété par le duo Bouchard et Morisset. Des manuscrits et documents du compositeur sont déposés à la BN du Q. RCI lui a consacré un coffret de sa collection Anthologie de la musique canadienne, paru sur CD en 1990 (4-ACM 35). Il conserve son statut de compositeur agréé du Centre de musique canadienne.

Compositions

Théâtre, film

Dualité, ballet : 1948 (Mtl 1948); tpt, p; ms perdu.

La Femme archaïque, ballet : 1949 (Mtl 1949); alto, p, tim; ms perdu.

Lucrèce Borgia, ballet : 1949 (Mtl 1949); tpt, p, perc; ms perdu.

Emprise, ballet : 1950 (Paris 1950); cl, bn, vc, p; ms perdu.

Improvisation, ballet : 1961 (Mtl 1961); p préparé sur bande.

Incandescence, ballet : 1961 (Mtl 1961); bande; 4-ACM 35-CD.

Structures métalliques I et II, 2 ballets : 1961 (Mtl 1961); sculptures métalliques d'A. Vaillancourt, bande; (n 2) 4-ACM 35-CD.

Manipulations, ballet : 1963 (Québec 1964); bande; 4-ACM 35-CD.

Surimpressions, ballet : 1964 (Mtl 1964); p préparé sur bande; 4-ACM 35-CD.

La Forme des choses, film : 1965; quin cuivres, sons concrets; (1990); 4-ACM 35-CD (R. Larochelle narr).

Élément 3, film : 1965; fl, sons concrets.

Voir aussi Tétrachromie.

Orchestre

Kaléidoscope : 1948, rév 1949 (Mtl 1948, rév Mtl 1949); grand orch, rév orch moy; Ric 1960 (orch moy); CBC SM-132 (Orchestre symphonique de l'Atlantique), CBC SM-334 (Orchestre symphonique de Winnipeg), 4-ACM 35 (OSM), Bell 1989 (O du Cons. de musique du Québec).

Ils ont détruit la ville (G. Charpentier) : 1950 (Mtl 1950), plus tard rév et inclus dans Cantate pour une joie; SATB, 18 instr; ms perdu; RCI 35 et 4-ACM 35 (Waddington).

Divertissement : 1957, rév 1958 (Mtl 1957); quat cdes, orch cdes; Ric 1970; RCI 154 (A. Brott), CBC SM-6 (O de chamb McGill), CBC SM-5044 et 4-ACM 35 (Quat à cdes Orford).

Triptyque : 1959 (Van 1959) : grand orch; Ric 1963; 2-Col M2S-756, Col MS-6962 et CBS 32-11-0038 (TSO), 4-ACM 35 (OSM).

Lignes et points : 1964 (Mtl 1965); grand orch; Ric 1970; RCI 230, RCA LSC-2980, Vic VICS-1040, Mel SMLP-4039 et 4-ACM 35 (OSM).

Voir aussi Cantate pour une joie.

Musique de chambre

Pantomime : 1948; bs, cdes, perc; ms incomplet. 3 versions rév 1949 - 1 : 14 bs, tim; ms perdu; RCI 2 (J.-M. Beaudet), 4-ACM 35 (OSM); 2 : vc, p; ms incomplet. 3 : 18 bs, perc; Ric 1971; RCI 117 (Waddington).

H2O per Severino : 1965; 4-10 instr; ms;.(1990); 4-ACM 35-CD (version 1 : S. Gazzeloni fl; version 2 : Pentaèdre).

Voix

« Colloque » (Valéry) : 1948; v moy, p; BMIC 1950; Master MA-275 (D. Mills).

Dissidence (G. Charpentier) : 1955, plus tard rév et inclus dans Cantate pour une joie; sop (tén), p; Dob-Yppan 1986; RCI 201 et 4-ACM 35 (Jeannotte), Allied ARCLP-4 (J. Dufresne).

Musique électroacoustique

Jeu de hockey : 1961; bande.

Répercussions : 1961; carillon japonais sur bande.

Structures métalliques III : 1962; bande.

Psaume pour abri (F. Ouellette) : 1963; narr, 2 SATB, quin cuivres, quat cdes, clavn, p, hp, perc, bande; ms incomplet; (1990); 4-ACM 35-CD (C. Boisjoli réc, ch et ens instr, Mercure dir).

Voir aussi THÉÂTRE ci-dessus.

Discographie

voir COMPOSITIONS.

Filmographie

Pierre Mercure (Charles Gagnon 1971).

Lecture supplémentaire