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École privée

Les institutions d'enseignement dont le financement provient de frais de scolarité et n'étant pas directement sous l'autorité du gouvernement, tant au niveau primaire que secondaire, existent au Canada depuis le début du peuplement par les Blancs.
Upper Canada College
Upper Canada College, \u00e0 Toronto, dans les années 1890. Le Upper Canada College demeure l'école privée la plus citée pour ce qui est de conserver les valeurs de l'élite économique et sociale canadienne (avec la permission des Biblioth\u00e8que et Archives Canada/RD353).

École privée

Les institutions d'enseignement dont le financement provient de frais de scolarité et n'étant pas directement sous l'autorité du gouvernement, tant au niveau primaire que secondaire, existent au Canada depuis le début du peuplement par les Blancs. Jusque dans les années 1830, la plupart de l'enseignement est privé. Aujourd'hui, quoique la proportion des inscriptions totales dans les écoles privées soit peu élevée (5 p. 100), l'intérêt que manifeste encore la société canadienne à leur égard explique leur importance.

Pendant les premiers siècles du peuplement, l'ÉDUCATION est encore considérée du ressort de la famille et de l'église (voir ÉDUCATION, HISTOIRE DE L'). Les ecclésiastiques locaux ou les parents apprennent à lire et à écrire à certains enfants; d'autres fréquentent des écoles, des établissements privés fondés par des particuliers audacieux; mais les autres enfants demeurent illettrés. Un petit nombre d'écoles primaires et confessionnelles existent aussi. En 1635, un COLLÈGE CLASSIQUE, ou école d'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE pour garçons, est fondé par les jésuites à Québec. En 1789, le King's College School, également réservé aux garçons, est fondé par un prêtre missionnaire anglican en Nouvelle-Écosse.

La tendance à ne plus dépendre uniquement de l'enseignement privé apparaît au début du XIXe siècle, avec la reconnaissance de plus en plus grande que tous les enfants, et non juste quelques privilégiés, devraient recevoir une certaine éducation systématique. Le gouvernement de l'Amérique du Nord britannique commence à venir en aide à certaines écoles existantes et en crée de nouvelles, principalement des écoles primaires.

L'apparition de systèmes d'enseignement public gratuits ne signifie pas pour autant la disparition de toutes les écoles privées. Selon les termes de la LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867, l'éducation devient du ressort du provincial pour que les méthodes d'enseignement officiellement reconnues avant la Confédération soient maintenues. Le Québec, l'Ontario et, par la suite, la Saskatchewan et l'Alberta admettent les écoles catholiques et les écoles protestantes non confessionnelles (sous certaines conditions) dans leur système provincial. Le Manitoba fait de même au début, mais en 1890, il défie les décisions judiciaires en appuyant la démarche des Maritimes et de la Colombie-Britannique visant à sanctionner un seul système public non confessionnel (voir ÉCOLES DU MANITOBA, QUESTION DES).

L'enseignement privé qui demeure diffère d'une province à l'autre. Toutes les écoles catholiques des Maritimes, du Manitoba après 1890, et de la Colombie-Britannique sont en réalité toujours privées. Il en est de même pour toutes les écoles, dans quelque province que ce soit, qui sont affiliées à des groupes religieux. À l'origine, seules les écoles catholiques du primaire sont admises dans le système public en Ontario. Aujourd'hui cependant, les écoles catholiques offrant un enseignement jusqu'à la 12e année font aussi partie du système. De plus, les écoles catholiques classiques, qui sont encore la principale forme d'éducation secondaire au Québec, conservent leur statut d'école privée tout en étant subventionnées par le provincial.

C'est sans surprise que les premières statistiques fédérales sur l'enseignement privé révèlent que la proportion d'élèves fréquentant les écoles privées se situe aux alentours de 10 p. 100 au Québec, varie entre 3 et 5 p. 100 dans les provinces qui excluent les écoles catholiques des systèmes publics, et entre 1 et 2 p. 100 dans les autres provinces.

