Efa Prudence Heward, peintre (née le 2 juillet 1896 à Montréal, au Québec; décédée le 19 mars 1947, à Los Angeles, en Californie). Malgré la popularité des paysages à l’époque où elle a vécu, elle s’est spécialisée à peindre les portraits de femmes. Elle est reconnue pour ses formes sculpturales, ses personnages féminins provocateurs et ses couleurs expressionnistes. Elle a vécu un temps à Londres, en Angleterre, a étudié à Paris, en France, et a voyagé en Italie; sa connaissance de l’art moderne européen a influencé ses peintures figuratives.
Enfance, formation artistique et déplacements
Efa Prudence Heward naît dans une riche famille montréalaise. Elle est la sixième des huit enfants de Sarah Efa Jones et Arthur R. G. Heward. La famille habite une grande maison à Montréal et passe l’été à Fernbank, près de Brockville, en Ontario. Plus tard, l’artiste se rend souvent à Fernbank avec ses amis artistes, dont Sarah Robertson, Isabel McLaughlin et A.Y. Jackson, pour pique-niquer et tracer des esquisses.
Efa Prudence Heward est une enfant chétive et souffre d’asthme tout au long de sa vie. En 1912, à 16 ans, sa famille vit une série de chocs. Son père décède le 16 mai. Moins d’une semaine plus tard, sa sœur Dorothy meurt en couche. Une autre sœur, Barbara, âgée de 20 ans, meurt en octobre. L’année suivante, son frère Jim attrape la tuberculose. En 1914, ses frères partent en Europe pour participer à la Première Guerre mondiale. Elle les suit, accompagnée de sa mère et de sa sœur Honor peu de temps après, pour travailler en Angleterre pour la Croix-Rouge, jusqu’à la fin de la guerre.
Quand elle revient de l’Europe, Prudence Heward se réinscrit à l’Art Association of Montreal (AAM) en 1919 et étudie sous William Brymner et Randolph Hewton. C’est à l’AAM qu’elle rencontre ses confrères, les artistes Edwin Holgate, Lilias Torrance Newton et Sarah Robertson, entre autres.
Elle atteint un succès en tant qu’artiste professionnelle au début des années 1920, alors qu’elle obtient le deuxième rang dans une compétition pour le prix Reford pour la peinture à l’AAM en 1922. Elle remporte aussi le prix Reford et le prix de l’Association culturelle des femmes pour la peinture, en tant qu’étudiante de la classe avancée de l’AAM en 1924. Après ces succès, elle se rend à Londres pour la première fois depuis la fin de la Première Guerre mondiale. En 1925, elle suit des cours à Paris, à l’Académie Colarossi, où elle est l’étudiante de Charles Guérin qui a lui-même été l’étudiant de Gustave Moreau, l’un des professeurs d’Henri Matisse. Elle étudie aussi le dessin à l’École des Beaux-Arts sous Bernard Naudin. Sa formation en France, bien que courte, influencera sur sa pratique artistique tout au long de sa vie.
Au début de 1930, elle retourne à Paris et voyage en Italie avec sa nouvelle amie, l’artiste canadienne Isabel McLaughlin. Prudence Heward produit plusieurs petites esquisses à l’huile de scènes vénitiennes pendant ce voyage et pendant son voyage précédent en Europe, comme Venise (1926).
Points saillants de sa carrière
Le premier grand succès professionnel de Prudence Heward est en 1929, quand elle gagne le premier prix de la Willingdon Arts Competition pour Femme sur une colline (Musée des beaux‑arts du Canada), une œuvre qui représente la danseuse moderne Louise McLea. L’artiste peint des femmes blanches et noires, mais ne produit qu’un seul tableau célèbre de femme blanche nue, Fille sous un arbre (1931) de la Art Gallery of Hamilton. Ses sujets noires sont représentées soit nues soit vêtues en partie, par exemple, Fille dans la fenêtre (1941) de la Art Gallery of Windsor.
