Le Livre blanc de 1969 (officiellement connu sous le nom « La politique indienne du gouvernement du Canada, 1969 ») était un document politique du gouvernement du Canada qui a tenté d’abolir les documents légaux antérieurs portant sur les peuples autochtones au Canada, y compris la Loi sur les Indiens et les traités autochtones. Il tentait d’assimiler tous les peuples « indiens » dans la société canadienne. Proposée par le ministre des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Jean Chrétien, et par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau, la politique a soulevé de nombreuses critiques. En effet, son but était d’éliminer le statut d’« Indien », d’incorporer les Premières Nations aux responsabilités gouvernementales provinciales, et d’imposer les décisions en matière des terres, les notions de propriété privée et les programmes économiques aux communautés autochtones. La réaction défavorable au Livre blanc de 1969 était prodigieuse, et a mené non seulement à son annulation en 1970, mais aussi à une vague d’activisme, de travaux universitaires et de décisions des tribunaux au cours de prochaines cinq décennies. (Voir aussi Autochtones: organisations et activisme politiques ; Droit des Autochtones.)
Qu’est-ce que le Livre blanc de 1969?
Le Livre blanc de 1969 (officiellement connu sous le nom « La politique indienne du gouvernement du Canada, 1969 ») est un document politique du gouvernement du Canada, présenté au Parlement par le ministre des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Jean Chrétien, et par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau. La politique a pour but d’abolir les documents légaux antérieurs portant sur les peuples autochtones au Canada (notamment, la Loi sur les Indiens). Elle tentait également d’éliminer les traités autochtones et d’assimiler tous les « Indiens » dans la société canadienne.
Contexte
Vers les années 1960, l’impact de la colonisation européenne a des effets désastreux sur les populations autochtones partout au Canada. La population de bien des communautés a été réduite de jusqu’à 90 % par la maladie, l’interruption des voies d’approvisionnement d’aliments et de commerce, la guerre et l’industrialisation. Ces facteurs, combinés à une série de politiques oppressives, comme la Loi sur les Indiens de 1876 et les pensionnats, imposent sur les peuples autochtones la pauvreté, des conflits et un taux alarmant de mortalité. (Voir aussi Conditions sociales des peuples autochtones au Canada.) Entre-temps, le gouvernement du Canada promet, par des traités autochtones et d’autres documents juridiques, de reconnaître la souveraineté, les titres et les revendications territoriales des Premières Nations.
Grâce à un mouvement naissant des droits civiques et à l’impact énorme des soldats autochtones dans la Première Guerre mondiale et la Deuxième Guerre mondiale, les Canadiens commencent ouvertement à s’interroger sur la discrimination et le mauvais traitement institutionnels et de longue durée des peuples autochtones. (Voir aussi Les peuples autochtones et les guerres mondiales; Ségrégation raciale des peuples autochtones au Canada.) En 1963, l’anthropologue Harry B. Hawthorn est engagé par le gouvernement fédéral pour poursuivre une enquête sur certaines conditions sociales des Autochtones au Canada. Son rapport, Étude sur les Indiens contemporains du Canada: Besoins et mesures d’ordre économique, politique et éducatif, étiquette les peuples autochtones de « citizens minus »: les plus marginalisés et désavantagés de la population canadienne.
En réponse au rapport de Harry B. Hawthorn, en 1968, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau entreprend une série de consultations auprès des dirigeants autochtones au sujet d’une nouvelle orientation. Lors de ces rencontres, les dirigeants autochtones expriment au gouvernement leurs inquiétudes que les traités et les droits ancestraux spéciaux n’aient jamais été reconnus ni accordés, que des griefs historiques se sont présentés ou n’ont pas été traités (surtout dans le cas des revendications territoriales) et que les peuples autochtones ont été négligés dans le processus d’élaboration de politiques canadiennes.
Contenu du Livre blanc de 1969
Lorsqu’ils présentent le Livre blanc, en 1969, le ministre des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada Jean Chrétien et le premier ministre Pierre Elliott Trudeau proposent de régler définitivement les questions autochtones. Le Livre blanc indique que les politiques qui portent sur les Premières Nations sont discriminatoires, puisqu’elles ne s’appliquent pas aux Canadiens en général. Ils proposent d’éliminer le statut juridique séparé d’« Indien », ce qui ferait des membres des Premières Nations des citoyens « égaux » aux autres Canadiens.
