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Écrits à caractère intime de langue anglaise

Lettres, journaux, journaux intimes, mémoires et autobiographies, voilà autant de façons de dire au lecteur : « j'y étais ».

Écrits à caractère intime de langue anglaise

Lettres, journaux, journaux intimes, mémoires et autobiographies, voilà autant de façons de dire au lecteur : « j'y étais ». Différentes à plusieurs égards, ces formes d'écrits mettent cependant toutes l'accent sur le « je » qui raconte événements et impressions vécus dans un contexte social particulier, et sur un « là » facile à situer dans le temps et dans l'espace. Ces écrits sont riches sur le plan humain en raison du caractère éminemment personnel de chacun. L'historien social et le chercheur les considèrent comme une source d'information précieuse, tandis que l'historien de la littérature et le critique les étudient de plus en plus.

Journaux, journaux intimes et correspondance : des genres abandonnés

La vie dans les colonies se prête à la rédaction de journaux, de journaux intimes et de lettres. Explorateurs, marchands de fourrures, missionnaires, arpenteurs, agents du gouvernement, officiers de l'armée et de la justice sont tenus, par leurs supérieurs, de rendre quotidiennement compte de leur travail (Voir Littérature de langue anglaise sur les explorations et les voyages; Littérature de langue française sur les explorations et les voyages).

Les émigrants et les voyageurs, en particulier les femmes, écrivent de longues lettres à leurs familles et amis, et beaucoup tiennent un journal intime. Même si c'est rarement l'intention de leurs auteurs, ces écrits sont parfois publiés, car les renseignements et les commentaires qu'ils contiennent s'avèrent utiles ou dignes d'intérêt pour le grand public. Quand ils sont écrits sur place, ils constituent une véritable mine d'or pour les historiens qui cherchent à reconstituer la vie quotidienne d'individus particuliers.

Les chercheurs en littérature les voient comme un moyen pour les nouveaux venus au Canada de s'exercer à mettre des mots sur tout ce qu'ils découvrent d'original et d'intéressant dans la nature, le climat, la population, les institutions, les moeurs ou le discours de l'Amérique du Nord britannique. Bien que ces trois formes d'écriture soient pratiquement des genres abandonnés, les journaux, les journaux intimes et la correspondance des Canadiens d'autrefois sont de plus en plus accessibles dans des éditions modernes ou des réimpressions.

Mémoires et autobiographies

À l'opposé, mémoires et autobiographies continuent de paraître régulièrement. À la différence des lettres et des journaux intimes, ils proposent un récit rétrospectif destiné à être publié pour la postérité. Ces écrits ne constituent pas une source historique sûre, nombre de faits étant omis ou supprimés, mais ils permettent à l'auteur de structurer et de peaufiner son texte plus librement.

Construits sur une base moins rigoureuse que celle de l'autobiographie, les mémoires présentent un regard extérieur plutôt qu'une recherche introspective. Ayant souvent comme seul titre Mémoires ou l'une de ses variantes (Souvenirs, Réminiscences, Quarante ans au...), ces rappels du passé ont un caractère anecdotique et épisodique. Ils s'intéressent à une foule de personnages et de lieux passionnants connus de l'auteur.

L'autobiographie, d'autre part, porte moins d'attention au contexte et souligne davantage la quête de soi et l'évolution personnelle. C'est pourquoi elle intéresse le critique, qui y analyse la projection de l'auteur, l'utilisation des techniques dramatiques, descriptives et narratives, ainsi que le résultat final de la structure et de la présentation dans son ensemble.

Quelques livres décrivant le Haut-Canada (Ontario) avant 1850 présentent ces formes d'écrits personnels dans le style caractéristique du XIXe siècle. Le journal d'Elizabeth Simcoe, épouse du lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe, couvre la période de 1791 à 1796. Il sera publié en 1911 et réédité en 1956 par Mary Quayle Innis sous le titre de Mrs. Simcoe's Diary. Cette description de la vie des milieux officiels de York (Toronto) est très différente de Our Forest Home (1889), oeuvre inspirée des lettres et du journal d'une émigrante irlandaise, Frances Stewart, établie vers 1820 sur les rives de l'Otonabee, près de Peterborough.

