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Magazines

Les magazines sont des publications paraissant à intervalles réguliers, au moins quatre fois par année.

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Les magazines sont des publications paraissant à intervalles réguliers, au moins quatre fois par année. Certains magazines, payants, sont vendus dans les kiosques ou livrés par la poste à des abonnés et d'autres, gratuits ou à tirage limité, sont livrés dans les foyers ou dans les bureaux de groupes particuliers appelés auditoires cibles. Qu'il s'agisse de magazines de consommation, de revues littéraires ou scientifiques ou encore de publications professionnelles, les magazines sont conçus pour divertir, informer, éduquer ou provoquer des débats. Tous les magazines, à quelques exceptions près, contiennent de la PUBLICITÉ dans une proportion de 60 p. 100, contre 40 p. 100 d'articles. Pendant la dernière décennie, les suppléments de journaux ont presque tous disparu, tandis que les magazines régionaux, en particulier ceux à caractère urbain, de même que les périodiques traitant d'un sujet particulier (mode, voyages, questions féminines, etc.) ont connu un essor.

L'histoire des magazines au Canada n'est pas une histoire d'idées ou d'auteurs particuliers. Les innovations canadiennes quant à la forme et au contenu ont été peu significatives, l'apport littéraire a été honorable, sans être exceptionnel, et l'association aux grandes idées affirmative plutôt que provocatrice. L'histoire des magazines au Canada est une saga politique formée de petits intérêts indépendants qui tentent de survivre dans un milieu dominé par des intérêts étrangers. La lutte a toujours eu lieu entre la sauvegarde de l'autonomie culturelle et la libre circulation des idées. En outre, le marché canadien est petit, divisé en deux camps linguistiques, et s'étend sur un corridor étroit, ce qui rend difficile et coûteuse la mise en circulation.

Premiers périodiques

Les périodiques canadiens ont d'abord été lancés en Nouvelle-Écosse par des immigrants de la Nouvelle-Angleterre. Le premier magazine canadien, dirigé par le révérend William Cochran et imprimé par John Howe, père du réformiste Joseph HOWE, est Nova Scotia Magazine and Comprehensive Review of Literature, Politics and News. Paru pour la première fois en 1789, il est publié pendant trois ans. Le magazine s'intéresse davantage aux affaires britanniques qu'aux questions touchant la colonie. Un magazine bilingue, Le Magasin de Québec (1792-1794), lancé par Samuel Neilson dans la capitale du Bas-Canada, tente pour la première fois de réunir deux cultures dans un média écrit.

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les coûts élevés de production associés aux problèmes de mise en circulation et à la faiblesse du tirage rendent infructueuses les tentatives de publication en Amérique du Nord britannique. Diverses initiatives sont mises en oeuvre pour lancer des magazines littéraires destinés à des publics particuliers, mais elles sont contrées en grande partie par l'essor des journaux au cours des années 1820. Certains périodiques réussissent tout de même à percer, dont Acadian Magazine et Halifax Monthly Magazine de J.S. Cunnabell; Literary Garland de John Gibson, publié à Montréal; et les diverses publications de Michel Bibaud : La Bibliothèque canadienne, L'Observateur, Le Magasin du Bas-Canada et l'importante Encyclopédie canadienne. Plusieurs auteurs éminents du Canada publient dans ces ouvrages, notamment Susanna MOODIE et John RICHARDSON dans le Literary Garland.

Au milieu du siècle, Toronto est devenu un important centre de production de magazines anglophones avec notamment The Canadian Journal, Anglo-American et British Colonial. Résolument littéraires, tous disparaissent rapidement. L'établissement d'un service ferroviaire régulier, l'avènement du télégraphe et la signature de la Confédération donnent son envol à l'industrie canadienne du magazine. Des magazines américains comme Harper's circulent librement au pays, et nombreux sont ceux qui jugent nécessaire un équivalent canadien pour donner un sens à la nouvelle nationalité. Montréal a également une grande influence avec des magazines comme New Dominion Monthly dirigé par John Dougall. Empreint d'un nationalisme fervent, il atteint, en quelques années seulement, un tirage de 8000 exemplaires.

