Le Saint Laurent, fleuve gigantesque et estuaire, forme avec les Grands Lacs un réseau hydrographique qui s’étend sur 3 058 km à l’intérieur de l’Amérique du Nord. Prenant sa source dans le lac Ontario, le fleuve, d’une longueur d’environ 1 197 km, coule en direction du nord-est jusqu’à Montréal et à Québec pour aller se jeter dans le golfe du Saint-Laurent. Route des explorateurs et axe principal de la Nouvelle-France, le fleuve joue un rôle primordial dans les débuts de l’histoire du Canada. Il demeure le principal foyer de peuplement de la province de Québec. Il est toujours la plus importante voie navigable commerciale du Canada ainsi qu’une source d’énergie électrique et de beauté naturelle. (Voir aussi Basses terres du Saint-Laurent.)
Géographie et géologie
Le bassin hydrographique du fleuve occupe environ 1 000 000 km2, dont 505 000 km2 se trouvent sur le territoire des États-Unis. Son débit moyen de près de 10 100 m3/s est le plus important du Canada. Son plus grand affluent, la rivière des Outaouais, draine environ 140 000 km2. Quant au Saguenay, à la Manicouagan, au Saint-Maurice et au Richelieu, ils drainent respectivement une superficie approximative de 88 000 km2, de 45 000 km2, de 43 300 km2 et de 22 000 km2. Sur le plan géologique, le Saint-Laurent est un fleuve jeune. Son lit correspond à une brèche profonde dans l’écorce terrestre mise à découvert il y a quelque 10 000 ans lorsque les glaciers se sont retirés.
Le Saint-Laurent constitue une bonne partie du tracé sud-ouest du Bouclier canadien, qui empiète sur le fleuve, à Québec. À Cap-Tourmente, à 40 km en aval de Québec, les Laurentides s’élèvent à 579 m au-dessus du niveau du fleuve. Elles en suivent le cours jusqu’après Les Éboulements (770 m), où elles commencent à s’éloigner vers l’intérieur des terres en direction du Saguenay. Dans l’ensemble, c’est la rive sud qui est la plus basse, bien que les Appalaches s’avancent vers le fleuve à Matane et, continuant vers l’est, forment le haut plateau de Gaspé.
Cours
La limite occidentale du fleuve se situe à Everett Point, au lac Ontario. On a donné le nom de rapides internationaux au tronçon qui va de Kingston à Montréal, car de brusques dénivellations dans le lit du fleuve y créent une série de rapides (cette partie a été inondée dans les années 1960 pour former un nouveau lac, le lac Saint-Laurent). À sa naissance, le fleuve est une sorte de prolongement du lac Ontario, encombré de nombreuses îles, dont l’île Wolfe et les Mille-Îles près de Gananoque, en Ontario. À partir de Brockville, il coule en direction du nord-est et continue ainsi en passant par Prescott, Morrisburg et enfin Cornwall, où il s’élargit pour former le lac Saint-François.
Le canal de Beauharnois permet désormais aux navires de franchir en toute sécurité les anciens rapides de Lachine et des Cèdres jusqu’à un autre élargissement du fleuve, le lac Saint-Louis, au sud-ouest de Montréal. La rivière des Outaouais rejoint le cours principal du fleuve par des chenaux jusqu’au lac Saint-Louis, puis part en direction du nord-est en traversant le lac des Deux Montagnes, la rivière des Mille-Îles et la rivière des Prairies.
Les terres situées au confluent entre les différents chenaux forment l’archipel sur lequel la ville de Montréal est bâtie. Depuis le 19e siècle, le dragage et les canaux ont permis le développement du port de Montréal.
De Montréal à Trois-Rivières, le fleuve est généralement calme et les marées ne l’atteignent pas. Un certain nombre d’îles longues et étroites continuent à diviser le courant principal, et un groupe important, semblable à celui du lac Ontario, se distingue à l’embouchure de la rivière Richelieu, à Sorel. Le fleuve s’élargit pour former le lac Saint-Pierre, d’une largeur de 15 km environ, et se rétrécit de nouveau à Trois-Rivières, à l’embouchure de la rivière Saint-Maurice. De là à Québec, le courant d’eau douce s’inverse avec les marées.
Le fleuve se resserre à Québec, où un promontoire domine tout le cours supérieur. La valeur militaire du site s’est révélée bien avant la colonisation européenne.