Samuel Strickland, auteur de Twenty-Seven Years in Canada West (1853), ainsi que ses soeurs plus célèbres, Catharine Parr Traill et Susanna Moodie, s'inscrivent dans la même veine. Les lettres de Traill à sa famille, en Angleterre, paraissent en 1836 sous le titre de The Backwoods of Canada (trad. Les forêts intérieures du Canada, 1843). Cette correspondance, publiée à l'intention des futurs émigrants britanniques de classe moyenne, est considérée aujourd'hui comme un classique de la littérature canadienne.

Susanna Moodie, de son côté, a écrit deux autobiographies : Roughing lt in the Bush (1852) et Life in the Clearings (1853). Anna Jameson, auteure britannique féministe, rend visite à son mari, procureur général à York, et s'inspirera ensuite de son journal pour Winter Studies and Summer Rambles in Canada (1838), un ouvrage rempli des observations et des réflexions d'une visiteuse raffinée et audacieuse.

D'autres lieux et époques ont fourni la matière de comptes rendus. Le Labrador inspire le journal du capitaine George Cartwright (1911), les souvenirs de Lambert de Boileau (1861) et du capitaine Nicolas Smith (1937) ainsi que les autobiographies de sir Wilfred Grenfell, A Labrador Doctor (1919), Forty Years for Labrador (1932), et d'Elizabeth Goudie, Woman of Labrador (1973). Le colonel William Baird écrit Seventy Years of New Brunswick Life (1890), mais Josua N. Barnes, un ministre baptiste du Nouveau-Brunswick, le supplantera avec Lights and Shadows of Eighty Years (1911). Enfin, sir Andrew Macphail offre dans The Master's Wife (1939) un résumé remarquablement juste de la vie dans l'Île-du-Prince-Édouard à la fin du XIXe siècle.

Récits de voyages

Voyages et aventures dans le Nord et l'Ouest du pays se sont aussi révélés des thèmes inépuisables. Parmi les récits de marchands de fourrures, mentionnons Notes of a Twenty-Five Years' Service (1849) de John McLean et Arctic Trader (1934) de P.H. Godsell. Le travail des missionnaires est évoqué dans les lettres et le journal intime de Charlotte Selina Bompas, publiés en 1929 par S.A. Archer sous le titre A Heroine of the North, ainsi que dans les mémoires en cinq volumes du méthodiste John C. McDougall, incluant Pathfinding on Plain and Prairie (1898) et In the Days of the Red River Rebellion (1903). Parmi les premiers membres de la Gendarmerie royale à publier leurs souvenirs, mentionnons John G. Donkin avec Trooper and Redskin in the Far Northwest (1889) et le colonel Sam Steele, qui raconte son expérience et de nombreuses anecdotes dans Forty Years in Canada (1915). Les livres sur le Klondike sont nombreux, mais deux ressortent particulièrement : My Ninety Years de Martha Louise Black (réédition, 1976; première édition, 1938, sous le titre My Seventy Years) et I Married the Klondike (1954) de Laura B. Berton.

