La bataille des cratères de Saint-Éloi | l'Encyclopédie Canadienne

Article

La bataille des cratères de Saint-Éloi

La bataille des cratères de Saint-Éloi s’est déroulée du 27 mars au 16 avril 1916 durant la Première Guerre mondiale.

La bataille des cratères de Saint-Éloi s’est déroulée du 27 mars au 16 avril 1916 durant la Première Guerre mondiale. Cette attaque sur un terrain détrempé en Belgique a constitué le premier engagement majeur de la 2e Division canadienne (voir Corps expéditionnaire canadien). Les combats se sont avérés désastreux pour le Canada et pour ses alliés.

La guerre des mines

Fin 1915, les armées des deux parties en présence lors de la Grande Guerre font un usage intensif des mines dans le cadre de la guerre des tranchées : les sapeurs creusent des tunnels au travers du champ de bataille afin d’enfouir des explosifs sous les positions ennemies, puis se retirent avant de les faire exploser. Les champs à proximité du village belge de Saint-Éloi, à 5 km au sud d’Ypres, sont criblés de cratères causés par des explosions souterraines répétées.

Au printemps 1916, la 2e Division du Corps expéditionnaire canadien est envoyée pour combattre les Allemands sur la ligne de front à Saint-Éloi. Les Canadiens sont dirigés en urgence sur le champ de bataille sans avoir le temps de préparer une attaque. Le plan prévoit deux étapes : les troupes britanniques expérimentées doivent frapper en premier, les Canadiens ayant pour mission de prendre le relais pour tenir la ligne ainsi conquise.

Les combats débutent à 4 h 15 le 27 mars par de violents tirs d’artillerie. Les Britanniques font exploser six mines successives, « faisant trembler la terre comme si un volcan venait d’exploser soudainement, remplissant le ciel de fumée jaune et de débris », selon les termes du compte rendu de guerre du Corps expéditionnaire canadien. On entend l’explosion jusqu’en Angleterre. Les tranchées allemandes s’écroulent.

Les combats depuis les cratères

Les mines britanniques créent d’immenses cratères dans la zone inoccupée séparant les lignes des deux camps. Les soldats britanniques sortent de leur position dans la boue glacée pour porter une attaque qui leur permet de s’emparer rapidement de trois cratères et de la troisième ligne allemande. Pendant trois jours, ils se battent au corps à corps avec les Allemands et progressent jusqu’au 3 avril.

Dans un paysage complètement transformé par les explosions des mines, les soldats britanniques sont de plus en plus incertains de l’endroit où ils se trouvent. Quatre des mines ont explosé dans un rayon si faible que les cratères forment un lac infranchissable de 15 m de profondeur et de 55 m de diamètre. (Plus tard, ces cratères vont devenir un lac pour la pêche de loisir adjacent à une résidence d’été.)

Les soldats britanniques se battent de l’intérieur des cratères, incapables de s’asseoir, s’accroupissant dans la boue ou se tenant debout dans de l’eau qui leur arrive à la taille. Des vents violents, de la neige fondue et la boue créent des conditions cauchemardesques. Des milliers d’hommes sont tués des deux côtés pendant une semaine de mitraillage et de tirs d’obus menés sous le signe du chaos. Les Canadiens viennent soulager des Britanniques épuisés à 3 h le 4 avril.

Les Canadiens entrent en lice

Pleins d’enthousiasme, les Canadiens sont avides de goûter à leur premier combat. Cependant, en arrivant à Saint-Éloi, ils doivent faire face à une pénurie de casques en acier, de mitrailleuses et de positions défensives. Ils n’ont qu’une vague idée de leur position et de la position des Allemands. Le 2e Bataillon canadien de pionniers s’emploie à améliorer les défenses et tente de drainer l’eau des tranchées. Simultanément, les 4 et 5 avril, l’intégralité de la ligne de front subit des bombardements constants et des centaines d’hommes sont encore tués.

