Peuplement
Avant 1784, le vaste territoire des Missisaugas comprend la vallée de la rivière Grand. Le gouvernement britannique achète ce territoire et l’octroie à ses alliés des Six Nations afin de compenser leurs pertes subies lors de la Révolution américaine. En 1798, le gouvernement du Haut-Canada vend, pour le compte des Six Nations, six parties distinctes du territoire à des spéculateurs fonciers afin d’amasser les fonds nécessaires à la mise sur pied d’une rente pour les peuples des Six Nations. En 1803, des mennnonites de la Pennsylvanie achètent des terres, futur site du canton de Waterloo, fondé en 1816, auprès de Richard Beasley et établissent le noyau d’une importante colonie germanophone. La population croît en raison de l’exode d’ouvriers qualifiés, d’artisans, de commerçants, d’agriculteurs et de travailleurs allemands poussés hors de leurs pays au cours du XIXe siècle. Les deux communautés se constituent en villages dans les années 1850.
Croissance
Les premiers développements des communautés sont surtout attribuables à l’esprit d’entreprise et à la forte cohésion de la communauté allemande. L’emplacement géographique de Berlin sur la Compagnie de chemin de fer du Grand Tronc favorise sa croissance économique. Un système efficace d’encadrement municipal, qui offre des « primes » au développement industriel et que dirigent des familles germano-canadiennes influentes, contribue à la prépondérance industrielle de Berlin dans la région. En 1910, Berlin est la première ville située à l’intérieur des terres à être alimentée par l’électricité bon marché produite par les chutes du Niagara, ce qui renforce l’essor industriel des communautés. Waterloo devient un pôle de l’industrie de l’assurance et, à partir de 1911, de l’éducation postsecondaire.
En 1916, pendant la Première Guerre mondiale, Berlin change de nom pour s’appeler « Kitchener », car ses citoyens, et tout particulièrement ses propriétaires d’entreprises, veulent contrer toute perception de déloyauté liée à son importante population germanophone. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Kitchener accueille la période d’entraînement du Service féminin de l’Armée canadienne. Pendant la reconstruction d’après-guerre, les villes jumelles subissent une pénurie de logements. La ville de Kitchener transforme Knollwood, la base militaire pour femmes, en appartements temporaires, et Waterloo construit le quartier Veterans’ Green à l’intention des soldats de retour au pays et de leurs familles. En 1960, l’accès direct à l’autoroute 401, la Cartier-Macdonald, a un gros impact grâce à la création de nouveaux parcs industriels à proximité de l’autoroute. En 1980, une récession généralisée frappe Kitchener de plein fouet; depuis, plusieurs des entreprises au centre de l’économie locale ont quitté la ville ou cessé leurs activités. La présence de deux universités importantes à Waterloo, l’Université de Waterloo et l’ Université Wilfrid Laurier, et du Conestoga College, à Kitchener, attire des entreprises du domaine de la haute technologie informatique et de plusieurs autres secteurs très spécialisés.
Paysage urbain
Le pragmatisme plutôt que l’esthétique détermine le site des deux centres urbains, construits sur des terrains marécageux non cultivables. La méthode utilisée par les pionniers mennonites pour arpenter le territoire, qui deviendra Kitchener-Waterloo, diffère de celle utilisée dans le reste du Haut-Canada et ne prévoit aucune route. Les premiers peuplements urbains s’installent le long du Great Road (plus tard l’autoroute 8) venant de Dundas. Le premier levé et l’installation, après 1856, d’entreprises le long du chemin de fer imposent un tracé discordant aux rues de Kitchener-Waterloo. Avant l’explosion démographique des années 1950, les frontières de la ville n’empiètent que lentement sur les terres agricoles, sans qu’il n’y ait d’annexion importante.
Dans les années 1890, les communautés profitent d’une nouvelle loi pour créer de vastes parcs centraux, le parc Waterloo (1890) et le parc Victoria, à Kitchener (1896). La rivière Grand, qui serpente dans la partie est des deux villes, est désignée « rivière du patrimoine canadien ».