Parmi les derniers récits de voyages dans le Nord, figurent Nahanni Trailhead (1980) de Joanne Ronan Moore, un des nombreux ouvrages sur les Nahanni, et Expedition (1981) de David Pelly, qui retrace le voyage de son ancêtre dans l'Arctique. Dans A Trip Around Lake Erie (1980) et A Trip Around Lake Huron (1980), David McFadden transforme le récit de voyages et s'inspire d'une expérience de camping familiale pour susciter une réflexion sur l'identité canadienne. Si les écrits contemporains au Canada ne font plus guère place aux récits de voyages personnels, le petit nombre qui se publie encore porte surtout sur des voyages à l'étranger et sont souvent l'oeuvre de poètes ou de romanciers. Sara Jeanette Duncan est à l'origine de ce courant avec The Crow's Nest, compte rendu autobiographique de ses voyages avec son mari au service de la fonction publique britannique en Inde. Plus récemment, George Woodcock reprend le thème du voyage à l'étranger dans South Sea Journey (1976), écrit à partir de son scénario pour un documentaire commandé par le réseau anglais de la Société Radio-Canada, tandis que P.K. Page publie Brazilian Journal, où elle raconte quelques années de sa vie de femme de diplomate en Amérique du Sud. Dans la foulée, des auteurs comme Gwendolyn MacEwen dans Mermaids and Ikons: A Greek Summer (1978), George Galt dans Trailing Pythagoras (1982) et Daphne Marlatt dans Zócalo ont enrichi le récit de voyages d'une vision personnelle plus proche de l'autobiographie.

Récits sur les grandes terres

Les premiers colons qui se sont installés dans les grandes terres (voir Peuplement des terres) des Prairies ont produit nombre de récits et de mémoires intimes. Dans des lettres à sa famille, A Lady's Life on a Farm in Manitoba (1884), Mary Georgina Hall décrit la vie dans une ferme du Manitoba. E.A. Gill, quant à lui, rappelle l'époque où il était garçon de ferme dans A Manitoba Chore Boy (1912). L'auteure de Wheat and Woman (1914), Georgina Binnie-Clark, raconte sa vie de céréacultrice en Saskatchewan. Dans Northwest of 16 (1958), J.G. MacGregor décrit comment il a grandi en Alberta. Le journal et les lettres de Sarah Ellen Roberts, dont la famille s'est aussi établie en Alberta, sont révisés par Latham Roberts et publiés sous deux titres différents, Of Us and the Oxen (Canada, 1968), et Alberta Homestead (États-Unis, 1971). Par ailleurs, les lettres d'Hilda Rose, écrites dans les environs de Fort Vermilion, en Alberta, racontent une histoire étrange et saisissante. D'abord publiées dans The Atlantic Monthly en 1927, elles sont reprises l'année suivante sous le titre The Stump Farm. Dans ses lettres, éditées par W.L. Morton (1979), Monica Storrs raconte la colonisation du district de Peace River. Susan Allison écrit A Pioneer Gentlewoman in British Columbia (1976), livre qui retrace les débuts de l'élevage dans les ranchs de la région de Similkameen. Dans Getting the Know How (1982), Gilbert Roe offre un récit détaillé des débuts des chemins de fer de même que de l'établissement dans les grandes terres. Avec Homesteader (1972), un recueil de souvenirs de son enfance en Saskatchewan, James M. Minifie se fait le représentant d'un genre.