Par ailleurs, en plus de continuer à remplir une fonction religieuse, l'éducation privée joue toujours un rôle dans la distinction des classes. La gratuité de l'enseignement public ne vise à l'origine que les écoles primaires, ce qui signifie que les parents désirant offrir une formation plus approfondie à leurs enfants doivent avoir les moyens de les envoyer à l'école privée ou de payer les frais de scolarité d'une école secondaire publique. L'association de l'enseignement privé au statut socio-économique est renforcée par les développements en Grande Bretagne, où pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, les classes moyenne et supérieure se montrent résolues, en grande majorité, à envoyer leurs enfants à l'école privée, qualifiant le nouveau système public de piètre alternative ne convenant qu'aux familles n'ayant pas les moyens d'envoyer leurs enfants à l'école privée.

De nombreuses écoles pour garçons et pour filles dans les Maritimes, en Ontario et au Québec, dont beaucoup sont des écoles confessionnelles anglicanes ou protestantes, commencent volontairement à s'identifier à leurs homologues britanniques et à adopter une attitude préconisant la distinction des classes. Le UPPER CANADA COLLEGE de Toronto, par exemple, décide de se faire appeler le « Eton du Canada ».

D'autres écoles basées sur le modèle britannique apparaissent aussi dans l'Est du Canada et en Colombie-Britannique. À ces endroits, la vague importante de colons de classe moyenne, qui déferle pendant les jours heureux de l'immigration canadienne précédant la Première Guerre mondiale, constitue l'élément moteur et la clientèle favorisant la création de plusieurs dizaines de nouvelles écoles souscrivant aux principes et aux méthodes de l'enseignement privé britannique. L'existence de ces écoles a d'ailleurs donné lieu à l'évaluation que fait de l'éducation privée canadienne John PORTER dans son livre The Vertical Mosaic : « l'acquisition de qualités sociales ainsi que la possibilité d'établir des bons contacts peuvent constituer des raisons valables pour les classes moyennes supérieures d'envoyer leurs enfants à l'école privée. »

Plusieurs changements importants dans l'éducation privée se produisent dans les décennies suivant la Deuxième Guerre mondiale. Une prospérité renforcée et un vent d'égalitarisme incitent les gouvernements à améliorer les systèmes publics. Certaines écoles privées trouvent difficile, voire impossible, de rivaliser avec les salaires élevés des professeurs, les programmes d'études modernisés et les installations physiques améliorées, en particulier en sciences. D'autres écoles ripostent. Les écoles privées de tradition britannique abandonnent l'auto-appellation de « privée », qui comporte une idée d'exclusivité et de profit privé, pour adopter l'appellation de « indépendante », qui évoque le caractère exclusif et sans but lucratif de l'école ainsi que son autonomie face à l'autorité gouvernementale. L'Église catholique romaine met sur pied une collecte de fonds importante pour améliorer et agrandir les écoles privées sous son autorité.

La relance de l'enseignement privé est facilitée par l'apparition d'une nouvelle dynamique. Parmi les immigrants arrivant au Canada après la guerre, les calvinistes HOLLANDAIS estiment que les systèmes publics existants ne répondent vraiment pas à leurs besoins particuliers et fondent leurs propres écoles « chrétiennes ». Regroupées dans les secteurs à concentration hollandaise en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, ces écoles chrétiennes sont caractérisées par la très grande importance donnée aux valeurs morales et aux principes religieux. Par ailleurs, le mécontentement général des années 60 et du début des années 70 entraîne une multiplication des écoles parallèles, qui donnent priorité à la spécificité de chaque enfant. Toutefois, la plupart d'entre elles ont tôt fait de disparaître ou de s'intégrer aux systèmes publics (voir ÉDUCATION NON TRADITIONNELLE). À partir des années 50, les écoles privées anciennes et nouvelles commencent à faire pression sur leur gouvernement provincial pour obtenir de l'aide financière et ainsi rivaliser de façon plus équitable avec les écoles publiques. Les pressions portent finalement leurs fruits en Alberta, au Québec, en Colombie-Britannique et au Manitoba ainsi qu'en Saskatchewan au niveau secondaire. Les écoles privées qui répondent aux normes établies en matière de qualification du personnel reçoivent une subvention annuelle puisée à même les deniers publics et proportionnelle au nombre d'étudiants. À l'opposé de ces écoles, les collèges classiques du Québec sont intégrés au système public provincial à la fin des années 60.

