Linguistique
La linguistique est l'étude du LANGAGE. Le langage accompagne presque toutes les activités humaines, et en est bien souvent le véhicule. Objet de spéculation et de recherche au fil de l'histoire, l'étude du langage a pris au XXe siècle le nom de « linguistique », terme qui traduit l'importance acquise de nos jours par cette discipline qui comporte des méthodes et des techniques bien particulières.
Les fondements de cette discipline moderne remontent au début du XXe siècle. C'est Ferdinand de Saussure, professeur à l'université de Genève, qui rassemble en une théorie cohérente les résultats de diverses études sur les langues. Dans les trois décennies qui suivent, de nombreux chercheurs vont enrichir et raffiner le système élaboré par de Saussure. Nikolas S. Trubetzkoy et Roman Jakobson (URSS), Edward SAPIR et Leonard Bloomfield (États-Unis), J.R. Firth (Grande-Bretagne), Louis Hjelmslev (Danemark) et André Martinet (France) figurent parmi les premiers linguistes. Depuis 1950, la linguistique s'est solidement établie dans le monde entier. On doit son développement rapide aux travaux stimulants et souvent controversés du linguiste américain Noam Chomsky, dès son premier ouvrage Syntactic Structures (1957). Les idées de Chomsky constituent un défi non seulement pour la tradition établie par de Saussure, mais aussi pour les philosophes, les mathématiciens et les psychologues.
Linguistique au Canada
Le Canada est riche en langues, avec des dizaines de langues autochtones (voir AUTOCHTONES, LANGUES DES), deux langues officielles (voir LANGUE ANGLAISE; LANGUE FRANÇAISE) et plusieurs langues d'immigrants, comme l'italien, le portugais, l'ukrainien, le grec, le chinois et le japonais (voir ETHNIES, LANGUES DES). Une grande partie des signes distinctifs du Canada sur les plans politique, culturel et social ainsi que beaucoup de sujets litigieux au niveau national s'expliquent par le multilinguisme. La langue et l'étude des langues jouent un rôle important dans la société canadienne. C'est pourquoi l'étude de la linguistique en tant que discipline systématique a trouvé au Canada un terrain fertile.
Pendant plusieurs années, les linguistes ont travaillé individuellement dans les services du gouvernement, dans les musées ou encore dans les départements d'ANTHROPOLOGIE et de langues des universités. Le premier département de linguistique (qui est toujours un des plus grands au Canada) s'ouvre à l'U. de Montréal à la fin des années 40, sous l'impulsion de Jean-Paul Vinay qui a rassemblé des collègues de plusieurs départements. Lorsque des chercheurs de tous les coins du pays se réunissent à l'U. du Manitoba en 1954 pour former la Canadian Linguistic Association/l'Association des linguistes du Canada, une étape décisive est franchie, ouvrant la voie à cette discipline. Henri Alexander de l'U. Queen en devient le premier président (1954-1956). D'autres membres fondateurs lui succèdent dans les premières années : Gaston Dulong, J.B. Rudnyckyj, E.R. Seary, Vinay, M.H. Scargill, Jean Darbelnet et Walter S. Avis. Ils commencent également à publier The Canadian Journal of Linguistic qui, de ses modestes débuts en 1954, deviendra par la suite un forum international pour la recherche en linguistique.
Au cours des années 60, beaucoup d'universités, à commencer par l'U. Laval à Québec (1961), s'agrandissent pour ouvrir des départements de linguistique. Les universités anglaises du Canada les rattrapent quelques années plus tard. Les universités Memorial, de Toronto, d'Alberta et Simon Fraser élargissent leurs programmes de linguistique pour en faire des départements à part entière. Dès 1975, des départements sont créés à Sherbrooke, à McGill, à l'UQAM, à Ottawa, à Carleton, à Calgary, à l'U. de la Colombie-Britannique et à Victoria. Aujourd'hui, même s'il ne s'est pas ouvert de nouveaux départements, la plupart des universités canadiennes enseignent cette discipline.
Représentation mentale de la langue
Les linguistes cherchent à découvrir les principes qui sous-tendent l'aptitude humaine pour le language. Ils partent d'observations qui sautent aux yeux : tous les locuteurs d'une langue peuvent produire et comprendre un nombre illimité de phrases. Leur aptitude se développe rapidement à un jeune âge, sans apprentissage ou enseignement conscient. Ils savent automatiquement lorsqu'une phrase est grammaticale, est logique ou est ambiguë. Ils ne peuvent cependant pas découvrir les principes régissant leur aptitude linguistique simplement en pensant à ce qui se passe dans leur tête au moment où ils parlent.
La représentation mentale qui permet au locuteur d'utiliser la langue s'appelle la grammaire (à ne pas confondre avec les règles destinées à aider les étudiants à mieux écrire). Ces quelques observations simples à propos de la langue montrent que la grammaire n'est pas un dispositif simple. Elle doit être un dispositif fini capable d'une production infinie, car chaque être humain peut produire et comprendre un ensemble potentiellement illimité d'expressions. Cet ensemble est organisé en différents niveaux, étant donné que les locuteurs peuvent juger leurs phrases de plusieurs façons. Ce processus est subconscient (ou tacite). Il est inné plutôt qu'acquis. Ainsi, l'étude de la grammaire constitue le noyau de la linguistique.
Utilisation sociale de la langue
Les résultats de l'étude de la grammaire sont appliqués à l'interaction humaine dans plusieurs sous-domaines. Parmi ces derniers, les plus actifs au Canada sont la phonétique, ou l'étude physiologique et acoustique des sons du langage ; la psycholinguistique, étude expérimentale des processus qui permettent de comprendre et de produire des énoncés ; la linguistique du développement, c'est-à-dire l'observation des voies par lesquelles les enfants acquièrent et développent leurs capacités langagières ; la dialectologie, ou l'étude des variations régionales parlées du français, de l'anglais ou des LANGUES AUTOCHTONES ; et la sociolinguistique, ou l'étude des relations entre langage, culture et société.
La linguistique est appliquée dans plusieurs domaines, notamment la lexicographie (la préparation de DICTIONNAIRES), la TRADUCTION, l'enseignement des langues secondes (principalement la LANGUE ANGLAISE et la LANGUE FRANÇAISE), et dans les conflits d'ordre juridique (l'OBSCÉNITÉ, les MARQUES DE COMMERCE, la diffamation, etc.).
Mosaïque culturelle et multilinguisme
La Canada est reconnu sur le plan international pour sa diversité. Au lieu d'être un creuset linguistique dans lequel on demande aux émigrants de s'intégrer rapidement, le Canada représente une mosaïque culturelle. Le MULTICULTURALISME ne va pas sans le multilinguisme et, sous cet aspect, le Canada constitue un laboratoire vivant pour la linguistique moderne.
Voir aussi CULTURE; ETHNIES, RELATIONS ENTRE RACES ET.