Lionel-Adolphe Groulx, historien, prêtre et porte-parole nationaliste du peuple canadien-français (né le 13 janvier 1878 à Vaudreuil
, au Québec; décédé le 23 mai 1967 à Vaudreuil). Lionel Groulx est une importante figure intellectuelle pour le mouvement nationaliste québécois,
mais est également une figure controversée pour ses tendances antisémites (voir aussi Controverse Delisle-Richler).
Lionel Groulx est à la fois l’historien le plus en vue du Canada
français jusqu’aux années 1960 ainsi que le défenseur et le vulgarisateur le
plus important de la cause du nationalisme canadien-français après Henri Bourassa. Reconnu pour ses idées et sa
direction de groupes nationalistes, Lionel Groulx critique la confédération et
transmet à des milliers de jeunes gens un sens de la fierté de l’histoire des
Canadiens français. Source de controverses, il est également accusé d’avoir
contribué à l’antisémitisme dans ses écrits personnels et publiés sous divers
pseudonymes.
Études et consécration
Né au sein
d’une famille rurale paysanne, Lionel Groulx fréquente l’école du village et
fait ses études classiques au séminaire de Sainte-Thérèse de Blainville. Son
éducation très religieuse, tant à la maison qu’à l’école, le conduit à être
prêtre catholique et enseignant. En qualité d’étudiant, puis de prêtre, il
enseigne la littérature et l’histoire au collège de Valleyfield (aujourd’hui,
Salaberry-de-Valleyfield) de 1900 à 1915. Il interrompt son enseignement de
1906 à 1909 afin de poursuivre des études supérieures en théologie et en
linguistique en Europe.
Professeur d’histoire
Durant ses
premières années d’enseignement, Lionel Groulx développe les deux passions de
sa vie : son engagement envers les jeunes et l’étude de l’histoire. En 1904, il
crée l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française, un organisme
provincial regroupant des étudiants dans toute la province, qui incite ses
membres à cultiver et à mettre en pratique de grands idéaux religieux et
sociaux. Historien autodidacte, il tire des enseignements du passé pour ses
étudiants. Il écrit également un grand nombre de livres d’histoire sur le
Canada français.
Inspiré
par François-Xavier Garneau, pour qui la Conquête est un désastre pour les
Canadiens français, il développe l’idée de Garneau consistant à concevoir l’histoire
comme une lutte des Canadiens français pour leur survie à travers les époques. Cette
approche remet complètement en question la conviction ’de l’époque selon
laquelle la présence anglophone au Québec est bénéfique et la soumission des
Canadiens français est naturelle. En 1915, Lionel Groulx est nommé titulaire de
la première chaire d’histoire du Canada à l’Université Laval à Montréal (voir Université de Montréal), poste qu’il occupe jusqu’en 1949.
Nationalisme
Lionel Groulx
voit la politique à travers les yeux d’Henri Bourassa. La question des écoles de l’Ontario et la participation du Canada
à la Première Guerre mondiale le rendent amer face à la
situation des francophones au Canada. Avec des amis de la Ligue des droits du
français, il se préoccupe de l’affaiblissement du statut de la langue française
face à l’anglais dans le monde du commerce et de l’industrie. Les Canadiens
français doivent réclamer les mêmes droits et le même statut que les Canadiens anglais,
dit-il.
De 1920 à
1929, il dirige une revue mensuelle, l’Action française, et anime le mouvement nationaliste
du même nom. Lionel Groulx revient sans cesse sur la question de la survie du
français et du catholicisme dans un environnement urbain et industriel
anglo-saxon. Il caresse même l’idée d’un État autonome pour le Canada français
: la Laurentie. Il prend soin d’éviter le
mot séparatisme et nie toute sa vie l’avoir
préconisé. L’idée y est néanmoins. Les Canadiens français pourraient alors organiser
à leur façon les volets sociaux, économiques et politiques de leur existence,
en puisant leur inspiration dans leur religion, leur passé et leur culture.
