Les femmes et le sport au Canada : une histoire | l'Encyclopédie Canadienne

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Les femmes et le sport au Canada : une histoire

Pendant des centaines d’années, très peu de sports étaient considérés appropriés pour les femmes, que ce soit en raison de leur prétendue fragilité physique ou les prétendus dangers moraux d’un exercice vigoureux. Toutefois, depuis la fin du 19e siècle, les femmes du Canada se sont mises à participer à de plus en plus de sports, non seulement à ceux qui étaient considérés comme étant gracieux et féminins, mais également aux sports suintants et violents traditionnellement pratiqués uniquement par les hommes (comme le hockey, la boxe, le soccer et le rugby).

Christine Sinclair, soccer player

Les femmes autochtones et le sport à l’époque précoloniale

Bien que les historiens en connaissent relativement peu sur la vie des femmes autochtones à l’époque précoloniale, il est probable que celles-ci participent à certains sports et compétitions, y compris les précurseurs du shinny, de la crosse, et du football. Dans plusieurs tribus, le sport est réservé aux hommes seulement, mais dans d’autres, certains jeux sont pratiqués par les femmes seulement ou les deux sexes. Le shinny, un jeu semblable au hockey, est souvent considéré comme un sport pour femmes. Les joueuses utilisent un bâton courbé pour frapper une petite balle faite de bois ou de peau de daim rembourrée sur la terre ou sur la glace. La double balle, un jeu plus difficile et plus rapide que le shinny, est principalement pratiquée par les femmes; les joueuses utilisent de longs bâtons pour lancer deux balles attachées ensemble avec une corde. À cette époque, les femmes autochtones jouent également à des jeux semblables au football, et lorsqu’elles jouent avec les hommes, elles sont souvent autorisées à lancer le ballon (tandis que les hommes doivent le frapper avec le pied). Bien que le baggataway et le tewaarathon, les précurseurs de la crosse, soient généralement considérés comme des jeux pour hommes, les femmes ont parfois le droit d’y jouer. Cependant, la colonisation par les Européens limite les occasions de jouer des femmes autochtones, car elles sont de plus en plus confinées dans de petits établissements et soumises aux idées européennes sur les comportements féminins appropriés.

Lacrosse

Les femmes et le sport à l’époque coloniale

L’arrivée des colons européens amène de nouveaux passe-temps et jeux et des idées différentes sur la place des femmes dans la société et dans le sport. Les commerçants français et britanniques, les militaires et les colons introduisent de nouveaux sports, mais la plupart sont principalement réservés aux hommes. Les femmes ont rarement l’occasion de participer à des sports, et les rares activités récréatives considérées comme acceptables pour les femmes sont habituellement réservées aux femmes blanches des classes supérieures. En Nouvelle-France au milieu du 17e siècle, on encourage les femmes de la classe supérieure à pratiquer l’équitation (en selle d’amazone), une activité considérée saine. Elles voyagent également en traîneau (ou en carriole) durant l’hiver et en calèche durant l’été. Dans les grands centres, des écoles de danse enseignent aux jeunes femmes les danses populaires de l’époque, comme les menuets, les hornpipes, les cotillons et les danses de campagne.

La société coloniale et le monde du sport changent considérablement après la conquête de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne en 1763. Des garnisons militaires britanniques sont établies à Québec et à Montréal, ainsi qu’à Halifax, Saint John, Fredericton, York (aujourd’hui Toronto), Kingston, et Niagara. En plus d’une différente langue et d’une nouvelle culture, les officiers et les propriétaires fonciers britanniques amènent avec eux de nouveaux sports dans la région, dont le cricket, la course de chevaux pur sang, la chasse au renard, et la régate. Toutefois, ces activités sont réservées presque exclusivement aux hommes.

