La magistrature comprend
les juges et les cours de
justice. Elle est l’organe du gouvernement
qui est investi du pouvoir judiciaire. Elle est indépendante des organes
législatifs et exécutifs. Les juges sont des agents du service public chargés
de présider les cours de justice et d’y appliquer les lois en
vigueur au Canada. Responsable de trancher aussi bien des litiges personnels,
délicats et émotionnels que de grandes questions sociales, économiques ou
politiques associées à des contextes juridiques particuliers, la magistrature
contribue à l’évolution du tissu social qui régit nos vies.
Pouvoirs judiciaires fédéraux et provinciaux
La Loi constitutionnelle de 1867 prévoit la création et la mise en œuvre d’une magistrature au Canada. Elle confère au gouvernement fédéral le pouvoir exclusif de légiférer en matière de droit criminel et de procédure criminelle, mais ne lui donne aucun pouvoir pour ce qui est de la création des cours criminelles. Elle attribue aux provinces le pouvoir exclusif de légiférer en matière d’administration de la justice à l’intérieur de leurs frontières. (Voir aussi Répartition des pouvoirs.)
Le gouvernement fédéral nomme les juges de la Cour suprême du Canada, de la Cour d’appel fédérale, de la Cour fédérale, et de la Cour canadienne de l’impôt. (La Cour suprême du Canada, fondée en 1875, est la plus haute cour d’appel depuis 1949. Les cours fédérales traitent principalement des dossiers liés au gouvernement fédéral.)
En vertu de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral nomme également les juges qui siègent aux cours supérieures des provinces et des territoires. Parfois appelés « juges nommés en vertu de l’article 96 », ces magistrats siègent dans les tribunaux supérieurs de première instance et les cours d’appel des différentes provinces. Les tribunaux supérieurs de première instance portent des noms différents suivant les provinces. Par exemple, la « Cour du Banc de la Reine » en Alberta, la « Cour supérieure de justice » en Ontario et la « Cour suprême » en Nouvelle-Écosse. (Voir aussi Système judiciaire canadien.)
Les gouvernements municipaux et provinciaux nomment les juges des tribunaux provinciaux (tribunaux de première instance). Ils nomment également les magistrats, les juges de paix, les coroners, les shérifs et autres officiers des tribunaux provinciaux. Les juges nommés par la Province traitent les dossiers relevant de la législation et des lois provinciales ou fédérales.
Rôle de la magistrature
Les juges ne s’occupent ni de créer les lois ni de les appliquer, ce que font les organes législatifs et exécutifs du gouvernement ainsi que les ministères et les agences qui en dépendent. Le rôle des juges et d’interpréter et d’appliquer la loi pour chaque cas qui leur est présenté. Les juges interprètent l’esprit desloisadoptées par le Parlement et les assemblées législatives provinciales. Ils développent et appliquent également la common law.
Que les juges président des poursuites criminelles ou des procès civils, ils doivent servir en qualité d’arbitres impartiaux. L’impartialité des tribunaux découle de la caractéristique fondamentale de notre système judiciaire: son indépendance vis-à-vis des organes exécutifs et législatifs du gouvernement. La nomination, la révocation et la rémunération des juges dépendent des autres organes. Cela étant dit, la qualité de la justice au Canada ne peut être maintenue que grâce à l’indépendance de la magistrature.
La notion d’indépendance de la magistrature a parfois été mise à l’épreuve. Il y a en effet eu des occurrences où des juges de tribunaux provinciaux ont refusé d’instruire divers dossiers. Ils prétendaient qu’ils ne sont pas indépendants du gouvernement provincial, qui fixe leurs traitements et leurs conditions de travail.
La Cour suprême du Canada, dans l’affaire Valente, a jugé que les trois principes essentiels de l’indépendance de la magistrature sont l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance en matière d’administration des tribunaux lorsque cette administration a un effet direct sur le processus décisionnel judiciaire. La réduction des traitements des juges des tribunaux provinciaux a été présentée dans plusieurs dossiers récents comme pouvant être un facteur d’interférence, puisqu’elle menacerait leur sécurité financière. (Voir aussi Salaire des juges.)
En 1981, et de nouveau en 1995, le Conseil canadien de la magistrature a commandé deux rapports sur l’état de l’indépendance de la magistrature au Canada : Maîtres chez eux (1981) et Une place à part : l’indépendance et la responsabilité de la magistrature au Canada (1995).
Nomination des juges par le gouvernement fédéral
La Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur les juges (loi fédérale) régissent la nomination, la révocation, la retraite et la rémunération (y compris les pensions de retraite) des juges nommés par le gouvernement fédéral. La plupart des nominations fédérales sont faites par le gouverneur général sur avis du ministre de la Justice et du Cabinet.
Le gouvernement fédéral nomme les juges de la Cour suprême du Canada, des cours fédérales et des cours supérieures des provinces et des territoires.