Introduction de la photogravure

Le procédé de photogravure est implanté au Canada et utilisé pour la première fois dans le Canadian Illustrated News. Lancé en 1869, il atteint rapidement un vaste auditoire, en raison surtout de ses images vivantes et émouvantes de la RÉBELLION DU NORD-OUEST. Son équivalent français, L'Opinion publique illustrée, techniquement plus réussi, connaît moins de succès sur le plan commercial. À cette époque également, des magazines à caractère religieux ont pris de l'importance. Mentionnons en particulier Northern Messenger et Methodist Magazine and Review, un magazine d'opinion sur les affaires canadiennes. Canadian Monthly, National Review, Nation et The Bystander, dirigés par Goldwin SMITH, contribuent tous à susciter un débat sérieux, tout comme La Revue canadienne et deux périodiques universitaires, QUEEN'S QUARTERLY (1893) et University Magazine, dirigé par Andrew MACPHAIL de l'U. McGill. Le magazine satirique Grip de Toronto est florissant de 1873 à 1894. De plus, un certain nombre de magazines culturels nationaux sont lancés, dont Canadian Monthly et The Week. L'identité culturelle perd toutefois de son intérêt après le début du siècle, mais est ressuscitée après la Première Guerre mondiale avec le CANADIAN FORUM en 1920.

La politique et les nouvelles nationales trouvent un exutoire dans le Toronto Saturday Night (1887) qui change de nom en 1889 pour devenir SATURDAY NIGHT. Ce magazine d'intérêt général, où sont abordés aussi bien des questions sociales que des sujets controversés comme le divorce ou l'exploitation des travailleurs, touche vite un auditoire d'intellectuels, atteignant un tirage de 10 000 exemplaires. The Canadian Magazine, lancé à Toronto en 1893, a, outre le désir de susciter un débat national, un autre objectif : faire concurrence aux magazines américains comme Scribner's et The Atlantic. Cependant, The Canadian est aussi le porte-parole des protestants de race blanche d'origine anglo-saxonne de l'Ontario, et il exclut presque toujours le Québec francophone, les Maritimes et même l'Ouest, si ce n'est à titre de fief ontarien.

Vers 1895, une autre tentative en vue d'endiguer le flot de magazines américains est faite avec le lancement de ce qui allait devenir le Maclean's Magazine. À l'origine, le Busy Man's Magazine (1896-1911), comme il s'appelle à l'époque, n'est rien de plus qu'un condensé d'articles publiés antérieurement. Le magazine réussit à attirer des annonceurs, aussi bien d'outre-mer que des États-Unis, particulièrement après avoir adopté le format américain plus petit. Maclean's se fait l'écho du Canada de l'époque, résolument britannique et impérialiste, mais il publie également des oeuvres d'auteurs canadiens comme Lucy Maud MONTGOMERY et Robert SERVICE.

Parution de magazines régionaux

À mesure que la population se déplace vers l'Ouest, des magazines spécialisés ou à caractère régional voient le jour. C'est ainsi qu'en 1891, The Manitoban est lancé suivi, 20 ans plus tard, du British Columbian. Busy East (qui deviendra Atlantic Advocate) et le Canadian Home Journal sont lancés en 1910. Ce dernier, même s'il est constitué surtout de recettes et de conseils domestiques, reconnaît le rôle de plus en plus important des femmes dans la société. L'absence de magazines de commerce et d'affaires incite J.B. MACLEAN à lancer une série de périodiques, notamment Canadian Grocer et Dry Goods Review. À partir de la fin du XIXe siècle, la popularité des magazines agricoles comme le Family Herald et le Weekly Star de Montréal se fait de plus en plus grande.