En aval de Québec, le fleuve se divise pour encercler l’Île d’Orléans et s’élargit régulièrement pour atteindre 15 km à Cap-Tourmente et près de 25 km à L’Île-aux-Coudres. L’eau devient saumâtre et les marées sont fortes. Près de l’embouchure de la rivière Saguenay, le lit du fleuve passe brusquement d’une altitude de 25 m au-dessous du niveau de la mer à 350 m de profondeur, formant une vallée submergée dans l’estuaire maritime. Le courant d’eau douce se mêle à l’eau froide et salée de l’Arctique. Au confluent du fleuve et du Saguenay, la ville de Tadoussac est implantée sur une terrasse de sable et d’argile, mais la rude Côte-Nord, d’âge précambrien, est peu peuplée.
La côte sud de l’estuaire, qui s’incurve largement en direction de Gaspé, est plus ouverte sur l’arrière-pays, et de grandes routes, dont la Transcanadienne, conduisent vers l’intérieur des terres à partir de Rivière-du-Loup, Trois-Pistoles, Rimouski et Matane.
À Pointe-des-Monts, à environ 70 km à l’est de Baie-Comeau et de l’embouchure de la rivière Manicouagan, la côte nord décrit un virage abrupt et s’inscrit dans l’axe nord-nord-est sur une centaine de kilomètres jusqu’à Sept-Îles, près de l’embouchure de la rivière Moisie. Le fleuve devient deux fois plus large (plus de 100 km) et forme une profonde et large vallée sous-marine, dans laquelle s’engouffrent, en suivant la côte nord, de puissants courants en provenance du golfe avant de repartir vers l’est dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. L’eau salée de l’estuaire empêche la formation de la glace, et le port de Sept-Îles, malgré sa situation septentrionale, est ouvert toute l’année.
Selon la Proclamation royale de 1763, une ligne partant de la rivière Saint-Jean, sur la côte nord, en passant par la pointe ouest de l’île d’Anticosti jusqu’au cap des Rosiers, près de Gaspé, marque la fin du fleuve et le commencement du golfe.
Vie fluviale
En suivant le cours du fleuve, la végétation passe de la forêt caducifoliée à la forêt boréale en passant par la forêt mixte et la forêt coniférienne à la taïga. On trouve des graminées hydrophytes dans le cours d’eau douce, des algues et d’autres plantes halophytes dans le moyen estuaire et l’estuaire marin. On y trouve également de l’éperlan, de l’esturgeon et du hareng. Les bélugas peuplent le cours inférieur, dans lequel jadis les morses abondaient. D’immenses volées d’oiseaux migrateurs font halte sur les bancs de sable et les récifs du fleuve pendant leurs migrations, notamment la plupart des grandes oies blanches que compte la planète, qui viennent s’alimenter dans les marais côtiers de Cap-Tourmente.
Histoire
Des bandes d’Autochtones sédentaires, sans doute des Iroquoiens, vivaient aux emplacements actuels de Québec (Stadaconé) et de Montréal (Hochelaga) lors des premières explorations de Jacques Cartier dans la région, en 1535. Elles avaient disparu à l’époque où Champlain fonde Québec, en 1608. Il est possible qu’elles aient été chassées par les Innus, les Etchemins et les Algonquins nomades, avec lesquels les Français ont conclu une alliance commerciale lucrative.
Jacques Cartier découvre le Saint-Laurent en 1535 grâce à l’aide de guides autochtones. Ils lui font contourner l’île d’Anticosti, que Cartier croyait être une péninsule. Il établit deux camps temporaires près de Stadaconé en 1535 et en 1541, mais les Français ne s’installent pour de bon qu’en 1608.
Le Saint-Laurent est la seule porte riveraine vers le cœur du continent. Les explorateurs et les commerçants français l’utilisent pour établir un empire colonial qui s’étend au-delà du lac Supérieur. En 1760, le territoire riverain entre Québec et Montréal est divisé en bandes longues et étroites, caractéristiques du régime seigneurial, et la seigneurie de Beaupré marque la limite est de la colonie.
Le réseau fluvial est propice au transport du bois flotté et, au 19e siècle, le fleuve devient la principale artère du commerce du bois. Montréal et Québec deviennent deux importants centres commerciaux quand la farine et le blé du Haut-Canada leur parviennent par la voie du fleuve. Sous l’égide de la Compagnie du Nord-Ouest, la traite des fourrures repousse les limites de l’« empire du Saint-Laurent » jusqu’au bassin du fleuve Mackenzie.
Donald Creighton, entre autres, soutient que c’est l’axe est-ouest du Saint-Laurent, parce qu’il contrebalance la polarisation nord-sud de la géographie du continent dans son ensemble, qui rend possible la naissance de la nation canadienne. Aujourd’hui, avec l’aménagement de la voie maritime du Saint-Laurent, le fleuve relie une grande partie du Canada et des États-Unis au reste du monde. Il demeure toujours, ainsi que Cartier le disait, la « grande rivière du Canada ».