Pour les femmes autochtones, le pouvoir grandissant des colons blancs et du gouvernement signifie de moins en moins d’occasions de participer aux activités physiques. Dans l’ouest du Canada, les marchands de fourrure épousent des femmes autochtones et des femmes métissées, et ils encouragent leurs filles à adopter le mode de vie et les comportements européens. Les communautés autochtones de partout en Amérique du Nord sont de plus en plus reléguées à des colonies et sont sujettes à de nouvelles lois et réglementations ainsi qu’à une vision du monde européenne, qui sont fortement hostiles à la culture, aux croyances et aux pratiques autochtones. Les femmes sont particulièrement affectées par l’imposition des idées européennes, leur statut et leur autonomie sont brimés par les conceptions patriarcales de la place des femmes dans la société. Les femmes autochtones perdent non seulement leur pouvoir et leur position, elles perdent également le droit de participer aux jeux et aux sports, traditionnels ou européens.

Lacrosse Champions

Les femmes et le sport à l’époque victorienne

Durant la majorité de l’ère victorienne, les femmes n’ont que peu d’occasions de participer aux sports. Alors que le 19e siècle progresse, les clubs athlétiques masculins prolifèrent (en particulier à Toronto et à Montréal). De plus en plus d’hommes s’adonnent aux sports, de nouvelles associations sportives « nationales » sont formées et on tente de plus en plus de normaliser les règlements et de planifier des compétitions et des ligues régulières. Cependant, les clubs organisés sont presque exclusivement réservés aux hommes. Comme M. Ann Hall l’explique dans son livre The Girl and the Game (2002), les femmes sont « restreintes par des jupes volumineuses et des idées victoriennes sur leur fragilité mentale et physique, [et] elles ne sont jamais les bienvenues dans les clubs sportifs ». Bien que le Montreal Ladies Archery Club soit formé en 1858, il n’y a que très peu de clubs sportifs féminins au Canada au 19e siècle.

Malgré le fait que les femmes soient exclues de nombreuses activités sportives, il existe des occasions sportives pour celles qui ont du temps et de l’argent. Les femmes de l’époque victorienne prennent part à des fêtes en traîneau et en toboggan, elles font de la raquette, de la voile sur glace et du patin (incluant le patin de fantaisie, qui devient éventuellement le patinage artistique). Durant l’été, elles font des pique-niques, elles jouent au cricket, elles font du bateau, elles pêchent, elles font de l’équitation et participent même à la chasse au renard. Certaines femmes essaient même le patinage à roulettes sur des patinoires de hockey qui sont recouvertes de planchers de bois durant la saison estivale.

Bien qu’il y ait peu de place pour le sport compétitif féminin, quelques femmes participent à des épreuves comme des concours de marche, une activité populaire dans les années 1870. En 1879, lors d’un tel événement, deux femmes marchent 40 km autour d’une étroite piste dans un petit gymnase de Montréal; la gagnante, mademoiselle Jessie Anderson, franchit la ligne d’arrivée après 5 heures 21 minutes. Les femmes peuvent également participer aux populaires régates, dont plusieurs offrent des épreuves pour femmes et filles. Ceci inclut l’occasionnelle course de canots pour les femmes autochtones, qui ont encore moins de possibilités sportives que les autres femmes à cette époque. La législation gouvernementale, surtout la Loi sur les Indiens, restreint les passe-temps et les cérémonies traditionnels et encourage l’adoption des sports eurocanadiens chez les hommes autochtones. Les femmes sont exclues de ces sports, étant donné les idées victoriennes sur les femmes et le sport.

Bicyclettes, pantalons bouffants et la nouvelle femme

Dans les années 1880, avec l’avènement de la nouvelle bicyclette « de sécurité », les femmes acquièrent une nouvelle liberté et leurs possibilités sportives sont élargies. Les premières bicyclettes, comme le grand-bi (également connu à l’époque comme le vélo « ordinaire » ou la bicyclette à haute roue), sont à la fois dangereuses et inconfortables. Elles sont de lourdes machines avec deux roues de tailles différentes, difficiles à monter et à conduire (surtout pour les femmes, qui portent d’immenses jupes victoriennes), et leurs roues rigides rendent n’importe quelle balade à bicyclette résolument inconfortable. Un petit nombre de femmes, dont Louise Armaindo de Montréal, prennent part aux compétitions de grand-bi au cours des dernières décennies du 19e siècle. Louise Armaindo fait ses débuts comme femme invincible et trapéziste. Elle se tourne ensuite vers le piétonnisme (épreuves de marche) avant de commencer à participer à des compétitions de grand-bi en 1881, la plupart du temps aux États-Unis. Elle fait partie des quelques femmes qui font de la bicyclette sur grande roue à cette époque.