Le tirage des six plus importants magazines canadiens ne dépasse jamais 300 000 exemplaires pendant la Première Guerre mondiale, même si les magazines américains inondent le marché. En 1927, l'entrée au pays de certains ouvrages étrangers, principalement de fiction, est interdite, mais cette mesure n'a aucun effet appréciable sur l'industrie canadienne, et les auteurs de talent continuent à émigrer aux États-Unis. Cependant, Mayfair et Chatelaine tous deux inspirés des modèles américains, sont lancés à la fin des années 20, et Chatelaine réussit à rejoindre près de 60 000 lecteurs pendant sa première année d'existence (1928). Le gouvernement commence enfin à écouter les doléances de l'industrie, qui se font de plus en plus nombreuses depuis l'avènement de la radio commerciale en 1928. De nombreux annonceurs se désintéressent peu à peu des médias écrits au profit de la radio. En 1931, le gouvernement conservateur de R.B. BENNETT impose une taxe sur les magazines américains qui accordent plus de 20 p. 100 de leur espace à la publicité, ce qui incite une cinquantaine de magazines américains à imprimer leurs publications au Canada. Le gouvernement libéral de Mackenzie KING supprime cette taxe lorsque son parti reprend le pouvoir en 1935, alléguant qu'il s'agit d'une taxe sur la pensée et l'art littéraire. Les magazines américains retournent donc chez eux, et les Canadiens recommencent à les importer.

Influence des magazines américains

La Deuxième Guerre mondiale provoque une hausse considérable du tirage des magazines, en particulier de ceux d'opinion et d'information. Ainsi, Maclean's atteint un tirage de 275 000 exemplaires en 1940. Les éditions canadiennes de magazines américains commencent également à faire leur apparition, comme Time Canada en 1943. En outre, des magazines américains, comme Liberty, réservent une place de plus en plus importante au contenu canadien.

L'influence et l'omniprésence des magazines américains se font sentir davantage après la guerre. B.K. SANDWELL, directeur de Saturday Night, soutient que le Canada est le seul pays du monde où la majeure partie du contenu des magazines est contrôlé par des intérêts étrangers. En 1948, les Canadiens achètent 86 489 exemplaires de magazines américains. Un an auparavant, Mackenzie King avait interdit l'importation des magazines à sensation et des bandes dessinées, mais cette mesure ne s'appliquait pas aux suppléments distribués avec les journaux. Le STAR WEEKLY de Toronto devient le distributeur exclusif de la plupart des bandes dessinées américaines, ce qui a un effet désastreux sur le tirage du supplément en rotogravure du Montreal Star le MONTREAL STANDARD. En guise de représailles, le Montreal Star lance le WEEKEND MAGAZINE en 1951, dont le tirage initial s'élève à 900 000 exemplaires. En 1952, le tirage combiné du Weekend et du Star Weekly est d'environ 2 millions d'exemplaires, soit 300 000 de plus que le tirage total des 4 principaux magazines canadiens de l'époque.

La publicité télévisée débute en 1952 et, en un an, son chiffre de vente atteint 1 335 000 $. Le triple obstacle que posent les suppléments, la télévision et les magazines américains semble insurmontable, jusqu'à ce que le gouvernement libéral impose, en 1956, une taxe sur la publicité aux éditions canadiennes de magazines américains. L'année suivante, cependant, le gouvernement conservateur la supprime.

Commission O'Leary

En 1960, Grattan O'LEARY, rédacteur en chef du OTTAWA JOURNAL, est nommé président de la Commission royale d'enquête sur les publications, qui a pour mandat d'étudier la situation et les perspectives d'avenir des magazines canadiens et d'autres périodiques, et de porter une attention particulière à la concurrence étrangère. La commission constate que 75 p. 100 des magazines d'intérêt général achetés au Canada sont des publications américaines, que le Time et le Reader's Digest prennent 40 cents de chaque dollar de publicité et qu'il n'existe que 5 magazines d'intérêt général purement canadiens, dont le Maclean's et le Liberty, aux prises avec de sérieuses difficultés financières. Le Liberty cesse d'ailleurs de paraître en 1964. Dans le rapport qu'elle dépose en 1961, la commission recommande que les dépenses faites au titre de la publicité dans les magazines importés ne soient plus admissibles comme déductions fiscales et que les périodiques étrangers contenant de la publicité canadienne soient interdits au Canada.

