Le terme « études canadiennes » désigne une approche interdisciplinaire distinctive de la recherche et de l’enseignement sur le Canada. Elle trouve ses racines dans l’évolution du nationalisme canadien dans les années 1960 et 1970. (Voir aussi Identité canadienne.)
Historique
En 1968, inspiré par les célébrations du centenaire du Canada l’année précédente, l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario publie Quelle culture? Quel héritage? : une étude de l’éducation civique au Canada, un ouvrage de A. B. Hodgetts. Le livre examine l’enseignement de l’histoire, des études sociales et de l’éducation civique au Canada dans des centaines d’écoles et conclut : « Nous enseignons une version fade et irréaliste de notre passé; une histoire chronologique sèche comme la poussière d’un progrès politique et économique ininterrompu, racontée sans la controverse qui est une partie inhérente de l’histoire ».
L’analyse de Hodgetts est suivie en 1969 par un rapport, The Struggle for Canadian Universities de R. Mathews et J. Steele, sur le grand nombre de non-Canadiens qui enseignent dans les universités du pays. En 1972, l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC) charge T. H. B. Symons « d’étudier, de faire rapport et de formuler des recommandations sur l’état de l’enseignement et de la recherche dans les divers domaines d’étude relatifs au Canada dans les universités canadiennes ». Le rapport Symons, Se connaître, est publié en 1975. Il préconise une grande variété d’activités à mener dans les universités ainsi que dans les agences gouvernementales, les associations professionnelles et les organisations privées et publiques.
L’étude initiale de Symons est suivie par des changements à tous les niveaux d’enseignement, par de nouveaux programmes gouvernementaux et par de nombreuses autres études, commissions et rapports. Hodgetts, Symons et d’autres penseurs de l’époque soulèvent des questions concernant non seulement l’éducation, mais aussi l’édition de livres, la science et la technologie, les pratiques d’archivage et les relations internationales, entre autres. Le débat public qui en résulte sur le concept d’« identité canadienne » a cependant son impact le plus spectaculaire sur l’éducation. En effet, il contribue à la création de plusieurs nouvelles agences et organisations consacrées à la promotion des « études canadiennes ».
Études canadiennes dans les universités
Dans les années 1970, des professeurs d’université intéressés par les études canadiennes créent l’Association d’études canadiennes (AEC). L’AEC est lancée à titre d’organisation interdisciplinaire vouée à encourager l’enseignement, la publication et la recherche sur le Canada au niveau postsecondaire par le biais de divers programmes nationaux et régionaux. En 1981, le Conseil international des études canadiennes est mis en place, en partie pour fournir un moyen d’échanger des informations entre un nombre croissant d’associations nationales et multinationales d’études canadiennes à l’étranger.
Le soutien financier aux études canadiennes au Canada et à l’étranger provient de différentes sources, notamment des cotisations des membres, de fondations (privées et publiques), d’organismes subventionnaires et, plus particulièrement, du ministère fédéral des Affaires étrangères et du Commerce international (anciennement Affaires extérieures, aujourd’hui Affaires mondiales Canada) et du ministère du Secrétariat d’État (aujourd’hui ministère du Patrimoine canadien). Au cours des années 1980, cependant, l’intérêt officiel des organismes de financement gouvernementaux pour les études canadiennes commence à s’estomper. En 1984, le budget de l’unité des études canadiennes au sein du Secrétariat d’État est de 3,1 millions de dollars. En 1987, il est réduit à 2 millions de dollars, puis à 1,45 million de dollars en 1992.
L’Université Carleton fonde le premier Institut d’études canadiennes du Canada en 1957. Il y offre le premier programme de maîtrise en études canadiennes au Canada. Dans les années 1970, l’Université Trent crée elle aussi un programme d’études canadiennes.
Lorsque Symons (en collaboration avec J. E. Page) publie le troisième et dernier volume de son rapport sur les études canadiennes en 1984, il indique que de nombreux progrès ont été réalisés au cours de la décennie précédente, tant dans la création et l’expansion des programmes d’enseignement que dans la recherche, la publication, la collecte et la préservation des documents canadiens. À l’époque, de plus en plus d’universités cherchent à mettre en place des programmes d’études canadiennes. En 1994, l’Université McGill fonde l’Institut d’études canadiennes et en 1998, l’Université d’Ottawa fait de même.