Toutefois, dans les années 1880, de plus petites et plus légères bicyclettes sont développées. Elles sont pourvues de roues de taille égale et de pneus et elles sont propulsées par une chaîne et un pignon. Ces nouvelles bicyclettes « de sécurité » rendent la promenade beaucoup plus sécuritaire et confortable et elles deviennent rapidement très populaires chez les hommes comme chez les femmes. Leur coût de 50 $ à 110 $ fait en sorte que de nombreuses femmes aisées les achètent dès qu’elles font leur apparition sur le marché. De plus, comme elles sont moins dispendieuses à entretenir qu’un cheval, elles deviennent accessibles pour un nombre grandissant de femmes. Alors que de plus en plus de gens commencent le cyclisme, les clubs cyclistes (sociaux) prolifèrent. Plusieurs de ces clubs, comme le Knickerbocker Club à Toronto, sont ouverts aux hommes et aux femmes. En 1895, il y a déjà plus de 10 000 cyclistes à Toronto seulement. Les femmes forment également leurs propres clubs de vélo séparés, comme le Tam O’Shanter Club à Winnipeg.

Pour les femmes, la bicyclette est un moyen de faire de l’exercice, de se divertir, de se déplacer et d’acquérir plus de liberté. Elle mène également à une réforme vestimentaire nécessaire. Bien qu’il soit possible de pédaler avec une jupe longue, de nombreuses femmes adoptent des styles plus courts pour le vélo, comme la jupe avec fente et le controversé « pantalon bouffant ». Bien que certains médecins encouragent un cyclisme modéré chez les femmes, soutenant qu’il est bon pour la santé et qu’il favorise le port de vêtements moins restrictifs, d’autres s’inquiètent du fait que le cyclisme cause des dommages à l’utérus ou qu’il cause l’orgasme féminin. Les femmes elles-mêmes sont partagées entre les avantages et les dangers de la bicyclette; de nombreuses « nouvelles femmes » adoptent avec enthousiasme la liberté que leur offre la bicyclette, tandis que d’autres mettent en garde contre le fait que la bicyclette est liée à la décadence morale, étant donné que les femmes peuvent se déplacer sans chaperons et se mêler aux hommes aux clubs cyclistes.

Bien que certains docteurs et suffragettes font la promotion du cyclisme pour ses avantages pour la santé, l’accent est mis sur une activité physique modérée. À la fin du 19e siècle, on encourage également les femmes de la classe moyenne à participer à des sports tels que l’équitation, l’aviron, le patin, le badminton, le tennis sur gazon, et le golf, des activités qui sont considérées comme élégantes, par opposition à des jeux d’équipe comme le cricket, le soccer, le rugby, le baseball, et la crosse. Dans un article de 1890 intitulé « Modern, Mannish Maidens » un commentateur (un homme) déplore l’intérêt de certaines femmes pour la crosse et il remarque que les femmes ne sont tout simplement pas faites pour courir : « Elle peut nager, elle peut danser, elle peut monter à cheval; elle peut faire tout ça admirablement et avec aisance. Mais courir, la nature ne l’a certainement pas conçue pour ça » (traduction libre, cité dans Hall, The Girl and the Game, p. 21).

À la fin du 19e siècle, de plus en plus de femmes de classe moyenne et de classe supérieure participent à des sports comme le tennis, le golf et le curling, et elles forment des clubs sportifs exclusivement féminins. Le premier tournoi de tennis féminin au Canada se tient à Montréal en 1881, et le premier tournoi de tennis du Dominion a lieu à Toronto l’année suivante. En 1982, la section féminine du Royal Montreal Golf Club est créée, et en 1984, des femmes se joignent aux Toronto Golf Club pour la première fois, formant très rapidement la moitié des membres du club. Le premier championnat national de golf féminin a lieu en 1901. En 1894, le Ladies’ Auxiliary Club of the Royal Montreal Curling Club est formé et il constitue probablement le tout premier club de curling féminin au monde. Des femmes deviennent également membres du au Alpine Club du Canada, qui, depuis sa création en 1906, accueille les grimpeuses et les encourage à se vêtir comme les hommes, en portant des pantalons bouffants et des chandails chauds. Phyllis Munday, originaire de Vancouver et membre du Alpine Club du Canada est la première femme à grimper le mont Robson, le plus haut sommet des Rocheuses canadiennes.