Le gouvernement DIEFENBAKER accepte les recommandations, en mettant des réserves toutefois quant aux magazines étrangers déjà établis au Canada, à savoir Time et Reader's Digest. Avant que ces changements aient pu être mis en oeuvre, les libéraux de Lester PEARSON prennent le pouvoir, et la question des magazines est reléguée aux oubliettes jusqu'à ce qu'un comité spécial du Sénat sur les moyens de communication de masse soit instauré en 1969. Présidé par le sénateur libéral Keith DAVEY, ce comité recommande, dans son rapport de 1970 intitulé The Uncertain Mirror, que les conclusions de la commission O'Leary soient mises en oeuvre. Entre la constitution de la Commission O'Leary et la parution du rapport Davey, le tirage du Reader's Digest a grimpé, passant de 1 million à près de 1,5 million. Le tirage du Time est passé de 215 000 à 444 000, et ses revenus publicitaires ont presque triplé, passant de 3,9 millions à 9,5 millions de dollars. À la même époque, la télévision attire une proportion croissante de la publicité et détruit la base économique des magazines de consommation de masse.

La situation continue de se détériorer jusqu'à ce qu'une autre commission royale d'enquête, ontarienne celle-là, soit mise sur pied. La Royal Commission on Book Publishing de l'Ontario dépose son rapport, qui contient quelque 70 recommandations, le 22 février 1973. Le 7 octobre 1974, Saturday Night, le plus vieux magazine canadien encore en activité, interrompt sa publication. La même année, un groupe d'éditeurs canadiens dirigé par Michael de Pencier, éditeur du Toronto Life (fondé en 1966 et principale publication de Key Publishers), forme l'Association canadienne des éditeurs de périodiques dans le but de promouvoir une industrie canadienne du magazine. Constituée en 1974, le groupe de pression offre des services de promotion, de distribution et de perfectionnement professionnel. En 1987, le groupe compte 260 membres.

Projet de loi C-58

Le 18 avril 1975, le gouvernement fédéral dépose le projet de loi C-58 dans le but d'éliminer, entre autres choses, les avantages fiscaux dont jouissent les éditions canadiennes de publications étrangères comme Time et Reader's Digest. Quatre jours plus tard, Saturday Niqht reprend ses activités. Après l'adoption du projet de loi, en février 1976, Time annonce la fin de son édition canadienne, et le dernier numéro paraît le 1er mars 1976.

L'un des groupes ayant le plus bénéficié de la loi C-58, MACLEAN HUNTER, la plus importante maison d'édition de magazines au Canada (109 magazines), désirait depuis longtemps faire du Maclean's un magazine d'information. Le lancement d'une telle publication, l'un des principaux objectifs du projet de loi comme l'avait déclaré le secrétaire d'État Hugh Faulkner aux Communes, a lieu le 18 septembre 1978 sous la direction de Peter C. NEWMAN.

La tendance la plus marquée dans le domaine de l'édition de magazines aujourd'hui, outre la présence continuelle et envahissante de magazines étrangers, est l'apparition de magazines traitant de modes de vie et de sujets bien spécialisés. Certains, comme Toronto Life ou Western Living, sont régionaux. Des études de marché poussées permettent de cerner avec précision des auditoires cibles (femmes de carrière, personnes au foyer, avocats, ou même des groupes plus précis comme les avocats qui voyagent) et de concevoir un produit dont le contenu publicitaire s'adresse expressément à ses lecteurs. La Commission Kent (1981) constate qu'un peu plus de 75 p. 100 de la population lit des magazines et que le lectorat est plus nombreux parmi les jeunes et les gens plus scolarisés.

Le terme « magazine d'intérêt général » n'a plus sa raison d'être sur le marché contemporain. Cela se vérifie dans le domaine des magazines à tirage limité, dont le nombre ne cesse de croître. Le plus important éditeur de magazines de ce genre, COMAC, a été fondé en 1966 et publie huit magazines dont Homemaker's/Madame au foyer, Quest (qui a cessé de paraître en 1984) et Western Living. À la fin de 1983, une entreprise concurrente lance le plus important magazine canadien sur le plan du tirage, Recipes Only, dont le tirage atteint deux millions d'exemplaires et qui constitue le plus bel exemple de la tendance actuelle, à savoir publier des magazines destinés à un auditoire restreint et bien délimité. Tous ces magazines vantent le luxe et s'adressent clairement à un public de classe moyenne ou supérieure. Ils affichent un internationalisme opulent plutôt qu'un nationalisme de clocher, ce qui, à certains égards, reflète les aspirations contemporaines de la classe moyenne canadienne.Voir aussi REVUES LITTÉRAIRES DE LANGUE ANGLAISE; PÉRIODIQUES LITTÉRAIRES DE LANGUE ANGLAISE.

