Histoire de l'éducation au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Histoire de l'éducation au Canada

L’importance que le Canada accorde aux préoccupations collectives de paix, d’ordre et de bon gouvernement l'amène à considérer les « entreprises publiques » en fonction de leur incidence globale sur la société.
Prairies, salle de classe des (1915)
Salle de classe à Bruderheim, en Alberta. Les écoles des Prairies permettaient l'assimilation des immigrants (avec la permission des Archives du Glenbow Museum).
Prairies, école des
École de Coldridge, vers 1905 (avec la permission du Saskatchewan Archives Board).

L’importance que le Canada accorde aux préoccupations collectives de paix, d’ordre et de bon gouvernement l'amène à considérer les « entreprises publiques » en fonction de leur incidence globale sur la société. Pour comprendre l’évolution de l’instruction au Canada, on doit se pencher en détail sur les politiques officielles et les changements survenus dans la vie des enfants.

Éducation en Nouvelle-France

Pendant le régime français au Canada, l’apprentissage fait partie intégrante de la vie de tous les jours. Tandis que le gouvernement français soutient l’Église catholique dans ses efforts d’enseignement de la religion, des mathématiques, de l’histoire, des sciences naturelles et du français, la famille demeure l’unité de base de l’organisation sociale et la presque totalité des apprentissages se fait dans cet environnement. Dans le contexte de l’économie de main-d’œuvre des XVIIe et XVIIIe siècles, les familles comptaient sur l’apport économique d’enfants engagés dans des activités productives. Ceux-ci apprennent à jardiner, à filer et à défricher la terre avec l’aide d’autres membres de la famille. Les garçons apprennent divers métiers par le biais du système d’apprentissage.

Scolarisation en Nouvelle-France rurale

D’autre part, la population étant peu élevée et dispersée sur le territoire, c’est la famille qui s’occupe de l’éducation religieuse et, dans certains cas, de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Dans certaines régions, les prêtres des paroisses mettent sur pied de petites écoles où ils enseignent le catéchisme et d’autres matières. Toutefois, la plupart des habitants de la Nouvelle-France, surtout dans les zones rurales, ne savent ni lire ni écrire. Au début du XVIIe siècle, environ un quart a appris à lire et à écrire, mais au tournant du siècle, les gens sont trop occupés par les exigences de la survie et le taux d’alphabétisme diminue : à peine une personne sur sept sait écrire son nom.

Scolarisation au XVIIe siècle

Dans les villes de Nouvelle-France, l’éducation formelle prend plus d’importance pour différentes raisons. Les Jésuites, les Récollets, les Ursulines, la Congrégation de Notre-Dame et d’autres communautés religieuses offrent une formation élémentaire en catéchisme, lecture, écriture et arithmétique. Les garçons qui se destinent à la prêtrise ou à des professions libérales peuvent bénéficier d’une éducation supérieure. Au milieu du XVIIe siècle, on offre un programme d’études classiques, de grammaire et de théologie au Collège des Jésuites, fondé en 1635. Au cours des années 1660, monseigneur de Laval fonde le Séminaire de Québec, qui deviendra l’Université Laval.

L’instruction publique destinée aux femmes est plutôt limitée et ne dépasse guère, en règle générale, l’instruction religieuse et l’acquisition de compétences comme les travaux d’aiguille. Cependant, les filles qui vivent à la campagne sont souvent plus instruites que les garçons grâce aux efforts des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, qui ouvrent des écoles dans les campagnes comme dans les villes et assument le rôle d’institutrices itinérantes.

Éducation en tant que mission

Même si seulement une minorité restreinte des colons de la Nouvelle-France reçoit une instruction dans un cadre institutionnel, les missionnaires catholiques jouent un rôle important dans le domaine de l’éducation formelle. Les Récollets espèrent affaiblir l’influence de la culture traditionnelle et des systèmes de valeurs des peuples autochtones en éduquant les jeunes garçons et filles dans la religion catholique et en leur apprenant les coutumes françaises. Les Jésuites, qui se lancent aussi dans un ambitieux programme d’assimilation des Autochtones à la culture française, dressent des lexiques de langues autochtones et ouvrent des écoles.