Phyllis Munday Stamp

Ces femmes grimpeuses, golfeuses et joueuses de curling sont généralement issues de la classe moyenne. On en sait très peu sur les activités physiques pratiquées par les femmes des classes inférieures, et encore moins sur les possibilités sportives des femmes autochtones. Des années 1880 à la fin des années 1960, de nombreuses jeunes filles autochtones sont forcées de fréquenter les pensionnats indiens, qui sont souvent situés loin de leur famille. Les jeux et passe-temps traditionnels leur sont interdits, tout comme la participation aux sports eurocanadiens qui sont enseignés aux garçons (comme le cricket, le hockey et le soccer). Les jeunes filles autochtones ont un accès très restreint aux activités physiques.

Les femmes et le sport au début du 20e siècle

Bien que les sports tels que le tennis, le golf et le curling soient considérés comme plus acceptables pour les femmes que les sports d’équipe, des athlètes féminines commencent à jouer au hockey, à la balle molle et au basketball au tournant du siècle. Les premières équipes féminines de hockey voient le jour au Québec au début des années 1890, et elles ont des clubs à Montréal, à Trois-Rivières, à Lachute et à Québec. Toutefois, les parties de hockey sont peu fréquentes et très informelles. En général, les équipes sportives de femmes ne reçoivent que peu de soutien des communautés du 19e siècle. L’élan donné aux équipes féminines provient plutôt des filles et des jeunes femmes qui fréquentent les écoles privées, les universités, et les collèges, ainsi que des entraîneurs et des instructeurs qui sont déterminés à les voir jouer. Bien que les sports compétitifs ne sont pas offerts aux filles du système scolaire public, les écoles privées comme Bishop Strachan et Havergal College à Toronto mettent l’accent sur les sports et les jeux pour leurs élèves féminines. À Havergal, par exemple, les filles pratiquent la gymnastique, le tennis, le basketball, le cricket, le hockey, le golf, l’athlétisme et la natation de compétition. Dans les universités, où les femmes commencent à étudier dans les années 1870 et 1880, les femmes participent à des compétitions d’ escrime, de tennis, de ski de fond, de hockey, de hockey sur gazon, et de basketball.

Le basketball, sport inventé par le Canadien James Naismith en 1891, est le sport le plus populaire chez les femmes au début du 20e siècle. En Nouvelle-Écosse, par exemple, la plupart des villes ont leur propre équipe féminine de basketball en 1910. Dans les années 1920 et 1930, une équipe féminine d’ Edmonton domine le sport. Connue sous le nom des Edmonton Commercial Graduates (ou les « Grads »), cette équipe de femmes, dont la plupart sont diplômées de la McDougall Commercial High School, joue partout au pays et à l’échelle internationale, remportant plus de 90 % des matchs, en plus de 100 titres régionaux, nationaux, internationaux et mondiaux. Leur succès incite d’autres Canadiennes à jouer au basketball, et à pratiquer des activités sportives de façon générale.


L’athlète féminine la plus accomplie du pays au début du 20e siècle (et peut-être même de l’histoire du Canada) est Fanny « Bobbie » Rosenfeld, une immigrante russe qu’on surnomme Bobbie à cause de sa coupe de cheveux de style bob. Meilleure sprinteuse au Canada, elle est également la championne nationale de saut en longueur, de lancer du poids et de lancer du disque en 1925. Elle remporte la toute première médaille (d’argent) olympique canadienne en athlétisme féminin en 1928. Fannie Rosenfeld remporte également le Toronto Grass Court Tennis Championship et elle joue au basketball, à la balle molle et au hockey (son sport favori) au niveau de compétition. Elle est la vedette du club de hockey AAA North Toronto et la capitaine des Patterson Pats, qui dominent le hockey féminin en Ontario dans les années 1920. Toutefois, comme à l’époque victorienne, la participation des femmes aux sports d’équipe tels que le hockey (qui est, à l’époque, un sport de contact plutôt violent) se heurte à une forte opposition. Plusieurs commentateurs sportifs des années 1920 et 1930 croient que les femmes ne doivent pas participer à des sports qui font transpirer ou qui manquent de grâce, mais plutôt à des sports soi-disant féminins et gracieux tels que le patinage artistique, le plongeon, la natation et le tennis.