Inconnus et méconnus

Bien que la majorité des auteurs d'autobiographies et des mémorialistes, déjà reconnus pour d'autres écrits, aspirent à la renommée, certains se font les simples porte-parole d'inconnus et de méconnus. G.H. Westbury publie Misadventures of a Working Hobo in Canada (1930), alors que la Crise des années 30 jette un nombre croissant d'hommes à la rue. La condition des marins est le sujet principal des mémoires du lieutenant W.H. Pugsley, publiés sous le titre Saints, Devils, and Ordinary Seaman (1946). Norman B. James, quant à lui, reste dans l'histoire avec Autobiography of a Nobody (1947). Dans A Very Ordinary Life (1974), publié par son fils Rolf à partir d'enregistrements sur bande magnétique, Phyllis Knight fait ressortir les côtés extraordinaires d'une vie ordinaire. L'histoire émouvante de Maria Campbell dans Halfbreed (1973) nous présente une facette peu connue et mal comprise de la vie canadienne. Dans Book of Jessica (1989), l'actrice Linda Griffiths raconte les tensions et les problèmes de racisme qui ont accompagné son expérience théâtrale en s'inspirant de l'autobiographie de Maria Campbell. La vie au pensionnat, abondamment décrite, est le sujet de An Indian Girlhood (1973), de Jane Willis Geneish. D'autres auteurs autochtones ont adapté les règles de l'autobiographie de manière à refléter les concepts autochtones de l'individu en rapport avec la communauté. C'est le cas de Lee Maracle dans Bobbi Lee: Indian Rebel (1975; entièrement revu en 1990) et de Beverly Hungry Wolf dans The Ways of My Grandmothers (1980). Beaucoup d'écrits inuits contemporains adoptent la forme de l'autobiographie, souvent en anglais. Dans My Name is Masak (1976), Alice French parle de la vie au pensionnat. Minnie Aodla Freeman écrit Life Among the Qallunaat (1978) et Lydia Campbell se situe à la rencontre de la culture inuite et des cultures d'autres colons dans Sketch of Labrador Life by a Labrador Woman (1984). D'autres autobiographies inuites telle I, Nuligak (1966) ont été traduites en anglais et certaines comme Skid Row Eskimo (1976 ; trad. Notre silence a déjà trop duré, 1978) d'Anthony Apakark Thrasher ou Life Lived Like a Story (1994), cette dernière, dirigée par l'anthropologue Julia Cruikshank, racontant la vie de trois vieilles femmes du Yukon, sont le résultat de la collaboration de journalistes ou d'anthropologues travaillant à partir d'entrevues enregistrées.

Mémoires politiques

Les premiers ministres écrivent leurs mémoires à l'occasion, mais rarement des autobiographies. Leur correspondance personnelle et leurs journaux intimes sont parfois très utiles pour corriger le moi « officiel » que présentent les documents d'État. En 1938, les Memoirs de Robert Borden sont publiés en deux volumes, et en 1975, One Canada de John G. Diefenbaker's sort en librairie. À la même époque, paraît Mike de Lester B. Pearson, oeuvre autobiographique publiée en trois volumes entre 1972 et 1975. Les deux derniers volumes ont été écrits après la mort de Pearson par un rédacteur anonyme. Affectionately Yours (1969), édité par J.K. Johnson, constitue un petit recueil de lettres intéressantes rédigées par sir John A. Macdonald ou lui ayant été adressées.

Les journaux intimes du premier ministre Mackenzie King, en plusieurs volumes, soulèvent plus de questions qu'ils n'apportent de réponses. Quand des personnalités politiques et publiques un peu moins en vue racontent la « petite histoire », leurs confidences peuvent être divertissantes et instructives. Tel est le cas de Memoirs of a Bird in a Gilded Cage (1968) de Judy LaMarsh. Les politiciens, les fonctionnaires et les militaires avec de longues carrières derrière eux ont tendance à ruminer leurs souvenirs dans de nombreux volumes en se laissant aller à l'autojustification. Parmi les exemples les plus crédibles de ce type de mémoires, citons A Very Public Life (1983-1985) de Paul Martin et Memoirs (1981-1982) de Hugh Keenleyside. Charles Ritchie prouve que les excellents auteurs de journaux intimes n'ont pas tous disparu avec The Siren Years: A Canadian Diplomat Abroad (1974), suivi de An Appetite for Life (1977), Diplomatic Passport (1981) et Storm Signals (1983).

La Deuxième Guerre mondiale a donné lieu a très peu d'autobiographies et de mémoires et à de rares journaux intimes. La plupart de ces écrits demeurent le fait d'immigrants canadiens ayant survécu à l'holocauste ou de prisonniers au sort inhabituel. À cet égard, le journal tenu par Henry Kreisel, adolescent durant son internement dans un camp des Maritimes comme « étranger ennemi », est exemplaire (1975; Another Country 1985). Il en est de même des comptes rendus de deux survivants des camps de concentration, Eva Brewster (Vanished in Darkness, 1984) et Anita Mayer (One Who Came Back, 1981). Dans A Curious Cage (1981), Peggy Abkhazi fait un singulier récit de l'internement de « sujets ennemis » par les Japonais à Shanghai. Takeao Nakano, dans Within the Barbed Wire Fence (1980), raconte l'internement des Japonais au Canada.