Les auteurs proposent aussi de démanteler le ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada dans un délai de cinq ans, de mettre fin à la Loi sur les Indiens et d’annuler tous les traités entre les Premières Nations et le Canada. Le Livre blanc visait à convertir les terres de réserves en des propriétés privées des bandes ou de leurs membres et de transférer toutes les responsabilités des services aux gouvernements provinciaux. Il proposait aussi de nommer un commissionnaire pour régler toutes les revendications des terres et fournir des fonds pour le développement économique. En même temps, Jean Chrétien et Pierre Trudeau voient le Livre blanc comme une façon d’éliminer les coûts provenant de l’administration des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et des responsabilités liées aux traités.
Réactions au Livre blanc de 1969
La réaction défavorable au Livre blanc de 1969 était prodigieuse. Une opposition importante a vu le jour au sein de plusieurs organisations, y compris la Fraternité des Indiens du Canada (maintenant l’Assemblée des Premières Nations) et ses sections provinciales. Beaucoup pensent que le document néglige des questions soulevées au cours des consultations et semble être une tentative finale d’assimiler les peuples autochtones à la population canadienne. Les dirigeants croient qu’au lieu de traiter de façon équitable et appropriée avec les Premières Nations, le gouvernement fédéral se décharge de ses promesses historiques et de ses responsabilités. Ce seront plutôt les provinces, avec qui les Premières Nations n’ont pas établi de relations, qui devront aborder les revendications de longue date.
Une importante figure partageant cette réaction est Harold Cardinal, un chef cri de l’Association des Indiens de l’Alberta. En 1970, Harold Cardinal et l’Association des Indiens de l’Alberta rejettent le Livre blanc en publiant un document, Citizens Plus, qui sera connu comme le Livre rouge. Le Livre rouge défend avec vigueur les droits issus des traités et le droit des Autochtones aux terres, aux services publics et à l’autodétermination. Les dirigeants autochtones, dont Cardinal ainsi que John Snow et Adam Soloway, ont rencontré le cabinet libéral au Parlement pour présenter le Livre rouge.
Une autre réaction importante au Livre blanc vient de la Colombie-Britannique: en novembre 1969, une conférence y accueille plus de 140 bandes et résulte en la création de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique. Cet organisme rejette le Livre blanc et produit un document, A Declaration of Indian Rights: The BC Indian Position Paper. Aussi connu sous le Livre brun, ce document soutient que les peuples autochtones continuent à détenir le titre ancestral des terres. Le Livre brun vise à protéger la relation spéciale et juridique entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral, en plus de militer pour l’autodétermination des peuples autochtones.
Des documents et des politiques semblables ont été créés par des organisations au Manitoba, en Saskatchewan et dans l’est du Canada. Des marches et des manifestations publiques dénoncent le Livre blanc de Pierre Trudeau et demandent des actions justes et appropriées vis-à-vis des questions autochtones. Ce mouvement est connu sous l’appellation « Red Power ». (Voir aussi Autochtones: organisations et activisme politiques.)
Conséquences et héritage
En réponse aux réactions défavorables, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau annule le Livre blanc en 1970 et déclare en colère: « We’ll keep them in the ghetto as long as they want. » Les militants autochtones et leurs alliés continuent à travailler sur les enjeux soulevés à l’époque. En 1973, la Cour suprême conclut sur l’affaire Calder en Colombie-Britannique, convenant que le titre ancestral des terres existait avant la colonisation européenne de l’Amérique du Nord. La Loi constitutionnelle de 1982 inclut la section 35, qui reconnaît et affirme les droits ancestraux et issus des traités au Canada. (Voir aussi Droit des Autochtones au Canada.)
Plusieurs, cependant, continuent d’affirmer que l’esprit et le dessein du Livre blanc de 1969 et la renonciation des responsabilités envers les peuples autochtones de la part du Canada continuent d’être un objectif à long terme des gouvernements fédéraux successifs. Cela est particulièrement ressenti au cours des négociations constitutionnelles de l’accord du lac Meech, qui excluent les Premières Nations et qui ont comme conséquence le vote « non » du député provincial manitobain Elijah Harper, vote qui a contribué à l’échec de l’entente au complet. L’héritage du Livre blanc de 1969 se fait ressentir encore aujourd’hui dans les réunions de politiques gouvernementales, au sein des groupes de militants canadiens et autochtones, et dans les cercles académiques et les communautés de base.