Lionel Groulx
nourrit cet idéal tout au long des périodes les plus sombres de l’histoire du
Québec moderne. Pendant la Crise des années 1930, il s’engage dans une autre publication
nationaliste, l’Action nationale, qui soutient que la crise résulte
d’une industrialisation excessive encouragée par les capitalistes américains et
soutenue par un gouvernement provincial trop généreux. Lors de la Deuxième Guerre mondiale qui mène à une seconde crise de la
conscription, Lionel Groulx accuse ouvertement les Canadiens anglophones de
diviser le pays sur cet enjeu que la majorité des Canadiens français s’oppose
fortement (voir aussi Conscription au Canada).
À ce stade
de sa vie, l’influence de Lionel Groulx est telle qu’il est une autorité
incontournable dans les cercles nationalistes canadiens-français. Plusieurs
futurs nationalistes influents tels qu’André Laurendeau sont fortement inspirés par ses
enseignements.
Antisémitisme
Plusieurs
disciples de Lionel Groulx ont cependant des tendances antisémites prônées par
une partie considérable de la classe intellectuelle canadienne-française de
l’époque. Ces derniers voient les Juifs comme étant une menace à la survie du
peuple canadien-français. Cet antisémitisme se propage à travers des
organisations comme Jeune-Canada et des publications telles que Le Devoir et l’Action nationale. Lionel
Groulx lui-même publie (sous le pseudonyme de Jacques Brassier) du contenu hostile
envers la communauté juive dans l’Action nationale. Il accuse notamment
les Juifs d’être une menace économique et de propager le communisme. Lionel
Groulx appuie aussi le mouvement « Achat chez nous » qui a pour
conséquence d’encourager un boycottage des commerces juifs pour favoriser les
entreprises canadiennes-françaises.
Cléricalisme
Dans les
années 1950, alors que la Révolution tranquille se propage, Lionel Groulx
reproche à la nouvelle génération de vouloir se débarrasser de son héritage
catholique. Pour lui, le nationalisme canadien-français doit aller ensemble
avec la foi catholique.
Alors que
le Québec est de plus en plus laïque, Lionel Groulx insiste sur l’héritage
religieux de la province dans son œuvre majeure Histoire du Canada
français publié en 4 tomes entre 1950 et 1952 ainsi que dans la revue d’histoire
qu’il fonde en 1947 et dirige jusqu’à sa mort : la Revue d’histoire de l’Amérique
française.
Il partage toutefois avec la jeune génération son dégoût pour Maurice Duplessis et son enthousiasme pour le
début de la Révolution tranquille.
Il conserve
sa ferveur nationaliste jusqu’au jour de sa mort. Deux semaines avant son
décès, il discute encore d’histoire au pavillon de la Jeunesse d’Expo 67. Le jour même de sa mort, son
ouvrage Constantes de vie est lancé : le dernier des 30 ouvrages
qu’il rédige durant sa vie.
Mémoire et controverse
Important
intellectuel pour le mouvement nationaliste québécois et pour son désir d’affirmation
sociopolitique, Lionel Groulx est commémoré par plusieurs lieux incluant une
station de métro à Montréal (voir Métro de Montréal) et un pavillon à l’Université de
Montréal.
Figure
controversée, il est également la cible de critiques pour ses positions sur l’eugénisme,
la race, les régimes fascistes et surtout la communauté juive (voir Controverse Delisle-Richler). La discussion
sur l’antisémitisme de Lionel Groulx se perpétue jusqu'à nos jours. En 2020, une pétition est lancée pour renommer la station Lionel-Groulx au
nom d’Oscar Peterson. Ceci déclenche un débat sur l’héritage historique de Lionel Groulx et sur l’enjeu de la
représentation culturelle des Canadiens noirs.
Prix et distinctions
Médaille Chapleau (1898)
Médaille du Gouverneur général du Canada (1899)
Chanoine honoraire du diocèse de Montréal (1943)
Prix de l’Académie française (1931)
Médaille J. B. Tyrrell en histoire (1948)
Professeur émérite de l’Université de Montréal (1949)
Prix Léo-Pariseau (1963)
Prix du grand jury des lettres (1963)