Kathleen O’Day Wynne, vingt-cinquième première ministre de l’Ontario (de 2013 à 2018), députée provinciale de 2003 au présent, conseillère scolaire, militante communautaire, médiatrice et enseignante (née le 21 mars 1953 à Toronto en Ontario). Kathleen Wynne s’est appuyée sur ses compétences de médiatrice et sur sa grande détermination pour faire avancer sa carrière politique et devenir la première femme à occuper les fonctions de premier ministre de l’Ontario et le premier chef de gouvernement au Canada ouvertement homosexuel.
Enfance et adolescence
Kathleen Wynne naît au Toronto Western Hospital où son père, le docteur John B. Wynne, est interne. Sa mère, Patsy O’Day Wynne, est une chanteuse qui se produit dans des comédies musicales et sur les ondes anglophones de Radio-Canada. Peu après la naissance de Kathleen, la famille déménage à Richmond Hill.
À l’école secondaire de Richmond Hill, Kathleen Wynne ne craint pas de s’opposer à l’administration et de se regrouper avec des amies pour lutter contre un règlement empêchant les filles de s’habiller en pantalon à l’école. Elle s’adonne à plusieurs sports et détient même le record régional du 400 mètres. Sa vie change lorsque son entraîneur d’athlétisme la choisit pour se rendre à l’Ontario Athletic Leadership Camp à Orillia où elle réalise qu’elle dispose d’un certain potentiel de leadership.
Université et vie familiale
Kathleen Wynne commence ses études à l’Université Queen en 1972 où elle est cocapitaine de l’équipe d’athlétisme. C’est là qu’elle rencontre son futur mari, Phil Cowperthwaite, et sa meilleure amie, Jane Rounthwaite. En 1977, Kathleen Wynne obtient un diplôme d’anglais et d’histoire. Elle se marie et déménage aux Pays-Bas, où Phil Cowperthwaite commence à travailler comme comptable. C’est également aux Pays-Bas que naissent les deux premiers enfants du couple : un garçon et une fille.
La famille revient au Canada en 1980. Cette année-là, Kathleen Wynne obtient une maîtrise en linguistique de l’Université de Toronto. Plus tard, elle donne naissance à une deuxième fille, son troisième enfant. Dans les années 1990, Kathleen Wynne mène à bien une maîtrise en sciences de l’éducation à l’Ontario Institute for Studies in Education et suit un cours de médiation à Harvard.
Au début des années 1990, le mariage de Kathleen Wynne bat sérieusement de l’aile. Phil Cowperthwaite déménage au sous-sol de la maison familiale; Jane Rounthwaite s’installe avec Kathleen Wynne qui informe ses amis et sa famille de son homosexualité. Cette solution va perdurer pendant deux ans, à l’issue desquels Phil Cowperthwaite déménage dans un autre logement à proximité. Kathleen Wynne et Jane Rounthwaitese marient en 2005, peu après que le Canada a légalisé les mariages entre personnes de même sexe (voir Droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transgenres au Canada).
Carrière politique et militantisme
Avant d’entamer une carrière politique, Kathleen Wynne exerce comme tutrice, enseignante d’anglais langue seconde et présidente du Toronto Institute of Human Relations, un organisme de formation dans le domaine du soutien psychologique et des psychothérapies. Elle finit par découvrir que c’est dans le secteur de la résolution des conflits qu’elle excelle. Elle travaille comme médiatrice et met en œuvre, durant les années 1990, des programmes de médiation de conflits dans plus de soixante écoles en Ontario (voir Règlement extrajudiciaire de différends).
En 1995, l’élection de Mike Harris comme premier ministre de l’Ontario va infléchir le cours de la vie de Kathleen Wynne. L’intérêt qu’elle porte au domaine de l’éducation la conduit déjà en 1994 à tenter d’obtenir, sans succès, un siège au conseil des écoles publiques de Toronto; toutefois, son activité politique s’intensifie après l’élection de Harris. Kathleen Wynne participe à la création de Citizens for Local Democracy, un organisme visant à combattre les plans du gouvernement progressiste-conservateur visant à fusionner la Ville de Toronto avec cinq municipalités avoisinantes. Elle crée le Metro Parent Network et intervient activement au sein de l’Ontario Education Alliance, deux organisations qui s’opposent aux coupes budgétaires dans le financement de l’éducation. En 1999, Kathleen Wynne cherche à obtenir l’investiture du parti libéral dans la circonscription St. Paul de Toronto; toutefois, c’est aux côtés du futur vainqueur de l’élection, Michael Bryant, que les caciques du parti décident de se ranger.