D’autres communautés, comme les Ursulines, concentrent leurs efforts sur les jeunes filles autochtones. Toutefois, le travail des missionnaires de l’Église catholique a un succès restreint et leurs initiatives dans le domaine de l’éducation, une influence limitée sur les sociétés autochtones, dans lesquelles l’apprentissage est perçu comme partie intégrante des activités quotidiennes. (Voir Éducation des Autochtones).

Scolarisation après la Conquête britannique de 1759-1760

Au cours du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, la famille demeure le cadre incontesté de l’éducation et peu d’enfants, dans ce qui s’appelle alors l’Amérique du Nord britannique, reçoivent une instruction officielle assurée par des tuteurs ou dans des écoles. Cette tendance commence toutefois à changer pendant cette période à mesure que le gouvernement britannique s’intéresse à l’éducation comme outil de promotion culturelle favorisant l’identification avec le protestantisme, la langue anglaise et les coutumes britanniques.

Dans les années qui suivent la Conquête de 1759-1760, les autorités britanniques sont « obsédées » par la forte présence de Canadiens français au sein de la colonie et tentent à plusieurs reprises d’ouvrir des écoles qui échapperaient au contrôle des autorités religieuses. Ces efforts sont minés par l’Église catholique et, plus encore, par le manque d’intérêt des collectivités locales qui associent davantage l’éducation au foyer familial qu’aux salles de cours.

Cependant, l’idée d’instruction se répand parmi les chefs de file de la société au début du XIXe siècle. À cette époque, les politiciens, ecclésiastiques et éducateurs débattent de la question du financement et du contrôle de l’éducation, ainsi que de la participation à celle-ci. Dans les années 1840, on peut facilement constater l’émergence d’un consensus social à l’égard d’une structure de systèmes scolaires modernes.

La mise sur pied de systèmes scolaires au Canada au cours du XIXe siècle emprunte des voies et un calendrier étrangement semblables à cause des ambitions complexes et souvent conflictuelles des éducateurs officiels et des parents. Ces similarités ne doivent cependant pas nous faire oublier les différences notables liées à d’importantes distinctions sociales, culturelles et politiques.

Les ressemblances entre les systèmes scolaires qui voient le jour au Canada sont dues aux dynamiques chefs de file dans le domaine de l’éducation (les historiens parlent à juste titre de « promoteurs de l’école ») au milieu du XIXe siècle et à la volonté de nombreux parents (mais pas tous) d’envoyer leurs enfants à l’école lorsque leur situation matérielle le permet.

La cohérence de vues entre les promoteurs de l’éducation ne surprend pas quand on sait qu’ils ne se contentent pas de se lire les uns les autres, mais qu’ils communiquent aussi souvent entre eux. Le grand éducateur ontarien Egerton Ryerson travaille en collaboration avec Jean-Baptiste Meilleur du Québec et avec John Jessop de la Colombie-Britannique. Ils évoluent en outre dans un contexte international. Egerton Ryerson visite par exemple plus de 20 pays en 1844 et en 1845, alors qu’il élabore ses propositions pour un système d’écoles publiques.

Les promoteurs de l’école affirment que la démocratisation de l’instruction peut inculquer des modes de pensée et des comportements appropriés aux enfants. À leurs yeux, l’instruction de masse ne concerne pas que l’acquisition de connaissances théoriques, mais doit plutôt servir à résoudre une vaste gamme de problèmes allant de la criminalité à la pauvreté, en passant par l’inactivité et le vagabondage.

Les éducateurs relient ces problèmes réels et potentiels à trois causes principales : l’influence d’un flux migratoire constant et considérable, la transition d'un capitalisme agraire vers un capitalisme industriel et le processus de formation de l’État, dans lequel les citoyens sont appelés à exercer un pouvoir politique. Alors que ces trois causes jouent toutes un rôle important dans l’esprit des promoteurs de l’instruction au Canada, l’importance relative que chacun leur accorde relève du contexte régional et culturel dans lequel il évolue.

