Les femmes autochtones et le droit de vote | l'Encyclopédie Canadienne

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Les femmes autochtones et le droit de vote

Le contexte du droit de vote pour les femmes autochtones a été autant influencé par le colonialisme que par la discrimination fondée sur le sexe. Les femmes autochtones (membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits) ont obtenu le droit de vote à différents moments de l’histoire canadienne. Le processus a été associé à l’émancipation, volontaire ou non, ce qui signifie que les femmes autochtones pouvaient bénéficier des droits de vote et de citoyenneté canadienne au détriment de leurs droits ancestraux ( voir Droit de vote des peuples autochtones).

Contexte historique

Des débats théoriques ont eu lieu sur la portée du rôle des femmes dans les systèmes de gouvernance des peuples autochtones. Le point de vue historique a souvent été amené par des hommes non autochtones. Il existe plusieurs systèmes de gouvernance à l’œuvre en Amérique du Nord, avant et après l’arrivée des Européens, qui reflètent la diversité des cultures autochtones.

L’exemple le plus connu est peut-être celui de la Confédération haudenosaunee, dont le système de gouvernance matrilinéaire permet aux mères de clans d’exercer une force politique réelle. D’autres nations sont dotées d’un système matrilinéaire d’organisation sociale et de parenté. La plupart des sociétés autochtones s’appuient sur une certaine complémentarité des sexes, en vertu de laquelle les rôles des hommes et des femmes diffèrent, mais sont valorisés équitablement en raison de leur importance pour la communauté.

Plus les contacts avec les Européens s’accroissent, plus la nature patriarcale du système juridique de l’Amérique du Nord britannique affaiblit le statut des femmes autochtones, ainsi que les systèmes de gouvernance autochtones dans leur ensemble. Ainsi, les forces coloniales brouillent la répartition des rôles en fonction du sexe au sein des populations autochtones.

Loi sur les Indiens et assimilation

Avant même la création de la Confédération, les législateurs sont manifestement enclins à adopter des lois discriminatoires axées sur l’assimilation des peuples autochtones. L’Acte pour encourager la civilisation graduelle, adopté en 1857, offre l’émancipation et des terres aux hommes des Premières Nations (et à leurs femmes et enfants) qui « possèdent un minimum d’instruction et […] jouissent d’une bonne moralité et sont exempts de dettes », s’ils acceptent d’être assimilés. Ces politiques suscitent peu d’enthousiasme parmi les peuples autochtones. Face à la perspective de l’assimilation et de la perte de systèmes de gouvernance bien établis, une seule personne choisit d’aller au bout du processus formulé dans l’Acte pour encourager la civilisation graduelle.

L’accent mis sur l’assimilation graduelle des peuples autochtones signifie qu’après la création de la Confédération, le gouvernement fédéral canadien souhaite remodeler les structures internes du pouvoir au sein des communautés. En 1869, le gouvernement Macdonald adopte l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle des Sauvages, qui encourage l’adoption de systèmes de gouvernements élus par les communautés autochtones. La législation concernant les peuples autochtones est renforcée par la Loi sur les Indiens (1876), en conséquence de laquelle les hommes et les femmes autochtones qui ont un statut d’Indien inscrit subissent des politiques de surveillance et d’assimilation accrues. Cette loi cherche à anéantir tous les systèmes de gouvernance autochtones existants en imposant des dirigeants et des conseils élus. La Loi est modifiée à plusieurs reprises au cours des décennies suivantes dans le but de codifier les identités autochtones, d’influencer la participation politique, de changer les règles d’émancipation (volontaire ou non) et de restreindre les pratiques culturelles et spirituelles.

Toujours sujette à changement, la Loi sur les Indiens est souvent révisée de façon réactionnaire. Plusieurs révisions ont des répercussions sur la participation politique, que ce soit dans les communautés ou dans les élections canadiennes. En 1880, les diplômés universitaires sont automatiquement émancipés dans la mesure où ils sont censés être assimilés au système éducatif occidental. En 1885, John A. Macdonald présente l’Acte du cens électoral, qui donne aux hommes autochtones de l’est du Canada, propriétaires fonciers, le droit de vote sans abandonner leur statut d’Indien. Là encore, l’accent mis sur la propriété foncière révèle la volonté du gouvernement de voir les hommes autochtones adhérer aux concepts occidentaux de la propriété privée, indissociables de la politique d’assimilation. L’Acte englobe les hommes des Premières Nations de l’est du Canada, en excluant en particulier les « Indiens du Manitoba, de la Colombie-Britannique, de Keewatin et des Territoires du Nord-Ouest ».

Quoi qu’il en soit, le gouvernement Laurier met fin à ces dispositions en 1898. Par conséquent, la possibilité de voter sans avoir à subir le processus d’émancipation est perdue. L’émancipation forcée des hommes autochtones est votée en 1920, abrogée en 1922, puis réintroduite en 1933. Elle n’est pas présente dans la Loi sur les Indiens modifiée (1951), bien que cette version de la Loi ait des répercussions négatives pour les femmes indiennes inscrites, en particulier en cas de mariages mixtes (lorsqu’elles épousent des hommes non dotés du statut d’Indien).

C’est seulement en 1960 que le droit de vote aux élections fédérales est étendu aux Indiens inscrits sans qu’ils aient besoin d’abandonner leur statut (voir Droit de vote des peuples autochtones).