Le parlement provincial et le Cabinet
Bien que n’ayant pas obtenu l’investiture du parti libéral en 1999, Kathleen Wynne continue à rechercher une charge publique. En 2000, elle est élue conseillère scolaire au Toronto District School Board; toutefois, elle ne réussit pas à s’en faire élire présidente en 2001. En 2003, elle est élue députée provinciale dans la circonscription de Don Valley West en battant David Turnbull, le député sortant du parti progressiste-conservateur et ancien ministre. Elle est réélue en 2007 en battant cette fois le chef de l’opposition John Tory; elle sera ensuite réélue en 2011 et en 2014.
Kathleen Wynne entre dans le gouvernement du premier ministre Dalton McGuinty en 2006 en tant que ministre de l’Éducation. Durant les quatre années où elle a la responsabilité de ce portefeuille, elle met en œuvre la journée complète à l’école maternelle et réduit le nombre d’élèves dans les classes. Lors du remaniement ministériel de 2010, elle devient ministre des Transports.
Aux élections d’octobre 2011, le gouvernement libéral ressort minoritaire. Kathleen Wynne se voit attribuer deux portefeuilles et devient ministre des Affaires municipales et du Logement ainsi que ministre des Affaires autochtones. Rapidement, le gouvernement se trouve attaqué sur différents fronts. Les enseignants s’opposent à une loi qui gèle leur rémunération pour deux ans, interdit les grèves et permet à la Province d’imposer des contrats aux enseignants et aux conseils scolaires.
Les médias révèlent des irrégularités financières au sein de l’entreprise provinciale qui gère les services aériens d’ambulance, Ornge, et la police entame une enquête sur de possibles pots-de-vin reçus d’un fabricant d’hélicoptères par les dirigeants de la société.
La décision du gouvernement McGuinty d’interrompre la construction de centrales énergétiques au gaz à Oakville et à Mississauga donne lieu à un autre scandale. Les libéraux annulent la construction de ces centrales très impopulaires dans l’espoir de conserver leurs sièges dans ces deux villes en indiquant que cette décision ne coûterait qu’environ deux cents millions de dollars. Des estimations ultérieures montrent, cependant, que le coût véritable est bien plus élevé, probablement supérieur à un milliard de dollars. Toutefois, le gouvernement refuse systématiquement de fournir les documents pertinents au comité parlementaire qui enquête sur ce scandale. Kathleen Wynne n’est directement concernée par aucune de ces difficultés, mais elle devra y faire face une fois élue chef du parti libéral.
En 2012, Dalton McGuinty annonce son retrait. Kathleen Wynne démissionne de ses postes ministériels pour tenter de remporter le leadership du parti. Elle y parvient lors de la convention de janvier 2013, face à six autres candidats de renom ayant tous de l’expérience ministérielle.
Première ministre
Kathleen Wynne est assermentée première ministre le 11 février 2013. Dès le début de son mandat, elle doit faire face à d’importants défis, notamment la difficulté de gouverner en étant minoritaire et la gestion des répercussions des scandales Ornge et des centrales au gaz. Kathleen Wynne publie des documents liés à l’annulation de la construction des centrales au gaz et présente ses excuses pour les décisions du gouvernement McGuinty. Elle cherche à restaurer les relations largement mises à mal entre le gouvernement et les enseignants en promettant qu’elle ne leur imposera jamais de contrat.
Kathleen Wynne réussit à maintenir son gouvernement en vie pendant plus d’un an, négociant des ententes avec Andrea Horwath, la chef du Nouveau parti démocratique. En mai 2014, cette dernière annonce qu’elle a perdu confiance en la première ministre et que le NPD se joindrait aux progressistes-conservateurs pour voter contre le budget. Kathleen Wynne déclenche des élections que les commentateurs politiques de tous bords annoncent comme perdantes pour elle.
