Mary Helen Creighton, M.C., collectionneuse de chansons, folkloriste et écrivaine (née le 5 septembre 1899 à Dartmouth, N.-É.;- décédée le 12 décembre 1989 à Halifax, N.-É.). Pionnière du recueil de musique folklorique canadienne-anglaise et d’autres éléments folkloriques dans les Maritimes, Helen Creighton a contribué à tracer les contours de la culture de cette région. Après avoir recueilli des éléments folkloriques pour la bibliothèque du Congrès américain, elle a travaillé pour le Musée national du Canada (devenu le Musée canadien de l’histoire) pendant 20 ans, mettant en lumière plus de 4 000 chansons en anglais, en français, en gaélique, en mi’kmaq et en allemand. Elle a également donné des conférences dans toute l’Amérique du Nord, aidant à la mise sur pied de chorales folkloriques et apportant son concours aux présentations de musique folklorique sur le réseau anglophone de Radio-Canada. Membre de l’Ordre du Canada, elle a obtenu trois bourses de recherche de la Fondation Rockefeller ainsi que la Médaille du Conseil canadien de la musique.
Éducation et début de carrière
Creighton obtient un diplôme en musique à l’Université McGill en 1915, puis un diplôme du Ladies’ College de Halifax en 1916. Durant les années 20, elle travaille brièvement comme travailleuse sociale à Halifax et enseigne à l’American School à Guadalajara au Mexique. Elle apparaît également, entre 1926 et 1927, sous le surnom de « Aunt Helen », dans une émission de radio pour enfants sur CHNS Halifax.
Inspirée par les travaux de W. Roy Mackenzie (auteur d’une compilation intitulée Ballads and Sea Songs of Nova Scotia), Creighton commence, en 1928, à recueillir des chansons folkloriques et à parcourir sa province natale, se rendant, à l’occasion à pied, dans des régions isolées en poussant son harmonium (un petit orgue à anches doté d’un seul clavier) dans une brouette. N’ayant pas les compétences pour transcrire la musique sur papier, elle rejoue « à l’oreille » sur son instrument les airs qu’on lui chante. Durant les années 30, elle collabore avec Doreen H. Senior, un musicien anglais qui joue pour elle le rôle de transcripteur.
Carrière
De 1939 à 1941, Creighton occupe les fonctions de directrice des étudiantes à l’Université du King’s College à Halifax. En 1942, elle étudie au Summer Institute of Folklore de l’Université de l’Indiana. Entre 1942 et 1946, elle obtient trois bourses de recherche de la Fondation Rockefeller et, en 1943, la bibliothèque du Congrès à Washington lui fournit une machine portable pour effectuer des enregistrements sur disques d’acétate; elle commence à enregistrer sur bande en 1949.
Elle recueille et enregistre des chansons et des éléments folkloriques de Nouvelle-Écosse pour la bibliothèque du Congrès de 1943 à 1944 et en 1948, puis, de 1947 à 1967, pour le Musée national du Canada (devenu depuis Musée canadien de l’histoire). Durant sa carrière, Creighton recueille et enregistre plus de 4 000 chansons avec leurs variantes en anglais, en français, en gaélique, en mi’kmaq et en allemand. Un certain nombre des chansons en anglais proviennent de la communauté noire. « He’s Young but He’s Daily a-Growing », « I’ll Give My Love an Apple », « The Cherry Tree Carol », « The Farmer’s Curst Wife », « Cecilia », « Oran do Cheap Breatainn » (« Cape Breton is the Land I Love »), « Lost Jimmy Whalen », et « The Bold Pedlar », une chanson folklorique du XVe siècle perdue en Angleterre mais qui a survécu au Canada, font partie des titres caractéristiques de cette collection.
La pièce la plus ancienne recueillie par Creighton est une balade qui remonte au XIIIe siècle intitulée « The False Knight Upon the Road ». La pièce la plus célèbre est « The Nova Scotia Song », également connue sous le nom de « Farewell to Nova Scotia » et popularisée dans les années 60 par Catherine McKinnon. Les Néo-Écossais Catherine Gallagher, Enos Hartlan, Ben Henneberry, William Riley et Freeman Young ainsi que la famille Redden tout comme le Néo-Brunswickois Angelo Dornan chantent pour Creighton. Sur l’île du Prince-Édouard, elle enregistre notamment Ernest Sellick, Charlie Chamberlain et Julius (Duke) Neilsen, les deux derniers se faisant ultérieurement connaître avec Don Messer and His Islanders.
Compositions et enregistrements
Plusieurs compositions canadiennes sont basées sur les airs collectés par Creighton, notamment la musique pour le ballet de Michel Perrault Sea Gallows en 1958, l’opéra de Trevor Morgan Jones et Donald Wetmore The Broken Ring en 1953, Two Maritime Aquarelles de Klaro Mizerit en 1970, Maritime Folk Song Medley d’Alex Tilley en 1977 ainsi que Tribute to Helen Creighton et Homage to Helen de Scott Macmillan, respectivement en 1987 et en 1991.
De plus, de nombreuses chansons ont été enregistrées à des fins commerciales, notamment deux disques consacrés au matériel recueilli par Creighton : Traditional Folksongs of Nova Scotia de Diane Oxner en 1973 et False Knight Upon the Road: Songs from the Helen Creighton Collection de Clary Croft en 1986.