Dans le contexte des nouvelles préoccupations sociales mises de l'avant par le mouvement féministe, les récits autobiographiques récents ont abordé pour la première fois la question des enfants victimes d'abus sexuel. Sylvia Fraser parle des conséquences de ces abus sur sa vie et ses écrits dans My Father's House (1987; trad. La maison de mon père, 1990), tandis que Liza Potvin, dans White Lies (for my mother) (1992), replace les abus qu'elle a subis dans le contexte du catholicisme de sa famille et du refus de sa mère d'admettre l'évidence. Parmi ces ouvrages, Don't d'Elly Danica, raconte les pires formes de violence et de prostitution infantile et a fasciné les victimes d'abus sexuels, entre autres, en raison de l'intensité avec laquelle l'angoisse de l'enfant y est rendue.

Aperçu de l'iconographie de l'artiste

Les artistes canadiens du spectacle et les artistes créateurs ont écrit peu d'autobiographies importantes. Harry Adaskin a rédigé ses mémoires en deux volumes. Le premier, A Fiddler's World (1977), consiste en une réflexion sur son enfance et sa vocation de musicien. Raymond Massey a aussi écrit ses mémoires sur le théâtre, dont le premier volume est paru en 1976 et le deuxième, en 1979. Il y divulgue peu de chose sur l'art de la scène, mais raconte des faits intéressants sur son enfance et sur la vie d'autres membres de la famille Massey. Parmi les mémoires les plus vivants de personnalités du cinéma et de la télévision figurent ceux de Harry Rasky (1980) et d'Andrew Allen (1974). Humphrey Carver, artiste de formation britannique devenu architecte paysagiste et urbaniste canadien, a su poser un regard analytique sur les questions environnementales auxquelles il a été confronté durant sa carrière dans Compassionate Landscape (1975). Someone With Me: The Autobiography of William Cureled (1980) traite de la dépression nerveuse et de la guérison de son auteur grâce à la conversion religieuse de l'artiste, dont l'iconographie est fort bien présentée. Pour sa part, John Davenall Turner a rédigé les débuts prometteurs d'une autobiographie qu'il n'a pu terminer dans Sunfield Painter (1982). Deux artistes canadiens se sont tournés vers l'écriture à la fin de leur carrière : Emily Carr, artiste peintre parmi les plus connues au Canada, adopte un style très personnel (tout comme elle l'a fait dans la peinture) dans ses écrits intitulés The Book of Small (1942), son autobiographie Growing Pains (1946) et son journal Hundreds and Thousands (1966). L'artiste peintre Mary Meigs, née en Nouvelle-Angleterre, se présente comme un personnage de Virginia Woolf dans Lily Briscoe: A Self-Portrait (1981 ; trad. Lily Briscoe : un autoportrait, 1984). Elle poursuivra son oeuvre autobiographique avec The Medusa Head (1983) et The Box Closet, paru aussi dans les années 80.

La rédaction d'autobiographies littéraires et bien construites exige souvent une longue pratique de la prose. Des journalistes comme James M. Minifie et Grattan O'Leary (Recollections of People, Press, and Politics ; 1977) ont l'aisance et l'humour propres aux professionnels. Florence Bird est une autre journaliste d'expérience et un personnage public ayant une histoire importante à raconter. Le fait qu'elle la publie sous le titre de Anne Francis: An Autobiography (1974) pourrait semer la confusion chez les jeunes Canadiens qui n'ont pas lu son oeuvre.

Dans History on the Run (1984), le journaliste Knowlton Nash fait preuve d'esprit d'analyse en racontant les années qu'il a passées à Washington. Troublemaker! (1978) de James Gray décrit l'histoire sociale canadienne et la politique des journaux. Bruce Hutchison fait un récit plus personnel de ses années de journalisme dans The Far Side of the Street (1976). Plus récemment, l'éditeur et rédacteur pigiste Douglas Fetherling a publié Canada in Travels by Night (1994), un livre sur la culture des jeunes des années 60. Enfin, le critique d'art et d'architecture du Globe and Mail John Bentley Mays a publié un récit marquant sur la dépression dont il a été victime (1995).

