Élaboration de programmes d'études | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Élaboration de programmes d'études

Planification systématique de ce qui est enseigné et appris dans les écoles et qui se reflète dans les cours et dans les programmes scolaires, consignés dans des documents officiels (qui servent en général de « guides » pour les programmes d'études pour les enseignants) et rendus obligatoires par les ministères de l'Éducation des provinces et des territoires.

Planification systématique de ce qui est enseigné et appris dans les écoles et qui se reflète dans les cours et dans les programmes scolaires, consignés dans des documents officiels (qui servent en général de « guides » pour les programmes d'études pour les enseignants) et rendus obligatoires par les ministères de l'Éducation des provinces et des territoires.

Un programme d'études indique essentiellement ce qui doit être enseigné et quand il faut le faire. Le choix des méthodes d'enseignement relève donc des enseignants. Dans les faits, cependant, aucune distinction précise n'existe entre le contenu du programme et la méthodologie employée, la manière d'enseigner une matière détermine souvent ce qu'on enseigne. C'est pour cette raison, entre autres, qu'il faut différencier le programme d'études officiel ou prévu, soit le programme d'études officiellement approuvé, du programme de fait ou réel (souvent appelé programme caché), à savoir les « leçons » données par l'enseignant.

On tente à maintes reprises, mais en vain, de modifier le système d'éducation en revoyant les programmes d'études approuvés. Les innovations prescrites ne sont pas toujours mises en oeuvre d'une manière complète ou efficace en salle de classe. En fait, comme la vaste majorité des enseignants se fient aux manuels scolaires, ceux-ci constituent souvent le contenu du programme d'études, ce qui donne aux éditeurs un important rôle.

Historique

Au Canada, l'histoire des programmes d'études est essentiellement une bataille entre divers camps idéologiques qui cherchent à exercer un contrôle sur le contenu ou, à tout le moins, veulent que celui-ci reflète leur pensée. L'orientation que prennent les programmes, peu importe l'époque, traduit les intérêts divergents qui s'expriment au sein même du milieu de l'enseignement et à l'extérieur, parmi les groupes militants, issus des milieux culturel, économique, intellectuel, linguistique, politique et religieux, et qui dominent à un moment ou l'autre la scène de l'éducation.

Bien que l'expression « programme d'études » semble être rarement utilisée comme telle au Canada avant la Confédération, le Ratio Studiorum des jésuites (« plan d'études »), qu'on dit être le programme d'études le plus systématique jamais conçu, est adopté en Nouvelle-France vers 1630. À ses débuts, l'éducation canadienne-française a pour objectif de « faire des enfants de bons serviteurs du roi [...] et de Dieu ». Plus tard, en Nouvelle-Écosse et dans le Haut-Canada, l'éducation anglophone a des visées semblables qui s'expriment dans l'enseignement de la moralité judéo-chrétienne et dans le patriotisme britannique. Par conséquent, lorsque, après la Confédération, l'éducation tombe sous juridiction provinciale, le programme d'études se base sur les valeurs sociales traditionnelles courantes. En tant que tel, il sert, comme encore aujourd'hui, d'impératif de survivance culturelle à divers groupes de la mosaïque canadienne désireux de conserver ou de renforcer leur identité.

Avant 1840, l'instruction au Canada constitue une expérience sans caractère officiel, intermittente et non encore nettement séparée du monde du travail. Elle a lieu dans un « système » contrôlé par l'Église et les parents et vise à donner l'instruction de base et à enseigner les préceptes fondamentaux de la religion. En Nouvelle-France, un programme d'études formel n'est offert qu'à une minorité de l'élite qu'on forme en vue de la vocation religieuse et autres vocations socialement « supérieures ». Après la conquête britannique (1759-1760), l'enseignement au Québec, qui est contrôlé par l'Église, est le principal agent de survivance culturelle. Il le reste jusqu'en 1964 et contribue à préserver la langue française et la religion catholique.

Promoteurs de l'instruction

Au Canada anglophone, la survivance est liée à la peur de l'américanisation. Cette peur s'accroît après l'arrivée des « Irlandais de la famine »(voir Irlandais) et des autres immigrants dépossédés au cours des années 1840. Les promoteurs de l'école, tels que Egerton Ryerson, le fondateur du programme d'études canadien, envisagent l'enseignement contrôlé par l'État comme principal moyen d'assimiler ces éléments « étrangers ».

Au cours du demi-siècle suivant, les promoteurs scolaires du reste du Canada s'inspirent de Ryerson en établissant des structures administratives qui permettent de diviser les enfants en classes, de créer un effectif d'enseignants formés et organisés de façon hiérarchique, et de concevoir un programme d'études commun à toute une province. Ce programme est mis en pratique au moyen de manuels scolaires uniformes et est contrôlé grâce à l'inspection et aux examens à l'intérieur d'un système voulant que tous les enfants apprennent à croire, à penser et à agir de la même façon (voir Histoire de l'éducation).