Au cours de la campagne, Kathleen Wynne s’excuse à nouveau pour le fiasco des centrales au gaz. Elle promet l’instauration d’un régime de retraite contributif en complément du régime de pensions du Canada, un accroissement de la prestation provinciale pour enfants pour les familles à faible revenu, un salaire minimum plus élevé et une augmentation des budgets des transports publics et des hôpitaux. Elle attaque le chef du parti progressiste-conservateur, Tim Hudak, qui milite en faveur de la suppression de 100 000 postes dans le secteur public et qui prétend créer un million de nouveaux emplois grâce à la mise en œuvre de nouvelles politiques, un chiffre dont les économistes disent qu’il s’appuie sur des calculs erronés. Kathleen Wynne conjure les électeurs traditionnels du NPD d’apporter leurs suffrages aux libéraux afin de faire barrage à un retour au pouvoir des conservateurs. À aucun moment de la campagne l’orientation sexuelle de Kathleen Wynne ne devient un enjeu.
Au jour des élections, le 12 juin 2014, les libéraux obtiennent la majorité : le parti de Kathleen Wynne gagne 58 sièges, tandis que les conservateurs et les néo-démocrates en obtiennent respectivement 28 et 21.
En juillet, le gouvernement Kathleen Wynne présente à nouveau le budget préalablement présenté en mai sans avoir pu être adopté. Le gouvernement accroît les dépenses en infrastructures, notamment dans les transports publics et les écoles, rehausse la prestation provinciale pour enfants, crée un régime de pension contributif pour ceux qui n’ont pas droit à une pension par l’intermédiaire de leur employeur, et augmente les impôts des contribuables qui gagnent plus de 150 000 $ par an.
Dans ses budgets subséquents, le gouvernement libéral investit massivement dans les infrastructures de transport, en plus de mettre en place un plan de plafond d’échange d’émissions de carbone (voir Tarification du carbone au Canada), une politique de gratuité dans les universités pour les familles ayant un revenu annuel inférieur à 50 000 dollars, et un régime d’assurance-médicaments universel pour les enfants et les jeunes, entre autres dépenses sociales.
Vers la fin de son mandat, en 2018, le gouvernement Kathleen Wynne fait passer le salaire minimum d’un taux horaire de 11,60 à 14 dollars, avec une augmentation à 15 dollars prévue pour 2019. Le gouvernement annonce également de nouveaux investissements en vue d’un service de garde gratuit (voir Éducation préscolaire) et d’un régime dentaire étendu.
Le taux d’approbation de Kathleen Wynne chute dans les quatre années de son mandat, passant sous la marque des 20 % à la fin 2016. Les observateurs électoraux associent l’impopularité des libéraux à la hausse des coûts d’hydroélectricité et à la privatisation partielle par le gouvernement d’Hydro One en 2015. La vente partielle de cette société d’État permet de rembourser une partie du déficit de la province, s’élevant à plusieurs milliards de dollars.
Quelques jours avant le scrutin provincial en juin 2018, Kathleen Wynne reconnaît que les libéraux ne dirigeraient vraisemblablement pas le nouveau gouvernement. Cela étant dit, elle en appelle aux électeurs de soutenir les candidats libéraux afin que le parti conserve une position viable dans la législature.
Le 7 juin, le chef du Parti conservateur Doug Ford forme un gouvernement majoritaire avec 76 sièges et près de 41 % du vote populaire. Le NPD, mené par Andrea Horwath, accède quant à lui au statut de parti d’opposition en obtenant 40 sièges, soit plus du double des sièges qu’il détenait auparavant. Les libéraux, pour leur part, n’obtiennent que sept sièges, un de moins que les huit nécessaires au statut de parti officiel. Dans son discours de défaite, Kathleen Wynne annonce sa démission à titre de chef de parti. Toutefois, elle garde son siège de députée de Don Valley West, la circonscription qu’elle représente depuis 2003.
Les femmes et la politique
En 2019, Wynne participe à Pas de deuxième fois, un projet spécial de Canada 2020, un groupe de réflexion indépendant. Le projet inclut des entrevues et des balados avec 12 femmes qui ont été premières ministres - 11 premières ministres provinciales et la seulement première ministre au fédéral à ce jour, Kim Campbell. Le 19 juin 2019, ces anciennes premières ministres écrivent une lettre ouverte aux Canadiens soulignant l’importance de la participation des femmes en politique. « Tant que nous n’aurons pas obtenu la participation complète et égale des femmes en politique, nous n’atteindrons pas notre plein potentiel en tant que pays ».