Milieu du XIXe siècle

Au milieu du XIXe siècle, en Ontario, la population est surtout concentrée dans les campagnes, moins dans les quelques petites villes industrielles. On craint l'impact de changements économiques considérables survenus ailleurs, sans en faire l’expérience directe. Toutefois, l'immigration est massive et la formation de l’État visible à l’échelle locale.

Pendant les rébellions de 1837, les leaders ruraux des provinces centrales de l’Amérique du Nord britannique prennent les armes pour provoquer des changements politiques. Les divers soulèvements fournissent des arguments de poids en faveur d'un système scolaire pour former la nouvelle génération de citoyens.

C’est pourquoi les promoteurs de l’école en Ontario s’opposent à l’emploi d’instituteurs ou de livres de classe américains. Ils se mettent plutôt à importer certains éléments de l'école irlandaise, notamment les programmes de lecture irlandais conçus pour répondre aux besoins d’une population protestante et catholique. Cette stratégie comporte aussi une bonne dose de pragmatisme, puisque les immigrants irlandais sont majoritaires au milieu du XIXe siècle en Ontario.

Au Québec, les rébellions sont plus importantes qu’en Ontario et les préoccupations politiques prennent énormément de place dans l’esprit des promoteurs de l’éducation. Par contre, étant donné le rôle prééminent assumé par l’Église catholique, la mise sur pied d'un système d’instruction publique prend du retard pendant que les chefs de file laïques et religieux discutent d’une répartition des pouvoirs et des responsabilités mutuellement acceptables. Le premier ministère de l'Instruction publique est créé en 1868 au Québec, puis aboli en 1875 devant les pressions de l'Église catholique, qui juge pouvoir seule assurer l'éducation dans la province, la seule sans ministère de l'Éducation à l'époque.

Un peu partout sur les bords du Saint-Laurent en amont du port de Québec, les immigrants se font nombreux, mais beaucoup ne font que passer pour aller s'installer dans des régions plus à l’ouest. Parallèlement, l’économie du Québec subit des changements importants, mais il n’y a qu’à Montréal que les éducateurs peuvent affirmer de façon réaliste que des écoles sont nécessaires pour contrer les aspects négatifs de phénomènes tels que l’industrialisation.

Éducation dans l'ouest du Canada

Sur la côte du Pacifique, l’immigration stimule le mouvement d’instruction de masse, mais l'éducation s'y manifeste très différemment que dans l’est du continent.

La Colombie-Britannique se distingue par l’arrivée massive d’Asiatiques, d’abord des Chinois qui travaillent dans les mines de Cariboo, puis à la construction des chemins de fer. Au début du XXe siècle, les immigrants japonais constituent un groupe important dans le secteur des pêches et, à un moindre degré, dans le commerce et les exploitations agricoles.

Au sein d’une population d’origine surtout britannique, l’importante immigration asiatique alimente les craintes au sujet de l’avenir de la Colombie-Britannique comme « province blanche » et à l’égard de la concurrence économique directe. Des émeutes anti-asiatiques et des pressions exercées par des groupes tels que l’Asiatic Exclusion League donnent lieu à partir de 1923 à la promulgation de lois visant à limiter l’immigration en provenance de l'Asie (y compris une politique de « porte fermée » à l’égard des Chinois). Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, un racisme intense engendre le déracinement d'habitants qualifiés de « Japonais » (certains étant pourtant nés au Canada), forcés de quitter leurs villages côtiers pour rejoindre des camps d'internement à l'intérieur des terres.

Religion et langue

Une bonne part des conflits et des controverses en matière d’éducation concernent la religion et la langue. L’ouverture d’écoles soumet les pratiques locales à une surveillance officielle et oblige les collectivités à se conformer à des normes d’instruction officielle qui ne correspondent pas toujours aux réalités d’une société diversifiée.