Les premières constructions, généralement faites de briques, sont de style vernaculaire allemand. Depuis le début du XXe siècle, les styles des constructions résidentielles se sont fondus dans le moule national : bungalows, styles rustique, gothique et Tudor, avec des tentatives récentes de recréer le style victorien dans les nouveaux quartiers sans cesse en expansion. De sérieux efforts sont mis en œuvre pour ralentir l’érosion des quartiers du centre d’affaires de chaque ville; tous deux mènent à bien leur projet de rénovation urbaine. En 1974, la démolition de l’hôtel de ville de Kitchener, un édifice historique, ravive l’intérêt pour le patrimoine architectural, et les visites historiques à pied sont maintenant un passe-temps répandu. En 1993, l’inauguration du nouvel hôtel de ville de Kitchener, qui remporte un prix, permet d’attirer l’attention sur le centre-ville. À Waterloo, l’iconique Perimeter Institute et la Balsillie School of International Affairs marquent le paysage architectural de la ville à un point tel que son intersection centrale compte trois ouvrages récipiendaires du Prix du Gouverneur général.
Population
Au tournant du XXe siècle, la prédominance de la langue et de la culture allemandes confère à Kitchener et à Waterloo un caractère unique en Ontario. L’immigration d’origine allemande est faible après les années 1870, de sorte qu’en 1941, moins de la moitié de la population se considère comme d’origine allemande. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, Kitchener et ses citoyens sont les premiers au Canada à accueillir de nouveaux immigrants allemands fuyant l’Europe de l’Est (Roumanie, Yougoslavie, Pologne et l’Union Soviétique) ou expulsés de ces pays. Aujourd’hui, la ville demeure l’un des endroits au Canada pouvant recevoir des réfugiés, grâce entre autres au dynamisme de son économie locale.
Outre le nombre important de résidents qui se réclament d’origine allemande, anglaise et française, d’autres groupes ethniques sont fortement représentés, notamment les personnes d’origine polonaise, asiatique de l’est (surtout en provenance de la Chine et du Vietnam), asiatique du sud, néerlandaise, italienne et ukrainienne.
Économie et emploi
À l’origine, le développement économique de Kitchener et de Waterloo repose sur les habiletés commerciales et artisanales de sa population d’origine allemande. Ces communautés s’identifient fortement à l’industrie des pièces automobiles; les entreprises de la région fournissent des pièces à tous les grands constructeurs d’automobiles. Des fabricants de meubles et d’articles en cuir y prospèrent au début du siècle, mais ces secteurs ont assez décliné depuis, ne laissant que Krug Furniture comme entreprise d’envergure nationale.
À la fin du XXe siècle, de nombreuses entreprises qui existaient depuis longtemps cessent leurs activités, comme la distillerie Seagram (1857) et la brasserie Labatt (années 1870). L’industrie de la chaussure, autrefois importante à Kitchener, est aussi en déclin. Aliments Dare demeure un pilier de la structure manufacturière de l’économie. Les compagnies d’assurance jouent depuis toujours un rôle vital dans la vie économique des deux villes; la Financière Sun Life, la Financière Manuvie et Assurance Economical ont leur siège social à Waterloo.
À Kitchener, la Financière Manuvie est le plus important employeur, suivi d’Aliments Dare. À Waterloo, les trois plus importants employeurs sont, dans l’ordre, BlackBerry, Manuvie et Sun Life. Waterloo abrite aussi OpenText Corporation, l’un des plus grands éditeurs de logiciels au Canada. À présent, le secteur des services domine l’économie locale, alors qu’autrefois, elle était axée sur le secteur manufacturier.