Le conservatisme grandissant qui marque les trois dernières décennies partout en Amérique du Nord a des répercussions sur l'enseignement privé. Les inscriptions augmentent de façon régulière. En 1970-1971, 2,5 p. 100 des enfants inscrits à l'école fréquentent l'école privée; en 1980-1981, ce chiffre passe à 4,1 p. 100 et en 1995-1996, il atteint 5,2 p. 100. Ironiquement, le financement provincial n'est peut-être pas un facteur important dans cette croissance. En effet, en Ontario, où les écoles privées ne reçoivent pas de subvention, les proportions augmentent de la même façon (de 2,1 p. 100 en 1970-1971 à 3,5 p. 100 en 1993-1994) qu'en Alberta, où les écoles privées reçoivent effectivement de l'aide financière (de 1,3 p. 100 en 1970-1971 à 3,5 p. 100 en 1993-1994). Il semble que ce soit plutôt la quête de valeurs traditionnelles, le souci de préserver les traditions ethno-culturelles et religieuses, et le désenchantement provoqué par le système public qui incitent de nombreuses familles à se tourner vers les écoles privées, autant vers celles existantes que vers celles nouvellement créées. La plupart de ces écoles sont de petite taille, les trois quarts d'entre elles accueillent moins de 200 étudiants et 70 p. 100 de leurs revenus proviennent des frais de scolarité. Un nouveau type d'école chrétienne s'est notamment développé au cours des deux dernières décennies. Il s'agit en général de petites entités indépendantes, affiliées à des églises évangéliques locales. Ces écoles prolifèrent en grande partie à cause du développement aux États-Unis de programmes d'autoformation, le plus connu étant l'Accelerated Christian Education. Les blocs de cours, à caractère hautement religieux, peuvent être achetés individuellement au moment de l'inscription.

Les écoles privées exercent et continueront d'exercer un attrait sur une minorité de Canadiens convaincus que les besoins particuliers de leurs enfants l'emportent sur les avantages découlant de l'expérience commune de socialisation que constitue l'éducation publique. Quelques écoles privées offrent des formations dans des domaines aussi spécialisés que la danse et l'enseignement correctif, et ce, à un niveau plus intensif que ce que propose en général le système public. Les défenseurs de la diversité de confession croient que l'éducation doit davantage participer des principes moraux et de la croyance religieuse, ce que ne permet pas un système public unique formant des élèves de foi et d'origines différentes. En 1993-1994, alors qu'environ 1500 écoles privées sont répertoriées partout au Canada, 50 p. 100 sont non confessionnelles, tandis que le pourcentage restant est constitué de catholiques, de calvinistes et de chrétiens évangéliques.

Dans les années 90, l'apparition du mouvement des ÉCOLES À CHARTE en Alberta et en Colombie-Britannique répond aux demandes des familles pour un programme d'études traditionnel. Les écoles à chartes sont des établissements publics directement financés et gérés par un conseil d'administration. Chaque école à charte définit le type de programme qu'elle offre et embauche directement les enseignants pour répondre aux objectifs de ce programme. Bien qu'elles soient généralement perçues comme le lien entre le système privé et public, les écoles à chartes ne sont pas des écoles privées, mais tentent plutôt d'offrir des services différents ou améliorés à l'intérieur du système d'enseignement public.

Par ailleurs, la tendance de nombreuses écoles privées, en particulier la cinquantaine d'écoles de tradition britannique, à se concentrer sur des matières classiques conçues pour permettre l'admission à l'université constitue un attrait pour de nombreux parents, y compris les immigrants nouvellement arrivés souhaitant assurer l'intégration de leurs enfants dans la société canadienne. Entre 1983-1984 et 1992-1993, l'inscription dans ces écoles a augmenté de 16 p. 100. De plus en plus, ces écoles, dont beaucoup n'étaient pas mixtes à l'origine, le deviennent au niveau secondaire.

Même le Upper Canada College, école privée la plus souvent citée comme étant celle assurant la continuité générationnelle de l'élite sociale et économique du Canada, accueille de nombreux élèves venant de familles d'immigrants arrivés au Canada après la Deuxième Guerre mondiale. De façon générale, le prestige entourant l'enseignement privé peut s'expliquer par le fait que des droits de scolarité, des examens d'admission ou une quelconque combinaison de conditions en limitent l'admission. Le désir de faire partie d'un tel système est donc renforcé par l'hypothèse que la qualité de l'enseignement offerte est supérieure à celle d'un système ouvert à tous.