Les groupes religieux n’ont pas toujours apprécié l’idée d’un programme chrétien non confessionnel et leur opposition a engendré des systèmes scolaires parallèles catholique et protestant au Québec, la mise sur pied d’écoles séparées en Ontario et ailleurs au pays, et un système scolaire entièrement confessionnel à Terre-Neuve. Ces changements font l’objet de garanties juridiques dans la Constitution de 1867, qui ne se limite pas à stipuler que la compétence juridique en matière d’éducation revient aux provinces, mais enchâsse aussi la légitimité des écoles confessionnelles déjà en place dans les provinces au moment où elles adhérent à la Confédération.

En raison de l’augmentation du nombre d’immigrants d’origine asiatique et de préjugés croissants, la scolarisation s'affirme dans l’ouest du Canada différemment du reste du pays, et notamment par une tendance marquée à faire subir des examens aux élèves, notamment les premiers « tests d’intelligence » uniformisés au début du XXe siècle. Les enseignants de Colombie-Britannique s’empressent, plus que leurs collègues de provinces comme l’Ontario et beaucoup plus que ceux du Québec, à se servir de tests « scientifiques » comme d’un outil approprié de classement des élèves.

Les dirigeants de Colombie-Britannique accordent beaucoup d’attention aux étudiants asiatiques et examinent soigneusement les résultats des tests en tenant compte de l’ascendance de chaque élève. Les très bonnes notes obtenues à tous les coups par les jeunes d’origine asiatique étonnent les responsables scolaires et les persuadent non seulement d’élaborer des hypothèses fondées sur la nature « sélective » de l’immigration, mais aussi de poursuivre les tests pour assurer le « progrès » scolaire de la population d’origine britannique de la province.

Réception de plus en plus favorable de l'éducation publique

Les modifications des stratégies parentales expliquent pourquoi les parents envoient de plus en plus leurs enfants à l’école, et pendant des périodes plus longues, à mesure que le XIXe siècle avance. Le développement du capitalisme agraire, marchand et industriel alimente les impressions d’insécurité économique. Tous prennent conscience que, si on peut amasser de grandes fortunes, on peut aussi les perdre très rapidement. L’insécurité ressentie, même par ceux qui occupent des emplois bien rémunérés ou qui dirigent des entreprises prospères, finit par envahir de plus en plus l’esprit des parents qui planifient l’avenir de leurs enfants, ainsi que leurs vieux jours, dans un contexte de raréfaction des terres. En réponse à cette situation, on a moins d’enfants et on investit davantage dans leur éducation. Au milieu du XIXe siècle, les parents du Canada anglais pratiquent la contraception pour avoir moins d'enfants et leur assurer une meilleure qualité de vie. Lors de l’adoption des lois rendant l’école obligatoire dans les provinces canadiennes (sauf au Québec) plus tard au XIXe siècle, la majorité des parents envoient déjà leurs enfants à l'école.

Une certaine résistance à l’école se manifeste chez ceux qui n’aiment pas payer des impôts supplémentaires, qui n’acceptent pas l’instituteur proposé localement ou qui désirent maintenir des liens entre l’enseignement religieux officiel et l’instruction de masse. Dans les villes, des agents de surveillance « ramassent » les enfants (surtout parmi les ouvriers et les immigrants) et les envoient dans des pensionnats industriels. Toutefois, cette résistance porte surtout sur la forme et les coûts, plutôt que sur la nécessité d’une scolarisation de masse. Des compromis comme l’autorisation d’écoles paroissiales contribuent à résoudre un certain nombre de conflits. Dans la plupart des cas, les parents envoient leurs enfants à l’école bien avant que la loi ne les y oblige.

Motivation et assiduité scolaire

Le prestige conféré à la formation scolaire constitue la principale motivation des parents qui veulent assurer un meilleur sort à leurs enfants. Les promoteurs de l’école louent sa contribution à la formation du caractère, à l’acquisition de valeurs, à l’assimilation de principes politiques et sociaux, et à l’apprentissage de comportements appropriés. En revanche, beaucoup de parents sont en faveur de l’instruction tout simplement parce qu’ils veulent que leurs enfants apprennent à lire, à écrire et à compter.

