Les droits de la personne sont des droits qui nous reviennent à tous en vertu de notre humanité commune. Selon leur nature, les droits de la personne peuvent être revendiqués par des individus ou des groupes. Les droits de la personne tels que nous les connaissons aujourd’hui sont un concept relativement moderne. Tous les droits de la personne sont indivisibles, interreliés et interdépendants. Aucun n’a de priorité automatique sur les autres. La réalisation des droits de la personne est une lutte constante pour les personnes qui subissent des injustices et qui demandent réparation. Les droits de la personne sont une importante partie du tissu social de la société canadienne. Les Canadiens ont également joué un rôle particulier dans l’évolution des droits de la personne sur la scène internationale.
Trois niveaux de protection des droits de la personne
Les droits de la personne sont si fondamentaux qu’ils bénéficient d’une protection spéciale à trois niveaux : en droit international; dans les constitutions nationales; et dans les lois en matière de droits de la personne
Au niveau international, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 est la pierre angulaire. Le Canada signe la Déclaration et ratifie de nombreux traités internationaux portant sur les droits de la personne. Les Nations Unies (ONU) comptent dix principaux traités relatifs aux droits de la personne. Le Canada en a ratifié sept en date de 2014.
Au niveau constitutionnel, la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») fait maintenant partie de la Loi constitutionnelle de 1982. Avant cette date, il y avait très peu de protection constitutionnelle contre l’ingérence du gouvernement dans les droits de la personne. Aujourd’hui, la Charte garantit les libertés fondamentales (liberté d’expression, de religion, d’association et de réunion pacifique); les droits démocratiques (comme la participation aux élections); les droits à la mobilité (qui protègent certains droits des citoyens et résidents permanents du Canada); les droits juridiques; les droits à l’égalité (comme l’égalité des genres); ainsi que le droit de faire valoir ces droits. Les droits linguistiques reçoivent aussi une protection constitutionnelle distincte. Au-delà de la Charte, les droits des peuples autochtones méritent des protections uniques en raison de leur histoire. Parmi ces droits, on compte les droits individuels et collectifs à la culture et aux religions traditionnelles; le droit à l’autonomie et à l’autonomie gouvernementale; et le droit de ne pas être soumis à une assimilation forcée ou au retrait forcé de leurs enfants dans le but de les intégrer à un autre groupe.
Le troisième niveau de protection se trouve dans les lois anti-discrimination. (Voir aussi Préjugés et discrimination au Canada; Racisme.) Celles-ci incluent la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui est une loi fédérale, ainsi que dix lois provinciales et trois lois territoriales en matière de droits de la personne. Ces lois protègent principalement les droits à l’égalité.
Types de droits de la personne
Les gens ont recours au langage des droits de la personne pour soutenir toutes sortes de revendications, mais ce ne sont pas toutes les revendications qui sont considérées en droit comme faisant partie des droits de la personne. Le droit à l’égalité donne aux gens une protection égale et un bénéfice de la loi. L’article 15 de la Charte sur les droits à l’égalité est entré en vigueur en 1985. Il s’applique à tous les niveaux de gouvernement au Canada.
Les libertés civiles sont associées aux libertés fondamentales et au droit à la vie privée. Elles sont normalement évoquées pour s’opposer à la violation de ces droits par l’État. Les libertés civiles sont l’équivalent des « droits civils et politiques » au niveau international. Elles peuvent être revendiquées devant les tribunaux sur une base immédiate; par exemple en demandant l’arrêt immédiat d’un traitement cruel et inhabituel en détention. Cette catégorie de droits est souvent appelée droits de « première génération ».
Les droits économiques, sociaux et culturels sont des parties fondamentales des droits de la personne. Ils sont parfois appelés droits de « deuxième génération ». Ils comprennent l’éducation, la santé, le logement et l’emploi. En général, le Canada met en œuvre ces droits par l’intermédiaire de politiques et de programmes gouvernementaux. Ils nécessitent une mise en œuvre progressive ou graduelle; ce processus reconnaît qu’il est impossible pour la plupart des gouvernements de réaliser immédiatement et pleinement ces droits pour tous. Dans la plupart des régions du Canada, la législation en matière de droits de la personne reconnaît et applique de nombreux droits économiques et sociaux; par exemple, en protégeant les droits à l’égalité dans les domaines du logement, de l’emploi et de l’éducation.