Le gouvernement fédéral lance également un programme d’études canadiennes en 1984, qui se veut permanent au sein du Secrétariat d’État. Il a pour mandat d’encourager les Canadiens à se renseigner sur le Canada et de répondre aux préoccupations concernant le manque de connaissances et d’intérêt des Canadiens pour l’histoire, la culture, la société et la politique canadiennes.
Évolution des études canadiennes
Un examen de l’état des études canadiennes au Canada est entrepris par David Cameron de l’Université de Toronto au milieu des années 1990. Le rapport, intitulé Le point sur les études canadiennes : les années 90, est publié en 1996 par l’Association d’études canadiennes. (Voir aussi Politique culturelle.) Cameron y soutient qu’il y a un lien étroit entre les études canadiennes et le mandat du ministère du Patrimoine canadien. Il appelle donc le ministère du Patrimoine canadien à soutenir le développement d’un réseau de programmes interdisciplinaires d’études canadiennes.
En fin de compte, le ministère du Patrimoine canadien choisit de regarder au-delà des programmes universitaires d’études canadiennes dans la poursuite de son objectif d’élargir les connaissances du public sur le Canada. L’AEC modifie son mandat pour qu’il corresponde davantage à l’accent mis sur l’éducation publique sur le Canada, tel que garanti par Patrimoine canadien, qui est son principal bailleur de fonds.
Au cours de la première décennie du 21e siècle, le mandat des études canadiennes du ministère du Patrimoine canadien subit une autre réorientation, avec l’abandon de l’approche interdisciplinaire dans la promotion des connaissances du Canada. Le nouvel objectif est d’élargir des connaissances du public sur l’histoire du pays en mettant l’accent sur la jeunesse. Cette décision est en partie fondée sur la perception du public selon laquelle la connaissance de l’histoire du Canada a un effet positif sur l’unité, l’identité, la cohésion sociale et la citoyenneté active.
L’un des principaux obstacles rencontrés par Patrimoine canadien est que l’éducation au Canada relève de la compétence des provinces et que, par conséquent, toute tentative de rejoindre les jeunes Canadiens exige de travailler avec des organisations pancanadiennes qui peuvent elles aussi fournir du contenu sur l’histoire du pays. En conséquence, le ministère apporte un soutien financier à des organisations telles que Historica Canada (anciennement l’Institut Historica-Dominion), Histoire Canada (anciennement la Société d’histoire nationale du Canada) et l’Association d’études canadiennes.
En avril 2013, le programme d’études canadiennes du ministère devient officiellement le Fonds pour l’histoire du Canada. La même année, le Musée canadien des civilisations est rebaptisé Musée canadien de l’histoire. Toujours en 2013, l’Association d’études canadiennes crée l’Institut canadien pour les identités et les migrations, un institut de recherche chargé d’étudier les mouvements démographiques et l’évolution des identités au Canada et à l’étranger. La promotion de la connaissance de l’histoire du Canada reste du ressort de l’AEC.
En ce qui concerne le soutien aux études canadiennes à l’étranger, en 2012, le ministère des Affaires étrangères (aujourd’hui Affaires mondiales Canada) réduit le financement du Conseil international d’études canadiennes et depuis lors, l’organisation est demeurée largement inactive.
Études autochtones et canadiennes
Ces dernières années, d’importants changements ont été apportés à plusieurs programmes d’études universitaires au Canada. En 2010, l’Université Carleton lance le programme d’études autochtones. En 2016, son conseil d’administration approuve une proposition visant à changer le nom du département d’études canadiennes pour en faire l’école d’études autochtones et canadiennes. À peu près à la même époque, l’Université d’Ottawa met fin à sa majeure en études canadiennes en déclarant que l’intérêt pour les programmes d’études canadiennes a radicalement diminué. En effet, ils arguent que la plupart des étudiants peuvent étudier le Canada par le biais de départements basés sur d’autres disciplines. Parallèlement, l’Université d’Ottawa commence à voir l’importance des perspectives locales, nationales et internationales des peuples autochtones et l’Institut d’études canadiennes évolue finalement pour devenir l’Institut de recherche et d’études autochtones.