La valeur accordée à l'éducation formelle n’est pas nécessairement liée au niveau d’études terminé. Alors que certains parents envoient leurs enfants à l’école pour qu’ils obtiennent un diplôme, plusieurs ne le font que lorsque leurs autres priorités le permettent. Par exemple, la fréquentation de l’école par les garçons baisse dans les collectivités où les débuts de l’industrialisation créent un plus grand nombre d’emplois.

De même, l’assiduité des élèves varie d’une saison à l’autre, surtout dans les zones rurales où les exigences de travail au sein de l’entreprise familiale sont prioritaires. Il n’y a pas de transition très nette entre l’école et le marché du travail, à quelque âge que ce soit. Au contraire, plusieurs enfants travaillent et vont à l’école à des fréquences variées pendant l’année et d’une année à l’autre. Dans la plupart des cas, leur départ de l’école n’est pas lié outre mesure à l’obtention d’un diplôme.

Exception canadienne-française

Les Canadiens français du Québec et des autres provinces accordent en règle générale moins d’importance à l’éducation formelle. Même s’ils commencent à pratiquer la contraception au milieu du XIXe siècle, cette pratique est beaucoup moins répandue chez eux que dans tous les autres groupes. Dans le même ordre d’idées, les jeunes francophones se mettent à fréquenter de plus en plus l’école, mais de façon beaucoup moins marquée que dans d’autres régions. Les taux d’alphabétisation chez les francophones demeurent très en deçà de la moyenne nationale jusqu’au début du XXe siècle. Dans l’ensemble, ils ne cherchent pas à avoir moins d’enfants pour leur offrir une qualité de vie supérieure, comme la plupart des autres groupes entre 1850 et le milieu du XXe siècle.

Les stratégies différentes de renouvellement des générations chez les francophones découlent sans doute de plusieurs facteurs, l’apport du travail des enfants à l’activité économique de la famille demeurant un élément incontournable pendant plusieurs décennies. Dans une plus grande mesure que d’autres groupes, les francophones continuent à assurer leur survie et leur sécurité matérielles en comptant sur le travail de tous les membres de la famille. Cette stratégie n’est pas la norme uniquement dans les zones rurales en expansion (au Québec et en Ontario), mais aussi dans les milieux de travail salarié dans les villages et municipalités. De nouveaux liens entre école et société ne se tissent qu’après la Deuxième Guerre mondiale.

Révolution tranquille

Au début des années 1960, le ministère de l’Instruction publique gère plus que 1 500 commissions scolaires, chacune ayant ses propres programmes, manuels et critères de transition. Dans plusieurs régions rurales, les enfants de niveaux différents partagent une même salle de classe. Le gouvernement libéral de Jean Lesage met sur pied une commission d’enquête sur l’enseignement, présidée par monseigneur Alphonse-Marie Parent, au moment de la mise en branle de ce que l’on a appelé par la suite la Révolution tranquille. Tenant compte des recommandations formulées par cette commission, le gouvernement du Québec modernise le système scolaire dans l’espoir d’améliorer le niveau d’instruction de l’ensemble des francophones et de produire une main-d’œuvre plus qualifiée. On rejette la direction de l’Église catholique dans le domaine de l’éducation en faveur d’une administration gouvernementale et on accorde des budgets substantiellement accrus aux commissions scolaires de la province.

Ces changements importants en matière d’éducation sont au cœur de la Révolution tranquille. Malgré les réticences de l’Église catholique, le gouvernement du Québec envisage le progrès en matière d’éducation comme une stratégie importante pour devenir « maîtres chez nous ». Il fait la promotion d’une scolarisation plus institutionnalisée comme projet « national ». D'une meilleure instruction découlera un renouveau économique et social, et les francophones du Québec feront ainsi partie d’une société tout à fait moderne.