Il existe aussi une troisième génération de droits. Ceci comprend le droit au développement économique et social; le droit à la participation au patrimoine culturel; et le droit à l’équité et à la durabilité intergénérationnelles. En général, ces droits de troisième génération ne sont pas exécutoires. Mais ils représentent un ensemble de normes émergentes qui se développent rapidement.
Tous les droits de la personne sont indivisibles, interreliés et interdépendants. Aucun n’a de priorité automatique sur les autres. Cet important principe a été établi à la fin de la Guerre froide, lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme tenue à Vienne en 1993.
Les droits de la personne au Canada
Les droits de la personne, tels que nous les comprenons aujourd’hui, sont un concept relativement moderne. L’esclavage a été pratiqué dans les colonies britanniques, y compris au Canada, jusqu’à ce qu’il soit rendu illégal par la Loi de l’abolition de l’esclavage de 1833. Après la Confédération, il existe plusieurs lois discriminatoires qui découragent l’immigration des non-Blancs. (Voir Politique d’immigration au Canada; Préjugés et discrimination au Canada; Taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois au Canada; Loi de l’immigration chinoise.) La discrimination et la ségrégation de fait sont largement répandues dans plusieurs régions du Canada; ceci est particulièrement vrai pour les Chinois, les Japonais et les Canadiens noirs. (VoirSégrégation résidentielle; Ségrégation raciale des Noirs au Canada; Ségrégation raciale des Canadiens d’origine asiatique; Ségrégation raciale des Autochtones au Canada.)
Au cours des deux guerres mondiales et à différents moments dans le temps, le Canada a interné des personnes qui étaient perçues comme étant des étrangers ennemis. Parmi eux se trouvaient des Canadiens originaires d’Europe de l’Est, d’Italie, d’Allemagne et du Japon. (VoirInternement au Canada; Internement des Ukrainiens au Canada; Internement des Canadiens d’origine japonaise.)
Au début du 20e siècle, les droits des femmes et des enfants sont restreints. (Voir Femmes et loi; Affaire Murdoch.). Les femmes ne sont pas considérées comme étant des « personnes » éligibles à une nomination au Sénat. (VoirAffaire « personne ».) Les femmes n’obtiennent le droit de vote au fédéral que durant la Première Guerre mondiale. Et elles n’obtiennent le droit de vote au provincial dans toutes les provinces qu’en 1940. (Voir Droit de vote des femmes au Canada.) Au Québec, les restrictions sur la capacité juridique des femmes mariées ne sont levées qu’en 1964. Les lois empêchant le droit de vote des Autochtones sont en vigueur jusqu’après l’adoption de la Déclaration canadienne des droits, en 1960. Les femmes autochtones continuent de faire l’objet de discrimination. Les femmes qui épousent des hommes non autochtones perdent leur statut d’Indien, en vertu de la Loi sur les Indiens. D’autre part, les hommes autochtones qui épousent des femmes non autochtones conservent leur statut. Cette discrimination est contestée en vertu du droit international, mais la loi canadienne n’est modifiée qu’en 1985. (Voir aussiMcIvor Case; Les femmes et la Loi sur les Indiens.) Les peuples autochtones se voient également empêchés de déposer des plaintes relatives aux droits de la personne pour motif de discrimination en relation avec la Loi sur les Indiens jusqu’en 2011. Les questions autochtones demeurent l’une des plus graves préoccupations du Canada en matière de droits de la personne. (Voir aussiDroits des Autochtones au Canada.)
