Mackenzie King, l'alchimiste | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Mackenzie King, l'alchimiste

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

En décembre 1921, de mystérieux messages codés piquent la curiosité d'un télégraphiste de Winnipeg. Les messages sont signés «A.H.» et adressés au premier ministre. Grâce à un télégraphiste bavard, l'histoire tombe dans l'oreille du docteur Rambeau, un vétérinaire libéral et mécontent de Winnipeg. Rambeau comprend immédiatement que «A.H.» ne peut être que Andrew Haydon, un émissaire du premier ministre Mackenzie King. Il fait le tour des hôtels de la ville et découvre Haydon à l'hôtel Fort Gary. Le secret est éventé : King qui, après l'élection de 1921, se retrouve sans majorité à la Chambre des communes, a envoyé Haydon courtiser le chef du Parti progressiste, T.A. Crerar.

Rambeau, tout comme la plupart des libéraux de l'Est, déteste le Parti progressiste. Ce parti de protestation de l'Ouest a remporté 64 sièges, rendant ainsi la formation d'une majorité difficile pour King. Cependant, ce dernier est passé maître dans l'art de former des coalitions à partir de fragments politiques.

L'élection fédérale de 1921 révèle d'importantes divisions régionales dans le pays et, avec 64 sièges, les progressistes de l'Ouest détiennent la balance du pouvoir. Si King doit former un cabinet qui satisfera ses puissants supporters du Québec (dont son parti a remporté tous les sièges), il n'en espère pas moins convaincre les progressistes de se joindre à lui.

Le dilemme de Crerar paraîtrait familier à un observateur politique d'aujourd'hui. Il est prêt à se joindre au gouvernement et à user de son influence pour réaliser au moins une partie du programme progressiste, mais ses partisans s'y opposent. Le groupe radical de l'Alberta, en particulier, s'oppose absolument à la politique partisane. Poussés par les mécontentements régionaux et préoccupés par des problèmes particuliers, les progressistes ne sont pas en mesure de traiter avec King, le maître du compromis et de la chicane.

W.L.M. King pendant la campagne électorale de 1926 (avec la permission des Archives nationales du Canada/PA-13886).

King forme son cabinet. Les progressistes n'en font pas partie, mais leurs ennemis dans l'Est acceptent volontiers les postes qui leur sont offerts. Forcés par leur haine des conservateurs à soutenir King quand il le leur demande, les progressistes se désintègrent lors des deux élections suivantes et reviennent au Parti libéral en nombre suffisant pour permettre à King de garder le pouvoir pendant encore près de vingt ans. Une autre faction du Parti Progressiste forme le Ginger Group, qui créera finalement la Fédération du Commonwealth coopératif (ancêtre du NPD). Quant au Parti conservateur, après deux cuisantes défaites aux élections de 1935 et de 1940, il cherche à se renouveler en se choisissant un progressiste comme chef et adopte comme nom l'oxymoron : progressiste-conservateur.

«Le Canada est un pays difficile à gouverner», selon John A. Macdonald, premier premier ministre du Canada. Ce sentiment se perpétue durant toute notre histoire, mais pour gouverner, il faut se faire élire. L'élection d'un gouvernement national au Canada exige une formule complexe capable de concilier des intérêts divergents, ce qui a plutôt été le ressort du Parti libéral. Laurier, Saint-Laurent, Pearson, Trudeau et Chrétien ont tous suivi la formule avec succès, mais l'alchimiste en chef est William Lyon Mackenzie King.