L'élite intellectuelle lit et écrit beaucoup mais, à l'instar des premiers ministres, elle est souvent trop discrète pour révéler ses pensées et ses sentiments intimes dans une autobiographie. L'historien Arthur Lower, avec My First Seventy-Five Years (1967), et Kathleen Coburn du Victoria College qui, bien qu'elle nie toute intention autobiographique, retrace un parcours fascinant dans In Pursuit of Coleridge (1977), font exception.

Cependant, dans l'ensemble, les universitaires canadiens ne font pas appel à l'autobiographie pour rendre compte de la complexité ou de l'étendue de leur expérience. John Kenneth Galbraith est une exception. Dans A Life of Our Times (1981), il parvient à parler de sa carrière tout en se montrant extrêmement ironique face à sa formation au Ontario Agricultural College et à l'U. Princeton.

Nombreux sont les écrivains autrefois populaires dont l'autobiographie semble plus durable que leurs ouvrages de poésie ou de fiction. James Oliver Curwood et Ralph Connor (Charles W. Gordon) ont vendu des millions d'exemplaires de leurs romans au début du XXe siècle. Son of the Forests de Curwood a été publié en 1930, et Postscript to Adventure de Gordon, en 1938, peu de temps après sa mort. Dans le cas de Nellie McClung, renommée aujourd'hui comme l'une des premières militantes féministes, et d'abord connue comme auteure de contes, ses deux livres autobiographiques, Clearing in the West (1935) et The Stream Runs Fast (1945), dévoilent une personnalité chaleureuse et attachante.

La romancière née en Islande Laura Goodman Salverson a gagné le prix du Gouverneur général pour son autobiographie Confessions of an Immigrant's Daughter (1939), et Frederick Niven , dans son récit intime Coloured Spectacles (1938), a révélé un plus grand talent d'artiste et suscité plus d'intérêt qu'il ne l'a fait dans ses longs romans historiques. On ne lit plus la poésie populaire d'Edna Jacque, alors que le compte rendu de ses procès dans Uphill all the Way (1977) intéresse aujourd'hui ceux qui veulent de l'information sur les Canadiennes de la classe ouvrière.

Toutefois, The Boy I Left Behind Me (1946) de Stephen Leacock sera probablement toujours classé après ses écrits satiriques, de même que le poète Robert Service n'ajoute rien à sa réputation en déclin avec Ploughman of the Moon (1945) et Harper of Heaven (1948).De même, In My Time (1976) de Thomas Raddall est beaucoup plus ennuyeux que ses romans et Spreading Time (1980) d'Earle Birney demeure un récit de querelles littéraires qui banalise son travail poétique. L'avenir seul dira si l'on se souviendra de Mazo de la Roche pour son oeuvre romanesque, son autobiographie, Ringing the Changes (1957), ou pour les deux, à moins qu'elle ne tombe dans l'oubli. Ces auteurs et des centaines d'autres Canadiens ont aussi voulu témoigner de leur époque, à l'instar d'Edith Tyrrell dans 1938, I Was There, et ont conféré ainsi plus d'imagination et de profondeur à la prose canadienne.