Dans le prolongement des aspirations reliées à la Révolution tranquille, on justifie l’importance de l’instruction pour les Québécois de deux manières. D’abord, les dirigeants insistent sur la nécessité de se débarrasser d’un héritage d’analphabétisme élevé et de basse fréquentation scolaire en vue d'atteindre un niveau de modernité sociétale approprié. Dans le monde contemporain, posséder une éducation est vu comme valable et nécessaire en soi.

En deuxième lieu, le système scolaire moderne vise à l’avènement d’une société québécoise moderne par le truchement de la compétitivité économique. L’acquisition de capacités supérieures en mathématiques et en sciences fait partie d’une stratégie importante visant à se libérer de l’oppression britannique qui remonte à la Conquête. L’importance historique accordée à la religion et aux sciences humaines dans les écoles francophones n’est pas abandonnée sur-le-champ, mais elle faiblit progressivement après le début des années 1960.

La stratégie la plus controversée est la législation linguistique des années 1970, la loi 101, voulant que les jeunes Québécois issus de l'immigration reçoivent une éducation de langue française. Cette législation a pour but d’inverser la tendance traditionnelle selon laquelle les nouveaux venus s’intègrent plus à la population anglophone que francophone au Québec.

La restructuration scolaire, promue au rang de chantier national au Québec, recueille un vaste soutien populaire. En effet, à partir des années 1960, les responsables et les parents du Québec appuient le projet d’une instruction de meilleure qualité avec beaucoup d’enthousiasme, malgré des hausses d’impôt considérables nécessaires au financement de ces activités.

Les parents commencent aussi à avoir moins d’enfants, pour qu'ils puissent bénéficier d’une meilleure instruction. Au cours des années 1950 et au début des années 1960, le taux de natalité chute drastiquement au Québec, passant de la moyenne traditionnelle la plus élevée au Canada et aux États-Unis à la plus basse. Incidemment, les leaders religieux et laïques du Québec s’opposent à cette tendance, car elle menace de diminuer l’importance de la population francophone au pays. Malgré cette opposition, les parents continuent à limiter le nombre des naissances, une situation sans précédent dans un contexte de changement de comportement en matière de renouvellement des générations.

Approches éducatives canadiennes en évolution

La mise en place de systèmes scolaires publics au XIXe siècle se caractérise par l’uniformisation des manuels scolaires, la formation des maîtres, l’organisation des lieux d’enseignement et l’élaboration de programmes d’études. On voit alors les enfants comme de la glaise à modeler de différentes façons, mais avec les années, on en vient à les percevoir comme des individus uniques, dotés de capacités variées, c’est-à-dire comme des pousses qu’on doit nourrir en respectant les besoins de leur nature respective.

Le changement de mentalité à l’égard des enfants alimente la croissance de nouveaux programmes scolaires, surtout au niveau secondaire, conçus pour accommoder les capacités divergentes et le potentiel varié des élèves. En outre, on élabore des programmes de formation professionnelle et technique pour les étudiants qui s’avèrent inaptes aux études théoriques. Hélas, les critères utilisés pour répartir les jeunes dans différents programmes reflètent davantage les préjugés culturels et sociaux que leur niveau intellectuel. Des instruments comme les tests de mesure du quotient intellectuel élaborés au cours des années 1920 en disent plus long sur la mentalité des administrateurs scolaires que sur les aptitudes des élèves, mais on les utilise néanmoins pour les répartir dans différents programmes après le cours élémentaire.

Cette approche est constamment modifiée au cours du XXe siècle, surtout après la Deuxième Guerre mondiale, quand l’expansion des institutions postsecondaires permet d’élaborer de nouvelles méthodes d’orientation des étudiants vers des programmes variés. Pendant ces années, les débats en matière d’éducation portent surtout sur le contenu des programmes d'études convenant aux différents groupes d’âge.

