L’épidémie de choléra de 1832
L'île de Grâce est concédée au gouverneur Charles Huault de Montmagny, en 1646. L'usage transforme le nom d'île de Grâce en celui de la Grosse-Île. En 1832, l'île est déserte et on la transforme en station de quarantaine pour les immigrants afin d'éviter la propagation des maladies infectieuses et plus particulièrement du choléra. Lors de sa première année d’activité, 51 746 immigrants d'Irlande et d'Angleterre y sont examinés sur un total de 61 800 accueillis au Canada. Malgré ces efforts, une épidémie de choléra se propage en 1833-1834 à Québec et à Montréal, faisant respectivement 3 800 et 1 900 victimes.
L’épidémie de typhus de 1847
À partir du printemps 1847, dans la foulée de la Grande Famine qui sévit en Irlande, l’Amérique du Nord doit faire face à l’arrivée de plusieurs milliers d’immigrants irlandais, souvent mal en point, souffrant de malnutrition et atteints du typhus, la « fièvre des navires » Les immigrants irlandais embarquent dans des navires insalubres et leurs conditions sont inhumaines. En 1847, ce sont 441 navire qui transportent les immigrants au Canada à destination du port de Québec. La traversée dure de 6 à 9 semaines. Plus de 5 000 passagers sont morts pendant la traversée. Dans la station de quarantaine de l'île, le docteur George M. Douglas et son équipe retirent quelque 2 200 cadavres des bateaux, examinent 90 150 immigrants et inhument au moins 5 424 corps cette même année. Rapidement, les installations ne suffisent plus et une douzaine de nouveaux grands bâtiments sont érigés dans l’est de l’île afin de recevoir les patients atteints du typhus. On envoie aussi des bateaux à Pointe-Saint-Charles, à Montréal, où 6 000 immigrants irlandais décèdent et sont enterrés. Malgré toutes les précautions, le typhus se propage à Québec et à Montréal et des médecins, des employés, des marins, des prêtres et des religieuses meurent en service.
D’autres villes et ports canadiens sont également atteints par l’épidémie, notamment Toronto , Kingston et Saint John. En tout et pour tout, le typhus aura fait 20 000 victimes au Canada en 1847.
Recherche, transformation et amélioration des installations
En 1869, le Canada adopte l’Acte d’immigration qui réglemente le nombre de passagers pouvant monter à bord d’un navire et insiste sur leur sécurité au cours du voyage en mer et à leur arrivée au pays (voir Politique d’immigration canadienne). Le Canada établit également un service de quarantaine de plus en plus fiable et moderne.
À la Grosse-Île, le docteur Frederick Montizambert, directeur médical de 1869 à 1899, joue un rôle majeur dans la transformation de l’île et la modernisation des installations. Son objectif est de séparer les immigrants malades des voyageurs en santé ou en observation et de traiter les malades dans des installations différentes. Le centre de l’île (appelé le village) est réservé au personnel. On construit un hôpital moderne et spécialisé dans les maladies infectieuses (1881) dans l’est de l’île et on aménage un bâtiment de désinfection (1892) à proximité du quai ouest afin de désinfecter les passagers et leurs effets personnels dès leur arrivée. On construit également des hôtels de première, deuxième et troisième classe au début du 20e siècle afin d’accueillir les passagers en bonne santé, mais devant néanmoins se soumettre à la quarantaine.
Après plus de 100 ans d'activité, la station de quarantaine ferme ses portes en 1937. À partir de la Deuxième Guerre mondiale, la Grosse-Île est le site de recherches bactériologiques secrètes et demeure longtemps interdite au public. De 1957 à 1984, elle redevient un lieu de quarantaine, mais pour les animaux exportés au Canada.
Commémoration et mise en valeur
En 1974, la Grosse-Île est reconnue comme un lieu d’importance historique nationale. Le cimetière des Irlandais, le lazaret (1847), un monument érigé à la mémoire des médecins de la station (1853) ainsi que la croix celtique (érigée en 1909 par l’ancien Ordre des Hiberniens) rappellent l'histoire tragique de l'île.