SANDRA MARTIN

Magazines de langue française

Dès leur apparition, les magazines veulent non seulement informer mais aussi instruire et divertir les lecteurs. Cette vision guide Samuel Nielson lorsqu'il lance The Quebec Magazine/Le magasin de Québec (1792-1794). Ce mensuel bilingue de 64 pages présente des extraits de publications européennes et américaines, et le tout est illustré par ce que l'on considère comme les premières gravures publiées dans un magazine. Dans la même lignée, mais avec moins de succès, apparaissent Le Courrier de Québec (1807-1808) et L'Abeille canadienne (1818-1819). Toutefois, La Bibliothèque canadienne (1825-1830) de Michel Bibaud publie des extraits de journaux, de la poésie, des anecdotes et des événements locaux, et chaque numéro contient une tranche de l'Histoire du Canada de Bibaud. Pourtant, même si le magazine trouve preneur de Québec à Detroit, son fondateur considère l'aventure comme un demi-succès, parce qu'il ne touche qu'une élite et pas le peuple. La Bibliothèque cède alors la place à L'Observateur (1830-1831) qui, grâce à une périodicité hebdomadaire, peut s'attarder aux nouvelles locales et, ainsi, intéresser un public plus vaste. Dans Le Magasin du Bas-Canada (1832) et dans L'Encyclopédie canadienne (1842-1843), Bibaud reprend cependant la formule de La Bibliothèque, donnant de nouveau priorité à la culture.

À cette époque, les magazines entreprennent une lutte qui reste déterminante pour leur avenir, une lutte contre l'Église catholique, toute-puissante dans le Québec du XIXe siècle. L'un des premiers conflits d'importance éclate en 1851 lorsque Narcisse Cyr décide qu'il est grand temps de dévoiler les abus commis par les représentants de l'Église. Il le fait par le biais du Semeur canadien, magazine déclaré hérétique et dangereux dont les lecteurs, à la suite d'une déclaration de l'archevêque de Montréal, sont passibles d'excommunication. La lutte prend de l'ampleur en 1864 quand le pape Pie IX publie son Syllabus, qui proscrit certains livres. Monseigneur Ignace BOURGET se lance alors dans une croisade visant à empêcher l'apparition de toute nouvelle publication au Québec. L'Index comprend environ 20 000 titres, implique plus de 8000 auteurs et cause la disparition plus ou moins rapide de plusieurs publications, dont Le Canada (1889-1909), qui dénonce le système scolaire catholique et les abus d'autorité commis par l'Église. À son tour, il trouve rapidement une place dans L'Index, ce qui entraîne une baisse substantielle de ses revenus. Ses ventes, qui rapportent d'abord plus de 350 $ par mois, atteignent à peine 25 $ en décembre 1893.

Les périodiques à caractère purement littéraire, comme Les Soirées canadiennes (1861-1865), subissent moins l'emprise de l'Église. En fait, ce mensuel très populaire, qui rassemble des collaborateurs aussi prestigieux que François-Xavier GARNEAU, Antoine GÉRIN-LAJOIE et l'abbé Henri-Raymond CASGRAIN, provoque lui-même sa perte lorsqu'un conflit d'ordre administratif divise son comité de rédaction. De cette division naît Le Foyer canadien (1863-1866), mensuel dans lequel seront publiées poésies et critiques écrites par la crème des auteurs et poètes canadiens. Considéré par plusieurs comme le meilleur magazine littéraire canadien du XIXe siècle, Le Foyer est publié à 2075 exemplaires et a des lecteurs de Chicoutimi à Detroit.

À la fin du XIXe siècle, le manque d'argent ajoute à la précarité des magazines francophones. C'est ainsi que, après trois ans, Georges DESBARATS doit cesser la publication du Foyer canadien et de L'Opinion publique illustrée (1870-1883), l'équivalent francophone du Canadian Illustrated News. Les Nouvelles Soirées canadiennes (1882-1888) font leurs adieux dans des circonstances semblables.