C’est le premier ministre, après consultation du Cabinet, qui procède aux nominations à la Cour suprême et aux divers postes de juge en chef et de juge en chef adjoint des tribunaux des provinces et des territoires. Depuis 2016, un conseil consultatif indépendant de sept membres fournit une liste de candidats présélectionnés pour une possible nomination à la Cour suprême. Le premier ministre nomme les nouveaux juges à partir de cette liste.
Les nominations fédérales aux tribunaux supérieurs dans les provinces et les territoires sont faites par le ministre fédéral de la Justice. Il agit sur avis des comités provinciaux et territoriaux consultatifs de la magistrature qui examinent les dossiers, cotent les candidats et suggèrent des nominations. Les comités sont administrés par le commissaire à la magistrature fédérale, dont le bureau dépend du ministre de la Justice.
Chaque candidat à une nomination fédérale doit avoir été avocat pendant au moins 10 ans. Il doit également être habilité à pratiquer le droit dans la juridiction où il postule.
Les comités consultatifs de la magistrature ont été mis sur pied après plusieurs examens en profondeur, au cours des années1980, du processus de nomination des juges. Ce sont l’Association du Barreau canadien et l’Association canadienne des professeurs de droit qui ont accompli ces révisions. Antérieurement, seul un Comité sur les nominations à la magistrature de l’Association du Barreau canadien examinait les nominations fédérales potentielles. La composition de ce comité a évolué depuis les années 1980.
En 2017, chaque comité est composé de sept membres: un membre nommé par le Barreau provincial ou territorial concerné, un membre nommé par la section provinciale ou territoriale de l’Association du Barreau canadien, un juge nommé par le juge en chef de la province ou le juge principal du territoire, un membre nommé par le procureur général ou le ministre de la Justice de la province et trois membres nommés par le gouvernement fédéral, qui représentent le public.
Nomination des juges par les provinces
Les nominations provinciales sont faites par le procureur général ou le ministre de la Justice de la province ou du territoire, après consultation du Cabinet. Dans la plupart des provinces, toute nomination proposée par le procureur général est soumise à l’examen d’un comité consultatif provincial des nominations à la magistrature. Ce conseil compte une large représentation des membres de la profession juridique, de la magistrature et du public, comme c’est le cas pour les comités consultatifs fédéraux de la magistrature.
Les critères d’éligibilité des juges varient d’une province à l’autre. Dans certaines provinces, les candidats doivent avoir été membres du Barreau pendant au moins cinq ans. Dans d’autres cas, ils n’ont même pas besoin d’être avocats, bien que ce soit presque toujours des avocats qui sont nommés. De nombreux membres de la magistrature affectés aux tribunaux inférieurs sont des retraités des forces de police nationales ou locales.
Que ce soit au niveau fédéral ou provincial, les juges ne sont pas tenus de démontrer une expertise à toute épreuve dans un domaine juridique particulier. Ainsi, certains juges affectés à des cours pénales n’ont pas ou très peu d’expérience au criminel en qualité de procureur ou d’avocat de la défense, ou président à l’instruction de litiges civils sans avoir aucune expérience en tant qu’avocats dans ce domaine. Certains observateurs ont réclamé une refonte du processus pour que les juges possèdent une expérience juridique adéquate pour présider l’instruction d’affaires dans certains domaines.
Diversité des genres et des ethnies
Depuis les années 1980, la composition de la magistrature évolue grâce à la nomination d’un nombre plus important de femmes et de personnes plus jeunes. Au cours des dernières années, des avocats et des organismes juridiques ont réclamé à plusieurs reprises que des représentants des minorités visibles soient admis à la magistrature, notamment des juges autochtones ou de race noire. (Voir aussi Préjugés et discrimination au Canada.)
On a constaté quelques progrès pour ce qui est d’un meilleur équilibre hommes-femmes au sein de la magistrature. (Voir aussi Égalité des genres; Équité des genres.) En 2017, quatre des neuf juges de la Cour suprême du Canada sont des femmes, et c’est l’une d’entre elles, Beverley McLachlin, qui en est la juge en chef. Les femmes sont représentées environ au tiers chez les juges de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Plus d’un tiers des juges nommés par les autorités fédérales ou provinciales aux autres tribunaux étaient des femmes en 2017.
Cependant, la magistrature reste un bastion des personnes de race blanche. En 2016, on ne comptait aucun juge autochtone ou issu d’une minorité visible à la Cour suprême ou à la Cour d’appel fédérale. En outre, seul un petit nombre de juges autochtones se trouvait à la Cour fédérale. La situation est la même à tous les niveaux des tribunaux provinciaux dont les juges sont nommés par les autorités fédérales ou provinciales. On ne compte en effet qu’une poignée de juges autochtones ou issus des minorités visibles dans ces tribunaux où sont pourtant instruits la grande majorité des dossiers du pays. Pourtant, environ 20 % de la population du Canada n’est pas de race blanche.