Femmes inuites et métisses

Au Canada, les Inuits ont une histoire distincte de celle des autres peuples autochtones. Ils sont largement ignorés par la politique canadienne sur les Autochtones jusqu’en 1924, date à laquelle la Loi sur les Indiens est modifiée; ils sont alors placés sous l’autorité du ministère des Affaires indiennes. La modification est abrogée en 1930. À partir de 1939, la Cour suprême considère les Inuits comme des Indiens. Cependant, la Loi sur les Indiens est à nouveau modifiée en 1951 pour exclure les Inuits. Les Inuits obtiennent le droit de vote en 1950, après avoir été exclus de la Loi du cens électoral fédéral de 1934, ce qui a probablement une incidence sur leur participation politique, surtout compte tenu du fait que les urnes de scrutin ne sont acheminées pour la première fois vers l’Arctique qu’à l’élection de 1962.

L’appellation « Métis » recouvre plusieurs identités à l’échelle du pays. D’un point de vue administratif, le gouvernement fédéral met l’accent sur leur caractère distinct des Indiens inscrits, tandis que la Loi sur les Indiens vise à les distinguer en fonction de ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « degré de sang » (la quantité de « sang » autochtone d’un individu, déterminée par ses ascendants). Ils ne rencontrent par conséquent pas les mêmes obstacles législatifs par rapport au suffrage.

Mariages mixtes, activisme et projet de loi C-31

La politique liée aux mariages mixtes constitue une forme spécifique et fondée sur le sexe d’émancipation obligatoire pour de nombreuses femmes des Premières Nations. Leur statut d’Indien leur est transmis par leur père, puis par leur mari. Les révisions de 1951 de la Loi sur les Indiens permettent aux femmes de voter et d’occuper une fonction dans les élections des Premières Nations pour la première fois. En parallèle, ces révisions de la Loi durcissent le contrôle sur la politique des mariages mixtes. Une Indienne inscrite qui épouse un homme non indien est automatiquement émancipée et perd ses droits et privilèges en tant que membre d’une bande; il en va de même pour ses enfants. Autrement dit, les femmes ne peuvent pas posséder de propriété sur la réserve, ou en hériter, ni accéder aux services.

Contrairement aux conditions d’assimilation des hommes autochtones volontairement émancipés, les femmes n’ont pas à prouver leur autonomie. Du point de vue du gouvernement fédéral, leur mariage avec un homme non indien suffit comme preuve de leur assimilation à la culture canadienne. Pour illustrer les différences importantes entre l’émancipation volontaire et l’émancipation forcée, entre 1965 et 1975, 5 035 femmes et enfants sont émancipés de force, alors que le nombre d’émancipés volontaires s’élève seulement à 263, hommes et femmes confondus.

Bien que la politique concernant les mariages mixtes mène à l’émancipation des femmes avant 1960, elle les empêche – ainsi que leurs enfants –, d’accéder aux services de la réserve, d’y vivre et d’y être enterrées. En outre, ces changements ne sont pas réversibles, ce qui signifie qu’en cas de divorce ou de veuvage, les femmes des Premières Nations ne peuvent récupérer leur statut que si elles se remarient avec un Indien inscrit. En revanche, les femmes non autochtones obtiennent le statut d’Indien si leur mari est inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens.

Mary Two-Axe Earley

Par leur activisme et en recourant à des contestations judiciaires, les femmes de tout le pays sensibilisent la population au sexisme des dispositions de la Loi sur les Indiens. Mary Two-Axe Earley (Mohawk) lutte contre son éviction de la réserve de Kahnawake au Québec en attirant l’attention sur son cas lors d’une conférence dans le cadre de l’année internationale de la femme à Mexico en 1975. En 1973, la Cour suprême entend les affaires de discrimination de Jeannette Corbiere Lavell (Anishinaabe) et d’Yvonne Bédard (Haudenosaunee). En 1977, Sandra Lovelace (Wolastoqiyik) témoigne devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Le Comité statue en sa faveur le 14 août 1979.

Lorsque le gouvernement fédéral modifie la Loi sur les Indiens en 1985, le projet de loi C-31 rétablit le statut de plus de 100 000 femmes autochtones et de leurs enfants, et d’autres qui ont été émancipés de force. Malheureusement, cet ajustement ne permet pas d’éliminer la discrimination fondée sur le sexe, qui perdure en raison de la Loi, et ce qu’il est convenu d’appeler l’exclusion de la seconde génération. La décision McIvor de 2009 a pour conséquence d’apporter davantage de changements à la Loi sur les Indiens en 2011, en faisant en sorte que les femmes qui ont perdu leur statut soient « mises sur un pied d’égalité avec leurs homologues masculins et puissent également transmettre leur statut d’Indien à leurs petits-enfants ». Malheureusement, ce changement ne permet pas de résoudre d’autres situations de discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens, ni l’exclusion de la seconde génération.

L’activisme des années 1970 et 1980 mène à la formation d’organismes politiques, comme l’Association des femmes autochtones du Canada, Women of the Métis Nation, Pauktuutit Inuit Women of Canada et d’autres organismes provinciaux et territoriaux représentant les intérêts des femmes autochtones du Canada.

Importance

Les femmes autochtones ont été confrontées à une discrimination à la fois raciale et sexiste. En ce qui a trait au droit de vote des femmes, la principale différence entre les femmes autochtones et les autres est que, jusqu’à relativement récemment, le droit de vote des femmes autochtones a été obtenu aux dépens de leurs droits découlant de la Loi sur les Indiens et des droits des Autochtones d’une manière générale. L’obtention du droit de vote s’apparente alors davantage à un processus paternaliste et de colonisation, plutôt qu’à un signal de libération politique.

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