1928 Women's Relay Team

Tout comme à l’époque victorienne, les femmes autochtones sont largement exclues des sports, que ce soient des sports d’équipe ou des sports plus gracieux. La seule exception est la balle molle, à laquelle jouent de nombreuses Autochtones, en particulier celles qui habitent sur les réserves ou dans les colonies métisses. Par exemple, les « Caledonia Indians » sont une équipe féminine de balle molle dont les joueuses habitent principalement sur la réserve des Six Nations le long de la rivière Grand en Ontario. L’équipe participe à des matchs hors-concours dans le sud de l’Ontario, y compris dans des ligues de Toronto, et elle se rend en demi-finale aux Championnats Provincial Women’s Softball Union en 1931. Toutefois, les « Caledonia Indians » sont l’exception à la règle à cette époque.

Le sport féminin pendant la Deuxième Guerre mondiale et les années 1950

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, un nombre important de femmes entrent sur le marché du travail. Tout comme lors de la Première Guerre mondiale, plusieurs d’entre elles pratiquent des sports. Même si de nombreux hommes, incluant des athlètes masculins, sont partis à la guerre outremer, un certain nombre de tournois et de rencontres sportives continuent, et les femmes prennent souvent la place des hommes sur le terrain et dans les usines. Ces compétitions sont souvent utilisées pour soutenir des causes patriotiques ou amasser des fonds. Les Canadiennes sont également parmi les premières à pratiquer un sport professionnel; au total, 68 Canadiennes jouent dans la All-American Girls Professional Baseball League, qui est active de 1943 à 1954.


Cependant, lorsque les hommes reviennent au pays après la guerre, on encourage les femmes à retourner au foyer, et l’accent est mis sur la féminité et sur les rôles traditionnels des hommes et des femmes. Ceci a un impact non seulement sur les possibilités des femmes sur le marché du travail, mais également dans les sports. Encore une fois, on encourage les femmes à participer à des sports qui mettent l’accent sur la beauté, la grâce et les concepts contemporains de la féminité.

Le patin artistique est le parfait exemple de ce type de sport, et la patineuse Barbara Ann Scott est le parfait exemple de l’athlète féminine idéale de son époque. Deux fois championne du monde en patin artistique, et deux fois championne européenne, Barbara Ann Scott devient la toute première Canadienne à remporter une médaille d’or individuelle lors des Jeux olympiques d’hiver de 1948 à Saint-Moritz en Suisse. Elle est sans contredit une athlète accomplie, mais la plupart des médias mettent l’accent sur sa féminité plutôt que sur ses exploits athlétiques. Un article de la revue américaine Time de 1948 la décrit comme suit : « Barbara Ann, avec son teint de pêche, ses grands yeux bleus et sa bouche en bouton de rose, est sans aucun doute très jolie. Ses cheveux châtain clair (blonds maintenant qu’elle les teint) tombent sur ses épaules dans un style de coiffure « page-boy ». Elle a une silhouette mince et féminine et ne pèse que 107 livres… Elle ressemble, en fait, à une poupée qu’on peut admirer, mais ne pas toucher. »

Barbara Ann Scott

D’après la couverture médiatique de l’époque, l’athlète féminine idéalisée dans les années 1950 est élégante, féminine, et de préférence blanche. À cette époque, il n’y a que peu de place pour les femmes athlètes d’origine autochtone. Toutefois, les femmes autochtones continuent à jouer à la balle molle, comme c’est le cas de Ruth Van Every (renommée plus tard Ruth Hill) qui joue pour les Ohsweken Mohawks dans les années 1950 et pour les Toronto Carpetland (les champions canadiens) en 1964. De même, Phyllis « Yogi » Bomberry se joint à l’équipe des Ohsweken Mohawks à la fin des années 1950, et aux Toronto Carpetland dans les années 1960, qui lui trouvent un emploi dans une usine de communications de Toronto. Phyllis Bomberry est nommée meilleure batteuse de la ligue en 1967 et receveuse vedette en 1967 et 1968, les deux années où son équipe remporte le championnat national. Cependant, malgré le succès de ces femmes autochtones à la balle molle et à la balle rapide, elles sont largement absentes des autres sports à cette époque.

