Fondation et débuts
Le Canadien est fondé à Québec en 1806 par Pierre-Stanislas Bédard, François Blanchet, Jean-Thomas Taschereau, Joseph LeVasseur Borgia et Joseph Planté, tous députés – ou futurs députés – du Parti canadien à l’Assemblée législative. Le journal est créé pour défendre et promouvoir le programme politique du Parti canadien, une alliance de députés du Bas-Canada – anglophones et francophones – qui cherche à réformer le gouvernement du Bas-Canada. Né vers 1804, le Parti canadien est le premier parti politique dans l’histoire canadienne.
Créé pour contrer le Quebec Mercury, qui est la voix de l’élite mercantile britannique (ou Clique du Château), Le Canadien demande un gouvernement responsable devant l’assemblée élue. Il lutte également contre les objectifs d’assimilation de la Clique du Château, et défend les intérêts de la nation canadienne-française.
Au début, Le Canadien n’est pas publié pendant longtemps, car son opposition constante frustre le gouverneur James Craig, qui partage les opinions de la Clique du Château et qui décide donc de faire arrêter et emprisonner les rédacteurs en mars 1810. Les bureaux du journal sont saccagés et les presses à imprimer sont confisquées, ce qui force Le Canadien à interrompre temporairement ses activités.
De 1810 à 1825, le journal a de la difficulté à trouver son assise. En 1817, sous la direction de Laurent Bédard (le neveu de Pierre-Stanislas Bédard), on reprend la publication du journal, mais celui-ci cesse de nouveau d’être publié en 1819. Un an plus tard, on l’imprime sous la direction de François Blanchet. Bien que cette publication ne dure que jusqu’en 1825, François Blanchet prend une décision qui changera le cours du journal : en 1822, il attribue des tâches rédactionnelles à Étienne Parent. Cependant, le mandat de ce dernier comme rédacteur en chef n’est pas très mémorable, et le journal cesse d’être imprimé trois ans plus tard.
Années Étienne Parent : 1831-1842
Le journal réapparaît en 1831. De nouveau sous la direction d’Étienne Parent, il passe de la publication hebdomadaire à la publication trois fois par semaine, et continue à défendre les intérêts des Canadiens français. Étienne Parent déclare dans la première édition, le 7 mai 1831 :
Notre politique, notre but, nos sentiments, nos vœux et nos désirs, c’est de maintenir tout ce qui parmi nous constitue notre existence comme peuple, et comme moyen d’obtenir cette fin de maintenir tous les droits civils et politiques qui sont l’apanage d’un pays anglais […]
Le journal maintient également son lien étroit avec le parti qu’il a été créé pour préserver, qui s’appelle alors le Parti patriote.
Contrairement à l’autre porte-parole du parti (La Minerve, publié à Montréal), Le Canadien est beaucoup plus nuancé, modéré et pragmatique dans ses opinions, c’est-à-dire qu’il ne rentre pas toujours dans le rang du parti. Par exemple, de 1835 jusqu’aux rébellions de 1837-1838, Étienne Parent critique constamment le radicalisme grandissant et les appels à la violence du parti. Bien qu’il partage l’objectif que vise Louis-Joseph Papineau – notamment le gouvernement responsable –, il croit que cela devrait être atteint sans recourir à la violence. Par conséquent, il condamne ce dernier pour avoir mêlé ses partisans à des effusions de sang. Subséquemment, Étienne Parent est taxé de « traître » par les journaux La Minerve et le Vindicator, ainsi que par les chefs du Parti patriote.
Après les rébellions de 1837-1838, Étienne Parent reprend où il a terminé : considérant chaque événement avec le même pragmatisme et défendant les intérêts des Canadiens français. À titre d’exemple, lorsque le lord Durham arrive au Canada, Étienne Parent salue son arrivée, car il espère que ce libéral encensé pourra rétablir la paix et peut-être même réformer le gouvernement. Le rédacteur en chef considère avec une modération semblable le plan initial d’unir le Bas-Canada et le Haut-Canada, car il espère que le rétablissement d’un gouvernement représentatif sera avantageux pour les Canadiens français (voir Acte d’Union). Cependant, quand cela devient évident que la visite du lord Durham et l’union du Bas-Canada et Haut-Canada auront de graves conséquences pour les Canadiens français, il se sert du journal pour condamner les deux événements et défendre les intérêts de son peuple.
Le 21 octobre 1842, après plus de dix ans à la tête du journal, Étienne Parentdémissionne, car, à la suite de la formation du gouvernement Louis-Hippolyte La Fontaine-Robert Baldwin, l’ancien rédacteur en chef accepte l’invitation de Louis-Hippolyte La Fontaine de devenir greffier du Conseil exécutif.
Après Étienne Parent
Dans les années qui suivent la démission d’Étienne Parent, la ligne éditoriale continue à refléter la position idéologique des rédacteurs en chef. Parmi ceux-ci, le mieux connu est Joseph-Israël Tarte, qui rejoint le journal comme rédacteur adjoint en 1874, et qui devient plus tard éditeur en chef.
Sous la direction de Joseph-Israël Tarte, Le Canadien appuie d’abord le Parti conservateur fédéral. Ainsi, il appuie la campagne fédérale de Hector-Louis Langevin, et s’attaque sans cesse aux libéraux, les déclarant anticléricaux. Cependant, plus tard, Joseph-Israël Tarte appuie Wilfrid Laurier et se sert du journal pour faire la promotion des libéraux comme les défenseurs des Canadiens français.
En 1891, Joseph-Israël Tarte déménage Le Canadien à Montréal, ville qui se fait la réputation d’être « le centre des mouvements idéologiques, politiques et sociaux ». Cependant, le journal ne survit pas à ce changement. Le rédacteur en chef le ferme en 1893, car il ne peut pas faire concurrence aux journaux qui ont déjà une longue histoire à Montréal et qui sont bien implantés dans la ville, comme le Montreal Star, le Montreal Herald et La Patrie. Selon les historiens Michèle Brassard et Jean Hamelin, Joseph-Israël Tarte semble aussi comprendre que l’époque de son journal est passée : « Ce journal d’idée et de combat, rédigé à l’intention d’une élite intellectuelle et politique, n’est plus adapté aux masses urbaines en quête d’informations brèves, de sensationnalisme ». L’ancien éditeur en chef concentrera désormais ses énergies sur le journal Le Cultivateur et sur une chronique dans L’Électeur.
En 1906, un groupe d’intérêt conservateur essaie de relancer Le Canadien, mais faute de financement adéquat, celui-ci ferme de nouveau trois ans plus tard, en 1909.
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