Le soldat canadien Donald Fraser, un employé de banque de Calgary, décrit la scène en ces termes : « Au lever du jour, le paysage qui s’étalait devant nos yeux était si terrible et si effroyable qu’il défiait toute tentative de description. Des têtes, des bras et des jambes jaillissaient de la terre à chaque mètre et Dieu sait combien de corps la terre avait engloutis. On apercevait au moins trente cadavres dans le cratère et, sous des eaux argileuses, d’autres victimes étaient immergées, frappées par le feu ennemi ou mortes noyées. Un jeune lieutenant anglais, grand et mince, reposait, le corps tendu par la mort, son visage encore enfantin paisible et presque souriant. Encore une mère qui aura perdu son fils mort pour la gloire. »

« En marchant sur les morts »

Frank Maheux, un autre soldat canadien, décrit dans une lettre à sa femme la façon dont ils tentaient de progresser : « Nous marchions sur les soldats morts. » Les hommes blessés et traumatisés affluent auprès des médecins militaires. Certains se battent debout dans le froid, l’eau et la boue sans discontinuer depuis deux jours, et les officiers n’ont pas pu dormir depuis plus de quatre jours.

À 3 h 30 le 6 avril, deux bataillons allemands attaquent les ruines de la route principale. Désorientées, les troupes canadiennes ont souvent perdu toute possibilité de communication entre elles et sont rapidement repoussées. Alors que le soleil se lève sur une terre dévastée et boueuse, les Allemands ont repris tout le terrain qu’ils avaient perdu au début de la bataille.

Les Canadiens tentent de contre-attaquer avec des bombes, mais ne réussissent pas à progresser sous une pluie diluvienne. Des soldats qui tentent de reconquérir deux cratères se retrouvent pris dans la boue et sont abattus avant même d’avoir pu jeter leurs grenades. Un groupe de Canadiens réussit à reprendre les cratères 6 et 7, mais pense qu’il s’agit des cratères 4 et 5. Dans la confusion, les assaillants se retrouvent coupés de leur ligne et sans défense face à l’assaut allemand.

Les Canadiens sont repoussés

Alors que la nuit tombe le 8 avril, les Canadiens attaquent à nouveau, mais ils sont arrêtés par les mitrailleuses et les fusils allemands. La pluie incessante transforme le champ de bataille en véritable bourbier. Les Allemands attaquent le jour suivant, mais sont également repoussés. Les chefs canadiens n’ont qu’une idée très limitée des cratères qu’ils occupent et de ceux qui sont occupés par les Allemands. Tandis que des Canadiens désorientés, cloués par les obus d’artillerie, sont totalement incapables de relayer les messages, les officiers ne savent pas ce qui se passe sur le front. Même les pigeons utilisés pour transporter les messages sont morts.

Les deux côtés continuent à se tirer dessus pendant deux semaines supplémentaires dans les conditions misérables des cratères. Plus de 1 370 Canadiens et environ 480 Allemands sont tués ou blessés durant la bataille. Une photographie aérienne, prise le 16 avril, montre finalement que les Canadiens se trouvent dans une position extrêmement périlleuse et le QG de la division ordonne de mettre fin aux combats.

Toutefois, les Allemands continuent à attaquer avec des gaz lacrymogènes et les Canadiens épuisés poursuivent la lutte contre l’ennemi le 17 avril. Un raid allemand de nuit, conduit sous une pluie battante, repousse les Canadiens encore plus loin. La boue empêche les Canadiens de tirer. La moitié des hommes restant dans les cratères se rend aux Allemands tandis que l’autre moitié s’enfuit en rampant.

Après la bataille des cratères de Saint-Éloi, la situation militaire n’a pas changé : ce sont les Allemands qui ont la mainmise sur le champ de bataille.

En savoir plus

Collection: Première Guerre mondiale

Réserver la visite d’un orateur

Liens externes