Le féminisme et les athlètes féminines des années 1960, 1970 et 1980

Dans l’ensemble, les années 1960, 1970 et 1980 sont des années de succès énormes pour les Canadiennes dans le sport féminin. Avec l’émergence du mouvement de libération de la femme dans les années 1960 et 1970 en Amérique du Nord, les femmes combattent les restrictions dans tous les domaines de la vie, y compris le sport. Des plaignantes portent des affaires de discrimination sexuelle devant les tribunaux, défendant le fait que les filles et femmes devraient pouvoir pratiquer les sports et faire partie d’équipes, ce qui est traditionnellement réservé aux garçons et aux hommes. En 1981, des militantes et athlètes féministes mettent sur pied l’Association canadienne pour l’avancement des femmes, du sport et de l’activité physique (ACAFS).

Heggtveit, Anne

Bien qu’il n’y ait que peu de soutien offert aux athlètes amateurs à l’époque, de nombreuses Canadiennes excellent en sports. Parmi les athlètes féminines de premier plan des années 1960, on compte les nageuses Mary Stewart et Elaine Tanner, l’athlète de course Abby Hoffman, les skieuses Anne Heggtveit, Nancy Greene et Elizabeth Greene. La spécialiste du saut en hauteur Debbie Brill, la première femme nord-américaine à franchir la barre du six pieds, domine le sport dans les années 1970. Aux Jeux du Commonwealth de 1978 à Edmonton, des Canadiennes remportent l’or dans des disciplines comme le pentathlon (Diane Jones Konihowski), le lancer du disque (Carmen Ionescu), la natation et la gymnastique. Les sœurs jumelles autochtones Shirley et Sharon Firth, qui s’entraînent dans le cadre du programme Territorial Experimental Ski Training (TEST) à Inuvik dans les Territoires du Nord-Ouest, dominent le ski de fond au Canada dans les années 1970 et 1980. Des athlètes féminines canadiennes noires (dont plusieurs des Caraïbes) deviennent des vedettes d’athlétisme dans les années 1970 et 1980 : Angela Bailey, Marita Payne, Jillian Richardson, Charmaine Crooks, et Molly Killingbeck. En 1984, Sylvie Bernier remporte la première médaille d’or olympique du Canada en plongeon et Anne Ottenbrite devient la première femme canadienne à remporter l’or olympique en natation. En 1988, la patineuse artistique Elizabeth Manley gagne la médaille d’argent aux Jeux olympiques d’hiver de Calgary, et la nageuse de marathon Vicki Keith devient la toute première personne à nager dans tous les Grands Lacs.

Bien que les commentateurs sportifs fassent l’éloge de ces athlètes (qui sont jeunes pour la plupart), certains notent que ceux-ci utilisent dans leurs reportages un ton paternaliste et condescendant. Un exemple frappant est celui de la vedette de tennis, l’adolescente Carling Bassett. Cette dernière est l’une des joueuses de tennis les plus prodigieuses de l’histoire du Canada, et elle est classée huitième à un certain moment au tournoi de la Women’s Tennis Association. Toutefois, le portrait que les médias font de la jeune athlète souligne avant tout son apparence, et ils la dépeignent comme une « fille à papa ». En effet, la revue Sports Illustrated publie en 1983 un profil de Carling Bassett intitulé « Here's Carling, her daddy's darling ». L’article de 6000 mots la décrit comme étant le « projet favori » de son père et se concentre principalement sur les sentiments de Carling Bassett face aux garçons. La pression exercée sur elle pour qu’elle soit parfaite la mène à devenir boulimique au milieu de l’adolescence. Cette attention portée à l’apparence physique des athlètes féminines est reflétée dans la couverture médiatique des athlètes féminines d’âge mûr, lorsque les médias font parfois référence au fait qu’elles soient physiquement attirantes, et vont même jusqu’à leur attrait sexuel.