Bien qu’elle se spécialise dans la peinture figurative, Prudence Heward peint aussi des paysages et des natures mortes, et est invitée à exposer ses œuvres avec le Groupe des sept vers la fin des années 1920 et le début des années 1930. En 1930, ses toiles Au théâtre (1928) et Les immigrantes (1928) font partie de l’exposition du Groupe des sept, et en 1931, trois de ses toiles – Fille sous un arbre, Cagnes et Rue de Cagnes – sont inclues dans une exposition du Groupe des sept à l’Art Gallery of Toronto (aujourd’hui le Musée des beaux-arts de l’Ontario).
Prudence Heward est affiliée avec un groupe montréalais, le Beaver Hall Group (1920-1921), qui est un collectif d’artistes composé surtout, mais pas exclusivement, d’artistes féminines professionnelles. Bien qu’elle ne soit pas membre officielle (elle ne partage pas leur studio, puisqu’elle a son propre studio à l’étage supérieur de la maison qu’elle partage avec sa mère dans la rue Peel), elle monte des expositions avec le Beaver Hall Group. Elle est aussi cofondatrice et vice-présidente (1933‑1939) du Canadian Group of Painters et membre fondatrice de la Société d’art contemporain en 1939. Elle est impliquée dans la Société d’art contemporain jusqu’en 1944. En 1941, elle participe à la conférence de Kingston qui donne naissance à la Fédération des artistes canadiens. La conférence est organisée par André Biéler et est tenue à l’Université Queen’s. (Voir aussi Organisations d’artistes.)
Expositions importantes, bourse et archives
Prudence Heward expose souvent au cours de sa vie et reçoit souvent des critiques positives, bien que certaines de ses toiles de figures, comme Femme au bord de la mer (1930, Art Gallery of Windsor) et l’un de ses tableaux qui représentent une Noire nue, Hester (1937, Agnes Etherington Art Centre), provoquent des réactions hostiles dans la presse. Sa première exposition personnelle a lieu en 1932 à la W. Scott & Sons Gallery, à Montréal. Ses œuvres font aussi partie d’expositions internationales.
Lorsque Efa Prudence Heward décède en 1947 (elle arrête de peindre en 1945 pour cause de maladie), une exposition commémorative est organisée. A.Y. Jackson (1882-1974) rédige l’essai de catalogue et Anne Savage (1896-1971) prononce le discours d’ouverture au début de la réception à Montréal, le 13 mai 1948. Dans ce discours, Mme Savage affirme : « Jamais, depuis l’époque de J.W. Morrice, une Montréalaise n’a-t-elle apporté une telle distinction à sa ville natale, et jamais auparavant une telle contribution n’a-t-elle été faite par une femme. » L’exposition se rend dans neuf villes canadiennes au cours de sa tournée de 16 mois.
En 1975, les historiennes d’art féministes Dorothy Farr et Natalie Luckyj organisent une exposition au sujet des peintres canadiennes au Agnes Etherington Art Centre à Kingston, en Ontario, et incluent les tableaux de Prudence Heward dans la présentation. En 1986, Nathalie Luckyj organise une exposition au Agnes Etherington Art Centre consacrée à l’artiste. Le catalogue accompagnateur, L’expression d’une volonté : l’art de Prudence Heward, est l’une des premières monographies écrites au sujet d’un artiste canadien d’un point de vue féminin. En grande partie grâce à ces expositions féminines et aux catalogues accompagnateurs, Prudence Heward est maintenant reconnue comme artiste moderne importante du début du XXe siècle. Ses toiles continuent à capter l’attention des historiens d’art s’intéressant non seulement à l’art canadien, mais aussi aux enjeux de classe, de sexe et de race.
Plusieurs de ses œuvres font partie de la collection du Musée des beaux-arts de Montréal, et de certains documents d’archives. Une autre ressource très riche, le Fonds de Prudence Heward, qui inclut, entre autres, six carnets de croquis, des photographies et la palette de l’artiste, est conservé à la bibliothèque et aux archives du Musée des Beaux-arts du Canada, à Ottawa. Une autre richesse est le Fonds d’Isabel McLaughlin conservé au Agnes Etherington Art Centre, à Kingston, en Ontario; ces archives contiennent bon nombre de lettres à Isabel McLaughlin, de la part de Prudence Heward.