Culture et discrimination en éducation

L’histoire de l’éducation au Canada se caractérise par des conflits incessants au sujet de la langue d’enseignement des minorités. La plupart des controverses concernent les francophones hors Québec, mais, récemment, la question linguistique touche aussi les anglophones du Québec en plus de déborder du côté de l’enseignement des langues maternelles chez les enfants d'immigrants. (Voir Enseignement des langues secondes) Ces conflits reflètent une situation où, même dans un contexte de mise en place généralisée d’une instruction publique uniformisée, les visions éducatives divergentes ont toujours existé tant chez les concepteurs de projets éducatifs que chez les parents.

Parallèlement, dans la conception même de l’instruction uniformisée, une distinction très nette entre garçons et filles a toujours existé. L’école publique idéale du milieu du XIXe siècle comprend des entrées, classes et lieux séparés pour les garçons et les filles. En outre, à la redéfinition de la famille comme association fondée sur les liens émotionnels plutôt que comme une unité de production économique s’ajoute l’idée que les filles doivent être éduquées en vue des tâches ménagères et les garçons à leur futur rôle de pourvoyeurs.

Vers la fin du XIXe siècle, les filles suivent des cours d’économie domestique pour apprendre à cuisiner et à tenir maison, tandis que les garçons, surtout ceux des familles ouvrières, apprennent des métiers manuels liés à la production manufacturière. L’idéalisation des femmes comme mères et épouses, de même que la rareté relative des emplois auxquels elles ont accès, contribue à la féminisation du personnel enseignant du niveau élémentaire.

Bien que le foyer soit considéré comme le domaine privilégié des femmes, les jeunes filles célibataires sont perçues comme les plus aptes à enseigner aux enfants qui ne peuvent que profiter de leurs qualités d’éducatrices, censées être innées. Les institutrices sont mal payées et dirigées par des responsables masculins qui se perçoivent comme les vrais éducateurs. Même à la fin du XXe siècle, plusieurs de ces modèles établis antérieurement subsistent. L’histoire de l’éducation diffère par conséquent pour les filles et les garçons.

L’éducation formelle a aussi des incidences différentes pour les Canadiens d’origine autre qu’européenne. Les projets assimilateurs des éducateurs à l’égard des Autochtones n’ont pas changé après la fin du régime français en Nouvelle-France. Au cours des XIXe et XXe siècles, les pensionnats constituent un outil privilégié pour séparer les enfants autochtones de leur peuple, mais cette méthode n’a servi qu’à engendrer en eux une confusion culturelle et à les blesser intérieurement. (Voir Pensionnats)

Récemment, des responsables de l’enseignement ont tenté d’élaborer en collaboration avec les peuples autochtones des programmes d’enseignement qui respectent leur identité. (Voir Relations entre les autochtones et les Blancs)

La mise en place d’écoles séparées pour les Noirs en Ontario et en Nouvelle-Écosse au cours du XIXe siècle, ainsi que l’application de règlements spéciaux pour les Asiatiques en Colombie-Britannique, font aussi partie de l'histoire de l'éducation au Canada. De telles mesures discriminatoires ne sont plus des politiques officielles, mais on retrouve encore des allusions racistes plus subtiles et informelles dans certains programmes d’enseignement et manuels scolaires.

Conclusion

L’histoire de l’éducation au Canada, comme dans les autres pays occidentaux, est liée à la croissance de l’instruction officielle financée par les impôts et supervisée par l’État. Cette croissance découle de préoccupations culturelles, morales et politiques et de l’émergence d’une économie fondée sur le travail salarié, de changements de mentalité à l’égard de l’enfance et de la famille, ainsi que de la réorganisation générale de la société en institutions.

À la fin du XXe siècle, l’instruction fait partie d’un réseau institutionnel qui comprend les hôpitaux, les entreprises, les prisons et les organismes sociaux. Divers groupes font l’expérience de cette croissance de bien des manières, que ce soit par des voies officielles ou de leur propre chef. En fin de compte, il existe plusieurs versions de l’histoire de l’éducation au Canada, et on peut faire d’importantes distinctions à l’intérieur des grandes tendances.

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