En 1888, Frédéric Poirier lance Le Samedi (1888-1963), un petit magazine qui devient rapidement, avec Le Monde illustré (1884-1907) de Trefflé Berthiaume, l'un des périodiques les plus importants de la première décennie du XXe siècle. Tout d'abord humoristique, Le Samedi se transforme, après la Deuxième Guerre mondiale, en organe d'information générale. Il devient ensuite un magazine à sensation, connu à partir de 1963 sous le titre de Nouveau samedi. Le Monde illustré, pour sa part, prend la relève de L'Opinion publique. Il tient, avec La Revue canadienne (1864-1922), une place importante dans la vie des intellectuels francophones du début du siècle.

La concentration de la population dans les villes et une scolarisation plus généralisée font que les revues traditionnelles ne répondent plus aux besoins de leurs lecteurs qui, de plus en plus, proviennent de la masse. Une masse qui recherche la vulgarisation, la variété, la légèreté et le divertissement proposés par les magazines américains et français. Paraît alors La Revue populaire (1907-1963) dont le tirage passe, en moins de 50 ans, de 5000 à plus de 125 000 exemplaires. S'adressant à toute la famille, il publie des feuilletons, un courrier familial, des faits divers et donne des nouvelles du front pendant la Première Guerre mondiale. L'entre-deux-guerres lui est cependant fatal, tout comme à l'austère Canada français (1918-1946) : devant leur nombre croissant, pour attirer le lecteur et survivre, les magazines doivent avoir une présentation alléchante, convaincre les commanditaires et, surtout, se spécialiser. La Revue populaire tente alors de se rallier une clientèle féminine. Celle-ci se montre cependant fidèle à La Revue moderne (1918-1960), l'un des premiers magazines dirigé par une femme (Madeleine Huguenin). Très visuel et financé autant par la publicité que par les ventes, cette revue attire l'attention de Maclean Hunter. En octobre 1960, La Revue moderne fusionne avec une version française de Chatelaine. Cinq mois plus tard, CHÂTELAINE tire à 125 000 exemplaires. L'ère des magazines modernes est définitivement établie au Canada français.

La spécialisation qui commence après la Deuxième Guerre mondiale s'intensifie au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Les publications professionnelles font leur apparition sur le marché, et les magazines de consommation prennent de plus en plus d'ampleur. Selon une étude de Statistique Canada, en 1984, on trouvait plus de 270 magazines francophones visant de nombreux groupes d'intérêts parmi le public, allant des arts, de l'agriculture et de l'astrologie à l'informatique et au traitement des données, aux jeunes, à la littérature, aux loisirs et aux sports, à la mode et à la santé. On remarque que les magazines littéraires, quoique toujours présents, sont beaucoup moins en vue. Par contre, la hausse du taux de scolarisation fait le succès de périodiques d'intérêt général comme le Sélection du Reader's Digest et favorise l'éclosion de magazines d'information comme L'ACTUALITÉ (270 000 exemplaires en 1986). D'autres tendances sociales suscitent l'apparition de revues comme Âge d'or/Vie nouvelle (35 000 exemplaires en 1986), La vie en rose (25 000 exemplaires en 1986), l'immuable Châtelaine (300 000 exemplaires en 1986) ainsi que Super Écran (180 000 exemplaires en 1986) destiné aux abonnés de la télévision payante.

Un autre phénomène semble tout autant caractéristique du présent que garant de l'avenir des magazines : la concentration. Pour survivre à la compétition féroce que se livrent les périodiques, il est de plus en plus essentiel de s'assurer d'immenses ressources financières, lesquelles se trouvent plus souvent dans les poches de sociétés que dans celles de particuliers. C'est pourquoi différents groupes comme les Éditions le Nordais, Maclean Hunter Ltée, QUEBECOR INC., Télémédia Publishing et Québecmag (1984) se sont spécialisés dans l'édition de périodiques ou, tout au moins, développent depuis quelque temps une section magazine. Ce qui indique bien que, même à l'heure de l'informatique, ce genre de média écrit a encore sa nécessité. Pour le lecteur, il s'avère un outil permettant d'approfondir divers sujets d'intérêt. Pour l'annonceur, il se traduit par une concentration de personnes cibles. Bref, loin d'être désuet, le magazine francophone au Canada est entré dans son âge d'or.Voir aussi PÉRIODIQUES LITTÉRAIRES DE LANGUE FRANÇAISE.

SONIA SARFATI

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