Fiction

Il est généralement admis que les auteurs d'autobiographies, qui ont décidé de raconter l'histoire de leur vie, peuvent choisir ce qu'ils vont rapporter et le faire sous une forme quelque peu romancée, mais qu'ils ne vont pas délibérément tromper le lecteur sur les faits essentiels. C'est pourquoi un scandale littéraire s'est produit en 1938, quand le public a appris après la mort du naturaliste et conservateur connu Grey Owl, dont l'autobiographie Pilgrims of the Wild avait été publiée en 1935 (2e édition, 1968), que ce dernier était en fait Archie Belaney, d'origine britannique. Le même émoi se manifeste quand Douglas Spettigue démasque le romancier Frederick Philip Grove, dont de grandes parties du succès autobiographique, In Search of Myself (1946), ont été classées au rang de pure fiction. Plus récemment, on a découvert que Memoirs of Montparnasse (1970 ; trad. Souvenirs de Montparnasse, 1983) de John Glassco, considéré par beaucoup comme ce qu'il y a de mieux parmi les autobiographies littéraires canadiennes, était une fiction en ce qui a trait aux circonstances de ses écrits et peut-être à bien d'autres égards.

Les hommes et femmes de lettres à part entière étant rares au Canada jusqu'à récemment, nous avons peu de comptes rendus de la vie littéraire. Mentionnons cependant les mémoires de Glassco (1970), le récit par Lovat Dickson de sa jeunesse canadienne et de sa carrière d'éditeur britannique dans The Ante-Room (1959) et The House of Words (1963), Letter to the Past (1982) de George Woodcock, où l'auteur relate son enfance en Grande-Bretagne, et Beyond the Blue Mountains (1987), où il parle de son travail au Canada. Dorothy Livesay, fille d'un magnat de la presse, raconte son enfance pendant l'entre-deux-guerres dans Beginnings: A Winnipeg Childhood (1975), et Gabrielle Roy, dans son autobiographie La détresse et l'enchantement (1984), a su raconter ce que signifie grandir dans les Prairies pour une francophone avant la Deuxième Guerre mondiale.

Fredelle Bruser Maynard, fille d'un commerçant juif en affaires dans plusieurs petites villes, décrit aussi son enfance au Manitoba dans Raisins and Almonds (1972). Elle poursuit avec l'histoire de son mariage et de sa venue à l'écriture dans The Tree of Life (1988). Pour sa part, Stan Dragland rédige son autobiographie en retraçant le souvenir de ses lectures dans Journeys Through Bookland (1984) et dans une série d'essais réunis sous le titre de A Likely Story (1995). Robert Kroetsch, quant à lui, raconte les expériences qu'il a vécues dans son enfance et sa jeunesse et qui ont influencé son écriture, puis donne la parole à un personnage fictif.

Parmi les autobiographies (de plus en plus nombreuses) les plus analytiques et les plus intéressantes qui traitent des débuts d'écrivains canadiens, mentionnons The Russian Album (1987). L'auteur, Michael Ignatieff, y relate comment son grand-père travaillait à la cour du tsar avant d'en être écarté, puis les fonctions diplomatiques de son père au Canada et la déception professionnelle qui s'en est suivie et termine par sa propre décision de vivre la vie politique différemment, par le biais de l'écriture.

Ignatieff fait partie des écrivains qui ont réfléchi aux conséquences des origines de leurs parents ou de leurs grands-parents et de l'immigration sur leur propre vie. Les moyens qu'ils ont imaginés pour traiter d'expériences très disparates sont parmi les plus innovateurs dans le genre autobiographique au Canada. Denise Chong, par exemple, allie biographie et autobiographie dans The Concubine's Children (1994), l'histoire de trois générations de Chinoises au Canada. Clark Blaise et Bharati Mukherjee ont rédigé ensemble Days and Nights in Calcutta (1977), un ouvrage se situant entre les mémoires personnels et le récit de voyages. Ce livre prend d'ailleurs tout son sens quand on le compare avec le récit de Blaise sur ses souvenirs d'enfant de souches française et anglaise, canadienne et américaine, publiés en 1982 sous forme d'essais dans The Iowa Review and Salmagundi. Mais le livre de Michael Ondaatje, Running in the Family (1982; trad. Un air de famille, 1991), dans lequel l'auteur raconte son retour au Sri Lanka et sa réappropriation des histoires de sa famille, demeure sans conteste la grande réussite parmi les écrits autobiographiques canadiens de langue anglaise parus à ce jour.

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