Cinéma et télévision
Creighton s’exprime fréquemment sur les ondes de la radio anglophone de Radio-Canada et fait des apparitions dans des programmes de la télévision anglophone de Radio-Canada comme Open House en 1960, Land of the Old Songs également en 1960, The Lady of the Legends aux alentours de 1966, Take 30 en 1968 et comme les miniséries Gary Karr and His Friends en 1973 et The Legacy of Helen Creighton en 1988. Elle fait également l’objet de trois documentaires de l’ONF : Songs of Nova Scotia en 1958, The Nova Scotia Song en 1987 et A Sigh and a Wish: Helen Creighton’s Maritimes en 2001.
Creighton s’intéresse aussi bien à l’interprétation de la musique folklorique qu’à la musique elle-même. En 1956, elle découvre Finvola Redden-Bower et, en 1957, la famille Redden chante lors d’un épisode de l’émission de la télévision anglophone de Radio-Canada Graphic consacré au travail de Creighton en tant que collectrice. Entre 1967 et 1973, Creighton met sur pied un ensemble à sept voix, les Nova Scotia Folk Singers, dirigé par Kaye Pottie. Elle donne de nombreuses conférences au Canada et aux États-Unis et, en 1959, présente une communication au congrès de l’IFMC en Roumanie.
Creighton fait également autorité en matière d’histoires de fantômes de la Nouvelle-Écosse dont un grand nombre sont présentées dans son livre de 1957, Bluenose Ghosts, et dans le documentaire éponyme de 1973.
Activités internationales
Creighton est membre de l’American Folklore Society et de l’American Anthropological Association, correspondante de l’International Folk Music Council et vice-présidente, de 1957 à 1967, de la Société canadienne de musique folklorique (devenue la Société canadienne pour les traditions musicales); elle en devient présidente honoraire en 1974. Elle est aussi membre du conseil d’administration de l’Encyclopédie de la musique au Canada à laquelle elle contribue également.
Distinctions et héritage
Le Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens honore Creighton à titre posthume en lui accordant le Prix du Patrimoine Frank Davies en 2011. En mars 1980, The Collector, un hommage musical au travail de toute une vie, écrit et dirigé par John Brown, est présenté par l’Université Mount Saint Vincent. Les Prix de la musique de la Côte Est attribuent, en son honneur, un prix annuel récompensant l’œuvre d’une vie.
Le Helen Creighton Folklore Festival de Dartmouth est créé à partir de fonds octroyés par la Ville de Dartmouth en hommage à Creighton à l’occasion de son 90e anniversaire. Ce festival, qui se tient tous les ans de 1989 à 1994, œuvre pour la présentation et la conservation du folklore des Maritimes au Canada. La Helen Creighton Folklore Society (HCFS) est créée sous les auspices du festival.
En 1990, la province de Nouvelle-Écosse met sur pied la Fondation Helen Creighton dont la mission consiste à perpétuer sa mémoire grâce à des conférences, à des acquisitions pour des bibliothèques et à l’octroi d’une citation du mérite pour des publications sur des sujets en rapport avec ses travaux; cette fondation a fusionné avec la HCFS en 1997. La collection Creighton, qui comprend plus de douze albums de photos qu’elle a prises ou qui ont été prises par sa famille, est conservée au Service des archives et de la gestion des dossiers de la Nouvelle-Écosse (NSARM) à Halifax.
Prix et distinctions
Doctorat honoris causa, LL.D., Université Mount Allison (1957)
Doctorat honoris causa, D. Litt., Université Laval (1961)
Doctorat honoris causa, DCL, Université Dalhousie (1967)
Docteur honoris causa, D. Litt., Université St. Francis Xavier (1975)
Docteur honoris causa, D. Litt., Université St. Mary (1976)
Membre de l’Ordre du Canada (1976)
Docteur honoris causa, Littérature humaniste, Université Mount Saint Vincent (1982)
Prix du Patrimoine Frank Davies, Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens (2011).
Publications
Livres
Helen Creighton
- Bluenose Ghosts (Toronto, 1957)
- Bluenose Magic (Toronto, 1968)
- Folklore of Lunenburg County, Nova Scotia (Ottawa, 1950; Toronto, 1976)
- Folksongs from Southern New Brunswick, Publications de culture folklorique 1 du Musée national de l’homme (Ottawa, 1971)
- A Folk Tale Journey through the Maritimes (Breton Books: 1994)
- A Life in Folklore (Toronto, 1975)
- Maritime Folk Songs (Ryerson: 1962, 1972)
- Songs and Ballads from Nova Scotia (Dent, 1932; Dover, 1966)
Helen Creighton et Ronald Labelle
- La Fleur du Rosier (University College of Cape Breton Press et Musée canadien des civilisations, 1988)
Helen Creighton et Calum MacLeod
- Gaelic Songs in Nova Scotia, Bulletin du Musée national de l’homme, 198 (Ottawa, 1964)
Helen Creighton et Doreen Senior
- Traditional Songs from Nova Scotia (Ryerson, 1950)
- Twelve Folksongs from Nova Scotia (Novello, 1940)
Helen Creighton et Eunice Sircom
- Eight Ethnic Songs for Young Children (GVT, 1977)
- Nine Ethnic Songs for Older Children (GVT, 1977)
Une version de cet article est parue initialement dans l’Encyclopédie de la musique au Canada.