L'assassinat de Thomas D'Arcy McGee | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

L'assassinat de Thomas D'Arcy McGee

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L’assassinat de Thomas D’Arcy McGee est le meurtre le plus mystérieux de l’histoire politique du Canada. Le mardi 7 avril 1868, au petit matin dans une rue d’Ottawa, Thomas D’Arcy McGee, père de la Confédération et virulent opposant aux fenians, est assassiné.

Avis de recherche pour l'assassin de Thomas D'Arcy McGee, 7 avril 1868.

Dans les 24 heures qui suivent le meurtre, les policiers sont convaincus de tenir le coupable. À la suite d’une dénonciation, ils font une descente dans la chambre d’hôtel d’un tailleur, Patrick James Whelan. En fouillant les effets personnels de ce dernier, ils découvrent des copies d’un journal révolutionnaire irlando-américain et des cartes d’adhésion à des organisations irlando-canadiennes dont font partie de nombreux fenians. Les policiers trouvent également un pistolet Smith & Wesson, qui avait été, de toute évidence, déchargé la veille.

Après avoir placé Patrick Whelan en garde à vue, les policiers découvrent rapidement d’autres preuves accablantes. Plusieurs témoins affirment sous serment que le suspect avait à plusieurs reprises parlé d’assassiner Thomas D’Arcy McGee, qu’il avait posé des gestes menaçants envers ce dernier à la Chambre des communes et qu’il l’avait suivi partout avant le meurtre. Quelques jours plus tard, un bûcheron du nom de Jean‑Baptiste Lacroix déclare avoir vu Patrick Whelan tirer sur la victime. Peu de temps après, un enquêteur du Grand Tronc du Canada, Reuben Wade, affirme avoir surpris une conversation entre Patrick Whelan et un groupe de conspirateurs qui complotaient pour tuer Thomas D’Arcy McGee. Pendant ce temps‑là, un policier et un indicateur, qui avaient intercepté les conversations du suspect dans sa cellule, rapportent que Patrick Whelan s’était vanté d’être un « grand homme » parce qu’il avait tué Thomas D’Arcy McGee. Quand Patrick Whelan se présente à son procès en septembre, il semble bien que les preuves contre lui soient irréfutables.

Toute l’histoire irlando‑canadienne est jalonnée de nombreux rebondissements ironiques, comme le procès de Patrick Whelan. En effet, le procureur en chef du procès est James O’Reilly, un Irlandais catholique, qui exclut d’autres catholiques du jury. La défense est dirigée par John Hillyard Cameron, ancien grand maître de l’Ordre d’Orange et l’un des meilleurs avocats du pays.

Thomas D'Arcy McGee
Thomas D'Arcy McGee, Ottawa 1867-1868.

John Hillyard Cameron commence, point par point, à révéler les failles de la poursuite. Il avance que l’adhésion de l’accusé, Patrick Whelan, à des organisations irlando‑canadiennes et que les journaux qu’il choisit de lire n’ont aucun rapport avec l’affaire en question. Le juge en convient. L’avocat de la défense tente aussi d’attaquer la crédibilité d’un témoin clé qui avait fait état des menaces de l’accusé envers Thomas D’Arcy McGee. Comme le fait remarquer l’avocat, nombreux sont ceux qui avaient proféré des menaces à l’encontre de la victime, n’en faisant pas pour autant des assassins.

La défense est particulièrement brillante lors du contre‑interrogatoire de Jean‑Baptiste Lacroix, qui prétend avoir été témoin du meurtre. John Hillyard Cameron démontre que ses descriptions de Patrick Whelan et de Thomas D’Arcy McGee sont erronées, et qu’il avait été incapable d’identifier l’accusé à la prison sans l’aide des autorités carcérales. Il semble alors évident que soit le témoin est désespérément incompétent, soit il ment pour toucher la récompense.

Tout aussi peu convaincante est l’affirmation de Reuben Wade, selon laquelle il aurait entendu Patrick Whelan comploter l’assassinat de Thomas D’Arcy McGee. En effet, il est improbable qu’un groupe de conspirateurs discutent de ses plans devant un parfait inconnu. De plus, les prétendues vantardises de l’accusé en prison, à savoir qu’il avait commis le meurtre, ne peuvent pas être acceptées d’emblée comme preuve. Même si ses paroles avaient été exactement rapportées (ce qui était loin d’être évident), elles auraient très bien pu être prononcées d’un ton ironique. Enfin, John Hillyard Cameron fait appel à un témoin pour s’attaquer à la question problématique de l’arme à feu. Ce témoin, une femme, déclare avoir accidentellement déchargé l’arme de Patrick Whelan quelques semaines avant l’assassinat. Elle montre les brûlures de poudre sur son bras pour prouver ses dires. L’avocat de la défense saisit l’argument au vol et avance l’idée que c’est là la raison pour laquelle l’arme semble avoir été récemment déchargée.

Patrick James Whelan, vers 1840–1868

Les membres du jury délibèrent, puis décident d’écarter le témoignage de Jean‑Baptiste Lacroix. Toutefois, les preuves médicolégales indiquant que l’arme de Patrick Whelan a été déchargée et les preuves circonstancielles établissant que l’accusé a menacé et suivi Thomas D’Arcy McGee se révélèrent décisives. Ainsi, le 15 septembre 1868, Patrick Whelan est déclaré coupable et condamné à mort. (Voir aussi :Peine capitale.)

Jusqu’au tout dernier moment, Patrick Whelan jure de son innocence. Quelle est la part de vérité dans toute cette affaire? D’une part, les autorités de la prison ont tenté d’accumuler les preuves contre lui. Il y a eu aussi quelques irrégularités de procédure du procès. D’autre part, les preuves circonstancielles contre Patrick Whelan étaient criantes, et ce, malgré les arguments de la défense. L’état de l’arme était bien celui d’une arme récemment déchargée. Des examens balistiques menés en 1973 ont conclu que la balle mortelle – retrouvée dans le cadre de la porte de la résidence de Thomas D’Arcy McGee – était compatible avec l’arme et les balles que Patrick Whelan possédait. Bien que ce dernier a nié avoir été un homme de main dans l’affaire, il a cependant déclaré, peu de temps avant son exécution, connaître l’identité du meurtrier. Il a aussi affirmé que celui‑ci était présent au moment de l’assassinat de Thomas D’Arcy McGee, ce qui l’aurait rendu tout de même coupable de complicité.

Selon toute probabilité, Patrick Whelan a soit tiré sur Thomas D’Arcy McGee, soit il faisait partie d’une équipe de tireurs. Ainsi, il est toujours impossible d’affirmer hors de tout doute raisonnable qu’il a été celui qui a bel et bien appuyé sur la gâchette.

Guide pédagogique: Les Raids Fenians