Fondation du Ballet national du Canada | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Fondation du Ballet national du Canada

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

Pour ceux qui ne s'y intéressent pas, le ballet est une affaire de filles en jupes bouffantes qui sautent et pirouettent avec des garçons en collants. Les amateurs de ballet y voient plutôt un spectacle grandiose et la beauté d'une histoire racontée par de gracieux mouvements.

La première compagnie de ballet du Canada, fondé le 12 novembre 1951, est le Ballet national du Canada (BNC). Elle se distingue par de somptueuses productions de ballets racontant des histoires traditionnelles comme Le Lac des cygnes, La Belle au bois dormant et Casse-Noisette. Comme pour toute compagnie de ballet, l'histoire de la création du BNC est pleine de mélodrames et d'humeurs de coulisses.

La Belle au bois dormant
Frank Augustyn et Karen Kain dans une production de La Belle au bois dormant, 1979 (photo par Andrew Oxenham)

Ce sont les amateurs de ballet Sydney Mulqueen, Pearl Whitehead et Aileen Woods qui reconnaissent le besoin d'une compagnie nationale et prennent l'initiative de fonder le BNC. Ils sont inspirés par le succès du Winnipeg Ballet et du Sadler's Wells Ballet d'Angleterre.

Jusqu'à l'avènement du Ballet national, les festivals canadiens de ballet sont les seules occasions de spectacles, et les danseurs aux talents prometteurs doivent quitter le pays. Dès 1950, les rêves de passionnés de la trempe de Boris Volkoff et Gweneth Lloyd se concrétisent : Volkoff dirige une troupe prometteuse à Toronto, et Lloyd est la chorégraphe du Ballet de Winnipeg.

Celia Franca, danseuse au talent immense, maîtresse de ballet et chorégraphe de Londres, est invitée au festival de 1950 en vue de la création d'une compagnie professionnelle nationale. Pourtant Volkoff aurait peut-être accepté le défi. Après avoir observé les normes du ballet au Canada, Franca déclare : «Je pense que vous avez besoin de moi ici.»

La suite des événements menant à l'entrée en fonction de Franca comme directrice artistique fondatrice du BNC demeure nébuleuse. Selon une note non datée adressée à Whitehead, c'est Stewart James, associé de Volkoff, qui demande à Franca d'être maîtresse de ballet pour un directeur non identifié d'une compagnie projetée. Le 19 octobre 1950, avant que Franca assiste au festival, Woods lui écrit que la compagnie nationale profiterait davantage d'avoir Franca «comme productrice et directrice aussi bien que comme... maîtresse de ballet.»

La lettre de Woods réfute l'interprétation répandue selon laquelle Franca accepte l'offre de Volkoff, puis use de son influence pour lui voler son poste de directeur artistique.

D'autres documents témoignent d'une querelle entre les principaux acteurs. Woods a correspondu avec Ninette de Valois, la directrice du Sadler's Wells. De Valois, avec Marie Rambert, a déjà travaillé avec Serge Diaghilev, l'imprésario russe de Saint-Pétersbourg qui passe pour avoir modelé le ballet occidental. De Valois et Rambert établissent la tradition anglaise qui finit par dominer la vision mondiale du ballet.

Lloyd et Volkoff semblent aspirer tous les deux à diriger une compagnie nationale et tentent de se placer sous les projecteurs. De Valois recommande que ce soit une personne d'une compétence artistique indiscutable et «ayant une distance objective avec la conjoncture existante» qui dirige la compagnie projetée. Un ballet national ne peut être le prolongement d'une compagnie existante comme celles de Volkoff ou de Lloyd. Le conseil de De Valois apporte à ce problème délicat la solution qui prête le moins à la controverse.

Le désaccord de Franca avec Lloyd et Volkoff prend une tournure mélodramatique. Franca suit la tradition artistique de Diaghilev. Lloyd n'a pas de carrière de danseuse professionnelle - elle s'est lancée directement dans l'enseignement et la chorégraphie et a peu profité d'influences formatrices telles que celles dont jouit Franca. Volkoff, formé à Moscou, a dansé partout, semble-t-il, y compris dans une boîte de nuit de Shanghai. Franca considère que les techniques d'enseignement de Volkoff relèvent d'une «formation russe rétrograde». De son côté, Volkoff croit qu'elle représente «l'école de danse d'une institutrice anglaise bien rangée».

Franca affirme avoir essayé de maintenir de bonnes relations avec Lloyd et Volkoff. Sur un placart administratif non utilisé pour la compagnie projetée, Franca figure à titre de directrice artistique, Volkoff, de chorégraphe-résident et Lloyd, de conseillère artistique et chorégraphe. L'organisation de la direction hypothétique donne à penser que les postes sont attribués de manière à éviter de blesser Lloyd ou Volkoff.

Après un vif débat du conseil d'administration au sujet de l'invitation lancée à Lloyd de signer la chorégraphie d'un ballet, le refus net de celle-ci suggère qu'elle pense : «trop peu, trop tard». Lloyd intensifie son soutien du Winnipeg Ballet et met fin à son association avec le BNC.

Volkoff donne des cours au Ballet national avant son spectacle d'ouverture. Par la suite, certains des principaux danseurs de la compagnie suivent des cours privés à son studio. Les relations entre Volkoff et le BNC se détériorent au fil des ans. Bien que Volkoff reste à distance pendant un temps, son amertume et sa déception deviennent aussi publiques que celles de Lloyd.

Greta Hodgkinson dans la production acclamée de James Kudleka's de L'Oiseau de feu (photo par Cylla Von Tiedmann).

Malgré les humeurs d'artistes, le financement insuffisant et le trop petit nombre de danseurs classiques, Franca développe une compagnie à répertoire bien disciplinée et saluée mondialement par le public. Le BNC forme des étoiles telles que Karen Kain, Frank Augustyn et Veronica Tennant. Franca quitte le BNC en 1974, mais la compagnie garde la personnalité qu'elle lui a inculquée durant ses 23 années de direction artistique.