Mandat des juges
Les juges nommés par le gouvernement fédéral demeurent en fonction jusqu’à l’âge obligatoire de la retraite, c’est-à-dire 75 ans. La règle s’applique s’ils siègent à la Cour suprême, à la Cour fédérale ou à une cour supérieure provinciale. Après 15 ans d’exercice et à l’âge de 65 ans ou plus, le juge peut prendre une retraite partielle ou se faire nommer « juge surnuméraire ». Cela signifie qu’il siège comme juge à l’occasion. Dans le cas d’un juge d’une cour supérieure, la règle s’applique après au moins 10 ans d’exercice et à l’âge de 70 ans.
L’âge de la retraite des juges nommés par les gouvernements provinciaux (généralement 70 ans) est fixé par les lois créant les tribunaux provinciaux en question.
Les juges ont l’obligation de « bonne conduite » pour conserver leur poste. Les juges nommés par le gouvernement fédéral ne peuvent être destitués que par le Parlement. Cela peut arriver sur recommandation du ministre de la Justice, après examen par le Conseil canadien de la magistrature. Aux termes de la Loi sur les juges, le défaut de bonne conduite est défini suffisamment largement pour inclure diverses conditions, notamment la sénilité.
Conseil canadien de la magistrature
Le Conseil canadien de la magistrature a été créé aux termes de la Loi sur les juges. Il est composé des divers juges en chef et juges en chef adjoints des cours supérieures nommés par le gouvernement fédéral et des juges principaux des tribunaux territoriaux. Il est présidé par le juge en chef du Canada. Le Conseil de la magistrature assure la formation continue des juges nommés par le gouvernement fédéral. Il formule également des recommandations à l’attention du ministre de la Justice après la tenue d’une enquête portant sur les actions d’un juge ou la réception de plaintes formulées à leur encontre. Il peut recommander, le cas échéant, la révocation d’un juge.
À la date de 2017, le Conseil n’a recommandé que deux fois la révocation d’un juge. Le Parlement n’a jamais eu à procéder à l’étape suivante de la destitution. En effet, les juges concernés ont toujours démissionné d’eux-mêmes.
Des lignes directrices semblables, mais variant d’une province à l’autre, existent en la matière pour les juges nommés par les gouvernements provinciaux. Certains juges nommés par les gouvernements provinciaux ont été révoqués selon la procédure de destitution. Dans certaines provinces, cette procédure résulte d’une enquête et d’un examen par un conseil provincial de la magistrature semblable au conseil fédéral. Des juges nommés par un gouvernement provincial ont été disciplinés ou révoqués pour s’être rendus coupables d’un crime ou pour turpitude morale.
Politique et magistrature
Les raisons motivant la nomination des juges ont toujours été protégées par le secret. Cela a alimenté le sentiment que ces nominations sont influencées par des considérations politiques. Le public pense généralement que pour devenir juge, il vaut mieux être affilié politiquement au parti au pouvoir ou que certains juges obtiennent leur poste ou leur promotion par favoritisme.
Cependant, personne ne devrait être privé de la possibilité d’être nommé juge en raison de son affiliation politique antérieure. Cette question a fait l’objet d’un débat public lors de l’élection fédérale de 1984 à la suite d’une série de nominations partisanes par le gouvernement sortant. Du début des années 1970 jusqu’en 1984, toutes les nominations à la magistrature proposées par le gouvernement fédéral ont été examinées par le Comité sur les nominations à la magistrature de l’Association du Barreau canadien. Cet examen a permis d’éviter le plus possible toute forme de favoritisme politique dans le processus des nominations à la magistrature. Cette procédure n’a pas été suivie dans le cadre d’une nomination effectuée en 1984. La controverse qui en a résulté a motivé plusieurs examens en profondeur du processus de nomination. Ces modifications ont abouti au système actuel.
Le processus d’examen actuel ne garantit cependant pas que les nominations soient à l’abri de toute influence politique. Cela est dû au fait que le choix final est fait à partir d’une liste de candidats approuvés par le ministre de la Justice (ou, dans certains cas, par le premier ministre), après consultation du Cabinet.
D’une façon générale, le processus de nomination est beaucoup moins politisé aujourd’hui qu’il ne l’était dans le passé, ce qui est particulièrement vrai pour ce qui est des nominations à la Cour suprême. Par ailleurs, d’autres facteurs non politiques sont maintenant pris en compte pour la nomination (tels que le sexe, la langue, la géographie et l’ethnicité) afin d’assurer que la magistrature se compose de personnes compétentes qui reflètent la nature de la société canadienne.
Voir aussi Autochtones: justice; Droit des Autochtones; Primauté du droit; Procédure civile; Procédure criminelle; Code criminel du Canada.