Au cours de plusieurs décennies suivant le début du siècle, ce système produit un programme d'études national de fait au sein du Canada anglais. Durant une période d'urbanisation et d'industrialisation, le programme d'études s'alourdit au moment où l'éducation traditionnelle est remise en question dans tous les pays occidentaux. Au Canada, l'adaptation, toujours prudente, prend la forme de la « nouvelle éducation » par laquelle des innovations telles que l'école maternelle, la formation manuelle, l'économie domestique, l'agriculture et l'« étude de la nature », l'éducation pour la santé et la tempérance, l'éducation physique (kinésiologie) et l'éducation commerciale obtiennent un succès mitigé. Néanmoins, on reconnaît que les écoles entraînent une très forte baisse de l'analphabétisme au cours des années 20. Elles sont un important facteur d'assimilation pour la multitude de néo-Canadiens qui ne parlent pas l'anglais et qui envahissent les villes de l'Est et les Prairies. Les valeurs anglo-saxonnes animent les programmes d'études. L'éducation bilingue dans toutes les « langues secondes », y compris le français, est pratiquement éliminée.

Idées progressistes

Durant l'entre-deux-guerres, on adopte d'autres idées nouvelles, principalement américaines, qui comprennent des notions nouvelles sur l'examen scientifique, la santé mentale et les structures administratives fondées sur des modèles de gestion des affaires. Le contenu culturel du programme d'études anglophone demeure cependant britannique. L'affluence étudiante de l'après-guerre, le baby-boom et la pression sans précédent de la population conduisent à une expansion de l'enseignement; en même temps, la critique conservatrice des prétendus excès de l'éducation progressiste crée un changement en faveur d'un programme d'études plus centré sur les matières (voir Systèmes scolaires). En 1960, ce changement est renforcé lorsque les Canadiens, après leurs voisins américains, demandent un programme plus rigoureux, particulièrement en sciences et en mathématiques, afin, dit-on, de « rattraper les Russes ». On doit y parvenir en enseignant la « structure » (concepts de base et formes uniques de raisonnement) de chaque discipline au moyen de méthodes de recherche ou de « découverte » qui, ironiquement, doivent beaucoup aux théories progressistes qu'on avait rejetées. Ces idées reçoivent une approbation mitigée au Canada où, de façon caractéristique, le manque de ressources oblige les responsables des programmes d'études à s'appuyer sur les innovations britanniques et américaines.

Innovation et groupes d'intervention

Après 1965, une nouvelle tolérance à l'égard du programme scolaire se manifeste par un relâchement du contrôle centralisé, la prolifération des cours conçus à l'échelle régionale et une tendance renouvelée, mais différente, centrée sur l'enfant au niveau primaire. De nouvelles connaissances, le désir des étudiants de recevoir un enseignement plus pratique et plus pertinent, une population étudiante plus nombreuse et plus diversifiée, ainsi que les tensions découlant de la disparition de l'ancien consensus social et de la remise en question des valeurs traditionnelles donnent lieu à des demandes de changement.

Devant la peur de plus en plus grande de l'américanisation, l'émergence du séparatisme québécois et les requêtes des peuples autochtones et autres groupes minoritaires assoiffés d'égalité, les responsables des programmes d'études décident d'élaborer des programmes autochtones, multiculturels et bilingues. Ils cherchent aussi à s'opposer au racisme et au sexisme grâce à un traitement plus équilibré et plus juste des minorités et des femmes dans les manuels scolaires.

Des programmes d'études spéciaux sont conçus pour environ un million d'enfants en difficulté (voir Enseignement spécial). En Ontario., la liste de base des livres d'école approuvés passe de 61 en 1950 à 1648 en 1972. Les groupes d'intervention comprennent non seulement des tenants libéraux de l'« enseignement des valeurs », mais aussi des défenseurs d'établissements scolaires dispensateurs de « valeurs traditionnelles ». Ce dernier groupe exige l'incorporation au programme des croyances chrétiennes traditionnelles, la censure des manuels scolaires et une discipline plus stricte.

D'autres groupes de revendication (organismes fédéraux, organisations s'intéressant aux droits de la personne, à l'environnement et aux consommateurs, fondations, associations professionnelles, syndicats, groupes de gens d'affaires et autres formations) qui voient l'école comme un lieu voué au prosélytisme, exercent des pressions pour qu'on modifie les programmes d'études et dirigent vers les classes un flot constant de matériel pédagogique. Le plus frappant dans tout cela, c'est la confiance qu'on place à la fois dans le programme d'études pour réformer les méthodes d'enseignement et dans l'instruction pour redresser les injustices sociales et économiques, attitude qu'on observe encore aujourd'hui.

