Définition classique
Étymologiquement, le mot écosystème dérive de deux mots grecs : oikos « lieu » et systema « système ». Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, les écologistes qui sont très conscients des relations d'interdépendance complexes entre la matière vivante et inerte baptisent le phénomène de diverses manières : biocénose, microcosme, holocénose, biosystème, géobiocénose. Toutefois, on doit à l'Américain Raymond L. Lindeman (1942) la définition communément admise du terme « écosystème » proposé par le Britannique A.G. Tansley (1935) : la transformation ou la transmutation d'une matière d'un état à l'autre grâce aux transferts d'énergie entre plusieurs niveaux trophiques. Ainsi, la chaîne alimentaire est constituée de différentes étapes par lesquelles la matière inerte (p. ex. gaz, liquide, solide) est transformée en tissus vivants par les plantes, consommées à leur tour par les animaux herbivores ou phytophages (p. ex. insectes). Au bout de cette chaîne alimentaire prédatrice se regroupent les carnivores ou zoophages, proies éventuelles d'autres carnivores.
Chaînes alimentaires
Les chaînes alimentaires varient énormément en fonction du nombre de transformateurs successifs, de leur efficacité et de leur vulnérabilité respective. À ce jour, un tel schéma connaît de très nombreuses applications, d'autant plus qu'il sert à décrire des environnements tels que les lacs, les marécages (voir marais, marégace et tourbière) et les forets. Habituellement, l'écosystème est représenté sous la forme d'un triangle ou d'une pyramide dont la base et le sommet représentent les deux extrémités de la chaîne alimentaire. Des variantes de ce modèle sont représentés dans la plupart des manuels d'écologie (voir aménagement de l'environnement) et de biologie, sans oublier les travaux de recherches innombrables qui s'en inspirent.
L'importance de la chaîne alimentaire en tant qu'indicateur de la dynamique interne d'un écosystème domine l'étude des environnements dits « naturels ». Le Programme biologique international, lancé au milieu des années 60, s'attache à la productivité aux niveaux primaire (végétaux) et secondaire (animaux) dans la nature. À ce jour, le concept même d'un écosystème n'a, aux yeux de certains écologistes et géographes, aucune légitimité lorsqu'il s'agit d'aires anthropiques.
Modèle de « flèches regroupées »
Une telle conception de l'écosystème est remise en question par de nombreux écologistes. L'élaboration de la notion d'écologie humaine, dans les années 20, par l'Américain Robert Park, fait naître une nouvelle approche selon laquelle les zones agricole, industrielle et même urbaine sont considérées comme des écosystèmes.
Dans le cadre de cette approche, le modèle de « flèches regroupées » consiste à étendre les forces de production à celles de l'investissement et du contrôle. Ainsi, tout écosystème, naturel ou autre, se définit par l'interaction de cinq facteurs.
Ressources
Les ressources sont les éléments d'un système, qu'ils soient minéraux, biologiques ou fonctionnels (p. ex. fer, troupeau, information) engagés dans le processus cyclique. Les agents sont des éléments ou des organismes pouvant animer le processus cyclique par leur capacité d'assimilation, de transformation, d'accumulation, de canalisation ou d'entraînement des ressources (p. ex. le vent, une banque à charte).
Processus
Le processus désigne le mécanisme permettant à un élément d'une ressource de se modifier de quelque façon que ce soit. Tout processus comprend un flux énergétique (p. ex. pédogenèse, photosynthèse, prédation ou spéculation boursière).
Produits
Les produits sont des objets ou des services qui résultent du traitement des ressources par les agents. Ils sont donc consommés, accumulés, perdus ou réinvestis dans le processus cyclique (p. ex. humus, amidon, viande, automobile). Un produit dérivant d'une étape peut devenir une ressource arrivée à une autre.
Niveaux trophiques
Les niveaux trophiques sont des étapes plus ou moins distinctes, stratifiées dans le temps et dans l'espace, par lesquelles les ressources se transforment d'un état à un autre (p. ex. du minéral au végétal). Chaque niveau se caractérise par des processus plus ou moins exclusifs qui lui sont associés et qui constituent le régime : (i) minérotrophie, niveau le plus bas (p. ex. désintégration, météorisation, érosion) ; (ii) phytotrophie (p. ex. photosynthèse, respiration, enracinement, dispersion) ; (iii) zootrophie (régimes phytophage ou herbivore) ; (iv) zootrophie (régime carnivore ou prédation) ; (v) investissement ou technotrophie (p. ex. barrage, labourage, construction, urbanisation) ; et le niveau le plus élevé, (vi) contrôle ou non-trophie (p. ex. zonage, planification, financement et législation).
Sur la base de ces cinq facteurs et de leur interaction se dessine une définition plus rigoureuse d'un écosystème, à savoir un milieu défini où de nombreux agents se chargent du recyclage des ressources à un ou plusieurs niveaux trophiques en suivant des processus mutuellement compatibles (simultanément ou successivement) pour créer des produits utilisables à court et à long terme.
Cette définition se prête à un nombre d'applications illimité. Pour commencer , elle permet de rendre compte du flux énergétique (ascendant ou descendant) de n'importe quel niveau trophique à l'autre et des ressources apportées par d'autres écosystèmes, des produits et déchets concomitants destinés à d'autres écosystèmes, même s'il reste encore à identifier la matière ou l'information acheminée par le flux énergétique. Par exemple, au niveau phytotrophique, le régime métabolique transforme les tissus végétaux que les insectes traiteront au niveau zootrophique.
Les écosystèmes se distinguent donc de diverses manières : la répartition des charges trophiques, l'anatomie relative et l'emplacement dans la mosaïque régionale.
Une étude des réseaux d'écosystèmes permet de mieux cerner la dynamique locale et régionale grâce à l'identification des ressources qui passent effectivement par les flèches constitutives d'un écosystème, qui s'écoulent d'un écosystème à l'autre et à tous les autres avec lesquels il entretient des relations d'échanges. Ainsi, un verger fait intervenir les fournisseurs suivants : une usine livrant des engrais au niveau I ; une pépinière expédiant des semis au niveau II ; une ruche assurant la pollinisation au niveau III ; des machines agricoles importées au niveau V ; et des organismes gouvernementaux imposant des restrictions commerciales au niveau VI. Parallèlement, les types de consommateurs du produit (pommes) au niveau II sont très nombreux, allant du marché aux résidences privées, usines de transformation de fruits, distilleries, confiseries et pâtisseries, chacune considérée comme un écosystème distinct.
Sommaire
Un paysage est une mosaïque d'écosystèmes qui sont des milieux où les éléments naturels se recyclent de différentes façons. Le flux et le reflux de ces derniers animent les interactions entre les écosystèmes dans un réseau caractéristique de tout paysage. Une analyse écologique débouchera sur des cartes traduisant l'ordre de grandeur ainsi que le poids spatial et dynamique relatifs de certaines fonctions, notamment l'apport respectif en matière de production, d'investissement et de contrôle. Comprendre la dynamique de tout écosystème est indispensable à la gestion des terres et maritime de même qu'à la productivité de l'environnement dans l'ensemble.
Voir aussi Aménagement Urbain et Régional ; Conservation et Aménagement de la Faune ; Régions Naturelles.