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Heddle and McBean
Doan, Catriona LeMay

Au sommet de leur art : les années 1990

Les athlètes canadiennes continuent d’exceller dans les années 1990. Colette Bourgonje, une athlète paralympique, prend part à ses premiers Jeux d’hiver en 1990 en ski de fond sur luge (elle fait également de la course en fauteuil roulant, et elle participe à huit Jeux paralympiques d’hiver et d’été en tout). La rameuse Silken Laumann, qui remporte la médaille de bronze aux Jeux olympiques de 1984 avec sa sœur Daniele dans l’épreuve deux de couple, surmonte une grave blessure à la jambe et remporte malgré tout la médaille de bronze dans l’épreuve du rameur de couple aux Jeux olympiques d’été de 1992 (Silken Laumann reçoit le prix Bobbie Rosenfeld en 1991 et 1992). Aux Jeux olympiques d’été de 1996, elle gagne l’argent dans l’épreuve du rameur de couple. Ses coéquipières, les rameuses Marnie McBean et Kathleen Heddle, remportent deux médailles d’or aux Jeux olympiques de 1992 et deux médailles, l’or et le bronze, aux Jeux de 1996, devenant ainsi les premières Canadiennes à gagner trois médailles d’or olympiques. En 1994, la biathlète Myriam Bédard devient la première Canadienne à gagner deux médailles d’or olympiques aux Jeux olympiques d’hiver. Deux ans plus tard, la coureuse vedette Charmaine Crooks (qui participe à cinq Jeux olympiques au total) devient la première femme canadienne de couleur à siéger au Comité international olympique. Alison Sydor, lauréate du prix Bobbie Rosenfeld en 1996, remporte l’argent en vélo de montagne aux Jeux olympiques de 1996, en plus de gagner trois championnats du monde (en 1994, 1995 et 1996). Puis, aux Jeux olympiques d’hiver de 1998, Catriona Le May Doan gagne sa première médaille d’or en patinage de vitesse (qu’elle remporte à nouveau en 2002). Le programme féminin de patinage de vitesse est très fructueux, 18 médailles olympiques sont gagnées de 1994 à 2010.

Carol Huynh
Mary Spencer, boxer

Les Canadiennes et le sport au 21e siècle

Le monde du sport au 21e siècle est très différent de ce qu’il était à l’époque victorienne, ou même dans les années 1960. Partout au pays, des femmes participent aux sports en grands nombres, y compris aux sports qui sont traditionnellement perçus comme masculins ou inappropriés pour les femmes. Des femmes de tous âges jouent au rugby, au soccer et à la balle molle; certaines comme Carol Huynh et Tonya Verbeek font de la lutte, et d’autres (comme Mary Spencer) font de la boxe compétitive. De plus les athlètes féminines gagnent des admirateurs masculins et féminins à travers le pays. Par exemple, la réaction nationale après la victoire de l’équipe féminine de hockey contre les Américaines aux Jeux olympiques d’hiver de 2002, et aux Jeux de 2006, 2010, 2014 et 2022 est impressionnante. Des joueuses de hockey comme Angela James, Hayley Wickenheiser et Geraldine Heaney deviennent célèbres. Les exploits des athlètes féminines aux Jeux olympiques d’hiver de 2010, comme ceux de la skieuse acrobatique sur bosses Jennifer Heil, et ceux des bobeuses Kaillie Humphries et Heather Moyse, sont célébrés partout au pays. Clara Hughes, cycliste et patineuse de vitesse olympique, est largement acclamée pour son succès sportif, mais aussi pour son militantisme. En 2012, les femmes de l’équipe olympique féminine de soccer deviennent des célébrités nationales, même après une défaite déchirante en demi-finale contre les États-Unis; en 2013, la capitaine de l’équipe, Christine Sinclair, obtient son étoile sur l’Allée des célébrités canadiennes. L’équipe féminine de soccer remporte à nouveau le bronze aux Jeux olympiques de Rio en 2016, suivi d’une médaille d’or historique aux Jeux olympiques d’été de Tokyo en 2020.