À mesure que s'accroît la visibilité des luttes au sujet du programme d'études, les décideurs sont souvent obligés de répondre au coup par coup aux préoccupations générales mais souvent éphémères de la population. Parfois, les demandes conduisent à des actions immédiates pour lesquelles les enseignants, en l'absence de soutien, de formation et de matériel adéquats, sont souvent mal préparés. En 1980, les ministères de l'Éducation reviennent à la centralisation, car les demandes relatives à la « responsabilité », conduisent la plupart des provinces à remettre en vigueur les examens provinciaux qu'on a abandonnés. Ces tendances et d'autres encore révèlent un nouvel intérêt pour l'élaboration « scientifique » du programme d'études, entraînant des énoncés précis d'« objectifs » et l'évaluation des « comportements » des élèves mesurés par le rendement des habiletés dans les trois disciplines traditionnelles (écriture, lecture et arithmétique). Cette insistance vient démentir le manque de consensus supposé exister sur les fondements de l'enseignement et sur la perte de leur importance dans les écoles.

Ironiquement, en 1976, une étude remarquable sur l'éducation canadienne, effectuée à Paris par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), fait l'éloge du progrès extraordinaire et de la qualité supérieure de l'enseignement au Canada, mais critique la place limitée accordée à des « futilités » telles que la musique et l'art. Ce renouveau d'intérêt pour la « responsabilité » s'accompagne d'une préoccupation de voir le programme d'études « mis en application ». Ceux qui sont chargés de son élaboration cherchent à s'assurer que les programmes sont enseignés selon les prescriptions. L'attention accrue portée aux questions de cette mise en application fait qu'on prend de plus en plus conscience du rôle central que doivent jouer les enseignants dans l'évolution de l'éducation, eux qui sont les « gardiens » de ce qui se passe en classe.

Tout au long des années 80, les enseignants demandent d'avoir davantage voix au chapitre dans l'élaboration du programme d'études, refusant d'être traités essentiellement comme des techniciens dont la seule tâche consiste à appliquer la politique de l'éducation imposée de façon hiérarchique. L'autonomie professionnelle des enseignants et leur responsabilité à l'égard du programme d'études gagne ainsi progressivement du terrain.

Tendances récentes

Au début des années 90, plusieurs provinces entament de vaste réformes de l'éducation, poussées par la nécessité de préparer les étudiants en vue du XXIe siècle. Ces efforts trouvent en grande partie leur impulsion dans les revendications entourant la compétitivité continuelle du Canada dans l'économie mondiale, alimentées pas des études internationales qui comparent d'une manière défavorable le rendement des étudiants canadiens à celui des étudiants d'autres pays industrialisés et par la perception du fort taux de décrochage qui sévit dans les écoles.

Une préoccupation connexe non moins importante se fait également jour : celle d'offrir un programme d'études plus équitable et plus global qui tient réellement compte de la diversité des étudiants sur le plan de leurs aptitudes, intérêts, orientations et antécédents. Entre autres changements, cela suppose d'aller au delà de la représentation souvent symbolique qui est faite des femmes et d'autres groupes dans les manuels scolaires et de repenser le programme d'études et l'éducation de manière à mettre ces groupes à contribution. Dans de nombreuses provinces, les étudiants handicapés sont intégrés à la vie scolaire normale.

Les principaux changements apportés au programme d'études comportent deux volets : d'abord, établir un ensemble d'éléments communs ou essentiels qui constituent les « fondements pour tous », puis conférer au programme d'études suffisamment de souplesse pour permettre aux étudiants de faire valoir leurs ambitions et intérêts personnels. Le nouveau « noyau » du programme, moins axé sur les études théoriques, insiste davantage sur le perfectionnement professionnel et sur la formation préparant à une carrière, en particulier dans les domaines de la technologie, des mathématiques et de la science, de la résolution de problèmes, de la pensée critique, de l'alphabétisme et de la communication. La nouvelle valeur accordée au fait d'aider les étudiants à se prendre en main en tant qu'apprenants et de répondre à leur désir d'intégrer leur apprentissage en lui donnant un sens personnel modifie les attentes quant à la façon dont les enseignants sont censés « suivre » le programme. Pendant les années 90, les leitmotivs inscrits à l'ordre du jour sont de rendre l'école plus équitable pour les diverses populations étudiantes, de faire en sorte qu'elle prépare mieux les citoyens de demain au monde du travail et qu'elle soit plus responsable à l'endroit des différents intervenants.

Lecture supplémentaire