Communications
Il existe 13 stations de radio à Kitchener-Waterloo : trois appartiennent à la compagnie Rogers Communications Inc., deux à Bell Media, deux à Corus Radio, une à la CBC, deux sont indépendantes, deux sont des stations universitaires, et une est une station collégiale. La station de télévision CKCO date de 1954. En 1963, elle est au nombre des stations intégrées au réseau national CTV dans le cadre de sa restructuration. En 1996, CKCO signe une entente avec la Baton Broadcasting Inc. La station s’appelle désormais « CTV Kitchener ». Kitchener-Waterloo est aussi desservie par un quotidien, Waterloo Region Record, qui fait partie de la chaîne de journaux Torstar depuis 1999.
Gouvernement et politique
Le district de Wellington, dont faisait partie le canton de Waterloo, est aboli en 1849 par la Loi sur les municipalités de Baldwin. Cette loi restructure les municipalités de la province par comtés plutôt que par districts. En 1852, la loi de Hincks retrace les limites établies en 1849 et crée les comtés unis de Wellington, Waterloo et Grey. Cette entité survit jusqu’à ce que les trois comtés soient suffisamment prospères pour être administrés de façon indépendante. En 1853, le comté de Waterloo devient indépendant; son siège est situé à Berlin. La première session de son conseil a lieu le 24 janvier 1853 dans le nouveau palais de justice de comté à Berlin. Le conseil du comté prélève des impôts, construit des routes et des ponts, et administre la justice et l’éducation. Les représentants au conseil du comté sont choisis parmi les préfets et les sous-préfets des municipalités du comté. En 1912, Berlin obtient le statut de ville et se retire du comté; Waterloo fait de même en 1948. La structure de plus en plus fragmentaire et inefficace de l’administration municipale de la région mène à la création de la Région de Waterloo le 1er janvier 1973. Ce conseil régional s’occupe des enjeux liés à la planification et à la prestation de services comme le service de police, les services d’urgence, la gestion des déchets et le logement social.
Les deux villes ont chacune leur administration municipale dirigée par un maire et des conseillers élus par quartiers. Jusqu’en 1997, le président de la municipalité régionale de Waterloo est élu par ces conseillers locaux, eux-mêmes élus dans leurs municipalités respectives, dont un certain pourcentage siège au conseil régional. Le président est maintenant élu lors d’une élection régionale. En 2000, le nombre de conseillers régionaux est réduit de 22 à 16. De plus, comme ils sont désormais élus au scrutin direct, ils n’occupent plus de fonction à l’échelle municipale.
Vie culturelle
Kitchener-Waterloo jouit d’un paysage culturel dynamique et varié qui englobe des arts de la scène, des manifestations sportives, des festivals, des sites historiques et des galeries d’art. Le Kitchener Memorial Auditorium Complex (1951), surnommé « The Aud », et le Centre In The Square (1980), principales salles de spectacles, accueillent des productions musicales et théâtrales locales et de renommée internationale, comme l’Orchestre symphonique de Kitchener-Waterloo et The Grand Philharmonic Choir. Les Rangers de Kitchener, de la Ligue de hockey junior de l’Ontario, attirent régulièrement les foules à The Aud. L’Oktoberfest, une fête annuelle qui s’échelonne sur neuf jours, est l’événement le plus important inscrit au calendrier culturel de la ville. Les résidents et les entreprises locales ont ajouté à ce festival allemand traditionnel une saveur typiquement canadienne en y greffant, entre autres, un défilé de l’Action de grâce, diffusé à l’échelle nationale sur le réseau CTV. La société de transformation de la viande Schneiders a par ailleurs spécialement créé une saucisse pour l’occasion.
La Galerie canadienne de la céramique et du verre est connue à l’échelle nationale, et Woodside, la maison d’enfance du premier ministre Mackenzie King, est un lieu historique national. Le musée Joseph Schneider Haus, la Pioneer Memorial Tower et la maison de Homer Watson, l’un des premiers artistes paysagistes du Canada, sont aussi des lieux historiques nationaux. Le Doon Heritage Crossroads, reproduction d’un village rural de 1914, et le Waterloo Region Museum, récompensé, offrent des interprétations historiques très détaillées sur l’ancien comté de Waterloo.