Christine Sinclair, soccer player
Hughes, Clara

Bien que plusieurs compétitions féminines ne sont pas télévisées sur les grandes chaînes, l’intérêt pour le sport féminin augmente parmi les spectateurs masculins et féminins. Une étude réalisée en octobre 2023 suggère que les deux tiers des Canadiens âgés de 13 à 65 ans sont des partisans de sport féminin. Dans le sondage mené auprès de 2000 Canadiens, deux sur cinq regardent régulièrement le sport d’élite féminin et se considèrent comme des « partisans passionnés ». La première saison de la Professional Women’s Hockey League (2024) bat des records d’affluence pour le hockey féminin. Cette même année, Toronto se voit attribuer la première franchise canadienne de la Women’s National Basketball Association, une ligue qui attire régulièrement plus d’un million de téléspectateurs par match au cours de la saison 2024. Une ligue canadienne de soccer professionnel féminin, la Northern Super League, débute en 2025.

Le sport et la sexualité

Malgré le succès que connaissent les femmes dans tous les sports, les athlètes de sexe féminin sont encore aujourd’hui jugées dans une certaine mesure sur leur attrait physique. Bien que les chroniqueurs sportifs du 21e siècle se concentrent généralement davantage sur les habiletés athlétiques et sur les accomplissements des sportives que sur leur physique, les campagnes de marketing utilisent encore beaucoup l’attrait sexuel pour promouvoir le sport chez les femmes. La Fédération internationale de volleyball (FIVB) oblige les joueuses de volleyball de plage à porter des bikinis à toutes les compétitions jusqu’en 2012. La Lingerie Football League (plus tard la Legends Football League) présente des femmes portant des uniformes révélateurs; fondée aux États-Unis en 2009, elle inclut brièvement des équipes au Canada et de l’Australie (la ligue annule la saison au Canada en 2013 parce que les joueuses des quatre équipes canadiennes ne sont pas suffisamment préparées pour jouer au football). Bien que de nombreuses athlètes soient prises au sérieux au Canada et partout dans le monde, la sexualisation des sports féminins représente un obstacle de plus pour les filles et les femmes athlétiques au 21e siècle.

Un autre problème qui se pose pour les athlètes féminines (et masculins) est l’homophobie, qui persiste dans le monde du sport. Il y a depuis longtemps une paranoïa face au lesbianisme dans les sports féminins, et de nombreuses athlètes et équipes féminines se donnent du mal pour souligner leur hétérosexualité et leur féminité en réponse aux craintes de la société à l’égard des femmes athlètes qui ont l’air « masculines ». Dans son livre Higher Goals : Women’s Ice Hockey and the Politics of Gender (2000), Nancy Theberge soutient que la pression stricte exercée sur les joueuses des « Blades » (une équipe féminine de hockey compétitif) pour qu’elles aient un comportement et des vêtements féminins indique une préoccupation concernant la masculinité et, par extension, le lesbianisme, dans le sport féminin. Dans un article publié dans le Canadian Journal for Women in Coaching en 2013, la professeure Guylaine Demers et la chercheuse Bianka Viel soutiennent que le monde du sport peut encore être un environnement hostile pour les athlètes LGBTQ2S+. Peu d’athlètes queer sont à l’aise de révéler leur orientation sexuelle lorsqu’ils sont en compétition. Selon une étude publiée en 2020 par l’Université Monash en Australie, de nombreuses athlètes canadiennes affirment avoir été victimisées après avoir fait leur sortie du placard auprès de leurs coéquipières. Cependant, certains signes indiquent que le monde sportif canadien devient plus inclusif. En septembre 2013, la patineuse de vitesse olympique Anastasia Bucsis déclare publiquement au Globe and Mail qu’elle est « fière d’être gaie ». L’année suivante, la gardienne de but Erin McLeod déclare son homosexualité lors d’une entrevue avec CBC. Dix ans plus tard, des athlètes homosexuelles comme la boxeuse Tammara Thibeault, qui se qualifie pour les Jeux olympiques de Paris 2024, se considèrent comme de fières membres de la communauté LGBTQ2S+.

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