Des mesures juridiques visant à combattre la discrimination, le racisme et les discours haineux commencent à émerger dans les années 1930. Ce n’est que dans les années 1940 qu’elles deviennent plus répandues. En 1944, l’Ontario adopte la Racial Discrimination Act. Cette loi est suivie par la Déclaration des droits de la Saskatchewanen 1947. Ces deux lois reposent sur des poursuites quasi criminelles, par opposition à des revendications civiles relatives aux droits de la personne; celles-ci émergent deux décennies plus tard. Par conséquent, elles ne sont que rarement utilisées. Des lois sur l’accommodement équitable et sur les pratiques équitables en matière d’emploi sont adoptées partout au Canada dans les années 1950. Elles sont suivies par des lois sur le salaire égal pour les femmes. (VoirÉgalités des genres.)
Dans les années 1960 et 1970, les provinces et les territoires commencent à consolider ces lois en codes complets des droits de la personne. Ceux-ci sont administrés et appliqués par des commissions et des tribunaux permanents des droits de la personne. Ces lois ont un « statut quasi constitutionnel ». Ceci signifie qu’elles prévalent sur les autres types de lois. Elles s’appliquent également non seulement aux actions du gouvernement, mais aux entreprises, aux médias, aux organismes à but non lucratif, ainsi qu’aux individus, dans certaines circonstances.
Déclaration des droits au Canada
La Déclaration canadienne des droits de 1960 marque une étape importante dans l’évolution des droits de la personne au Canada. À la suite de deux pétitions soumises au Parlement par des Témoins de Jéhovah, plusieurs d’entre eux sont arrêtés au Québec durant les années 1940. Le projet de loi est défendu par le premier ministre John Diefenbaker, un ardent défenseur des Témoins de Jéhovah. La Déclaration comporte de nombreuses lacunes : par exemple, elle n’a aucune force constitutionnelle et peut être amendée par le Parlement comme toute autre loi. Elle se limite aux affaires fédérales et ne touche les provinces d’aucune façon. La Déclaration des droits n’a que peu d’impact. Mais ses lacunes démontrent l’importance d’une déclaration constitutionnelle des droits. Elle ouvre la voie à la Charte.
Développements endroit international
En 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) comme « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples […] de promouvoir le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre national et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives ». Le professeur de droit canadien John Humphrey joue un rôle instrumental dans la rédaction de la DUDH. Elle est acceptée par un vote unanime aux Nations Unies. Les six membres du bloc soviétique, ainsi que l’Arabie Saoudite et l’Union de l’Afrique du Sud s’abstiennent.
Lorsqu’arrive l’année 1966, la scène internationale a évolué de manière importante. La DUDH est complétée par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le Canada adhère aux deux pactes en 1976 avec le consentement unanime des provinces. Le Canada est aujourd’hui lié par ces deux pactes en droit international. Le Canada ratifie également le Protocole facultatif du Pacte relatif aux droits civils et politiques. Par conséquent, si le gouvernement canadien ne respecte pas ses obligations, toute personne au Canada peut désormais déposer une plainte auprès du Comité des droits de la personne des Nations Unies, qui supervise le PIDCP.
Le Canada a ratifié ou signé d’autres traités importants. Il s’est également soumis au contrôle de leurs organes conventionnels respectifs. Les traités incluent la Convention relative aux droits de l’enfant; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Chacune possède son propre comité de surveillance aux Nations Unies.
Impact sur les lois canadiennes
Le développement du droit international des droits de la personne crée des pressions pour renforcer nos lois sur les droits de la personne au Canada. Ceci mène à l’adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la constitutionnalisation de la Charte canadienne des droits et libertés.
La Charte est une déclaration des droits. Mais elle est également un compromis politique. L’article 33 de la Charte autorise tout gouvernement à adopter des lois « nonobstant la Charte ». Ceci signifie qu’un gouvernement majoritaire pourrait enfreindre la Charte en invoquant cette clause dérogatoire. De telles actions constitueraient, dans la plupart des cas, une violation manifeste du droit international. Les groupes d’intérêt public s’opposent fréquemment à de telles actions dans les sociétés démocratiques.
À la fin des années 1970, des lois sur les droits de la personne ont été adoptées au niveau fédéral et dans toutes les provinces. Les trois territoires ont également désormais leurs propres codes des droits de la personne. L’Alberta, la Saskatchewan, le Québec et le Yukon ont aussi des protections spéciales dans leurs lois sur les droits de la personne afin de protéger certains droits civils et politiques. La Charte des droits et libertés de la personne du Québec (1975) va plus loin et offre aussi la protection des droits économiques, sociaux et culturels.
Les droits de la personne en pratique
La portée et la signification des droits de la personne sont en constante évolution. Les tribunaux canadiens ont statué que la Constitution est un « arbre vivant ». Ceci signifie qu’elle peut grandir et évoluer avec le temps. Il existe plusieurs exemples importants de cette évolution continue.
Les tribunaux doivent souvent balancer les différents droits et libertés; ou ils doivent décider si les limites des droits sont justifiables dans une société libre et démocratique. Par exemple, dans l’affaire du déni de l’Holocauste R. c. Zündel, la Cour suprême du Canada a statué, en 1992, que le crime de diffuser de fausses nouvelles constituait une atteinte à la liberté d’expression et était donc inconstitutionnel. D’autre part, la Cour a jugé que les lois pénales et les lois des droits de l’homme interdisant les discours haineux contre les minorités comme les Juifs, les personnes de couleur, et les gais et lesbiennes sont des limites raisonnables à la liberté d’expression. Ces décisions ont été présentes dans les affaires Taylor (1990), Keegstra (1990) et Whatcott (2013).
De telles causes confirment le principe selon lequel il n’existe pas de hiérarchie des droits, et qu’aucun droit ni aucune catégorie de droits n’a automatiquement priorité sur tout autre type de droit.
Les domaines en évolution en matière des droits de la personne comprennent l’interaction entre les droits des Autochtones et les lois sur les droits de la personne, ainsi que la mise en œuvre du droit à l’égalité dans des domaines qui évoluent rapidement, comme ceux du statut familial et des handicaps. Le droit à l’égalité en matière d’expression de genre et d’identité de genre pour les personnes transsexuelles a été introduit dans plusieurs juridictions canadiennes. (Voir Droits des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des transgenres au Canada.)
Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, il y a une tension croissante entre les droits de l’homme et les questions de sécurité nationale. Ceci ravive les débats sur la torture, la liberté de religion, les politiques sur l’immigration et sur les réfugiés, ainsi que la surveillance nationale. Les questions de profilage racial ont également pris de l’importance. Depuis 2008, il se tient au Québec un débat particulièrement divisé sur l’accommodement des minorités religieuses et le rôle de la laïcité dans l’État. (Voir La Charte des valeurs québécoises.)
La renaissance des contestations politiques et le nombre grandissant de restrictions imposées aux organisations de la société civile à travers le monde (par exemple, les organisations non gouvernementales, les défenseurs des droits de la personne, les groupes de développement international, et les groupes environnementaux) ont ravivé les questions sur les limites raisonnables de la liberté d’association et de la liberté de réunion pacifique.
Les droits des personnes handicapées sont un autre domaine clé de développement des lois sur les droits de la personne au Canada. Le pays est en retard par rapport aux normes de la Convention sur les droits des personnes handicapées en ce qui concerne les nombreux droits fondamentaux : ceux-ci incluent l’accès aux services, au transport en commun, à l’emploi et à l’éducation. Le Canada n’a pas entièrement appliqué le Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels. Le Protocole facultatif du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels est entré en vigueur en 2010. Cependant, le Canada refuse de devenir un État partie. Par conséquent, les Canadiens ne peuvent actuellement réclamer des violations de leurs droits économiques, sociaux et culturels, à moins que les violations de ces droits ne soient discriminatoires et puissent être traitées en vertu des lois des droits de la personne.
Tous ces domaines sont importants et sont en cours de développement pour le futur. La lutte pour les droits de la personne et la nature du rôle du Canada dans le développement des droits de la personne sont une partie importante de notre héritage national. Ils font également partie de notre responsabilité nationale continuelle et partagée de respecter, de protéger et de réaliser les droits de la personne.
Voir aussiLa révolution des droits au Canada; Commission canadienne des droits de la personne; We Demand; Philosophie des droits de la personne; Musée canadien pour les droits de la personne; Justice sociale.